Les vieux os
Cie La Volga et Monsieur et Madame O
Tous les jours à 18h25 au Théâtre Golovine
1 bis rue Sainte Catherine 84000 Avignon
Prix : de 4 euros à 17 euros/ Réservation 04 90 86 01 27
Durée : 1h
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Ou l’histoire tendre d’une rencontre amoureuse dans une prison de retraite
‘Les vieux os’ racontent l’arrivée en maison de retraite d’un vieux radin bougon*. Ce dernier découvre sa cellule : la chambre 508, avec TV, fenêtre sur couloir, lit d’hôpital, murs bleus et cadre photo… Au dessus de sa porte, un signal lumineux et sonore l’empêche de fumer ou sortir, espionnant à la ‘Big Brother’ ses moindres mouvements allant à l’encontre du règlement intérieur de cette maison de retraite décrépie, au personnel laxiste, voleur et autoritaire**.
Vêtu d’une tunique bleue rappelant les uniformes des prisonniers avec leur numéro de cellule inscrit sur la poitrine, ou dans le dos, le vieil homme rencontre une vieille optimiste atteinte de troubles de la mémoire qui s’installe dans son lit, envahissant son espace privé avec ses rêves de plage et sa musique, ses ‘wouaw’ admiratifs et son urne remplie de cendres…. Tout d’abord sur la défensive, le vieil homme essaie de se débarrasser de l’intruse mais au fil du temps qui passe dans ce lieu déshumanisé – où le personnel soignant est remplacé par un haut parleur souhaitant un joyeux noël ou un joyeux carnaval aux pensionnaires-, il se prend d’affection pour la vieille. Nos deux larrons que les os portent difficilement vont alors s’entendre pour faire leur révolution dans la maison de retraite à l’occasion du 14 juillet, fumant, buvant et s’embrassant jusqu’à plus soif. Françoise Purnode et Laurent Clairet interprètent tour à tour les employés de cette maison de retraite sans âme et les deux pensionnaires dont nul ne connait le nom, revêtant des demi-masques tels une seconde peau pour jouer ces derniers afin de conforter l’illusion de vieillesse de leur personnage. Leur jeu, requérant un travail corporel et une précision dans la gestique, est remarquable : les mouvements saccadés du corps dans leur déplacement -avec ou sans fauteuil roulant, canne ou déambulateur ; le tremblement des mains et de la tête, l’expressivité des mimiques et du regard rendent crédibles les deux comédiens dans leur rôle de vieux croulants refusant la mort. Toute une palette d’émotion – de la colère à la tristesse en passant par la joie, la curiosité, l’amour- traverse les personnages au fil de leur quotidien ; les petits films en noir et blanc projetés en fond de scène ébauchant des bouffées de souvenirs épars de nos deux compères sont un contrepoint nostalgique offrant au spectateur des pauses poétiques. Cette création aux frontières du burlesque et du clown n’est jamais vulgaire et fourmille d’idées originales et drôles : par exemple, la scène du striptease de la vieille avec sa tenue léopard est à mourir ; la danse des deux vieux sur fond de musique électronique est rondement bien menée. Tout ou presque repose sur le jeu des deux comédiens, aidés par un environnement sonore et une création lumière tous deux adéquats et justes, éclairant le propos ici et là sans redondance ni lourdeur, puisque le spectacle ne comporte aucune parole. Par ailleurs, toute parole eut été ici superflue.
Les thèmes de la solitude, du handicap, de la dépendance, de la mort, de la fragilité du corps et de l’esprit et plus généralement de la vieillesse sont ici abordés sous un angle burlesque sans jamais tomber dans le pathos. Le traitement tragicomique de ce sujet pourtant grave est judicieux conférant une légèreté bienvenue à un sujet pourtant grave. Le spectateur se prend de sympathie pour ces deux petits vieux et suit avec intérêt leur (r)évolution dans ce monde aseptisé d’une maison de retraite. Jusqu’au final réjouissant et jouissif. DVDM
* (il cache son argent dans sa petite mallette sans âge et passe son temps à grogner un ‘merde’ colérique)
** (un technicien de surface cache les saletés sous le lit et ne change pas les draps de l’ancien pensionnaire, faisant son travail par-dessus la jambe ; une infirmière sadique force le vieux à prendre des médicaments dont il ne veut pas et ne répond jamais à ses coups de sonnette quand le besoin s’en fait sentir)
