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Rufus est venu au Toursky, faites passer

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« J’aime raconter que les gens changent, finissent par changer. Mais, surtout, ce qui me plait dans ce métier c’est que ça fait rire les gens. Oui, parce que si c’est mon rôle sur scène, c’est aussi mon métier. En fait c’est ma vie ». Rufus c’est l’éternel talentueux second rôle du cinéma français depuis les années 70, celui que l’on surnomme le « pierrot lunaire » et qui semble effectivement constamment en équilibre sur un fil invisible. Alors que rien a priori ne le destinait à ce métier de funambule des mots. « Un jour j’ai demandé à mon père qu’est ce que je pourrais bien faire comme métier. Il m’a répondu : sois payé pour faire ce que tu aimes. J’ai bien réfléchi, et je ne trouvais pas de réponse. Je lui en ai parlé et il m’a dit : Eh bien, prends un cahier et écris tout ce que tu aimes faire. Alors, je l’ai fait et j’écrivais chaque jour ce que j’aimais faire : manger une pomme, regarder un oiseau…. Et, puis j’ai voulu lui montrer le cahier et il m’a répondu : ah non, c’est secret. » Le jeune garçon, de son vrai nom Jacques Narcy né en 1942 dans le Puy de Dôme a finalement effectué trois années de médecine avant – à la faveur d’un chagrin amoureux – de rentrer dans le monde du théâtre par la porte technique, en tant que régisseur. Avec le succès que l’on sait ensuite, tant dans le monde du cinéma, où il a travaillé avec les plus grands, que du spectacle vivant où ses interprétations de Beckett font désormais référence. Sans parler de son expression littéraire avec huit livres à son actif dont le célèbre « Rufus a un petit vélo, faites passer » ou encore « Si Dieu meurt je ne lui survivrai pas ».

Je joue devant l’huissier

« Mesdames et messieurs…, je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh, je sais ! Vous pensez : « S’il n’a rien à dire…. Il ferait mieux de se taire ! » cet extrait célèbre d’un sketch de Raymond Devos pourrait faire partie du florilège emprunté, avec la complicité de Bernard Haller, aux grands du métier (Coluche, Zouc, Pierre Palmade, Muriel Robin, Dany Boon, Alain Dupontel, Alex Metayer, Fernand Raynaud, Jean-Marie Bigard, Marc Jolivet, Jacques Villeret, Gérard Darmon, Dick Annegarm) que Rufus est venu interpréter à Marseille, après son succès du printemps dernier à la Comédie des Champs Elysées aux côtés de Annie Duperey et Sara Giraudeau pour le personnage de La Surette, le secrétaire esclave de Madame Alexandra dans Colombe de Jean Anouilh. « Ca fait quinze ans que je ne suis pas venu à Marseille » souligne le comédien. « La dernière fois c’était pour interpréter un autre spectacle, dans des circonstances un peu particulières. La veille, le producteur marseillais qui avait loué une salle m’appelle en me disant qu’il annule car toutes les affiches avaient été recouvertes, selon lui, à cause des élections et il n’avait aucune réservation…. Je lui demande de m’envoyer un télégramme de confirmation. Rien. J’en parle à mon imprésario qui me dit : il faut y aller, sinon tu seras en tort.

Je vais à Marseille, je vois le mec … qui ensuite disparait. Je téléphone à mon impresario qui me dit : appelle un huissier pour constater ce qui se passe. L’huissier arrive. Je lui demande ce que je dois faire. Je me faisais beaucoup de soucis. Je me disais : peut être qu’il va constater que je ne suis plus drôle, que le spectacle est mauvais…. Il regarde le contrat et me dit : il est écrit que vous entrez en scène à 21 h 00 et que vous en ressortez à 22 h 30. C’est ce que je dois constater. Et, j’ai joué comme ça dans une salle vide devant un huissier qui a constaté mon heure d’entrée et de sortie. Je n’ai jamais été payé pour ce contrat, mais le bénéfice que j’ai tiré de cette expérience a été immense. Je n’étais pas à l’aise sur ce spectacle qui paradoxalement s’appelait « Fastoch ». J’avais l’impression de ne pas bien le maîtriser, de mal l’interpréter. Et j’étais stressé. Mais, ce soir là, devant l’huissier, le spectacle a été d’une légèreté et d’une facilité déconcertante, car il n’y avait aucun enjeu, sinon celui de rentrer et sortir de scène à l’heure dite. Après, j’ai interprété ce spectacle et les autres avec beaucoup plus d’aisance. Souvent, avant de rentrer en scène, je me dis : je joue devant l’huissier. Il faudrait peut être un jour que je lui écrive pour le remercier ».

Geneviève CHAPDEVILLE PHILBERT

« Rufus joue les fantaisistes »
Sur une mise en scène de Philippe Adrien avec la complicité de Bernard Haller
Théâtre Toursky – Marseille – 5 et 6 novembre 2010

Rmt News Int • 6 novembre 2010


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