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The culture beyond borders

Bienvenida al Teatro Toursky, Margarita Zapata

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En cette année du bicentenaire de l’indépendance du Mexique et du centenaire de la révolution mexicaine, invitée au Toursky le 18 septembre 2010 – ici avec Richard Martin et Yvan Romero, consul honoraire du Mexique-, sans langue de bois ni faux semblants, la petite fille d’Emiliano, française de part sa mère, nous brosse un tableau du Mexique d’aujourd’hui, sombre mais réaliste, posant un regard empreint d’une tristesse mêlée de rage, le cœur plein de bonté pour ce peuple à la recherche de ses racines disloquées par une succession d’invasions colonialistes rétrogrades… Que reste-t-il un siècle plus tard de l’esprit de cette révolution qui avait permis à de nombreux mexicains et indigènes d’avoir un lopin de terre afin de cultiver la terre de leurs ancêtres ?

Margarita Zapata nous rappelle que cette révolution est la seconde révolution politique dans le monde après la révolution française de 1789, il s’agit aussi de la première révolution sociale en Amérique du Sud. Hélas, tout comme l’indépendance, elle n’a abouti au final qu’à remplacer la classe dirigeante par une nouvelle classe de notables, s’enrichissant sur le dos des paysans et indigènes : le gouvernement actuel qu’elle qualifie de dictature civile pousse insidieusement les pauvres mexicains à vendre leurs lopins de terre. Ces derniers contiennent souvent des richesses pétrolifères ou minières que les compagnies américaines achètent à tour de bras, faisant pression sur un gouvernement se désintéressant de la question indigène. Des milliers de mexicains migrent vers la capital, grossissant les rangs des sans travail, aussitôt récupérés par le crime organisé faute d’obtenir des moyens de subsistance légaux.

Elle nous explique ici comment après avoir vécu sous l’emprise du colonialisme espagnol et du dictat de l’église catholique, le Mexique doit aujourd’hui faire face à un néocolonialisme américain, qu’elle qualifie de pire que le précédent. Cette emprise américaine s’est accrue avec la signature du traité de libre commerce signé entre les deux pays : la loi impitoyable du marché dicte les règles du jeu au peuple mexicain. Ce dernier tente de fuir son pays pour rejoindre le rêve américain, rattrapés par les migrants venant des autres pays d’Amérique du Sud… Bloqués à la frontière mexicaine, ils augmentent la masse des pauvres, entrainant délinquance, insécurité, crime, montée des discriminations, violence et intolérance… Une peinture noire de la situation du Mexique actuel, poubelle des États Unis lorsqu’ils décident de dégraisser les gangs dans leur pays en renvoyant les bandits mexicains nés aux États Unis, faisant froid dans le dos, notamment lorsqu’elle dénonce, la voix entrecoupée par l’émotion, les emprisonnements illégitimes mais légaux de femmes enceintes ayant été victimes de fausses couches. Dix neufs États ont voté cette loi condamnant à plus de trente ans de prison toute femme ayant subi un avortement naturel : 7 condamnations récemment. Cet exemple est caractéristique du retour en force de la droite traditionnaliste et de la toute puissance de l’Église catholique sur le gouvernement mexicain : seul le maire de Mexico résiste à cette emprise, votant une loi autorisant le mariage homosexuel. Mais pour combien de temps ? Pouvons-nous nous demander…

Elle renouvelle néanmoins toute sa confiance dans ce peuple en quête de lui-même et de ses racines, car dans l’esprit des mexicains, ‘Zapata continue de chevaucher son cheval’. Et c’est pour cela qu’il est fondamental de commémorer aujourd’hui plus qu’hier la mémoire de ces héros qui ont lutté pour plus d’égalité et de droit. La mémoire d’un pays qui n’a jamais rompu les relations diplomatiques avec Cuba même au temps de blocus américain, pays qui ne s’est jamais compromis avec le gouvernement franquiste, pays de refuge pour des milliers de résistants au franquisme. Il est primordial en ces temps d’individualisme exacerbé d’essayer de trouver via l’éducation un moyen de renouer avec ces valeurs originelles qui font la beauté de l’âme mexicaine, généreuse et altruiste. Car cette perte de valeurs liée au phénomène de la mondialisation, omniprésence du pouvoir de l’argent et des mass medias, est une situation commune à tous les pays du monde.

Margarita Zapata termine son allocution par ces quelques vers de Popol Vuh, vieux de plusieurs siècles:
‘Ils ont arraché nos fruits
Ils ont coupé nos branches
Ils ont brulé nos troncs
Mais ils n’ont pas détruit nos racines’

Un message de paix et d’espoir qu’elle nous transmet humblement, avec amour et honnêteté envers son grand père dont de nombreuses personnes se revendiquent comme le commandant Marcos ou le mouvement zapatiste aujourd’hui, sans pour autant pratiquer véritablement la lutte entamée (notamment sur la question indigène) par Zapata dont le nom est inscrit en lettres d’or sur le fronton du Congrès. Mais le nom de Zapata n’est il pas devenu un objet de merchandising, un outil marketing, un nom qui fait vendre ? Merci pour cette intervention généreuse, émouvante, belle et juste qui par bonheur remet l’histoire dans son contexte afin de mieux panser les blessures présentes et réfléchir à un avenir meilleur pour le Mexique.

DVDM

Rmt News Int • 18 septembre 2010


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