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Avignon off 2025 : Dans la peau de Cyrano

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Quand le théâtre devient un tremplin vers soi

Au cœur du Festival d’Avignon, je suis allée voir un seul en scène qui a résonné en moi : “Dans la peau de Cyrano”, une pièce écrite et interprétée par Nicolas Nico Devort mise en scène avec finesse par Clotilde Daniault

Le pitch semble simple : Colin, adolescent “différent”, fait sa rentrée dans un nouveau collège. Entre maladresses, moqueries et solitude, sa rencontre avec un professeur de théâtre bienveillant bouleverse sa trajectoire. Ce récit d’apprentissage, d’émancipation, est transcendé par une belle performance d’acteur.

Nicolas Devort saute littéralement d’un personnage à l’autre avec une agilité déconcertante. Seul en scène, il donne vie à tout un microcosme scolaire avec une énergie et une précision dignes d’un véritable caméléon. Il incarne avec brio une galerie de figures aussi variées qu’expressives : un professeur de théâtre percutant et tendre, un brin cynique mais toujours profondément humain – une figure bienveillante, presque paternelle, qui joue un rôle clé dans l’émancipation de Colin ; il campe aussi une psychologue scolaire haute en couleur, caricaturale, engoncée dans ses clichés et ses certitudes, mais traitée avec une distance comique. Parmi les élèves, on croise un ado bon camarade, un autre beau parleur un peu frimeur et rouleur de mécanique peu brillant, une adolescente un peu naïve et superficielle en surface, mais au fond fine et sensible, qui saura très vite voir au-delà des apparences et reconnaître la richesse intérieure et les qualités de Colin, et enfin une légère caricature de l’élève intello, modèle et sensible, dont la bienveillance envers Colin ouvre une porte vers l’amitié.

Comme un imitateur virtuose, il joue avec les codes, ose la caricature sans jamais forcer le trait. Ce jeu de métamorphoses rend visible l’univers intérieur de Colin, ses obstacles, ses espoirs, ses peurs, ses timidités. Mais également la sensibilité et les failles de chacun des personnages sous les masques. Le théâtre devient alors à la fois miroir et levier : un espace de jeu, de métamorphose, de libération.

À travers cette pièce, j’ai retrouvé un fil conducteur que j’ai vu tissé dans plusieurs spectacles auxquels j’ai assisté lors de ce festival cette année : la transformation de soi par la transmission. Un petit côté “Cercle des poètes disparus”, un professeur ou une figure adulte qui croit profondément dans le potentiel d’un enfant, au-delà des apparences ou des différences.

C’est cette foi dans l’autre qui restaure peu à peu l’estime de soi de Colin.

Héros malgré lui, Colin est le personnage principal de l’histoire qui trouve en Cyrano et son complexe le socle commun de leurs difficultés mais également cette capacité à s’en extraire et les dépasser. Une mise en abime salvatrice nous est alors proposée dans cette touchante histoire où chacun.e trouvera un écho à sa propre différence.

Le public rit, s’émeut, se reconnaît parfois. Car nous avons tous, à un moment de notre vie, eu besoin d’un regard qui nous relève.

“Dans la peau de Cyrano” est bien plus qu’un spectacle sur l’adolescence : c’est une ode à la confiance, à l’écoute, à la puissance de l’art pour révéler l’humain.

Valérie Blaecke

Crédit photo : CROC’SCENE

Vu au Théâtre des Corps Saints Avignon

Rmt News Int • 29 juillet 2025


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