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Rencontre avec Matilde Politi, une chanteuse engagée

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Matilde Politi est une chanteuse sicilienne, originaire de Palerme. Accompagnée de son frère Gabriele, violoniste spécialisé en musique baroque, soliste et membre des Ensemble di Strumenti Antichi del Conservatorio di Palermo et Studio di musica antica Antonio il Verso – ensembles baroques italiens- et de Simona Di Gregorio, jeune femme originaire de Catane (Sicile), également chanteuse et poly-instrumentiste spécialiste en musique traditionnelle sicilienne, elle est venue partager lors de Babelmed Music sa passion pour la musique de son pays, hélas en voie de disparition, problématique aggravée par la fermeture de nombreux festivals au sein de l’ile depuis quelques années.

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Photos de Matilde Politi et son groupe, signées Laurent Grino

Habituée à des formations de huit personnes incluant des artistes d’origines diverses, elle a choisi une formation réduite pour offrir au public un échantillon de musiques traditionnelles siciliennes. Nous avons rencontré la jeune femme pour laquelle monter sur scène est déjà un acte politique, un engagement.

Pour la petite histoire, Matilde a débuté par le théâtre dès l’âge de 14 ans, étudiant le théâtre contemporain à Pontedera (Italie) où Grotowsky, créateur du théâtre pauvre et organique dirigea un Workcenter dans les années 80 avant de mourir. Matilde apprit au cours des exercices du Workcenter à se concentrer sur la réminiscence de chants anciens dormant dans la mémoire : ce travail sur la voix et le corps facilitèrent son apprentissage du chant et de la musique lorsqu’elle décida de quitter le théâtre, discipline de laquelle il est difficile de vivre – encore plus en Sicile- et qu’il est impossible de manager tout seul. Diplôme d’Anthropologie culturelle en poche, curieuse du patrimoine de son pays, elle choisit de retourner en sa terre natale et de faire des recherches sur les musiques traditionnelles que ‘même les anciens n’osent plus chanter’ afin de faire revivre cette tradition que la seconde partie du XXème siècle a bouleversé : ‘la vie quotidienne a beaucoup changé après la seconde guerre mondiale en Sicile et les anciens ne croient pas en la richesse de leur patrimoine, la Télévision a transformé beaucoup de choses’ nous explique celle qui, humblement, ne se proclame pas musicienne. ‘Mais il est important de remettre cette tradition en avant. Nous avons trouvé de nombreux chants mis en musique au cours du 20eme siècle et enregistrés dans les années 70.’

Le répertoire de la chanteuse-musicienne se compose alors de chants traditionnels et de créations originales* respectant les modèles de la musique traditionnelle sicilienne et intégrant des polyphonies afro. Car l’artiste nous confie ‘Je ne peux – et ne veux- pas chanter en italien ni en anglais ou dans une autre langue : je ne me retrouve qu’en chantant en sicilien.’ La chanteuse est très attachée à son pays, une terre où l’immigration pose de nombreuses difficultés et tensions sociales, entre les arrivées et les départs de milliers de clandestins. Cette problématique a poussé Matilde à créer une structure d’accueil afin d’intégrer les immigrés via la musique ; pour elle, c’est la meilleure façon de rencontrer et connaitre l’autre. ‘J’apprends beaucoup des africains quand ils prennent leur percussion et jouent. Je n‘ ai rien à leur apprendre et pour moi, c’est important d’être ensemble, de partager et d’apprendre les uns des autres. Mais il est difficile de faire vivre cette association, il nous faut trouver des sponsors et l’aide sociale diminue de plus en plus.’ Sensible aux problématiques environnementales, elle souhaite aussi développer une association de tourisme musical responsable ‘afin de faire découvrir la richesse des traditions siciliennes. Créer un voyage musical’.

Et c’est ce qu’elle fit pourtant le 31 mars. Son concert proposait de découvrir des chants traditionnels, accompagnés par un accordéon diaphonique, un violon – avec l’excellent Gabriele- et des instruments traditionnels – tambourellos et autres percussions que les deux jeunes femmes maitrisent fort bien. Ambiance dansante et festive assurée ! Et même si 45 minutes de concert, c’est peu au regard de la diversité du répertoire, ce fut un très agréable moment de découverte et une belle rencontre artistique et humaine. DVDM

Plus d’infos sur

http://www.matildepoliti.com/
http://www.politinautica.it/

*Certaines de ses chansons sont inspirées par des auteurs siciliens tels que Buttitta dont elle reprend les textes dans son album au titre significatif ‘A tirannia’, un album regroupant des chants politiques et racontant l’histoire du peuple sicilien.

Rmt News Int • 7 avril 2012


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