RMTnews International

The culture beyond borders

1

Fin de Partie (III)

image_pdfimage_print
Share Button

De nombreuses questions en suspens

Ce choix politique de fermer un symbole de la culture marseillaise unique en son genre se fait au détriment des structures culturelles les plus fragiles : nous pouvons y voir ici le signe d’un délitement de la politique culturelle (qui certes doit intégrer en son sein un volet dédié au tourisme et à l’attractivité de la ville) au profit d’une politique touristique (où la culture en devient un des éléments parmi tant d’autres, certes porteur de retombées économiques) : d’où le choix de privilégier les structures les plus reconnues et les événements-festivals-manifestations à rayonnement international. Ce phénomène a été conforté par l’année de la Capitale Européenne de la Culture dont il ne reste à ce jour que le Mucem, une Biennale du Cirque, les festivals « officiels » largement soutenus (le Festival de Marseille, le Marseille Jazz Festival…) et quelques petits ou moyens festivals survivant « bon an mal an » à la baisse drastique des subventions (le Festival Minots Marmailles et compagnie porté par le Lenche a perdu près de la moitié de ses subventions). Car depuis 2013, de nombreux petits lieux ont jeté l’éponge : citons le Carpe Diem, le Creuset des Arts, le Point de Bascule, le laboratoire du Off au panier, voire la Baleine qui dit vagues, désormais en vagabondage une ou deux fois l’an à La Criée etc… !

Cette fermeture annonce un avenir sombre pour les petits et moyens acteurs culturels, auxquels la privation de ce genre de vitrine va grandement coûter, amputant de visibilité une communication déjà difficile et chaotique, éparpillée et clairsemée. Une question fondamentale se pose: qui prendra le relais de cette vitrine et comment ? La billetterie et les vitrines vont-elles être déplacées à l’Office du Tourisme et au futur MJ1? A quelle condition les artistes pourront-ils communiquer décemment? Est-ce le Club Pernod ou l’Office du Tourisme qui prendra le relais des conférences de presse ? La billetterie sera-t-elle totalement dématérialisée ? Si oui, quid des retraits en boutique, quid des billets du dernier jour ! Que vont devenir les manifestations portées par l’Espace Culture, Averroès et compagnie ? La Biennale sera organisée par l’école d’art et de design, Averroès sera confié à une nouvelle association en accord avec France Culture et Thierry Fabre, son fondateur. Et comment va évoluer cet espace vide (propriété de la ville) sur une Canebière laissée en friche pour mieux y implanter un Hôtel de Luxe à deux pas? Un bureau municipal de proximité ou une grande enseigne ? Gageons qu’il s’agira d’une enseigne ! Et pourquoi pas le fameux Apple Store tant attendu qui devrait bientôt ouvrir ses portes?

Autre coup de grâce récemment donné par M. Estrosi, le nouveau président de Région à l’occasion de ses vœux à la presse, la vente de la Maison de la Région, trop coûteuse, et pourtant ô combien, utile aux acteurs culturels avec ses expositions, ses projections et rencontres diverses et variées! Mais rassurons-nous, Sabine Bernasconi espère bien y installer sa mairie de secteur. Comme elle nous le confiait lors des vœux à la presse de Martine Vassal, présidente du conseil général, elle « en rêve depuis longtemps » et le maire de Marseille lui a renouvelé son soutien et sa confiance pour ce projet. Cependant, il ne sert à rien de nous lamenter sur la fin regrettable et regrettée d’une structure historique dont les défauts faisaient la qualité même si une pointe de nostalgie vient caresser notre cœur chagrin. Car il est vrai que l’outil devait être modernisé et souffrait d’un vieillissement dans certaines pratiques de travail.

Ne faudrait-il pas que nous nous mobilisions pour -pourquoi pas- créer un Kiosque à Culture sur le Vieux Port et, ensemble, se réapproprier notre centre culturel historique ? Une chose est sûre, c’est que la perte physique de ce lieu va nuire à la visibilité de nombreux petits acteurs culturels : ce n’est pas une bonne nouvelle pour la Culture (car la Culture n’est rien sans la complémentarité des grands et des petits, de la culture officielle et celle plus officieuse de l’underground) si elle n’est pas compensée (avec le projet MJ1 de la ville de Marseille ?) par la création d’un autre espace ouvert à tous. Notons que le Hangar du J1 ré-ouvrira fin 2016 mais sa vocation sera multiple : entre business/maritime et culture/tourisme, il offrira un guichet unique pour obtenir des informations générales (sport, loisir, culture, tourisme, etc…), proposera des expositions permanentes et temporaires, un teaser des événements à venir, une agora pour comprendre notre territoire, ainsi qu’un espace modulable de co-working avec espace presse et show-room, et un espace détente. Quelle place pour les petites structures dans ce maelstrom aux contours bien flous ?

Que va devenir cette culture plurielle et multiple qui fait la richesse de Marseille, si les nombreux acteurs qui la font, peu à peu, se réduisent à peau de chagrin, au fil des coupes de budget et des mutualisations opérées (mariage forcé, de raison et/ou d’amour) ? Qui fermera ses portes demain ? Ou qui ne les ré-ouvrira plus ? Car la fin de l’Espace Culturel Busserine dans le 13/14 est d’ores et déjà annoncée et le comptoir Toussaint Sainte Victorine situé à la Belle de Mai (sauvé in extrémis par la Ville à l’issue d’une âpre bataille menée par les acteurs culturels du collectif) est en train de prendre l’eau, au sens propre comme au figuré ! Le GRIM et le GMEM convolent en fraîches noces et donneront naissance à une nouvelle structure, le DRIM (Département de Recherche et d’Improvisation Musicales) basé à la Friche Belle de Mai.

Une question reste ainsi en suspens : deux ans après la Capitale Culturelle, quel avenir pour la Culture à Marseille dont il s’agit du troisième budget de la ville (comme se plaît à la rappeler notre Maire) ? Calquée sur le principe du rasoir d’Ockham, la culture de l’économie mise en œuvre aujourd’hui, dont le corolaire est la mutualisation des moyens et des compétences, impacte fortement l’économie de la culture : cette dernière se découvre dépouillée des moyens de ses ambitions, alors que pour un euro investi, la culture rapporte six euro à la ville***. La fermeture de l’Espace Culture n’est-elle pas ici symptomatique du malaise d’une politique culturelle oubliant son objet premier : la Culture? DVDM

*** Argument utilisé par les acteurs politiques et économiques de MP2013 pour motiver les entreprises à investir dans la capitale européenne de la culture.

© photo Espace_Culture

Note pour les nostalgiques, un coloriage de la vitrine de l’Espace Culture est disponible sur internet http://www.fond-ecran-image.com/166249-coloriage-l-espace-culture-a-marseille-pc170023-france-marseille.php

Rmt News Int • 6 février 2016


Previous Post

Next Post

Comments

  1. Fin de Partie (II) | RMTnews International

Comments are closed.