
Johanna HEEG ou l’esprit de la couleur et la couleur de l’esprit
Quand elle peint, Johanna Heeg est dans sa plus exacte nature, dans une sorte de visitation intérieure.
De glissades colorées en errances, d’exode en fuite du temps, elle s’enfonce éperdument dans l’émotion de peindre au point de disparaître pour n’être que silhouettes, visages, paysages, un monde lointain, enfoui, dont on découvre peu à peu l’obsession de la mémoire.
Le passage des ombres, la délicatesse des transparences et le fol emportement du temps font éclore la vie comme sur un buvard magique, restituant une quête de la couleur et de la lumière explorées jusqu’à l’aveuglement des formes.
La peinture de Johanna Heeg est une perpétuelle chasse aux fantômes qui peuplent sa vie, un défi au temps, son plus fidèle complice, qui la mène de la naissance à la mort, de la vie joyeuse à l’innocence et aux plénitudes de l’enfance, de la gourmandise espiègle à la mélancolie. L’important pour elle est de creuser son chemin dans l’humain, ne sachant ni où il mène ni d’où il procède. Elle regarde, questionne, interroge. Elle est à l’intérieur d’un monde, comme dans une gigantesque fabrique d’humanité, où elle fait sauter tous les verrous, et peu importe la direction qu’elle donne à ses histoires, elle surprend, revient toujours sur le même lancinant mystère de la vie et de l’âme.
Ce qui caractérise cette peinture dont elle dit toujours n’être qu’au commencement, c’est ce foisonnement d’humanité, cette profondeur et cette gravité transmises aux êtres et à tout ce qui les entoure.
La force de ce temps mêlé, qui bouge sans cesse, nous raconte la vie avec de bouleversantes pudeurs.
Les représentations surannées de ses personnages étranges à l’élégance raffinée, l’évocation des lieux où résonne si souvent le souvenir de la Hollande, sa terre natale, semblent sourdre de quelques vies anciennes où de troublantes apparitions nous font tourner la tête comme dans un manège.
Johanna Heeg est tout entière dans l’esprit de la couleur et la couleur de l’esprit. C’est peut-être parce que sa peinture n’obéit à aucune lumière ordinaire qu’elle a trouvé la sienne.
Une peinture forte mais jamais agressive, comme si ce monde avait déjà refait plusieurs chemins, subi de nombreuses vibrations avant de surgir sur la toile.
Comme le dit si joliment Michel Bouquet « Les peintures de Johanna Heeg sont comme de petites fenêtres qui ouvrent sur la vie intérieure.».
Jean-Pierre Cramoisan
Ses dernières œuvres sont à découvrir jusqu’au 22 mai 2019 au Théâtre TOURSKY