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Petit boulot pour vieux clown de Matéi Visniec au Toursky

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Jusqu’au 29 janvier 2022, le théâtre Toursky présente sa dernière création maison : Petit boulot pour vieux clown de Matéi Visniec, ultime pièce du dramaturge roumain écrite dans sa langue natale en 1986 comme « un baisser de rideau sur une culture, un monde » (Pierre Forest). Sur fond de retrouvailles chaotiques à la « je t’aime, moi non plus » de trois vieux amis clowns, nous est dépeint la fin d’un monde, d’une culture mais pas de l’humanité : « cette dernière n’a besoin que d’amour » tempère Richard Martin.

Une écriture de l’absurde profondément théâtrale

Connu pour son grinçant Du pain plein les poches, l’auteur questionne dans ses pièces les relations de l’individu avec le pouvoir, dénonçant les régimes totalitaires et la complicité des régimes démocratiques. Profondément marqué et censuré par le régime de Nicolae Ceausescu, il s’exile en France en 1987 : depuis il a traduit un grand nombre de ses pièces et écrit de nombreuses œuvres dans la langue de Molière.

Contrairement à Musset dont les œuvres théâtrales étaient conçues pour être lues dans un fauteuil, les écrits de théâtre de Visniec sont expressément faits pour être interprétés par des acteurs en chair et en os : il use d’un style direct et précis où chaque mot est choisi soigneusement, sans fioritures inutiles à l’instar d’un diamant brut, maniant l’absurde avec sagacité.

« Au plateau, il prend tout son sens et se révèle dans toute sa richesse et complexité : c’est un texte difficile à apprendre mais quel plaisir pour le spectateur à l’entendre » précise Pierre Forest, grand amateur et fin connaisseur de Rock, admiratif de cette écriture de « théâtre pour le théâtre ».

Des retrouvailles inattendues entre trois vieux clowns en fin de carrière

Trois vieux clowns aux costumes élimés, FILIPPO, NICOLLO et PEPINNO, corps rabougris et visages burinés par le poids des ans, sont en recherche d’un dernier emploi. Par le passé, ils formaient un trio dans un cirque avant que la vie ne les sépare, chacun roulant sa bosse de son côté, cahin-caha. Ils se retrouvent plusieurs dizaines d’années après dans la salle d’attente d’un music-hall à postuler pour un même petit boulot.  Lequel des trois décrochera le fameux contrat ? Entre joie des retrouvailles et compétition pour savoir lequel est le plus apte à remporter l’audition, la bataille s’annonce rude entre les trois anciens collègues dont la carrière n’a jamais décollé au firmament.

Ici, est abordée en filigrane la question de la réussite artistique, en particulier celle des artistes pourtant talentueux qui ne font pas carrière : « c’est épouvantable d’être extrait comme ça du manège de ce métier » explique Virginie Lemoine, metteur en scène de la pièce, profondément touchée par cette réalité des faits qu’elle observe au quotidien. « Il existe beaucoup d’artistes extraordinaires qui végètent et ça nous fait réfléchir sur le métier et la société. La réussite repose sur deux règles précises et que tout le monde ignore » ironise-t-elle.

crédit photo Jean Barak

Etre ou ne pas être clown ?

Entre Tchekhov, Beckett, Ionesco et Fellini en passant par Shakespeare, cette tragi-comédie féroce et jubilatoire, humaine, si humaine !, nous interroge sur notre humanité : nos trahisons, nos lâchetés, nos petits arrangements avec la morale, nos élans amoureux, nos désirs insatisfaits, notre besoin de reconnaissance, nos illusions perdues, notre insignifiance, nos combats dérisoires et pourtant nécessaires à l’image de ceux de Don Quichotte de la Mancha. « Se battre pour des moulins à vent est important : c’est un combat de l’imaginaire » abonde Pierre Forest.

Tout l’intérêt de cette pièce réside dans le choix du clown « à la fois pathétique et joyeux », « cruel et féroce », « monstrueux et beau » : miroir grossissant de nos petits travers et mesquineries, « il réveille nos consciences et représente la société»  précise Richard Martin. Il permet de dénoncer la pantomime sociale à laquelle nous participons, pointant avec lucidité l’interchangeabilité des individus dans leurs rôles sociaux, les jeux d’alliance auxquels la compétition nous pousse, ainsi que la cruauté du monde extérieur, tout en nous faisant rire.

 On se rit du clown, de sa maladresse ridicule, du comique de situation qu’elle engendre et de la chute toujours inattendue, ici, l’arrivée d’un quatrième larron qui rebat les cartes. Ainsi « Si tout se finit, viens » dit Filippo avant le Baisser de rideau.

 « Une pièce pour jeunes jouée par des vieux »

Selon Alice Faure, assistante à la mise en scène, « cette pièce peut être vue autant par les enfants que par les adultes : les clowns sont de grands enfants et les enfants peuvent comprendre des choses que nous adultes ne comprenons pas et vice-versa » déclare-t-elle.

Cette comédie grinçante à plusieurs niveaux de lecture et compréhension offre ainsi des rôles taillés sur mesure à trois grands comédiens : Serge Barbuscia, Richard Martin et Pierre Forest.

Chose rare pour le souligner, le théâtre propose une série de 15 représentations pour la découvrir et assurément, le texte n’a pris aucune ride en l’espace de trente ans. Une pièce qui tombe à pic à notre époque. A vos agendas.  Diane Vandermolina

Informations pratiques :

Mise en scène par Virginie Lemoine assistée d’Alice Faure avec Serge Barbuscia, Richard Matin et Pierre Forest (Molière 2019), présentée du mardi 7 au samedi 29 janvier à 21h/les mercredis 19h – Relâche les jeudis.

Durée : 1h20/ Lieu : Salle Léo Ferré- Théâtre Toursky, 16 promenade Léo Ferré 13003 Marseille

/Tarifs : 16 à 26€/En tournée au théâtre du Balcon du 19 au 27 février et pendant le festival Avignon off 2022.

https://www.toursky.fr/spectacle/petit-boulot-pour-vieux-clown/

Réservations : billetterie.toursky.fr  / billetterie@toursky.fr / 0491025454

En Une: petit boulot pour vieux clown, crédit photo Jean Barak

Rmt News Int • 7 janvier 2022


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