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Sortie de Réserve et Apparitions : Un regard photographique sur la mémoire provençale

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Sortie de Réserve et Apparitions, du photographe Morgan Mirocolo, explorent la mémoire et la renaissance du patrimoine provençal à travers deux expositions distinctes, mais complémentaires. Du Musée Provençal de Marseille à la Maison Musée Frédéric Mistral de Maillane, le costume arlésien devient le fil conducteur d’une réflexion sur l’évolution des traditions et la revitalisation du patrimoine.

À Marseille, jusqu’au 3 mai 2025, le Musée Provençal, en pleine rénovation, accueille une exposition atypique, Sortie de Réserve. Morgan Mirocolo y présente des photographies de jeunes Arlésiennes en costumes traditionnels, saisies au cœur même du chantier. Papier bulle et caisses de conservation deviennent des éléments de composition, créant un dialogue saisissant entre modernité et tradition. A la Maison Musée Frédéric Mistral de Maillane dès le 25 mars (jusqu’au 8 septembre), Apparitions, la seconde exposition, tout en conservant le thème des costumes arlésiens, explore une nouvelle dimension en intégrant des éléments de la riche correspondance de Frédéric Mistral.

Nous nous sommes entretenus avec Morgan Mirocolo afin de mieux comprendre sa vision artistique.

Une histoire tissée dans les fils du costume

Rencontre intemporelle ©ADAGP Paris 2024.

Le natif de Cavaillon vit et travaille à Mouriès. Depuis 15 ans, l’objet de son travail est le costume arlésien. « Le costume est arrivé naturellement dans mon travail. Chez l’Arlésienne, c’est son élégance qui me plaît, même si c’est un cliché de le dire, elle est élégante. Il y a différentes époques représentées, les Arlésiennes ont suivi la mode parisienne au fil des siècles, mais en s’appropriant les styles à leur manière. On retrouve donc différentes époques dans ce costume.  D’ailleurs, dans les deux musées, il y a deux costumes contemporains, les autres sont des reconstitutions, notamment de l’époque 1880 où la coiffe était différente. L’évolution du costume se voit aussi dans la mise en valeur progressive des cheveux : au début, ils étaient cachés sous un bonnet, puis de plus en plus visibles, jusqu’à être presque entièrement apparents aujourd’hui, à l’exception d’un petit ruban. Depuis mon retour d’Australie, je photographie ces Arlésiennes en studio. Je travaille avec les mêmes modèles depuis dix ans, une complicité s’est installée, ce sont des amies. Cette relation me permet plus d’aisance, et je sais avec quelles modèles je peux aller plus loin, notamment pour le travail marseillais, qui est vraiment à part. Elles ont pris beaucoup de plaisir à participer, et me demandent régulièrement quand on pourra refaire des séances photos. »

Marseille et Maillane : deux regards en dialogue entre tradition et modernité

 « Ces deux expositions se rejoignent par leur proximité : deux musées qui se réveillent doucement, ou qui sont en pleine restauration, et par leur lien avec la Provence, notamment à travers les Arlésiennes que j’ai photographiées. Pour moi, le costume n’est pas figé, il vit. J’ai eu la chance que le musée marseillais soit en travaux. Lors de mes premières visites, j’ai trouvé beaucoup de papier bulle et de caisses de conservation. J’ai utilisé ces éléments dans mes photos, ce qui apporte une touche moderne et décalée, inattendue dans un musée. Nous travaillons sur cette exposition depuis trois ans, intensément ces cinq derniers mois. Il y a environ 25 clichés.  L’exposition s’est déroulée en deux temps : d’abord à Mouriès, dans une galerie amie, puis au musée de Marseille, pour un aspect plus immersif. L’installation a été un défi : trouver l’équilibre entre les objets utilisés pour les photographies et les photographies elles-mêmes, pour éviter qu’un élément ne prenne le dessus sur l’autre. Je pense que nous avons réussi. »

« À Maillane, les prises de vue ont eu lieu en février, car le temps était compté, la réouverture du musée étant prévue pour le 25 mars. Il y aura moins de papier bulle et de papier de soie que pour l’exposition marseillaise, mais les conservateurs ont laissé traîner un escabeau… bonne ou mauvaise idée, je ne sais pas, mais on l’a utilisé dans les photos. Ce qui m’a surtout intéressé, c’est la correspondance de Mistral, le musée possède 60 000 lettres, c’est colossal ! J’ai pu consulter des lettres adressées à Théodore Roosevelt, à l’Empereur du Brésil, à Guy de Maupassant, Victor Hugo, Georges Sand, Alphonse Daudet. Mon approche est légèrement différente de celle de Marseille, mais j’utilise toujours les collections du musée. Le musée de Maillane étant presque prêt à rouvrir, je n’ai pas pu faire la même chose. Et finalement, c’est bien ainsi. Je suis aujourd’hui sur la finalisation de l’accrochage ».


 

Des projets plein les poches

« Le musée des Alpilles à Saint-Rémy, un petit musée, prépare une exposition sur l’esprit du mas.  Avec une collègue, nous avons été mandatés pour réaliser un travail vidéo sur l’intérieur du mas. L’exposition explore l’évolution des mas, de leur vocation agricole à leur fonction actuelle, souvent touristique. C’est un projet contemporain, car la plupart des mas de Saint-Rémy ont perdu leur vocation agricole, contrairement à ceux de Mouriès. Le musée de Saint-Rémy explique bien cette évolution, notamment la production de semences agricoles, autrefois une activité d’exportation majeure, remplacée par le tourisme. La suite est liée : ce sont des symboles du territoire, des musées de terroir et de société. Pour ce projet, je ferai appel à un couple, pour apporter une présence masculine, car jusqu’à présent, j’ai surtout photographié des femmes. J’en apprendrai plus sur les costumes masculins. Ce projet est aussi lié à mon travail d’il y a cinq ans, sur les personnes âgées de Mouriès, un projet qui a donné lieu à un livre, sur la transmission du patrimoine aux jeunes générations. »

Photographe provençal pur souche, il a la passion des taureaux chevillée au corps

« Je compte également poursuivre mon travail au musée de Marseille. Après l’exposition, la salle où se trouvent les photographies sera restaurée à l’identique, comme en 1928.  Il y aura sûrement de nouvelles scènes à photographier, notamment avec les échafaudages. Cela permettra de documenter la transformation du musée, un événement rare, et d’enrichir les archives du musée pour les générations futures. Et puis, il y a les courses camarguaises, une passion d’enfance. J’ai photographié des taureaux pendant des années, et je n’ai pas fini. C’est même cette passion qui m’a amené à la photographie. Je me demande parfois si je suis plus passionné de taureaux ou de photographie… je crois que les taureaux gagnent. La photo est mon moyen d’expression pour parler des taureaux. Je réfléchis à un ouvrage sur ce sujet depuis cinq ans, mais le projet évolue constamment, je pense maintenant plutôt à une approche vidéo et projection. » A suivre.

Ce sont plus que de simples expositions photographiques ; ce sont deux expériences immersives qui invitent à la réflexion sur la transmission du patrimoine, la revitalisation des musées et la beauté intemporelle des traditions provençales. Elles offrent une expérience artistique inédite afin que le public redécouvre le patrimoine provençal sous un jour nouveau.

Propos recueillis par Diane Vandermolina

Crédit photo: Morgan Mirocolo 

Adresse :

Musée Provençal Château Gombert 5 place des héros, 13013 Marseille

Maison Musée de Frédéric Mistral 11 rue Lamartine 13910 Maillane

Rmt News Int • 15 mars 2025


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