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Noémi Boutin et le Quatuor Béla : nouveau disque

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D’Adamo Sur vestiges,

Schubert : Quintette en ut majeur, D. 956

Un CD NoMadMusic. 

 

Voici un disque séduisant et dérangeant.

Séduisant, car il a à son programme le bouleversant Quintette en ut majeur, D. 956, immense quintette à cordes composé par Schubert durant l’été 1828, deux mois avant sa mort : il ne l’entendit jamais exécuter. Dérangeant car, pour y arriver, il faut se laisser immerger, submerger, emporter par Sur vestiges, que le quatuor Béla, ces quatre garçons dans le vent, ont commandé au compositeur contemporain franco-argentin Daniel d’Adamo, né en 1966 : un autre quintette pour permettre d’adjoindre à leur formation, deux violons, alto et violoncelle, le violoncelle de Noémi Boutin. Inversant la chronologie, cette œuvre puissante devient en sorte un douloureux prélude d’aujourd’hui à cette musique d’hier et de toujours. Cela faisait partie d’un concert spectacle que nous n’avons pu voir, malheureusement. Mais l’impression en est forte à la seule audition, sa finalité après tout. Nous n’en pouvons exprimer les sensations, fortes, en sons plus qu’en sens.

Sur vestiges

De quel monde d’effroi enfoui émergent ces vestiges ? Frissons, frémissements, froissements, frôlements feutrés, feulements de fantômes : c’est une confuse effusion affolée de cordes et jamais cordes frottées ne méritèrent mieux leur nom. Pincements, trilles, trémolos qui font trembler, sombres grondements, glissandi glauques, angoissants, aveuglés, soudain de tutti lumineux finissant dans le fugato, la fuite effrénée, éperdue, d’un univers de ruines qui débouchera sur la lumière diaprée de Schubert. Troublants et palpitants Vestiges de Daniel D’Adamo :

Quintette en ut majeur

Comme après un cauchemar ou la marche angoissée dans une étouffante forêt touffue on débouche sur une lumineuse clairière, le quintette de Schubert. Cordes cordiales, cordes sensibles, accordées plein cœur, touchant le nôtre par le quatuor Béla et Noémi Boutin. Ce léger motif caressant du premier mouvement semble fuir sur les ailes du rêve ; il en émane un allegro joyeux mais que le ma non troppo, ‘mais pas trop’, teinte, modère de mélancolie, avant la course fiévreuse de présages d’orages et le retour déchirant du motif.

Le second mouvement, c’est l’adagio, un lent, un impondérable rideau de soie s’ouvrant, émergeant du silence ou des songes, ponctué des pizzicati du second violoncelle comme des pas menus sur la pointe des pieds, une indécise brume flottante, impalpable musique venue d’un ailleurs très lointain, on en retient sa respiration comme on retient un rêve évanescent qu’un souffle pourrait évanouir.

Les troisième et quatrième mouvements, seront comme un réveil joyeux où Schubert, souriant dans la détresse, semble vouloir effacer d’un revers de corde l’indéfinissable nostalgie, la mélancolie du précédent mouvement, et nos jeunes interprètes s’en donnent à cœur joie, pour la nôtre.

Une création, sollicitée, et une recréation ancienne par l’ardeur juvénile mise à s’attaquer à l’œuvre déjà automnale d’un génie toujours jeune : un programme qui nous comble.

Benito Pelegrín

 

Noémi Boutin et le Quatuor Béla, D’Adamo Sur vestiges, Schubert : Quintette en ut majeur, D. 956, un CD NoMadMusic

 

Rmt News Int • 18 décembre 2019


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