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Impressions de Saison

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Le spectre d’un rebond éventuel de la pandémie, que ce soit pour cet Eté, cet Automne, voire cet Hiver, reste ancré dans les esprits de chacun, rôdant tout autour de nous tel un loup affamé tapis dans l’ombre, prêt à bondir sur sa proie. Le risque est là, même si de toute part la vie reprend son cours petit à petit, comme avant ou presque.

Retour de pandémie ou pas, le théâtre Toursky fait le choix d’ouvrir en toute sécurité pour la saison 20/21

 Certains théâtres ont ré-ou vert leur porte pour accueillir « physiquement » dans les conditions sanitaires les plus optimales leurs abonnés afin de leur présenter la saison à venir en plusieurs soirées avec une jauge réduite d’un bon tiers, d’autres ont préféré faire une présentation par écran interposé,  Vidéo préenregistrée, ou Facebook Live comme c’est devenu la mode en ces temps de covid19 afin d’éviter tout risque sanitaire, que ce soit pour des raisons de coût et/ou de crainte d’une défaillance dans la mise en œuvre des mesures sanitaires. Chacun, en son âme et conscience au regard de la situation, a choisi une façon de présenter leur saison que ce soit aux journalistes ou au public.

Richard Martin présente la saison du Toursky à la presse

Nous avons donc assisté « physiquement » à la présentation de saison du Théâtre Toursky, après avoir été à la conférence de presse, afin de prendre le « pouls » des mesures sanitaires mises en œuvre et j’avoue que tout a été réalisé pour rassurer le public d’abonnés et l’inciter à revenir au théâtre : gel hydro alcoolique dans chaque recoin du théâtre, masques offerts aux spectateurs dès leur arrivée, climatisation toute neuve de la grande salle dans le plus strict respect des règles de ventilation et de renouvellement d’air, distanciation des spectateurs effective dans la salle et dans l’espace restauration sur les terrasses du théâtre, avec le casse-tête que cela représente au niveau de la billetterie et de l’attribution des places : le logiciel de la billetterie n’est pas doté d’une Intelligence Artificielle qui prenne en compte la réduction de la jauge et la distanciation d’un siège entre deux groupes de réservations.

Françoise Delvalée détaille les mesures de sécurité sanitaire au public

Ces aménagements réalisés dans le respect le plus strict des mesures sanitaires – rappelons ici qu’un des salariés du Toursky, Elvis, est mort de la Covid19 au Printemps – ont un coût certes mais la direction du théâtre a souhaité tenter le coup de cette présentation afin de permettre à son public de prendre la mesure des efforts fournis et du moindre risque qu’il y a à revenir au théâtre. Ce qui a été un réel succès, chaque soirée étant présentée à guichet fermé : 280 personnes par soirée, 4 soirées du 23 au 26 juin au cours desquelles Françoise Delvalée, administratrice et directrice de communication du théâtre, précisait les mesures sanitaires prises et Richard Martin, le plan B imaginé en cas de rebond de la pandémie, à savoir un doublement des représentations en cas de jauge réduite, voire un échange de spectacle ou un remboursement selon les cas de figures. De précisions qui ont quelque peu rallongé la présentation mais qui étaient nécessaires.

Une saison placée sous le signe de la vie, de la fraternité et de la diversité

Saïdou Abatcha présente son cocktail d’humour et de contes devant un public conquis

Cette saison 2020/2021 débute (les 2 et 3 octobre) et s’achève (les 28 et 29 mai), une fois n’est pas coutume, par la très symbolique « Faites de la Fraternité », qui frappe de son sceau l’encrage du Théâtre dans son quartier et porte haut son idéal de « Liberté, Egalité, Fraternité », tel un étendard universel. Les abonnés pourront ainsi découvrir le premier spectacle de la saison gratuitement : Vive la vie par la compagnie Interface, une fresque lyrique et historique d’hier à aujourd’hui, toute en musique et en danse, autour du « progrès » le 3 octobre. En effet, le théâtre fête ses 50 ans -soit son demi-siècle- cette année et a choisi dans un élan de générosité rare d’offrir deux spectacles de la saison à ses abonnés pour partager ensemble cet anniversaire : les amoureux de la poésie pourront ainsi voir ou revoir Richard Martin sur scène accompagné de l’Orchestre Symphonique de Toulon dirigé par Vincent Beer Demander le 6 février dans La mémoire et la Mer de Léo Ferré, une de ses œuvres les plus envoûtantes. Autre enchantement : le dernier spectacle de la saison, le 29 mai, Cocktail d’Humour et de Contes, concocté par le talentueux et charismatique conteur camerounais, Saïdou Abatcha, d’origine Peul : cette création contée selon la tradition africaine du griot, sans artifice ni sujétion, est une ode humoristique et pleine de sagesse à la vie. Le conteur-humoriste nous entraine dans son univers sur les pas de ses maîtres et ancêtres au verbe libre et universel. Un petit bijou à découvrir pour le plaisir de nos oreilles.

A l’instar de la philosophie du lieu, la programmation mêle artistes (re)connus et moins connus –ce qui ne signifie pas moins talentueux. 

250ème anniversaire de Beethoven

Elle est vivifiante tant elle fait la part belle au théâtre avec plus de trente spectacles théâtraux dont 4 créations et résidences. La musique, quant à elle, n’est pas en reste : sont proposés une bonne douzaine de concerts (dont deux concerts de Jazz, les 9 octobre et 4 novembre). Notons ici l’après-midi consacrée au 250ème anniversaire de Beethoven le 13 décembre : sera proposée l’intégrale des Concertos pour piano et orchestre avec l’Orchestre de Toulon et des pianistes de renommée à l’image de Michel Bourdoncle. Ce seront près de quatre heures de musique, avis donc aux amoureux de Beethoven. Bien entendu, la danse n’est pas l’oubliée de cette saison : une grosse demi-douzaine de spectacles dont The Tree, la dernière création de Carolyn Carlson, très inspirée par l’Asie dans ses chorégraphies et thématiques, la plus asiatique des chorégraphes occidentales dirions-nous. Ce spectacle est une réflexion sur l’humanité et la nature au bord de l’effondrement et Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature en 2000, en signe la scénographie (16 janvier). Mentionnons encore Sin Permisio d’Ana Morales et José Manuel Alvarez, un spectacle de Flamenco hors norme (le 23 avril).

The Tree – Carolyn Carlson

Des têtes d’affiches et des artistes internationaux

Le Toursky, ce sont certes des spectacles parisiens accueillis avec des têtes d’affiche françaises connues du grand public : citons pêle-mêle, Christophe Alévêque avec sa revue de presse (le 13 octobre), Clémentine Célarié dans Une vie de Maupassant (7 novembre), Virginie Lemoine avec Irène Némirovsky  dans Suite Française (le 4 décembre), Christophe Malavoy et Joseph Roth dans la légende du Saint-Buveur (le 19 janvier), Thierry Lhermitte dans Fleurs de Soleil (29 et 30 janvier) ou encore Julie Depardieu dans Misia Sert, Reine de Paris (12 février), François Berléand et François Xavier Demaison dans Par le bout du nez (7 avril), Richard Berry dans Plaidoiries (13 et 14 avril), Francis Huster et Yves Le Moign’ dans Molière (le 18 mai).

Omar Porras dans Ma Colombine

Ce sont également des artistes mondialement reconnus à l’instar de Peter Brook qui présente sa toute dernière création Why ? le 6 octobre , un moment de théâtre en anglais sous-titré français qui revient sur le tragique destin de Meyerhold, grand metteur en scène russe avant-gardiste, inventeur de la méthode « biomécanique », victime des purges staliniennes au nom de son art jugé anti soviétique. Le colombien Omar Porras, multi-récompensé, est un acteur de talent, grand amateur d’improvisation,  et metteur en scène de Théâtre (et d’Opéra). Cet homme inventif s’inspire de la tradition balinaise ou encore japonaise, également des techniques « biomécaniques » pour développer un jeu d’acteur basé sur le corps, à l’image du théâtre masqué dont il maîtrise toutes les subtilités : il nous revient avec un texte écrit spécialement pour lui, par Fabrice Melquiot, inspiré de ses souvenirs d’enfance : Ma Colombine (les 22 et 23 janvier). Nous retrouverons Nawal Bulbul avec sa dernière création Egalité (les 5 et 6 février), un hommage poignant et burlesque aux prisonniers politiques par un artiste syrien à l’humour décapant.

Une pléiade de créations et de résidences artistiques

Les artistes de la région sont également à l’honneur cette année riche en découvertes.

The Marceline (le 20 novembre) est un spectacle de danse imaginé et chorégraphié par Marcos Marco, ancien danseur classique du BNM du temps de Pietragalla, reconverti à la danse contemporaine. Marco a découvert le clown espagnol, reconnu mondialement, puis tombé dans l’oubli, Marcelino Orbès dit Marceline, duquel Buster Keaton disait qu’il était le meilleur clown du monde, en lisant le livre d’un journaliste espagnol sur ce personnage étrange, artiste hors du commun qui, à chaque fois qu’il parlait de lui-même, réinventait sa vie. Il propose ici un spectacle avec cinq danseurs incarnant chacun un Marcelino, prétendant chacun être le véritable Marceline. Yvan Romeuf, quant à lui, mettra en scène La robe rouge avec Marie-Line Rossetti, un spectacle (à voir les 1 et 2 décembre) qui nous interroge sur notre hyper-connexion et notre hyper-communication (rappelons ici qu’Yvan Romeuf propose au théâtre Toursky des cours de théâtre le jeudi, vendredi et samedi).

Cinq des artistes du collectif Eclosion13 (avec de gauche à droite : Dominique Sicilia, Géraldine Baldini, Dominique Bianchi, Mélanie Lafaye et Catherine Lecoq) présentent Les jupes de ma mère.

Bouchta revient en janvier (du 12 au 23) pour 15 jours d’une reprise exceptionnelle de Sois un homme mon fils, et si vous ne l’avez pas encore vu, courez-y : c’est drôle, émouvant, juste et si humain ! Autre création, autre style, quoi que ! Le 20 avril, venez découvrir Les Jupes de ma mère (capture écran ci-contre), première création estampillée Eclosion 13, collectif de femmes artistes et techniciennes du spectacle en Région Sud PACA qui se bat pour l’égalité femmes/hommes dans le spectacle vivant. Treize artistes du collectif sur scène pour raconter toutes ces femmes artistes ou politiques, reconnues pour les unes, oubliées -voire spoliées par leur époux- pour les autres, ces femmes qui ont marqué l’Histoire (Françoise Héritier, Louise Bourgeois, Rosa Parks, Christiane Taubira, Marylin Monroe, Benoîte Groult, Joséphine Baker pour ne citer que ces quelques figures), toutes nos mères sans les luttes desquelles les droits des femmes n’auraient pu avancer. Cette création enlevée et drôle, mêlant musique et théâtre, mise en scène par Dominique Sicilia -avec entre autres artistes du collectif Catherine Lecoq, Dominique Bianchi, Géraldine Baldini- ravira les oreilles et les yeux des spectateurs. Le CALMS*, créé par Mickael Piccone, baryton, à l’issue des effondrements des immeubles de la rue d’AUBAGNE  à Marseille, présentera le 28 mai Sans frontières fixes, un spectacle mêlant danse-théâtre et musique dont les recettes seront reversées intégralement à SOS Méditerranée.  C’est une première création théâtrale du collectif des artistes lyriques œuvrant pour la solidarité, après deux ans d’existence et de concerts réguliers au profit d’associations caritatives.

Deux festivals incontournables

Eliane Zayan (à droite) présente les deux spectacles du Festi’femmes accueillis au Toursky

Bien entendu, nous pouvons disséquer l’entièreté du programme ici** mais notre présentation ne serait pas complète si nous ne parlions du Festival Russe (avec reprogrammation des spectacles annulés en mars 2019 dont les Ballets légendaires le 12 mars et le Maître et Marguerite le 30 mars) : pendant trois semaines, le public vivra à l’heure russe et chaque soirée se terminera par les fameux cabarets russes dont un cabaret exceptionnel à 20h par le Troupe de la Petite Cuillère de Saint-Pétersbourg le 24 mars. Au menu de ce rendez-vous annuel attendu par les russophiles : son cycle de cinéma (du 13 au 17 mars avec une journée gratuite dédiée aux enfants le dimanche), ses spectacles de théâtre (Prière pour les défunts, 19 et 20 mars, et Un conte d’Hiver, 26 et 27 mars) et son traditionnel concert (La grande nuit du Piano Russe le 23 mars). Présentation également imparfaite si nous ne citions l’accueil du Festi’Femmes d’Eliane Zayan, désormais une tradition avec le 9 avril, Femme Toi-même !, seul en scène d’Aurélia Decker, humoriste aujourd’hui bien connue du grand public (capture d’écran ci-dessus), et le 10 avril, les Ladies Stinguettes qu’on ne présente plus, deux soirées d’humour précédées d’un plateau découvertes préparé avec soin par Eliane Zayan herself. A vos agendas.

In fine

A l’issue de la présentation de saison dont nous vous venons de vous dévoiler les grands axes, nous rejoignons les terrasses pour y respirer une atmosphère douce et chal(h)eureuse de laquelle s’échappait, flottant délicatement dans les airs à l’ombre fraiche du bonzaï centenaire, le doux parfum d’un sentiment de joie partagée par la direction et les salariés, tous au ‘taquet’ pour satisfaire au mieux les spectateurs devenus convives et les artistes venus parler de leur création.  Un étrange moment d’un temps suspendu au cours duquel nous aurions oublié la pandémie rampante, si ce n’était la distanciation, les masques et les distributeurs de gel tout autour de nous.

En espérant que la rentrée théâtrale se fasse sous de biens meilleurs auspices, n’hésitez pas à piocher dans les programmes et surtout, venez au théâtre ! Diane Vandermolina

Infos sur les horaires et les tarifs : www.toursky.fr

* Actuellement, le CALMS propose ses Opéras Déconfinés à Aix en partenariat avec le relais des possibles, association de lutte contre les violences faites aux femmes, prélude à un grand concert solidaire en janvier à l’Opéra de Marseille.

**Des expositions accompagnent la saison ; les Universités populaires gratuites sont accessibles à tous et proposent une variété de thématiques passionnantes dont un cycle autour de Michel Foucault et le Toursky poursuit sa politique de solidarité avec l’abonnement solidaire à offrir !

Copyright photos : DVDM  sauf pour les photographies de : 250° anniversaire de Beethoven © DR8, The Tree- Carolyn Carlson © Johan MORIN, Ma Colombine © Ariane Catton Balabeau

Rmt News Int • 27 juin 2020


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