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Paul Delvaux, le rêveur éveillé

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Après Matta, l’an passé, le Musée Cantini ré-ouvre une page du surréalisme avec l’exposition consacrée à Delvaux. Mais pas que … puisque ce dernier que ses parents destinaient à la magistrature, ayant fait des études d’architecture, fut toujours volontairement en marge des grands mouvements artistiques ; et ce, même si Breton lui avait fait l’honneur de le reconnaître dans la grande famille des surréalistes. Delvaux, mort presque centenaire (1897-1994) et dont c’est le 20ème anniversaire de la mort, artiste belge internationalement reconnu, a traversé le 20ème siècle et ses deux guerres, enrichissant son coup de pinceau des vagues successives ayant parcouru ce siècle riche en courants artistiques. Son œuvre éclate de poésie et l’onirisme, le mystérieux ou l’insolite peuplent ses peintures. L’exposition, fruit d’un partenariat entre le Musée d’Ixelles, Bruxelles, représenté par Laura Neve, en charge de la collection Delvaux, et le Musée Cantini, dirigé par Olivier Cousinou, tous deux commissaires d’exposition, se déroulera du 7 juin au 21 septembre 2014.

 

Au fil de l’imagination : une centaine d’œuvres exposées pour le régal des yeux et de l’esprit….

Bien plus que les thématiques sulfureuses qui obsédaient le peintre (notamment sa série sur les lesbiennes ou son obsession du corps féminin), ce qui étonne et surprend le visiteur est l’impression d’être face à des œuvres peintes en 3D sur un support 2D : mêlant postimpressionnisme, expressionnisme et surréalisme, fortement inspiré par Di Chirico (Le palais en ruines, 1935 et ses peintures gréco-romaines), mais aussi Toulouse Lautrec (les portraits grotesques des Amies, 1930 ou le portrait de famille dans les Noces à Antheit, 1932), il surprend par la luminosité de ses œuvres (à l’image de la Source de l’empereur, 1921, ou de sa série sur les Gares, ses paysages sombres sont étincelants de clarté) et son ironie (à l’image de Femme et squelette, 1949 où le squelette semble se moquer de la pose de la femme peinte en premier plan). Son traitement de sujets aussi douloureux que la Mort n’est pas sans rappeler les danses macabres de carnaval ou la fête des morts dans les pays d’Amérique Latine avec un art de la mise en scène et de la dérision consommés.

La série sur les squelettes (citons le squelette dans l’atelier de 1943, les Squelettes dans un bureau ou la Vénus endormie, deux huiles datant de 1944) dénonce l’inéluctabilité de la mort face à la vanité ou l’orgueil des vivants, sans faux semblants, avec un humour jubilatoire certain. L’aspect effrayant de la Mort et du mort sont transcendés par la force de vie qui se dégage de ses peintures dont la beauté est envoûtante. La Crucifixion (1954) est à ce point emblématique de son travail, avec une précision dans la construction très cinématographique de l’œuvre (composée de plusieurs plans), notamment dans le détail des traits (les crânes moqueurs des squelettes des badauds curieux du premier plan sont d’une expressivité incroyable) et la profondeur de champ/la perspective (l’arrière-plan dont l’ordonnancement renforce la mise en scène de la crucifixion avec ses cercueils bleus relevés desquels le spectateur peut imaginer sortis les squelettes assistant à la cérémonie funèbre). Une théâtralité qui n’abandonnera jamais sa peinture.

Passionné de Grèce Antique, l’homme passe une grande partie de sa vie à peindre des sujets gréco-romains tels que Vénus, Le Minotaure, Léda (1948). L’Acropole (1966) ou Sérénité (1970) où le spectateur peut découvrir un tableau dans le tableau présentent des figures féminines statufiées et mises en scène, à la beauté grecque et à la grâce divine, images de femmes quasi inaccessibles à l’instar de Tam qu’il aimait et ne put épouser que plusieurs décennies plus tard, lors de retrouvailles inespérées. Sa fascination pour l’énigme féminine le pousse alors à représenter la Femme dans tous ses états (courtisane, séductrice, fillette, déesse) mais aussi à dépasser les tabous de son époque : (fantasme masculin ou non) il peint, néanmoins sans vulgarité ni voyeurisme, une série de femmes homosexuelles s’enlaçant sobrement (représentations sensuelles de couples d’inverties, intitulées les Amies à ses débuts avant de devenir les Lesbiennes dans les années 60).

Ses œuvres dont l’harmonie des formes et des couleurs n’est pas sans rappeler les principes de la perfection grecque sont à voir tout l’été  au Musée CANTINI! Ce dernier ayant pour mission de faire « découvrir l’art du XXème siècle au travers de l’œuvre de ses artistes les plus marquants » offre au visiteur curieux la possibilité de rencontrer un artiste nourri « de sa confrontation à des aventures esthétiques multiples et diverses », qui opéra une « synthèse de ces influences, rencontres et de son propre imaginaire dans une œuvre profondément poétique » pour reprendre les mots d’Anne Marie D’Estienne d’Orves, adjointe à la Culture de la Ville de Marseille. Une exposition à la scénographie efficace, qui laisse au spectateur le choix de découvrir un peintre belge exceptionnel, rarement exposé en France, selon le critère peu banal des motifs parcourant son œuvre. A noter l’intégration au cœur de l’exposition de magnifiques lithographies, esquisses à l’encre de Chine et aquarelles ou croquis et études sur papier. Diane Vandermolina

Paul Delvaux, le rêveur éveillé, du 7 juin au 21 septembre 2014 de 10h à 18h (fermé le lundi)
Musée Cantini 19, rue Grignan – Marseille 6e ­/Tel: 04 91 54 77 75/Tarifs : de 4 à 6 €

Nota Bene : Le catalogue de l’exposition édité par les éditions Snoeck, en Belgique, est en vente au prix de 30 euro. Il comporte des illustrations magnifiques de l’exposition, enrichies de textes fort bien écrits éclairant l’œuvre de Delvaux signés par la Commissaire de l’exposition, Laura Neve, et bien d’autres spécialistes du peintre.

Rmt News Int • 10 juin 2014


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