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Save the date: Le semeur d’idées noires à découvrir au Théâtre Marie Jeanne (Marseille)

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Le Théâtre Marie-Jeanne, 56 rue Berlioz, à Marseille, reprend « Le semeur d’idées noires », dernière création jeune public de la compagnie SHC les 21, 24 et 25 février à 15h (à partir de 6 ans minimum). Une fable sur « le vivre ensemble » et la nature humaine mêlant marionnettes, ombres et masques.

Tout commence dans le hall du théâtre avec l’accueil du public par deux personnages masqués à l’allure dégingandée et aux propos étranges, Grogniar et Tokar, ayant perdu leur chemin. Cette entrée en matière annonce un récit aux accents fantastiques et burlesques, oscillant entre quête de soi, recherche de la paix et du bonheur, et crainte de la montée en puissance d’une espèce de dictateur à la recherche du pouvoir, semant la haine partout où il passe….

Quand germe la mauvaise graine dans les cœurs

Le public est invité à entrer dans la salle de spectacle pour y découvrir une vieille femme masquée, Madame Ping, narratrice muette qui sonne le glas du spectacle : d’emblée, le public entre dans le vif du sujet avec l’apparition en ombre chinoise du semeur d’idées noires, Démonial, venu semer la zizanie dans le beau pays de Kaervanal, où règne une apparente douceur de vivre à nulle autre pareille.  Une sorte d’Eden peuplé de gentils habitants.

Ce serait oublier l’ambitieux Furbaccio, un être rusé et malin, hypocrite et manipulateur de surcroit, qui n’a qu’une envie, devenir le maître incontesté de Kaervanal. C’est à lui que Démonial offre la Poudre de Discorde afin de semer le doute, la méfiance et l’envie dans le cœur des habitants, les montant contre l’intrépide et curieux Lubin, revenu du pays de Gondawath, ami de son peuple les Klums, pour porter une parole de paix.

Le meilleur ami de Lubin, le pauvre Kripur, simplet et naïf, un être sensible au bon cœur, prendra peur en voyant tout le monde devenir « fou » et s’enfuira… avant de trouver la voie de la sagesse et de devenir le nouveau Grand Sage Bramanchalâ, au grand damne de Furbaccio qui s’exilera ailleurs. Par quel moyen, cela nous vous laissons le découvrir….

Sommes-nous méchants volontairement ?

Cette fable portée par trois talentueuses comédiennes, à fois interprètes et manipulatrices, offre à découvrir un univers en clair-obscur, où nul ne nait véritablement bon ou foncièrement mauvais : le couple du récit en est un bel exemple, puisque le mari et la femme (figures des habitants du pays de Kaervanal) succombent peu à peu aux effets de la poudre de discorde soufflée et attisée par Furbaccio.

Alors, certes, Furbaccio (Hannah) penche plutôt du côté maléfique : c’est peut-être le seul personnage de l’histoire à être aussi typé. Ceci dit, c’est le méchant du récit, face à Lubin et Kripur, que nous pourrions qualifier d’exemples de bonté et de générosité. Le trait de caractère dominant de chaque personnage est ici mis en valeur par les choix d’une gestuelle marquée « typée » et d’un masque créé sur mesure pour chaque personnage, afin de faciliter la reconnaissance des « bons » et des « méchants ».

Au-delà de cela, les apparences s’avèrent néanmoins trompeuses et un masque peut en cacher un autre. Lubin se révèlera être un poltron et Kripur, un sage. Ici, tout se joue en creux et en nuance dans l’incarnation des personnages, le plus exemplaire étant le personnage de Lubin auquel Céline confère une certaine ambiguïté  dès sa première entrée, quand il passe la tête à la fenêtre, légèrement hésitant. Egalement lorsqu’il raconte fanfaron ses exploits de l’autre côté du marais car il prendra la fuite à la moindre altercation.

Le personnage de Kripur (Hannah) qui se révèlera être un Guide, bien malgré lui, est touchant notamment lorsqu’il accrochera avec délicatesse et prévenance la cage à oiseau dans laquelle se trouve une chrysalide, dont le discours est ponctué d’étranges aphorismes philosophiques, à côté du coucou d’une pendule, son confident, qui n’a de cesse de « coucouter ».

Une mise en scène dynamique

Les chamailleries entre la chrysalide, qui n’est pas une larve, et le coucou, un personnage haut en couleur au langage fleuri, sont fort drôles : elles offrent des respirations ou ponctuations bienvenues, permettant d’alléger l’atmosphère du spectacle, à l’instar de l’entrée du couple improbable, un petit homme râblé et sa femme, une grande perche au corps svelte.

Les deux magnifiques marionnettes sont manipulées avec grande dextérité par les artistes recouvertes d’un voile (Magali et Céline), toutes deux vêtues de noir et leurs interactions avec les personnages masqués sont fort bien amenées.  

Cette alternance de genres (ombre, masque, marionnettes) et de registres (du poétique au terrible en passant par le comique) évite au public de ressentir trop fortement ce sentiment d’oppression inhérent au sujet du spectacle. Elle confère rythme et dynamisme à la mise en scène, également poésie et « magie ». Sur ce dernier point, nous n’en dirons pas plus afin de ne pas déflorer le sujet.

In fine, la création présentée est de belle facture. L’interprétation est juste et la manipulation des marionnettes excellente. Les décors et les marionnettes sont fort bien réalisés. La musique suit parfaitement le mouvement de la mise en scène. Seul petit bémol : la complexité de l’histoire et l’aspect « sombre » du récit peuvent dérouter les tout petits. Une création jeune public, oui, mais pour enfants éveillés.

Diane Vandermolina

Photos de répétitions signées Diane Vandermolina

 

Plus d’infos

Le Semeur d’Idées Noires

Ecrit et mis en scène par Patrick Rabier

Création musicale : Magali Lindemann et Thierry Vaudé; création sonore : Alexandre Morier; création lumière : Vincent Guibal

Masques : Cédric Péra ; Marionnettes : Myrtille Guigue et Cédric Péra ;Marionnettes ombres : Layla Benabid et Nicolas Pecullo

Costumes : Hannah Devin, Céline Giusiano et Magali Lindemann; Décors : Myrtille Guigue et Vincent Gibal

Avec : Hannah Devin, Céline Giusiano et Magali Lindemann

Tarifs: 6, 9 et 12€/Réservations sur theatre-mariejeanne.com ou 0952281584

Rmt News Int • 21 février 2018


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