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Un automne à Marseille

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Ce mois-ci a été marqué par une série de performances révélant l’intensité et la diversité de la scène marseillaise. Des opéras aux créations plus contemporaines, chaque spectacle a offert un moment unique, célébrant la richesse des voix, du jeu et des émotions.

Suor Angelica de Puccini

Vingt ans d’attente pour découvrir enfin Suor Angelica de Puccini sur scène. Cette joie, je la dois aux Amis de Saint-Victor qui ont offert un magnifique moment lyrique et émouvant, porté par un plateau d’artistes féminines de très grande qualité venues notamment de Grenade. Au cœur de la basilique, décor naturel idéal, la mise en scène, d’une efficacité remarquable, intégrait des séquences dansées d’une pertinence saisissante : de jeunes danseurs masqués incarnaient les apparitions fantomatiques du fils défunt de Sœur Angelica, créant une émotion palpable. L’ensemble fut sublimé par une direction musicale inspirée. Mention spéciale pour Daniela Tabernig (soprano) et Alejandra Malvino (mezzo-soprano), dont les voix ont porté toute la charge dramatique de l’œuvre, ainsi que pour Rafael Lamas Domenech à la baguette et José Luis de Miguel Ubago au piano. Un très beau moment, une belle réussite. Vu le 26 octobre à l’Abbaye de Saint-Victor.

Banzaïoli d’Henri Frédéric Blanc

Henri Frédéric Blanc fait partie de ces auteurs dont la verve savoureuse célèbre avec génie la marseillitude et ses personnages hauts en couleur à l’imagination débordante. Banzaïoli, son dernier texte mis en scène par Xavier Adrien Laurent, est une de ces pépites qui transcendent la galéjade pour révéler une profonde philosophie de vie. L’histoire de Mimile dit “le Samouraï”, inventeur du combat de pain dur après un séjour au Japon, déploie une vie tragi-comique contée par un narrateur magnifiquement incarné par Gilbert Donzel. Sa diction claire et ses qualités de lecteur font merveille. XAL, quant à lui, habite Émile avec une justesse remarquable, entre mime et jeu, son corps tout entier servant ce personnage fantasque. Si le décor peut sembler légèrement surchargé, les vidéos réussies créent une atmosphère post-apocalyptique sublimée par la musique reconnaissable de Phil Spectrum. Une belle complicité artistique. Vu le 7 novembre au Non Lieu.

Falstaff de Verdi

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Falstaff, opéra bouffe, ultime chef-d’œuvre de Verdi fort différent de ses grands drames lyriques, compte parmi mes opéras préférés pour son raffinement orchestral aux influences rossiniennes, wagnériennes, mozartiennes et françaises. Sous la direction inspirée de Michele Spotti, l’orchestre et le plateau ont offert une soirée magnifique, malgré une mise en scène de Denis Podalydès qui ne facilitait pas toujours la tâche aux interprètes. Il faut saluer les prouesses tant vocales que scéniques de tous les artistes. Florian Sempey, qui a bravé la maladie, a incarné un Ford de belle prestance scénique et vocale. Héloïse Mas (Mrs Page) a brillé par sa triple maîtrise : danseuse, chanteuse et comédienne accomplie. Le baryton italien Giulio Mastrototaro, en prise de rôle, s’est joué avec adresse des redoutables difficultés de la partition. Félicitations particulières au couple des jeunes mariés du final : Alberto Robert (Fenton) et Hélène Carpentier (Nanetta), tous deux lumineux. Vu le 11 novembre à l’Opéra.

Skye Edwards (Morcheeba)

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L’Opéra aurait constitué un écrin idéal pour accueillir Morcheeba qui s’est produit lors de la Fiesta de Suds le 9 octobre dernier. Skye Edwards a envoûté le public dès les premières notes. Sa voix unique résonne avec une limpidité intemporelle que ce soient sur les morceaux de Big Calm (The Sea ou Otherwise) ou du dernier album Escape the chaos que plusieurs décennies séparent. Toujours cette clarté et puissance dans la voix. Charismatique dans sa robe imprimée, elle nous a gratifiés de déhanchés envoûtants avant de conclure “You Don’t Love Me” par un grand écart époustouflant. Les musiciens n’étaient pas en reste : la guitare de Ross Godfrey rugissait dans un flow électrique sur “Bleeding Out”, tandis que le fils de Skye tenait la batterie avec assurance. Un très beau moment musical réconfortant.

Que ce soit à travers les larmes de Suor Angelica, les rires de Banzaïoli, la bouffonnerie tragique de Falstaff, ou le charme vocal de Skye, les artistes, par leur talent et leur engagement, nous rappellent la beauté du théâtre, de l’opéra, de la musique et leur pouvoir d’émotion. Ces soirées témoignent de la vitalité de la culture à Marseille.

Diane Vandermolina avec Paola Lentini.

Suor Angelica et Morcheeba: crédit photo Diane Vandermolina

Banzaïoli: crédit photo Leda Atomica.

Falstaff: crédit photo Christian Dresse.

Rmt News Int • 14 novembre 2025


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