Des Marseillais en Avignon

Qu’en est –il de nos amis marseillais qui font le off d’Avignon? Parmi les centaines de compagnies venues de toute la France, voire du monde entier, la concurrence est rude. Cette année parmi plus de 1100 spectacles, nous voila face à une recrudescence de textes classiques… de grands noms pour mieux attirer le chaland. Difficile alors pour les artistes aux créations originales de se faire une place au soleil…

En effet, si vous souhaitez découvrir quelques artistes marseillais, venez donc voir ‘Godot est arrivé’, à la tache d’encre à 16h, comédie sur les SDF, traitée avec humour et bonne humeur, tordant le coup aux clichés sur les clochards….Le texte dévoile la solidarité qui unit deux clodos, Marc Aurèle, anciennement pilote de ligne, descendant du fameux empereur philosophe, et Gamelle, pauvre ère ayant tendance à se transformer en chien. Une belle histoire entre deux solitudes qui se rencontrent et poursuivent leur bout de chemin ensemble. Une histoire d’amitié indéfectible, que même l’amour ne pourra ébranler… L’arrivée de Germaine, une clocharde au grand cœur, dont tombe amoureux le savant Marco, ne fait que renforcer les liens entre les personnages, tous s’étant trouvé auprès des deux autres une famille. Mise en scène par Charles Ribard en toute simplicité et avec efficacité, cette comédie bien ficelée est portée par trois comédiens talentueux – dont l’auteur, Patrick Ruggirello qui nous étonne de sa prestation. Dans le rôle de Gamelle, Patrick Coppolani – plus habitué aux one-man qu’au théâtre, et dans le rôle de Germaine, Annie Coudène : tous deux sont très justes dans leur personnage respectif et nous font bien rire de leurs facéties. Dynamiques, les comédiens sont à l’écoute les uns des autres. Il est remarquable de noter qu’aucun d’eux ne tire la couverture à soi, chose fort agréable. Au final, pendant prés d’une heure et demie, le public ne s’ennuie guère et se divertit tout en s’instruisant.

Puis, selon les mouvements de votre cœur, vous avez le choix a 19h, entre ‘Cœur@prendre’ de et avec Edmonde Franchi, aux Lucioles, et ‘Papiers timbrés’ de et avec Stéphane Lefranc au théâtre de l’isle 80. Deux univers différemment poétiques et sensibles. Le premier raconte l’histoire de Marguerite, une grosse femme en quête d’amour, surfant sur la vague des rencontres via internet ; le second est plutôt une fantaisie marrionnétique autour de souvenirs d’enfance… Edmonde Franchi, auteur à la langue savoureuse, empreinte d’expressions délicieuses et d’une finesse éblouissante, au parler vrai, nous régale de son solo attendrissant et émouvant : un cœur en or se cache derrière ce personnage drôle et touchant, un brin naïf, au passé douloureux et à la franchise surprenante. Un vrai moment d’émotion et de bonheur à découvrir jusqu’au 28 juillet avec une femme formidable. Stéphane Lefranc, quant à lui, nous émeut avec son amour des papiers… papier glacé, papier kraft, papiers chiffon, papiers carton, papiers timbrés…Il nous découvre un pan de l’histoire des papiers, de ses papiers, jouant avec eux comme s’il s’agissait de personnages vivants, les transformant en marionnettes miniatures ou géantes, se racontant et nous racontant des histoires, vraies ou imaginées, récit d’écolier ou de conférencier avisé. Avec dextérité et humour, il devient tour à tour cet enfant de son passé ou homme d’âge mur obsédé par sa passion, le tout dans un tourbillon de papiers de toute sorte… Le final avec les cerfs volant et le petit bonhomme de papier est magnifique. Une création toute en finesse qui ne pourra que ravir les amoureux du papier. Une prestation d’acteur de belle tenue.

Pour finir, après un repas bien mérité, un petit détour vers l’Attila théâtre, nouveau lieu avignonnais ouvert l’an passé. La particularité de ce lieu, restaurant de viandes grillées bien connu de tous, ouvert toute l’année sur Avignon, est d’essayer de pratiquer des prix honnêtes auprès des compagnies sollicitant un créneau. Il est bon de savoir qu’en général, le prix d’un créneau s’approche plus des 10000euro que des 5000euros… Sans compter la location d’un logement – environ 2000 euros… Sachant cela, vous vous imaginez bien qu’hormis certaines compagnies, rares sont les élues qui rentabilisent leur investissement. C’est pourquoi nous avons choisi de mettre en avant le spectacle de Pauline Smile, ‘Star mode d’emploi.’ Bien que la mise en scène souffre de petites longueurs, liées aux changements de costumes de la comédienne pour l’essentiel, il est agréable de voir un seul en scène – et non un one-woman show- à l’écriture soignée. Ironique, grinçant, voire cynique, le texte démonte les dessous du showbiz avec ce récit piquant d’une comédienne désirant devenir star à tout prix. Sa triste enfance l’a poussée à tuer sa mère. Veuve avant son mariage avec le plus en vue des producteurs de porno, elle se raconte au public sans faux semblants ni fausse pudeur, avec beaucoup d’humour et parfois une certaine tendresse. Et même si le thème peut paraitre éculé aux yeux de certains, il est des passages jouissifs et imaginatifs, créatifs. La comédienne excelle à interpréter les personnages les plus loufoques et improbables – dont la grand-mère hyperactive ou la petite fille psychopathe. Et bien qu’elle ait parfois un peu de mal à ne pas se cacher derrière un masque ou un postiche, elle fait ici montre d’un talent certain. A découvrir en dépit de l’heure tardive, 22h30. DVDM