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« Julie telle que » : victime collatérale d’un drame familial

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Nadia Xerri-L, en collaboration artistique avec Jean-Louis Fournier, met en scène son propre ouvrage dans une pièce poignante de sincérité, où un drame familial renverse le destin d’une jeune femme, magistralement interprétée par Shams El Karoui.

Dans sa pièce, Nadia Xerri-L, auteure et metteur en scène, raconte l’histoire de Julie, jeune femme détruite et meurtrie, qui voit sa vie basculer du jour au lendemain face aux accusations portées contre son frère. Alex, ce frère qu’elle idolâtre, est présumé coupable et accusé de meurtre à la suite d’une soirée alcoolisée. Ce drame familial qui déchire et fait mal, tisse la trame de fond de cette tragédie où Julie, celle qui en sait trop, prend la fuite avec un secret bien trop lourd à porter.

Victime indirecte de ce fait divers, Julie court de place en place, Julie fuit. Elle quitte chez elle, passe par l’université (seul endroit où personne ne semble savoir pour son frère), par la gare et par Montargis pour enfin arriver en Suisse, étape ultime de sa fugue. En colère Julie s’insurge du jugement des autres, de leur indifférence aussi. Elle est en colère, elle est pressée, elle est rapide, elle est honnête, elle est peu sûre d’elle, elle a peur. Parce que c’est tout un mythe qui éclate autour d’elle. Son frère qu’elle adore, qu’elle glorifie, qu’elle idéalise, celui qui fait tourner les têtes des filles par sa beauté est accusé de meurtre et Julie en sait trop sur sa culpabilité. Elle le dit « j’ai eu peur, j’ai eu mal, j’ai eu honte », et fait face désormais aux conséquences de cette accusation.

Portée par la superbe interprétation de Shams El Karoui, la pièce est saisissante d’émotion. La comédienne incarne Julie avec une telle dévotion que l’on oublie un instant que nous sommes spectateurs. Face à un tel jeu, on se croirait interlocuteur privilégié, lié à Julie par les liens sacrés du secret. Fragile et forte à la fois, Shams El Karoui s’adresse à nous, plonge son regard dans le noir de la salle et ne nous lâche pas. Pendant près d’une heure elle porte à elle seule la pièce sans que jamais l’on s’y ennuie, sans que jamais on ne lâche prise. Son talent évident touche et percute les spectateurs qui assistent impuissant au destin tragique de son héroïne. Mais si la comédienne est l’un des piliers de la pièce, le texte tout aussi percutant attaque là où ça fait mal. Vifs, les mots décrivent avec justesse la souffrance, l’errance de son personnage. « On n’a pas de rêve chez nous », « le sourire est devenu une torture », « j’ai besoin de vide mais avec des repères ». Ces phrases que Julie prononce ne sont qu’un mince exemple des mots poignants qu’elle proférera.

Si le texte, fabuleux, et la comédienne, authentique, sont là une belle réussite pour la pièce, la mise en scène est quand à elle parfois un peu brouillonne si bien que l’on ne comprend pas toujours le parti prit de Nadia Xerri-L. Dans son décor, elle a fait le choix d’une scène sombre, où des spots et néons de lumière (rouges ou verts) disposés latéralement s’éclairent lorsqu’arrive Shams El Karoui. La comédienne tourne beaucoup, avance et recule, comme son personnage qui tout au long de la pièce est en perpétuel mouvement. Et c’est dans la pénombre que la pièce se finira tout comme le destin tragique d’une héroïne, victime malgré elle.

C’est jusqu’au 31 juillet au théâtre de la manufacture à Avignon, à voir absolument.
C.B

avignon off 2011

Rmt News Int • 28 juillet 2011


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