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The culture beyond borders

Le Théâtre qui fait tâche …. Quelle drôle d’expression !

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Derrière ce nouveau vocable en vogue dans les milieux théâtraux participant de l’élite, sont désignés les spectacles d’humour, one (wo)man show, café-théâtre, théâtre de boulevard, comédies …  en bref, tous les genres de théâtre où le rire est le moteur du spectacle. Il est opposé bien entendu au théâtre de bon goût, le théâtre sérieux, celui que nous retrouvons dans les lieux où l’élite se bouscule.

Une opposition derrière laquelle se cache l’opposition récurrente entre petits lieux (qui accueillent majoritairement  le théâtre qui fait tâche) et grands lieux (bien entendu dédiés au Théâtre avec ses lettres de noblesse et artistes recommandés). Cette opposition remonte à la nuit des temps et perdure encore, notamment dans les têtes des élites qu’elles soient parisiennes ou régionales.

Nous oublions que le café-théâtre est né pour offrir une alternative au théâtre d’Etat qui portait la bonne parole : sa forme ludique et drôle dans l’esprit du théâtre populaire permettait de sensibiliser le peuple aux questions de société et avait pour objectif d’éveiller les consciences en critiquant le régime en place ! Mais que nenni !

Les institutions et tutelles relevant du Ministère de la Culture considèrent ces artistes du théâtre qui fait tâche comme des artisans proposant des spectacles bas de gamme : ils ne valent même pas un regard fut-il bienveillant, au contraire ils ne méritent qu’un regard condescendant teinté d’aversion pour leur travail si ce n’est un mépris hautain. 

La plupart des journalistes ne daignent par ailleurs que très rarement pousser la porte de ces petits lieux, souvent très peu subventionnés voire pas du tout, pour assister aux créations d’artistes inconnus qui tous ne relèvent pas forcément du théâtre qui fait tâche mais qui ne font également l’objet d’aucune considération.  Et cela vaut pour le théâtre d’éducation populaire, dénigré en ce qu’il relève de la politique de la ville et non de la culture,  voire le théâtre amateur encore méconsidéré malgré quelques avancées dues aux effets de mode…  !

Cette opposition forte, très franco-française, entre le haut du panier, les premiers de cordée, et le bas du panier, les tâcherons, les élus et les autres, est tellement inscrite dans les esprits que nul ne s’en offusque ou que très rarement ! Or cette opposition humour/sérieux et professionnel/amateur n’a pas forcément lieu dans tous les pays du monde. Au contraire ! N’oublions pas que la France est le seul pays à offrir aux artistes un statut lui permettant de vivre de son art grâce au régime de l’intermittence même s’il a été largement entamé ces dernières années.

Et en France, réputé pays de l’Egalité, de la Fraternité et de la Liberté, les verrous maintenant les passerelles fermées entre ces catégories qu’on oppose n’ont toujours pas sauté  en dépit des beaux discours d’ouverture de nos élites qui disent « nous sommes ouverts à tous et à toutes les propositions », sous-entendues du moment qu’ils fassent partis des nôtres. Endogamie oblige !

Pour fréquenter tous les lieux et voir tous genres de spectacles – et ce même si l’humour n’est pas mon genre préféré, mon cœur penche vers le jeune public – je ne peux que constater les œillères de la plupart des habitués du théâtre avec un grand T envers ce genre théâtral qui pourtant a fait les beau jour d’auteurs comme Feydeau, Labiche ou encore Dario Fo. Oups ces derniers sont devenus des classiques…

Alors qui sommes-nous pour dire tel genre est supérieur à tel autre, tel théâtre est meilleur que l’autre ? La qualité d’un artiste est-elle inhérente au genre théâtral choisi ? Ne relève-t-elle pas plutôt d’une maîtrise technique du jeu et d’une capacité à donner vie à des mots pour faire passer un questionnement et des émotions au spectateur ? DVDM

Rmt News Int • 6 juin 2019


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