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Pour les amoureux des marionnettes

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Cette année, deux spectacles de marionnettes sont à découvrir au festival d’Avignon, ‘Hand stories’, présenté au chêne noir à 11h30 du matin et ‘Désillusions marionnettiques’ à la condition des soies à 21h30. Deux créations originales et savoureuses que nous vous conseillons de découvrir : la première relate l’histoire d’une famille de marionnettistes chinois sur plusieurs générations sur fond d’histoire de Chine et d’exil; la seconde adaptée de deux courtes nouvelles de Visniec présente une réflexion sur la foi et les bouleversements révolutionnaires du siècle passé.

‘Hand stories’ est une production du théâtre Vidy de Lausanne : le concepteur, Yeung Fai, chinois de Hongkong, maitre en marionnettes à gaine, un art ancestral hérité de ses parents et grands parents, offre au public un spectacle onirique sur son histoire personnelle. Il est secondé par un français d’origine bretonne, Yoann Pencolé, qui -tout en sobriété et avec générosité- fait montre d’un talent indéniable dans l’apprentissage de la manipulation des marionnettes à gaine. Nous est alors contée une page de l’histoire chinoise, avec sensibilité, émotion et humour, avec pour seul décor un petit promontoire servant d’espace de jeu pour les marionnettes, aux traits fort réalistes en ce qui est de celles représentant sa famille, présentées sur des bâtonnets d’encens et un écran rectangulaire pour les projections vidéos signées Yilan Yeh, une artiste taïwanaise. Après une brève présentation des marionnettes dont il nous conte par ailleurs la grande histoire, nous voila plongés dans l’Histoire : un grand père maitre de marionnettes, un père dépouillé de ses marionnettes sous la révolution culturelle, assassine des traditions, de Mao – la scène du petit livre rouge suivie de celle du bagne dans lequel se retrouve le père est magnifique, d’une intensité faisant froid dans le dos-, son frere, condamné à l’exil en Amérique, désespéré, pauvre erre vivant dans un bidon ville et tentant vainement d’intéresser les passants à cet art ancestral jusqu’à ce qu’il rencontre son assistant, sous la forme d’un ange s’exprimant au travers des mots de Freddy Mercury, émerveillé par ces petites marionnettes délicates, enfin, l’histoire de son parcours. Les petites scènes se succèdent sans temps mort et présentent toute la richesse du travail du marionnettiste : la scène du combat où les soldats échangent leur costume est fort jouissive, excellemment exécutée et drôle; le récit est empli de trouvailles originales, la scène du tigre dévorant un combattant, vue de derrière les coulisses – le spectateur peut alors découvrir ce qui se cache derrière la manipulation des marionnettes pour donner ces effets d’envolées magiques- est à la fois projetée en live sur l’écran afin que le public puisse entrevoir la face visible du jeu. Ceci ne nuit en rien à la magie du spectacle qui reste intacte. Au contraire, les effets dévoilés, agrémentés de jeux de lumière et d’effets de fumées adéquats, conservent leur pouvoir onirique sur le spectateur fasciné par la rapidité d’exécution et la maîtrise de nos deux compères. Cette scène est aussi l’occasion de parler de la fragilité de la transmission de cet art subtile. Les vidéos quant à elles ne sont pas en reste, alternant entre petits films retrouvés montrant son pere présentant son travail, et création visuelle aux couleurs sombres et formes chatoyantes, entre ciel et terre, fidele au dao spirituel du marrionnettiste. Une belle combinaison qui s’accorde à merveille avec le spectacle d’un réalisme poétique et beau, présenté en toute simplicité et humilité, avec une grande virtuosité. Bravo…

‘Désillusions marionnettiques’, mis en scène par Catherine Hugot, propose un spectacle en deux temps : la première partie, présentée dans la salle ronde de la condition des soies, offre à découvrir trois marionnettes sur une croix, deux brigands entourant Jésus, questionnant la foi à la vieille de leur mort. La peur de mourir – la mort est ici symbolisée par une araignée s’infiltrant dans leurs plaies-, la recherche désespérée de la foi pour sauver son âme, la sérénité d’un Jésus fils de dieu qui ne peut rien pour ses compagnons de croix, sont inscrites sur le visage même de ces marionnettes au faciès écorché et au regard d’un noir effrayant. Des marionnettes qui font froid dans le dos, manipulées avec intelligence et talent par les jeunes artistes de la compagnie Ka. La seconde partie, présentée dans la salle carrée, quant à elle, se joue des comédiens assis dans une baignoire, unique décors de cette petite pièce. Les comédiens – pantins désarticulés au service du texte de l’auteur- nous racontent avec talent les échecs des révolutions du 20eme siècle… que faire pour changer le monde ? Les deux personnages vieillissant sous nos yeux, s’acheminant vers une mort certaine, démontent avec lucidité le mécanisme pervers des révolutions qui poussées par un élan promettant bonheur à tous s’achèvent dans le sang et la misère. Pessimisme latent et désillusion mêlées d’ironie dérisoire. Le tout servi par une esthétique sombre et décalée, une atmosphère inquiétante mais belle, parfois drôle. Une belle prestation à découvrir. Diane Vandermolina.

avignon off 2011

Rmt News Int • 26 juillet 2011


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