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BORIS CYRULNIK : « INTERNET EST EN TRAIN DE DEVENIR UNE BOITE A ORDURES… »

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Invité et parrain du 9e Forum contre l’illettrisme organisé à l’Alcazar de Marseille par le Crédit Mutuel  méditerranéen, le médiatique psychiatre Boris Cyrulnik est intervenu devant plus de 250 personnes venues de Menton à Perpignan en passant par Mende (Lozère) où l’association Contelicot a été récompensée du 1er Prix (3000 €) pour son action « Lisons ensemble, Papa raconte » réalisée en direction des jeunes papas incarcérés à la Maison d’arrêt et à leurs enfants.

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Une première place obtenue à l’unanimité du jury et qui montre bien toute l’importance de la lecture et de la littérature dans un monde de plus en plus dévoré par les écrans. Les douze autres associations sélectionnées se partageant 15 000 € selon leur classement. 

POURQUOI ECRIRE ?

C’est justement sur les avantages et les défauts des écrans qu’est intervenu Boris Cyrulnik. Notamment pour répondre à la question « Pourquoi écrire ? ».

« Il faut savoir qu’un mot écrit n’est pas un mot parlé explique-t-il. Et que la parole écrite n’est pas la parole parlée, même si elle est aussi une forme de culture. Et même si certaines sociétés  conservent encore leur mémoire avec l’oralité – à l’instar des gitans – ces derniers connaissent des difficultés pour transmettre au fil du temps, car chez eux, rien n’est écrit. Beaucoup d’entre eux ne sachant pas lire…

Le fait d’écrire, ça dilate le monde car l’écrit peut aller partout et franchir les frontières pour être lu par l’ami invisible et inconnu. Mais aujourd’hui, avec des jeunes qui lisent de moins en moins de livres (on le voit avec toutes les associations sélectionnées pour le Forum qui œuvrent pour redonner le lien que la lecture génère entre enfants, adultes et parents) Internet est en train de devenir une boîte à ordures !

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Mais cela a été la même chose au moment de l’avènement de l’imprimerie. En effet, les premières écritures n’ont pas été des histoires d’amour, mais des prescriptions médicales. Et en particulier comment se préserver des morsures de serpent (le mal !) et les soigner. Car on a l’impression, à cette époque, que le fait d’écrire permet d’agir.

Le drame aujourd’hui, c’est que les écrans sculptent chez les enfants un autre langage que celui de leurs parents. Car les enfants sont carrément dans la fascination en restant des heures scotchés seul à leur écran, et cela altère leur empathie avec les autres. Il n’y a pas d’affectivité. On le voit dans les cours de collèges où ils sont chacun avec leur Smartphone. Alors oui pour la transmission du savoir, des recherches, des travaux scolaires… mais les enfants ne devraient pas avoir accès aux écrans avant l’âge de 6 ans.  »

Et de poursuivre :

« L’acte d’écriture modifie notre monde, et en ce sens, la littérature est fondamentale ! Ainsi, à une époque où beaucoup de gens ne savaient pas lire, Emile Zola a modifié considérablement la condition ouvrière en déclenchant une socialisation culturelle, au travers de « celui qui savait lire » dans le groupe. Car le monde des mots écrits n’est pas celui des mots parlés. Ecrire, c’est agir sur le monde des autres; car les écrits restent et voyagent. »

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Propos recueillis par Jean-Pierre Tissier

(article publié avec son aimable autorisation)

Photos: DVDM

Rmt News Int • 19 juin 2018


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