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Les réseaux sociaux ou la nouvelle inquisition des émotions au détriment de la raison

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Il suffit d’ouvrir son compte Facebook pour s’apercevoir avec tristesse du nombre incalculable de pétitions qui circulent sur les réseaux sociaux, la plupart pour un oui ou pour un non. Certaines réussissent en quelques jours à recevoir plusieurs dizaines, voire des centaines de milliers de signatures, sans pour autant que les signataires – anonymes le plus souvent – n’aient pu avoir le temps matériel de se renseigner sur la véracité des faits ou propos ayant suscité ladite pétition.

Il est bien navrant que la plupart des internautes ne prennent pas le temps de l’analyse et de la réflexion avant d’apposer leur signature en bas d’une pétition en un clic immédiat, notamment lorsqu’il s’agit de censurer un ouvrage édité à quelques petits milliers d’exemplaires. Comment peut-on signer une pétition sans avoir lu l’entièreté de l’ouvrage incriminé, sans s’être fait sa propre opinion sur l’objet lui-même, juste en voyant une page ou deux mises en exergue par l’organisateur de la pétition ?

Même si l’origine de la pétition peut partir d’un bon sentiment, que son auteur puisse avoir des raisons de vouloir mettre en garde les potentiels lecteurs de la dangerosité de l’ouvrage (encore faut-il qu’il en justifie la raison), une pétition ne doit-elle pas servir une cause louable et non l’interdiction d’un ouvrage au prétexte qu’un passage ait choqué son auteur ? Insidieusement, ce principe de la pétition ainsi dévoyé de son origine devient acte de censure face à la liberté d’expression de l’artiste ayant porté l’ouvrage à maturation.

Cela est d’autant plus insidieux que la personne incriminée se retrouve sans droit de réponse, victime d’une cabale dont l’effet de poudre sur les réseaux sociaux se répand à la vitesse de la lumière. Et voilà que l’artiste, voire même le journaliste (ce type de lynchage existe partout où la liberté d’expression s’exerce), se voit confisquer le droit de parole par la vox populi enragée, comme au temps de l’Inquisition où les hérétiques étaient brûlés sur un bucher. A la différence qu’à notre époque, l’autodafé est symbolique et la violence psychologique.

Et avec toutes ces pétitions pour interdire telle ou telle œuvre sous des prétextes « politiquement corrects » forts éloignés des véritables combats (ceux-là ne recueillent pas tant de signatures hélas), ne vivons-nous pas dans une société régressive qui interdit toute liberté à l’artiste ? Ce dernier doit-il n’être que le porte-parole d’une société bienpensante ? Si tel est le cas, nous pouvons dire adieu à tous les auteurs et artistes de notre patrimoine culturel français puisque déjà leur œuvres tendent à être expurgées de leur contenu, à l’image de la Carmen de Bizet dont le final a été réécrit, d’autres sont d’ores et déjà décriées, voire interdites d’exposition.

N’est-il pas triste de vivre dans une société où nul ne peut exprimer le fond de sa pensée sans risque de voir ses propos jugés à la va-vite, interprétés au premier degré, attaqués de toute part, souvent avec une violence inouïe, une virulence inédite, parfois sans raison valable ?  Nous assistons avec les réseaux sociaux à de trop nombreuses mises à mort symboliques d’artistes et d’individus, et quand bien même nous ne partageons pas leurs idées, débattons avec humour et intelligence au lieu de les condamner sans appels. Diane Vandermolina

Rmt News Int • 8 mars 2018


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