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The culture beyond borders

La culture en clair obscur dans les mairies d’extrême droite à Marseille et à Orange…

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Une éclaircie porteuse d’espoir pour l’Espace culturel busserine ?

Il semblerait qu’une légère embellie voit le jour actuellement en ce qui est du sort de l’Espace Culturel Busserine:  le maire de secteur, M. Ravier, ayant -suite à la forte mobilisation des acteurs culturels, sociaux, usagers et habitants du 13/14-, reconsidéré ses positions.

En effet, a été évoqué ces derniers jours un retour progressif du personnel dans les lieux dont la fermeture a causé en début d’année un émoi profond dans le quartier. Le choc d’une fermeture jugée prématurée (les travaux de remise aux normes ne devant avoir lieu que fin 2017) avait abouti à la création d’un collectif : ce dernier a par ailleurs rassemblé plusieurs milliers de signatures et soutiens en ligne et plusieurs centaines de personnes (artistes, politiques, syndicats et usagers) ont fait le déplacement lors d’un rassemblement le 22 février au centre social Agora, jour où le personnel de l’ECB devait déménager en mairie de secteur. Ce retour à l’ECB de son personnel inaugurerait la reprise d’une programmation mais à quelle condition ? Rien n’ayant été officiellement confirmé, il est prudent d’attendre la fin du mois puisqu’une AG se tiendra au centre social Agora le 30 mars, jour des délibérations du conseil municipal de la Mairie de secteur au cours desquelles seront mises en délibéré les modalités d’organisation de la programmation culturelle du lieu, auparavant gérée en interne par l’équipe de l’ECB dirigée par Patrick Loir.

Rien n’est encore joué pour l’avenir de l’ECB qui oeuvre, depuis 30 ans, à offrir un accès à la culture à tous et pour tous, ouvrant son espace et soutenant les jeunes compagnies et artistes!

 

Une ombre planant sur l’avenir des Chorégies d’Orange avec la démission choc de R. Duffaut, fidèle à ses principes

Par contre, en ce qui est des Chorégies d’Orange, il semblerait que de sombres jours se profilent….

La manifestation, créée originellement en 1869 et sous sa forme actuelle en 1971, était dirigée depuis 1981 par Raymond Duffaut et n’a cessé de connaître un succès public et critique mérité! La venue d’une Mairie d’extrême droite (ligue du Sud) avait déjà failli bouleverser l’avenir de ce festival emblématique en PACA, le maire, M. Bompard voulant que la présidence de l’association soit confiée à un élu de la mairie : en 1995, il s’ était par ailleurs présenté à sa présidence, sans succès ! Hélas, vingt ans après, ce souhait se réalise puisque, suite à la démission du président Thierry Mariani en désaccord sur le choix du successeur de R. Duffaut, Marie-Thérèse Galmard, adjointe à la vie sociale à la mairie d’Orange, est devenue présidente par intérim de l’association (et pour la mairie, présidente de droit jusqu’au renouvellement du bureau, selon nos sources)! Cet état de fait – lié à un conflit d’interprétation des statuts de l’association (prévoyant en cas d’empêchement, le remplacement temporaire du président par un élu de la municipalité) a amené Raymond Duffaut, le directeur des Chorégies d’Orange, à adresser sa démission.

Nous publions ci-dessous son courrier dans son entièreté afin que chacun puisse se faire son opinion sur la gravité de la situation.

DVDM

 

Villeneuve-lès-Avignon, le 11 mars 2016

REMISE EN MAIN

Madame la Présidente ad interim,

Depuis l’année 1981, où m’a été confiée la direction générale de l’association des Chorégies d’Orange par le Conseil d’Administration de celles-ci. J’ai travaillé dans un excellent climat de confiance avec les différents Présidents qui se sont succédés, de Max Ferri à Thierry Mariani, en passant par Alain Chaléac, Olga Hermitte et Alain Labbé ; mais aussi avec l’ensemble du Conseil d’Administration qui a toujours validé, sans discontinuité, mes propositions artistiques et financières, les budgets ayant toujours été tenus avec la plus extrême rigueur.

Ainsi, ai-je pu conforter au fil des années la qualité artistique qu’avait déjà su conférer à la manifestation mes prédécesseurs, Jacques Bourgeois et Jean Darnel ; créer d’importants projets de médiation culturelle à l’endroit des jeunes (du primaire au lycée), des personnes empêchées ou en situation d’exclusion sociale ; noué de nouveaux contacts avec l’audio-visuel, ce qui nous permet d’avoir en ce prochain été 2016 quatre retransmissions – dont trois en direct et une en prime time – sur les antennes de France Télévisions pour une audience attendue de quelque 4 millions de téléspectateurs.

Ainsi, sur le plan financier, a-t-on vu grimper le taux d’autofinancement de la manifestation de 55% en 1985 à 87% en 2015 – record absolu dans le domaine de l’opéra -, grâce à une augmentation considérable des recettes billetterie – 4 400 000 € en 2015, un record là encore -, grâce à une augmentation significative du mécénat – qui reste encore à développer en dépit d’un contexte économique contraint – , mais aussi en raison d’une stagnation inquiétante des subventions publiques – à l’exception d’un re-subventionnement exceptionnel de 100 000 € en 2014 à l’initiative du Préfet Blanc -, notamment de la part de la ville d’Orange, dont la subvention annuelle, d’une part n’a pas été revalorisée depuis 20 ans, d’autre part n’a pas été versée à l’association à trois reprises depuis 1995, ce qui représente une perte de quelque 456 000 €, une seule fois compensée par l’Etat.

C’est dans ce contexte que j’avais présenté en Conseil d’Administration, en novembre 2013, une note sur la structure financière même de l’association, son extraordinaire fragilité, et la nécessité qu’il y aurait d’envisager sur une période triennale ou quinquennale un refinancement public si on voulait lui conserver son modèle économique, qui, toutefois, ne présente guère d’alternative. Il faut en effet savoir qu’en deçà d’un taux d’autofinancement à 80%, les résultats financiers s’enfoncent dans une spirale déficitaire !…

Seul, ce climat de confiance, que j’évoquais en début de courrier, permet d’assurer le fonctionnement d’une association extrêmement paradoxale dans ses équilibres. Et l’une des premières mesures qui a été prise par vous a été de me retirer la délégation de signature que j’ai toujours détenue des présidents successifs et qui me semble être l’une des attributions normales d’un directeur dans le fonctionnement courant d’une association ! (c’est évidemment le cas à Aix ou à Avignon) ; cette mesure étant à l’évidence une « preuve de défiance »…

Au-delà de ces questions d’ordre général, interviennent des aspects d’ordre évidemment plus personnel, tenant à des problèmes d’éthique.

Ainsi, en juin 1995 – les élections municipales avaient été alors retardées de 3 mois-, le nouveau maire d’Orange, Monsieur Jacques Bompard, était venu me rencontrer à mon bureau des Chorégies pour sonder ce que pourrait être ma position au regard de l’arrivée de la nouvelle municipalité, alors que les répétitions de la première production de l’été 1995 (Aida) avaient déjà commencé. Je lui avais alors indiqué « qu’il était de mon devoir, tant vis-à-vis du public que de l’ensemble des personnels concernés et d’une édition déjà engagée, de la conduire jusqu’à son terme, mais qu’en revanche, s’il arrivait que la présidence de l’association revînt au maire de la Ville ou à l’un de ses adjoints, il s’ensuivrait ma démission immédiate, car les valeurs que je portais ne pouvaient me permettre de continuer à travailler dans un tel nouveau contexte ».

Vingt années sont passées, mais ma position n’a pas changé, et c’est en ce sens que je vous présente ma démission de la direction générale des Chorégies d’Orange, décision que je prends avec un immense regret, lorsqu’on sait l’engagement et la passion qui ont été et sont toujours les miens pour ce Festival, mais qui me permet d’être en parfaite cohérence avec moi-même.

Pensant à cet instant même à un homme qui m’a toujours inspiré, qui fut un grand humaniste, et qui, social-démocrate, fut un homme de rassemblement et de dialogue. J’ai le sentiment, à cet instant précis, qu’il n’aurait pu imaginer que je prisse une autre décision.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente ad interim, en l’expression de mes sentiments distingués.

Raymond Duffaut,

 

 

Rmt News Int • 12 mars 2016


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