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Hélène Tysman

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Hélène Tysman et les (grands) Moments musicaux de Notre-Dame

 

En ouverture de la 22e saison des Moments musicaux de Notre-Dame à Marseille, Hélène Tysman nous confirme qu’elle est une des principales interprètes de Chopin mais nous montre aussi qu’elle est certainement une grande interprète de Debussy.

 

 

Enfin du nouveau ! Après un été sans surprise, Matsuev toujours aussi bon dans Tchaikovsky, un Jan Lisiecki prometteur mais qui se contente du minimum dans une intégrale des oeuvres concertantes pour piano et orchestre de Robert Schumann au Festival de La Roque d’Anthéron, la surprise est venue de là où on ne l’attendait pas forcément : Hélène Tysman.

Invitée par Christiane Berlandini pour l’ouverture de la 22e saison des Moments musicaux de Notre-Dame, la pianiste française nous proposait un programme 100% préludes, Chopin d’abord, Debussy ensuite, choix particulièrement pertinent au vu de l’aspect intimiste de ce lieu exceptionnel.

 

Concernant le compositeur polonais, nous étions en terrain connu. Hélène Tysman s’est déjà illustrée à plusieurs reprises en concours (premiers prix aux compétitions Chopin de Darmstadt et Hanovre), en concerts et au disque. En effet, en cours d’intégrale chez Oehms Classics, son dernier album, Ballads, a été recompensé, confirmant qu’elle fait partie des meilleurs interprètes de Chopin de sa génération. En revanche on ne l’attendait pas particulièrement sur Debussy, et c’est pourtant là qu’elle fut la plus bouleversante.

 

Pour la deuxième partie, Hélène Tysman interprétait une selection de Préludes de Debussy. De ses propres mots, son objectif était de nous faire découvrir «le Debussy fantastique, celui inspiré par Edgar Allan Poe». En fait, c’est le Debussy symboliste dont elle parle, le vrai Debussy si j’ose dire. En effet, depuis des décennies, on s’évertue à nous le présenter comme un «impressionniste», ce qui a forcément un impact profond sur son interprétation. Il est tout d’abord important de noter, qu’en art, le symbolisme s’est construit en réaction au réalisme et à l’impressionnisme ; on ne peut donc être les deux à la foi. Mais alors, qu’en est-il de Debussy ?

 

On peut déjà relever quelques éléments factuels : Debussy a fréquenté très tôt les mardis de Mallarmé, principal poète symboliste français ; il a mis en musique plusieurs poèmes de ce dernier mais aussi de Verlaine ; il nous a laissé deux opéras inachevés inspirés d’Edgar Allan Poe (La Chute de la maison Usher et Le Diable dans le beffroi) ; il a composé Pélleas et Melisande sur un livret de Maeterlinck, poète belge symboliste. A ces faits, on peut ajouter des arguments plus analytiques.

D’après le musicologue François Dubé, les Préludes de Debussy sont «destinés à traduire une atmosphère et sont  »l’équivalent sonore du sujet »» : ce principe de «correspondances» mis au point par Baudelaire est une des bases de l’art symboliste. Enfin, il faut noter que le positionnement peu commun des titres, en bout de partition, montre bien qu’il s’agit plus de suggestion que de description, suggestion qui est justement un autre principe fondateur du symbolisme. On pourrait aussi relever que ces titres n’ont souvent rien de «réaliste» (Cathédrale engloutie, Ondine etc.), et sont même parfois poétiques (Pour remercier la pluie du matin). D’ailleurs, Hélène Tysman n’est pas la seule à avoir eu cette intuition.

 

En 2012, Philippe Bianconi a fait sensation avec son intégrale des Préludes de Debussy chez La Prima Volta. Il explique lui-même que « pendant longtemps, le caractère hédoniste m’a sans doute empêché d’en percevoir toute la profondeur », c’est-à-dire que comme tous les précédents interprètes de ce compositeur, il ne s’était intéressé jusqu’à là qu’au caractère esthétique de la musique debusséenne. Finalement, sa compréhension du compositeur français a évolué à partir du moment où il a porté son attention sur le contexte, ce qui fait echo à ce que pensait Malher : «Tout est écrit dans une partition, sauf l’Essentiel».

 

C’est dans cette même logique qu’Hélène Tysman nous a fait découvrir un Debussy plus profond, plus mystérieux. Dans les préludes qu’elle a choisis (La cathédrale engloutie, Ondine ou Des pas sur la neige, Canope, La fille aux cheveux de lin, La terrasse des audiences, Ce qu’a vu le vent d’Ouest, Feux d’artifice), la profondeur de son jeu, l’ambiance sombre et poétique qui s’en dégage, relègue les interprétations de référence d’un J-E Bavouzet ou d’un Samson François loin derrière. Et sur ces pièces elle va même plus loin que Philippe Bianconi dans la compréhension de Debussy.

On ne peut donc espérer qu’une chose : un enregistrement prochain de ces oeuvres, voire même au-delà, tant il est sûr qu’elle a tout pour devenir une interprète majeure de ce compositeur. Avec ces qualités, on aimerait aussi beaucoup l’entendre dans les oeuvres tout aussi profondes d’un Nikolai Medtner. En attendant, elle poursuit sa brillante carrière avec plusieurs concerts programmés aux Etats-Unis.

 

En 1932, Maurice Denis disait à propos de Claude Debussy : «ce que la génération symboliste cherchait avec tant de passion et d’inquiétude : lumière, sonorité de l’âme, frisson du mystère, lui le réalisait presque sans tatonnement et, semble-t-il, sans effort». On pourrait en dire autant du jeu de Hélène Tysman.

 

Charles Romano

 

Pour retrouver Hélène Tysman au disque, deux très beaux enregistrements chez Oehms.

 

Plus d’infos sur les moments musicaux de Notre Dame

Renseignements : 04 91 81 36 77 ou www.facebook.com/lesmomentsmusicauxdenotredame

Les concerts se déroulent le dimanche à 17 heures

Moments Musicaux de Notre-Dame
5 Boulevard Paul-Doumer 13006 Marseille
mmusicaux.notredame13@hotmail.fr

Rmt News Int • 4 novembre 2015


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