RMTnews International

The culture beyond borders

De l’économie de (la) culture.

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Avec trente-cinq mille festivaliers pour la Fiesta des Suds 2018 au J4, le bilan de la fréquentation de cette édition placée sous  le signe du retour au nomadisme est fort honorable. L’engouement populaire pour cet événement incontournable du paysage marseillais fait l’effet d’un baume au cœur encourageant pour l’équipe de Latinissimo occupant le Dock des Suds depuis 20 ans.

Hélas, l’avenir du lieu est plus qu’incertain, mettant en péril celui de la structure qui reverse un loyer annuel de 180000€ (TTC) à Euroméditerranée pour une autorisation d’occupation temporaire sans droit ni titre. Cerné par la tour La Marseillaise et les immeubles qui fleurissent alentour,  le Dock des Suds est en sursis temporaire (une décision de justice concernant une éventuelle fermeture ou requalification du site sera rendue en décembre) et l’association qui souffre de la hausse du coût de sécurité accru par les attentats de 2015 et 2016 peine à équilibrer les comptes. Rappelons que les subventions du conseil régional Sud PACA au festival Babelmed ont été réduites à peau de chagrin et que le financement de la Fiesta repose sur la générosité du Conseil Départemental 13, la ville de Marseille ne soutenant pas l’événement. Et ce ne sont pas les maigres subsides en soutien au lieu qui vont enrayer les difficultés de la structure, même si les soirées programmées au Dock des Suds emportent l’adhésion populaire et font le plein.

Un hiatus entre financement public et adhésion populaire qui n’est pas sans rappeler la délicate situation du théâtre Toursky. Ce dernier a réussi à stabiliser une situation financière déjà fragile grâce à la générosité des artistes et de son public venu en nombre aux soirées de soutien organisées en 2017/2018. Hélas, une baisse drastique des subsides votés par la ville de Marseille d’une ampleur rare va affecter considérablement le théâtre dont la seconde salle n’a pas reçu jusqu’à présent un quelconque soutien financier en termes de fonctionnement.

Là où le bât blesse, c’est que les tutelles préfèrent orienter leur aide sur un projet porté par une association plutôt que sur le fonctionnement d’une structure. Ce choix politique tend à rendre de plus en plus précaire les structures culturelles dont la charge salariale et les autres charges attenantes –frais incompressibles de fonctionnement d’un lieu : loyer, électricité, chauffage…) – restent, quant à elles, fixes qu’elles soient les recettes de billetterie engrangées. Ces dernières, stables, ne suffisent pas à compenser l’amputation de 10 à 20% d’une subvention qui contribue à ébranler les structures culturelles. Et ce quelle que soit leur taille : le théâtre du carré rond risque de fermer ses portes faute de soutien financier.

Ce phénomène déjà perceptible depuis 15 ans ne fait que s’accroître et s’accélérer depuis 2013, année culturelle qui a vu la disparition de l’Espace Culture: ce lieu emblématique où tout un chacun pouvait se renseigner sur un spectacle ou une sortie, un espace ouvert à tous (publics et professionnels) et qui faisait la part belle aux petits lieux marseillais a souffert de ce changement de politique culturelle devenue comptable. Contribuant au rayonnement d’une ville, ou d’un territoire, la Culture servait certes d’alibi pour les dirigeants qui en profitaient pour avoir un regain de notoriété et redorer leur image écornée en concédant quelques subsides. D’alibi, elle est désormais un objet de consommation de masse comme un autre, se devant d’être rentable.

La Culture ainsi mise en avant comme outil de marketing et de promotion d’un territoire au service de l’économique, à l’image de ces produits marchands mis en tête de gondole ou des vitrines des grands magasins alléchantes conçues de façon à attiser la convoitise de chacun, se trouve vidée de sa substantifique moelle et de sa raison d’être. Et la politique culturelle aujourd’hui décomplexée contribue à cette perte de sens en rabotant les aides apportées aux structures culturelles au prétexte qu’elles ne sont pas suffisamment rentables. DVDM

Rmt News Int • 2 novembre 2018


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