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The culture beyond borders

Rencontre/Dédicace au World Trade Center

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Visite éclair de Marcel Maréchal à Marseille, le 4 février dernier !

A l’initiative du Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud et à l’occasion de la sortie du livre ‘Marseille Culture(s)’ signé Jean Contrucci et Gilles Rof, le fondateur du théâtre de la Criée était invité au World Trade Center afin de partager avec le public, venu en nombre, son expérience Criée.

Hélas, ce jour-là, dans la salle, hormis quelques aficionados de la culture – citons Anne Marie Bonnabel, prof de théâtre à Thiers- aucune personnalité forte du monde culturel n’était présente – ni même l’actuelle directrice du théâtre, Macha Makeïeff- : c’est dire l’absence d’intérêt des directeurs de théâtre pour leur confrère, et ce quel que soit l’amitié ou non porté envers la personne. De même, en dehors des fidèles du Club, peu –pour ne pas dire pas – de journalistes en activité, ceux qui se revendiquent spécialisés dans les questions culturelles, s’était rendu à cette rencontre*. Ni Zibeline, ni la Provence n’étaient venus alors que le sujet pouvait grandement les intéresser à plusieurs titres ; d’une part parce que Gilles Rof est un ancien de l’Hedbo, journal appartenant au groupe La Provence ; d’autre part par ce que la directrice de Zibeline signe des éditos de gauche où elle se dit défendre la liberté d’une presse de qualité ouverte sur la culture pour tous. Or, la liberté de la presse dont la qualité est par ailleurs en chute libre dans de nombreux médias était l’objet de l’introduction de Jean Kéhayan, actuel président du Club. ‘Il est nécessaire de retourner aux fondamentaux pour faire un journal qui se lit. Un journal, c’est inciter à la découverte, comme au théâtre.’ Un parallèle judicieux qui nous plonge dans le vif du sujet !

Qui dit découverte, dit curiosité, et cette dernière va bien au-delà de la culture mise en avant dans les médias. Un amalgame est souvent fait entre ‘qualité artistique intrinsèque d’un projet’ et ‘notoriété du porteur dudit projet’. Autrement dit, la grande majorité des médias plébiscitent l’‘excellence artistique’ ou, pour reprendre un terme très institutionnel, l’‘exemplarité’ d’un projet dès lors que ce dernier est largement subventionné par les tutelles. Il est à noter ici le peu de cas fait dans les pages « culture » des actions non financées par les pouvoirs publics, en dehors des têtes d’affiches. Or, les aptitudes politiques d’un porteur de projet à se faire bien voir des financeurs ne signifie pas forcément que son travail soit exemplaire à tous les titres.** Il répond à une norme définie par les tutelles en place et surfe sur la vague d’une mode artistique préétablie, répondant à leur attente. Cet acte par lequel les financeurs reconnaissent en le subventionnant la qualité artistique d’un projet –cette qualité apparaît ici extrinsèque- découle d’un choix arbitraire au sens où l’entend Pascal puisqu’il s’agit d’une vision de l’art imposée par une force, ‘dont nous avons oublié l’origine’. Ce mécanisme étant profondément ancré dans les inconscients collectifs a ainsi pour conséquence d’annihiler chez le journaliste spécialisé en culture sa curiosité et sa capacité, ici biaisée, d’analyse de la qualité artistique intrinsèque d’un objet culturel. Ceci peut expliquer la quasi absence de ‘découvertes’ proposées dans les journaux aujourd’hui !

De la découverte, c’est ce que nous proposait Jean Kéhayan en invitant Marcel Maréchal ce soir-là. Ce furent donc des retrouvailles émouvantes avec l’homme souvent décrié pour son égo. Lyonnais de naissance, il avait un tout petit théâtre situé en face de celui de Planchon dans sa ville natale puis il prit la direction du théâtre de l’Est Parisien (maintenant la Colline) à Paris avant de diriger le futur grand théâtre de Marseille, à la demande de Gaston Deferre. C’était en 1975. Le maire de Marseille voulait un grand théâtre et lui proposa de le construire en lieu et place de la Criée aux Poissons. Cette idée séduisit Marcel Maréchal qui resta un temps au Gymnase (où il fit un gros travail de formation du public, ce dernier le suivit à la Criée). Après proposition de 8 projets, les travaux du futur théâtre débutèrent fin 1979 et Maréchal joua en ouverture des travaux, ‘la Mosqueta’ : un souvenir touchant qu’il nous relate avec émotion. « Ça sentait encore le poisson », confie-t-il. Puis, les travaux enfin achevés, nous sommes le 22 mai 1981, c’est l’ inauguration de la Criée tant attendue ! Le Maire est en retard, vingt minutes, et entre dans la salle alors que Maréchal déclamait « l’exactitude est la politesse des rois », extrait de ‘l’impromptu de Versailles’. Un souvenir cocasse ! Un de ses rendez vous avec l’histoire comme il l’aime à les appeler…. Mai 68, la chute du mur de Berlin, des souvenirs qui ont marqué sa vie et qu’il nous raconte en toute simplicité! En trente ans, le bonhomme a changé. Il reste, dans le coeur des Marseillais, Le directeur de la Criée et il peut en être fier. En effet, il y a créé avec succès un répertoire de pièces théâtrales populaires, exigeantes en terme de qualité, jamais élitistes. Aujourd’hui, il se dégage de lui une humilité non feinte, même lorsqu’il parle de ses succès populaires et de ses tournées mondiales ! Il nous relate sa création des ‘Trois mousquetaires’, avec des artistes chinois, lors de son passage à Shanghai. Encore un récit épique et drôle !

Ces anecdotes savoureuses, le lecteur pourra les découvrir dans leur entièreté en lisant le monumental ‘Marseille Culture(s)’, une commande faite par H.C éditions, une maison parisienne à Jean Contrucci. Ce dernier fit appel à Gilles Rof pour oeuvrer avec lui à ce fastidieux travail journalistique, où sont racontées de délicieuses histoires, le tout agrémenté de longs entretiens avec des personnalités ayant marqué la ville culturelle de Marseille. Valetti, Mesguish, Bluzet, Maréchal…. Tous ou presque y sont. Gilles Rof déplore l’oubli de Catherine Marnas dans leur recueil mais il est vrai qu’il a fallu faire des choix et le livre pesant déjà 3,5 kg, il était difficile d’en rajouter. Certes ! Néanmoins, dans les oublis, nulle mention n’a été faite de la richesse du théâtre amateur. Ce grand vivier pourvoyeur d’artistes professionnels (dont Maurice Vinçon est issu et dont il n’est pas fait mention dans son parcours) permit pourtant à Marseille de ne jamais devenir ce désert culturel dont il a été souvent question après la fermeture de l’Alcazar dans les années post-guerre. Pourtant, il n’a, dans les faits, jamais réellement existé : feu Edmée Santy nous en a largement fait la preuve tout le long de sa carrière. Ceci dit, le livre est superbement illustré, notamment la partie consacrée aux beaux arts, et fort aisé à lire, voire même agréable à manipuler en dépit de son poids. Du bel ouvrage, en effet, qui nous fait découvrir quelques anecdotes méconnues comme celle de la visite de Spiderman à Marseille ou la toile de Keith Haring, faite pour un ballet de Roland Petit, découverte dans le coffre fort du Ballet National de Marseille par Flamand lors d’un inventaire ; voire celle de Litz qui jouait exclusivement sur des piano Boisselot, le fabricant de piano marseillais (1000 pianos par an) dont la maison, située à la place des Galeries Lafayette, a fermé depuis longtemps.

Marseille, ville de cultures, avec sa diversité et son métissage, ses créateurs en tout poil, voilà ce que nous offre à découvrir ce livre dont les parties écrites par les deux co-auteurs ne sont pas signées. Ce choix volontaire de leur part est en lui-même un hommage rendu aux créateurs auxquels de longs entretiens sont ici consacrés. DVDM

Marseille Culture(s). Dans toutes les librairies. Chez HC Editions.
Format 24×31 cm. 408 pages. Prix 50 euro

*Par contre à la soirée du 11 février organisée à la Criée par Médiapart, Marsactu et le Ravi sur la liberté de la presse mise en danger par l’acquisition de la Provence par Bernard Tapie qui n’a toujours pas pointé le bout de son nez au sein de la rédaction, soirée qui a permis au Ravi de faire exploser ses ventes, tous les journaleux étaient bel et bien présents !

** Ici, nous ne jugeons pas de la qualité des oeuvres subventionnées : ces dernières répondent à des critères multiples et complexes. La chose que nous déplorons ici est que la qualité d’une oeuvre ne soit pas première dans le choix de subventionnement d’un artiste, car il répond plutôt à des affinités politiques. De plus, la qualité sensible d’une oeuvre (sa capacité émotionnelle à toucher le coeur du public et à l’amener à se questionner) est largement oubliée au détriment avec ses qualités intellectuelles et performatives ou techniques (la seule maîtrise d’un discours ou d’une technique par l’artiste).0r, la qualité intrinsèque d’une oeuvre est constituée par ces trois éléments.

Rmt News Int • 17 février 2013


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