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Rencontre avec Michel Vivaner à la Criée

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A quatre-vingt deux ans, Michel Vivaner, auteur intrigant qui dit « écrire contre le théâtre », nous a offert de son temps pour le rencontrer. Homme affable, doux et vif, il nous explique ce qui dans Portrait d’une femme a motivé l’écriture de sa pièce (son besoin de s’ancrer dans le réel) et les enjeux du personnage de Sophie, inspiré de Pauline, la jeune femme qui avait assassiné son amant. Il décrypte avec beaucoup de sensibilité le caractère étrange et « l’arrogance fascinante » (pour reprendre un de ses termes) de cette femme incapable de rentrer dans les rails définis par la société des hommes. Michel Vivaner a trouvé par ailleurs l’incarnation charnelle de la comédienne éclatante de justesse. Le tout accompagné d’une analyse brillante du système judiciaire qui a certes perdue certains de ses ténors du barreau.

« J’ai travaillé à partir des comptes rendus du procès dans le Monde, je n’ai jamais voulu lire d’autres journaux… J’aime la potentialité théâtrale d’un fait divers, explorer des énigmes. Le travail d’écriture a été de mettre dans la bouche de l’héroïne les mots de Pauline. Peu de texte a été rajouté à ce qui a été dit au procès. Je voulais intégrer les citations des propos de Pauline. C’était une des contraintes d’écriture que je m’étais donné » L’auteur souhaitait donc rendre compte de ce procès le plus précisément et justement possible, d’où aussi l’écriture si particulière du texte où les scènes se jouent sur un même espace dans des temporalités différentes. « La mise en scène m’a plu. Elle ne rajoutait rien au texte et le respectait. Elle était rythmée et fraîche. Les fragments étaient rassemblés dans un flot au sein d’une même scénographie. »

Au-delà de la mise en scène, il nous explique la filiation entre lui et Camus, notamment autour de son texte et de celui de l’Etranger. Sophie ressemble en beaucoup de points à Meursault, notamment ce qui est du fait qu’elle a agi sans motif et ne se positionne pas en tant que coupable ou victime. Elle est et ce qui est arrivé est arrivé. « Elle refuse toute imposture, tout mensonge et abuse de l’instinct de conservation… Elle a quelque chose du galet » explique-t-il. « Il n’y a pas de pourquoi à son acte ». Et c’est ce qui fait l’intérêt de ses pièces où souvent le spectateur tenu en haleine se retrouve face une fin où la réponse ne lui est pas donnée, ni soufflée, mais qui le questionne sur lui, ses actes et leurs intentions.

DVDM

Rmt News Int • 9 avril 2010


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