RMTnews International

The culture beyond borders

Ouverture des lieux culturels le 19 mai, et après ?

image_pdfimage_print
Share Button

Nous a été annoncé en grandes pompes dans la presse et les médias mainstream l’assouplissement des déplacements depuis le 3 mai avant l’allongement du couvre-feu à 21h le 19 mai puis à 23h le 9 juin et sa levée le 30 juin.

« Un dé-confinement en 4 étapes » nous a-t-on martelé avec, après la réouverture des collèges et lycées le 3 mai, la réouverture des commerces, des lieux de culture et des terrasses le 19 mai avant une réouverture des espaces intérieurs de restauration et bars, des salons, foires et grands événements le 9 juin, le tout à jauge limitée bien entendu (voir infographie).

Cette dernière sera levée au 30 juin et la tenue des événements dépendra de la situation sanitaire locale avec la création d’un pass sanitaire (certificat de vaccination et/ou test pcr négatif de moins de 48h) pour accéder aux événements regroupant plus de 1000 personnes.

Souriez, vous êtes scannés !

Le pass sanitaire était d’ors et déjà réclamé par un certain nombre d’entreprises et employeurs du spectacle vivant afin de pouvoir exercer leur métier en toute quiétude, arguant le risque d’un arrêt de la production (et d’une perte financière corolaire) le cas où une personne est contaminée par la covid. Certains souhaitent en faire une condition sine qua non d’accès aux emplois de ce secteur : l’artiste ou le technicien refusant de s’y soumettre se verra de facto interdit de travail et par là, discriminé dans son accès à l’emploi, ce qui pose question.  

L’idée d’un QR code à scanner à l’entrée des spectacles, concerts, salons ou foires accueillant plus de 1000 personnes fait déjà son chemin dans les têtes mais n’est-ce pas éthiquement un déni de liberté ? Sous couvert de protéger notre santé d’un virus mortel (rappelons que le taux de mortalité de notre amie covid est de 0,15% en France), nous imposer un pass sanitaire quel qu’il soit revient à nous priver d’une liberté fondamentale : celle de choisir. C’est également la porte ouverte à de nombreuses dérives dangereuses pour nos libertés individuelles.

Nul besoin d’être antivax pour s’interroger sur la logique qui court derrière cette volonté affichée d’imposer un vaccin ou des tests pcr à répétition dont le coût pour la sécurité sociale sera un véritable gouffre par ailleurs.  Alors bientôt une puce à scanner, implantée dans notre corps, pour nous autoriser ou non à nous déplacer, entre autres choses?

Dé-confiner la culture à quel prix ?

Ce plan de dé-confinement n’est pas en mesure de rassurer complètement ni les restaurateurs ou tenanciers de bars, ni les acteurs de la culture, tout étant conditionné au préalable à la situation sanitaire locale (limite fixée à moins de 400 contaminations pour 100 000 habitants). Certains lieux par ailleurs s’y opposent clairement pour des raisons sanitaires et économiques là où d’autres s’en réjouissent.

Il intervient à point nommé pour calmer la grogne des secteurs jugés non essentiels (commerces, restaurants, lieux de loisir et culture…), notamment celle du secteur culturel dont une partie largement médiatisée demandait la réouverture des lieux selon un protocole sanitaire défini.

C’est également une façon d’essayer de « museler » les mécontents, en ignorant -voire détournant et contournant- superbement la réalité de leur revendication, en leur disant « on vous a entendu, la culture est essentielle et blablabla ». Rappelons ici que depuis 2 mois une centaine de théâtres et scènes nationales sont occupés par les artistes et techniciens du spectacle vivant pour réclamer l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage. Cette dernière va précipiter des millions de personnes dans la pauvreté et dans une précarité sans précédent.

Sous couvert de lutter contre les emplois courts, le gouvernement creuse le fossé entre les mieux lotis en terme d’emploi -avec des missions au long cours- et ceux qui galèrent dans des métiers où l’emploi n’est jamais de très longue durée, et ce quel que soit le secteur d’activité, qui alternent périodes travaillées et périodes de chômage (vacataires, saisonniers…) : la réforme annoncée ne fait qu’accroitre les inégalités et ce, dans le calcul même de l’indemnisation chômage à laquelle un salarié en fin de contrat pourra prétendre selon qu’il a cumulé des contrats courts, voire très courts, ou des contrats plus longs pour une période donnée. Ces effets délétères, en dehors de la presse locale, rares sont les médias qui les dénoncent.

D’ailleurs, a-t-on beaucoup entendu et vu des reportages dans les grands médias sur les occupations des lieux et leurs revendications ? Une image par ci, une autre par-là, banderole de 22 mètres de long déployée à Marseille ou encore pancartes revendicatives dans d’autres villes… Rien de bien complet sur le sujet qui pourtant touche chacun de nous, le chômage telle une épée de Damoclès plane sur nos têtes en cette époque de crise sociale et économique grave.  

Ré-ouvrir, et après ?

Ré-ouvrir les lieux de culture le 19 mai risque de complexifier les occupations : ces dernières sont déjà parfois mises à mal par des directions qui bien qu’affirmant leur soutien tentent d’intimider les occupants. Ré-ouvrir la culture comme si de rien n’était, si vite après une année d’atermoiements, de stop and go, n’est-ce pas se moquer de leur lutte ? N’est-ce pas oublier l’après, la nécessaire reconstruction sociale et économique d’un secteur à genoux ?

Ré-ouvrir les lieux de culture consiste à privilégier le ici et maintenant au détriment d’une réflexion sur un avenir en commun à penser, définir, imaginer et créer pour tous, pour que les scènes labellisées deviennent véritablement des espaces ouverts à tous dont chacun peut s’emparer, qu’il soit artiste pour y jouer, spectateur pour le découvrir, voire y participer.

Ces hauts lieux de culture sont devenus avec le temps des vitrines étriquées d’une création aux antipodes du théâtre et de l’art populaires, au détriment de la création locale : se succèdent les apparatchiks du spectacle et de l’art, ceux qui font partie du sérail adoubé par les tutelles et les médias mainstream, à l’image de la future exposition sur Jeff Koons au Mucem financée par Pinault qui fait grincer des dents les jeunes artistes occupants du FRAC PACA.

Diane Vandermolina

Crédit photo : @enfourchonslemerlan

Rmt News Int • 5 mai 2021


Previous Post

Next Post