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Standing ovation au Dôme pour Carmina Burana

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Le 17 Mars, le Dôme accueillait DPF prod’ pour une présentation exceptionnelle de ‘Carmina Burana ‘de Carl Orff, œuvre lyrique dont le monde entier connait sur le bout des doigts les premières notes invoquant avec beauté et magnificence la déesse Fortuna…. Créée en 2009, lors du festival les Nuits Musicales de Sainte Victoire, au théâtre de Verdure de Peynier, avec l’Orchestre Chœur et Ballet de l’Opéra National d’Ukraine- Lviv, dirigé par le talentueux chef Grigori Penteleïtchouk, cette version -chorégraphiée pour être au plus proche du souhait de son compositeur qui voulait créer une œuvre relevant du Theatrum Mundi (le théâtre du monde) – nous est contée par Ève Ruggieri dont le talent de récitante est reconnu de et par tous.

Carmina Burana, version chorégraphiée et contée

Fidèle à la volonté du compositeur, pour lequel chaque moment musical doit être accompagné d’une action sur la scène, ici, la parole ou plutôt le chant –interprété par trois chanteurs lyriques de haut vol, à noter la tessiture ample du Baryton aux ambres vigoureux, l’onctuosité de la Soprano aux graves chatoyants et la beauté de la voix du ténor,- la musique et le mouvement sont inséparables. La chorégraphie souligne ainsi via une danse contemporaine d’inspiration classique le procédé de mise en abyme : le danseur et le personnage incarné par celui-ci reflètent l’image du spectateur-acteur de l’univers, procédé mis en avant par la composition musicale de cette cantate. Pour rappel, l’œuvre d’Orff – d’inspiration monté verdienne- est fondée sur 24 poèmes médiévaux tirés d’un recueil appelé Carmina Burana. Le livret contient des textes en latin, moyen haut allemand et très vieux français. Les sujets dont il traite sont universels : la fluctuation de la fortune et de la richesse, la nature éphémère de la vie, la joie apportée par le retour du printemps, les plaisirs de l’alcool, la bonne chère, le jeu, la luxure, la violence et la barbarie, le déchirement et la tendresse.

Pour illustrer ces thématiques, la chorégraphie -un poil trop lisse- mêle éléments de ballet classique avec transports, pirouettes et pas de danse contemporains, notamment lors de certains duos et scènes de groupes. En dépit de quelques longueurs et redondances au cours des mouvements de liesse, elle est fort bien exécutée par un ballet de danseurs et solistes de belle envergure, pieds nus façon Isadora Duncan. De même, le chœur et l’orchestre sont dirigés de main de maitre par le chef, directeur artistique de cette production au décor minimaliste – avec en fond de scène, une toile représentant l’univers, hommage aux peintres de la renaissance. Le tout raconté par Ève Ruggieri, qui nous conte avec brio et enthousiasme, passion, les anecdotes ayant entaché la renommée de Carl ORFF : ce dernier, faute de finances privées, et en dépit du succès immédiat de son œuvre qui le propulsa en 1937 au sommet de la scène internationale, a du s’allier avec Hitler ; ce qui questionne cruellement les limites de la liberté artistique et la récupération d’œuvres de l’esprit par le pouvoir politique. Ève Ruggieri cite à juste titre le début de la cantate : ‘un jour tu es puissant, le lendemain tu n’es plus rien’, prémonition de l’avenir troublé du compositeur.

Carmen Suite

Cette création faisait suite au ballet ‘Carmen Suite’, réécriture de ‘Carmen’ de Bizet, reprenant les mouvements les plus connus du plus joué des opéras au monde, incluant la fameuse farandole de l’Arlésienne et autres airs connus du répertoire populaire, qui eut lors de sa création un accueil des plus froids. Ève Ruggieri avec sa gouaille incomparable nous raconte que la première présentation publique de ‘Carmen’, quatre ans après la Commune, en 1875, avait choqué les spectateurs. Cet incident est l’occasion pour Ève de rendre un vibrant hommage à une femme libre n’obéissant à personne et dont la vie fut un combat contre les injustices, pour plus de fraternité et liberté, qui inspira peut être la Carmen de Bizet, Louise Michel. Et de rappeler que la création de ‘Carmen Suite’ – signée Shchedrin- en 1967 s’est produite en pleine période de retour en force des valeurs traditionnelles et de l’ordre moral… Le public est alors fin prêt à accueillir ce ballet contemporain inspirée d’une œuvre magistrale à laquelle le personnage de la Mort, magnifiquement incarnée par un danseur de très haut niveau, a été rajouté afin de donner plus de sens au ballet. La chorégraphie ouvrant vers une danse plus théâtralisée que ‘Carmina Burana’- qui hélas manquait de théâtralité- est fort judicieuse, notamment en ce qui est des personnages principaux de ce drame : Mikaela exécute une danse plus aérienne que la féline Carmen, dont les pas de danse s’ancrent au sol et dont la gestique se fait plus terrienne ; l’arrivée en fanfare d’Escamillo aux pas de danses viriles contraste avec la pesanteur de l’amant délaissé, un Don José poignant, déchiré de douleur et de haine ; une belle manière de faire redécouvrir l’œuvre de Bizet.

Une production originale souhaitant démocratiser l’Art Lyrique

Pour les amateurs de lyriques et les curieux, ‘Carmen Suite’ et ‘Carmina Burana’ sont en tournée en France jusqu’à la fin de l’année 2011. Donc, si vous souhaitez passer un moment émouvant et vous initier à des œuvres désormais classiques, n’hésitez pas à venir découvrir ces deux jeunes créations de qualité répondant à une volonté de démocratiser l’art lyrique. En effet, Franck Dompietrini, directeur de DPF Prod’ souhaite ouvrir les portes du Lyrique au plus grand nombre, notamment aux jeunes et à ceux qui n’ont hélas pas toujours les moyens d’aller voir un Opéra ou n’osent pas pousser la porte de ces grands théâtres. A cet effet, il présente ces œuvres dans des salles de concerts, des Zéniths, et propose 20 pourcent des places – soit pour le Dôme prêt de 700 places – à 20 euros pour les moins fortunés ; ce qui au regard du nombre d’artistes présents sur scène – plus de 160- et du mode de financement de la production- un financement unique par les entreprises, sans appel aux subventions- est fort noble. Cette initiative originale a séduit les entreprises qui peuvent ainsi profiter de packs prestige pour inviter leurs clients et faire affaires autour d’une soirée conviviale et festive, mais aussi les jeunes, étudiants et chômeurs, qui sans ces tarifs attractifs ne pourraient accéder à cette culture populaire qu’est l’Opéra.

Certes, certains aficionados de l’Opéra dénigreraient une telle aventure qu’ils mésestimeraient et jugeraient comme étant une paupérisation vulgaire de l’art lyrique ne convenant pas à ce grand art. Ils souligneraient même que l’absence de subventions publiques seraient liée à la moindre qualité artistique des œuvres présentées et qu’il ne s’agirait que d’une opération de promotion pour complaire aux entreprises, les faire valoir et flatter leur ego. Une critique facile et déplacée mais hélas fort courante en France puisqu’il n’y a de Culture pour de nombreux intellectuels – et il est aisé de le constater en lisant les medias culturels- que de culture subventionnée ; tout ce qui ne l’est pas ou très peu, tout ce qui peut s’apparenter à une alliance du Culturel avec le Monde économique est considéré comme de la sous culture, voire une opération marketing ou commerciale. Or, en ces temps où les subventions sont en baisse continuelle, certains artistes, à l’image de ce qui se fait en d’autres pays, devraient repenser l’économie de la culture, son fonctionnement et arrêter, au nom de valeurs utopiques telles que la liberté artistique – car être subventionné, c’est aussi rendre des comptes et en un sens s’allier avec le diable Argent-, d’opposer l’art et l’économie, la création et le commerce. Peut être certains artistes français devraient-ils plus penser à leur public en leur offrant des œuvres de qualité au lieu de ne songer qu’à se faire plaisir.

C’est à ce titre que nous soutenons une telle initiative qui, sans prétention, tente de monter le mieux possible des œuvres de qualité destinées à tous les publics. Comme le dit le directeur de DPF prod, ‘la culture, c’est l’ouverture, la mixité et la diversité. Je souhaite casser les codes et ouvrir la culture. Elle peut être source d’inspiration pour les entreprises en libérant une énergie créative’. Le public marseillais a quant à lui accueilli avec honneur et standing ovation la représentation faite au Dôme. Par ailleurs, la prochaine création de DFP prod sera ‘Carmen’ en 2012 mais avant cela, vous pourrez retrouver pendant le festival des Nuits de Sainte Victoire une création originale relatant l’histoire des Castrats, avec Ève Ruggieri ; ‘l’Élixir d’amour’ de Donizetti ainsi qu’une soirée dédiée à Tchaïkovski. A vos carnets ! DVDM

Copyright Photos CARMEN SUITE: F.Fleury
Copyright Photos CARMINA BURANA: Pixeomedia

Rencontre avec Ève Ruggieri

A l’occasion de la tournée de Carmina Burana, nous avons pu rencontrer Ève Ruggieri, passionnée d’opéra ayant lancé les carrières de nombreux artistes dont Roberto Alagna ou Nathalie Dessay pour ne citer que ces deux grandes voix de l’Opéra. Il n’est plus nécessaire de présenter celle qui anima –et anime toujours- de nombreuses émissions populaires sur Tf1 puis France 2 –son célèbre ‘musiques au cœur’- et en radio sur France Inter puis France Musique. Pianiste de formation, amoureuse du lyrique, cette découvreuse de talent passionnée a aimablement répandu à nos quelques questions.

DVDM : Comment est née votre passion pour l’Opéra ?

E.R : Ma passion pour le lyrique m’est venue tardivement ; au début, l’opéra me faisait rire, avec ses grosses dames. Puis quand je suis sortie d’une éventuelle carrière de pianiste – ndlr : elle a eu le premier prix de piano du conservatoire de Nice-, j’habitais Paris et j’allais souvent à l’opéra. J’ai alors découvert que l’opéra avait beaucoup changé depuis Maria Callas. Les chanteurs avaient un beau physique et l’art dramatique avait toute sa place. J’avais aussi la chance de participer à de nombreuses auditions mais je n’ai jamais souhaité devenir chanteuse lyrique, je n’ai pas de voix.

DVDM : Pourquoi vous êtes vous investie dans le projet de Franck DOMPIETRINI ?

ER : C’est urgent de démocratiser l’art, il faut avoir une politique tarifaire adaptée et volontaire pour faire venir les jeunes générations au lyrique. Le mécénat d’entreprise est important aussi. C’est une question de survie aujourd’hui. Avant, il y a avait une formation du spectateur, on apprenait la musique à l’école, maintenant, tout cela a disparu. Et sans ce mécénat, sans un renouvellement du public, il n y aura plus d’opéras ni de chanteurs ni d’orchestres, seulement des projections d’opéras. Si le direct disparait, la barbarie envahira notre culture et le monde. J’ai été très vite convaincue par le projet de Franck Dompietrini : je l’ai rencontré au festival des nuits de sainte victoire et j’ai découvert des zéniths, des lieux où je n ‘étais jamais allée, le problème de la sonorisation …

DVDM : Pouvez vous nous en dire un peu plus sur l’histoire des castrats que vous allez raconter aux Nuits de Sainte Victoire ?

ER : Je serais une sorte de fil conducteur entre les morceaux, je raconterais leur histoire passionnante qui a fasciné beaucoup de monde. Toute la littérature musicale est consacrée aux castrats, leur virtuosité et la beauté de leur voix, jusqu’à Rossini qui les a remplacés. Mais on les retrouvera avec Wagner.

Propos recueillis par Diane Vandermolina

Plus d’informations sur la tournée :
www.nuits-sainte-victoire.com
www.spectaclesetfestivals.com

Rmt News Int • 20 mars 2011


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