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The culture beyond borders

La Culture dé-confinée et/ou en pleine déconfiture ?

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La Culture se dé-confine petit à petit entendons-nous ici et là. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce vocable général ? Dans sa large acceptation, la Culture, c’est ce qui fait Civilisation et participe au/du Patrimoine d’un pays : on peut y intégrer grosso modo le patrimoine historique matériel et immatériel, les arts (beaux-arts, photographies, sculpture etc….) et les lettres (auquel nous rajoutons le 9ème art, la BD), les arts du spectacle et le 7ème art souvent désignés par l’expression « divertissement » ( théâtre, danse, musique, cinéma etc…) sans oublier les arts de la bouche (la gastronomie française).  

Le cas problématique du spectacle vivant

Ici, nous allons parler plus particulièrement de spectacle vivant, de l’art théâtral, qui est bien plus qu’un simple divertissement et auquel ne se réduit point la culture. Mais avant tout, rappelons les différentes étapes du dé-confinement de la culture où les très grands rassemblements étaient et sont toujours interdits pour la plupart, annulés pour la plus grande majorité, remplacés par des manifestations réduites sur le même thème afin de pallier à l’absence totale de festivals estivaux.

Dès le 2 juin, la possibilité d’ouvrir les lieux de spectacles vivants, lieux de musique et théâtres dont les programmations avaient été annulées dès la mise en confinement du pays à la mi-mars où seules les activités essentielles étaient maintenues,  avait été évoquée par le gouvernement : une ouverture soumise à un protocole sanitaire drastique où les conditions d’accueil du public faisaient chuter la jauge à 22% de sa capacité d’origine, économiquement inenvisageable pour les lieux. Cette ouverture était de facto essentiellement limitée à d’éventuelles répétitions, les lieux ne pouvant proposer du jour au lendemain des concerts ou spectacles sortis de leur chapeau. Les cinémas, le 22 juin, rouvraient avec un assouplissement de la distanciation permettant d’accueillir le public par petits groupes d’amis ou en famille, séparés les uns des autres d’un siège, selon les nouvelles règles imposées, moins contraignantes. Pour le plus grand plaisir des cinéphiles, à grand renfort de campagnes publicitaires sur tous les supports et médias possibles, avec à l’affiche un très grand nombre de films à découvrir ! Certains musées avaient ouverts quant à eux mi-juin dans des conditions de reprise plus ou moins complexe selon la taille des lieux et l’envergure des expositions proposées, d’autres ont attendu la dernière semaine de juin pour ré-ouvrir.   

Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, n’est-ce pas Monsieur Leibniz ?

Les médias n’ont pas cessés de vanter ce retour à la vie normale de la culture mais est-ce un retour à la pratique normale des arts vivants ? Que nenni ! Les intermittents qui attendent toujours la publication du décret sur l’année blanche ne peuvent encore réellement travailler : certains ont la chance de répéter (dans des conditions souvent très ubuesques pour un art où la proximité est inhérente à sa pratique, sans parler des conditions de tournages…), d’autres de se voir proposer des dates (ou des reports de dates), mais la plupart risquent de rester longtemps sur le carreau si le public ne revient pas dans les salles de spectacle (une inconnue à ce jour) et si aucun plan d’urgence digne de ce nom n’est acté par le gouvernement (à quand des milliards pour le spectacle vivant ?) car à ce jour, aucune annonce n’a été faite concernant ce secteur particulier, porté par des structures déjà fragiles, aujourd’hui en très grandes difficultés, ces oubliées des politiques et des médias! On nous parle de musique certes, voire de danse mais sur le théâtre, pas un mot ! Il est vrai que la culture pour le gouvernement se résume à un grand divertissement : nos édiles ignorent – à dessein peut-être-  comment fonctionne l’art vivant et d’un Président -qui a pris des cours de théâtre dans sa jeunesse- on en attendait une meilleure connaissance. Hélas, hélas, hélas, on voit bien que le Théâtre et j’y intègre l’Opéra sont les dernières roues du carrosse, les plus exposés -qui plus est- à cette crise sanitaire (un jeune théâtre avignonnais « L’improvidence » vient de mettre la clé sous la porte), n’ayant d’autre essence que ce partage in situ et in vivo de la représentation donnée par des comédiens dans une réinvention quotidienne du jeu et reçue par un public, en communion immédiate avec l’œuvre, ainsi offerte à lui, à chaque fois renouvelée.

Se réinventer ? Quel camouflet lancé aux artistes !

« Artistes, réinventez-vous » nous scandent le Président, les médias et tous leurs porte-paroles : se réinventer, ou s’inventer à nouveau, se renouveler inlassablement, (s’) imaginer et (se) rêver, (se) recréer dans un constant souci de renouvellement, n’est-ce pas là  l’être (et l’essence) même du théâtre, se réinventer à chaque représentation, à chaque mise à la scène d’un texte, à chaque interprétation ? Se réinventer : un terme aujourd’hui vidé de son sens, qui ne signifie plus rien d’autre que sa propre vacuité et reflète surtout l’absence de connaissance de la culture et des arts vivants, du processus même de création. Pourtant, il est repris à toutes les sauces depuis quelques semaines et vaut pour tous les métiers tel un mantra détourné de sa raison d’être originelle : « réinventez-vous ! ». Ce mot psalmodié en boucle sonne comme une injonction, une obligation, une condition sine qua non sans laquelle nous ne serions, ni ne saurions être ! Cette injonction me rappelle le bâtonnage dans les médias qui ne cessent de reprendre en cœur les mêmes informations et les répètent à l’envi, rectifiant ci et là une virgule, une exclamation ou encore un guillemet.

Le bâtonnage désigne une activité en rien journalistique, devenue le fonds de commerce de la plupart des médias. Exit l’analyse critique, la réflexion, la mise en perspective : on copie et on colle une dépêche, on copie et on colle une info chaude etc…! Et tant pis pour les journalistes, eux qui souvent n’ont d’autre choix –il faut bien manger- que de s’y plier au risque d’être démissionnés, voire blacklistés! Ah, Quel gâchis pour une profession si belle et si noble ! Tout cela obéit à et participe d’un même principe: créer le buzz à tout prix pour faire de l’audience ou de l’audimat, multiplier les papiers sans intérêt qui ne nous apprennent strictement rien pour être en première page des moteurs de recherche, bref, avec pour conséquence terrible de dévoyer un métier et le sacrifier sur l’autel de l’économie et de la finance ! A l’image d’un tel fonctionnement médiatique, la Culture qu’on nous promet est conçue, d’une part pour abrutir le petit peuple, tel un gigantesque divertissement aliénant, d’autre part, pour flatter les élites qui vivent dans l’entre soi, tel un privilège réservé aux membres du sérail.

Et la culture bordel ?

Cette culture, moins visible, humble, populaire, vivante, fraternelle et multiple, parfois underground, celle-là on la tue à petit feu ! Or, c’est cette culture que j’espère continuer à couvrir par mes reportages, critiques et coups de cœur/ coups de gueule. Et c’est avec joie que j’assiste au refleurissement d’une partie de cette culture en ma ville ainsi qu’au regroupement de petits théâtres et d’artistes profondément touchés par la crise sanitaire… Pour un rabattage des cartes culturelles et la création d’un contre-pouvoir ? Diane Vandermolina

Rmt News Int • 25 juin 2020


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