Made in Asia: Semaines 2 et 3
Entre deux vernissages et expositions d’artistes plasticiens taïwanais aux techniques novatrices et contemporaines, le festival accueillait des grands noms de la scène taïwanaise et un spectacle jeune public : Les Ten Drums, groupe de percussionnistes venus du sud de l’Ile, le Wang Xin Xin Nanguan ensemble dirigé par la captivante Wang Xin Xin, et l’Est et l’Ouest qui proposait en coproduction avec le Flying Group la Naissance, une création de Chou Jung Shih a l’adresse du jeune public.
Le Charme de Taiwan – 3 février dans la salle Nougaro
La proposition des Ten Drums a conquis le public toulousain avec ses percussions vibrantes et chaudes, ses flutes et volutes sonores subtiles, ses masques traditionnels et combats épiques. L’équipe est composée d’une petite dizaine de jeunes musiciens aguerris : chacun manipule le bâton et maitrise l’instrument percussion avec un talent fou et une énergie incroyable. Le programme proposé est celui que le curieux avait pu découvrir en Avignon cet été, une plongée au cœur des beautés de l’ile de Taiwan avec ses vents et ses coqs, ses chevaux et ses cascades, ses traditions et ses rites ancestraux. Dans le premier programme Splendeur, l’arrivée des généraux célestes ou l’armée de Song Liang nous immergent dans les récits héroïques chinois et célèbrent la puissance féline du tambour avec ses sonorités vigoureuses : visuellement, le spectacle est impressionnant, les jeunes gens partagent avec une extrême générosité leur passion pour cet art et nous emmènent dans un univers mystique fascinant. Suit alors un second programme Terre natale qui nous transporte à la rencontre des peuples et cultures aborigènes de Taiwan. Ce programme ouvre la voie de la philosophie taoïste où le sage suit la voie de la Nature selon le principe du ‘non agir’ de Lao Tseu. Une harmonie indescriptible se dégage des dialogues entre les percussions animalières et humaines, les flutes et les gongs. La jeune troupe prend ici plaisir à recréer ce monde naturel où les hommes et les animaux se répondent, le tout accompagné de jeux de lumières mordorés de toute beauté. Un moment inoubliable que le public a salué avec un enthousiasme rare. Et pour ceux qui souhaitent les découvrir, les Ten Drums dirigés par Shih Hsieh (Voir extrait vidéo) reviennent en Mars et Avril en France : 21 mars à 20h30 à l’Espace Athic d’Obernai | 24 mars à 20h30 à l’ACB de Bar-le-Duc | 27 mars à 14h30 et 20h30 à La Comète de Châlons-en-Champagne | 29 mars à 20h30 au Nouveau Relax de Chaumont | 1er avril à 15h00 au Théâtre Louis Jouvet de Rethel | 4 avril à 20h30 à la Maison des Arts et Loisirs de Laon | 6 avril à 20h30 à l’Auditorium du Musée Guimet de Paris.
Mirage des sons du Sud – 8 février au Théâtre du Capitole
Tel était le titre de la création franco-taïwanaise à laquelle a été conviée Wang Xin Xin. L’orchestre baroque de Montauban, les Passions, sous la direction de Jean Marc Andrieu, accueillait en résidence Wang Xin Xin, la spécialiste du Nanguan, chanteuse et musicienne exceptionnelle, ainsi que Jiang Nan, une jeune chinoise vivant à Toulouse, excellente joueuse de Guzhen -la cithare chinoise-, et une jeune taïwanaise, Yang Yi-Ping, percussionniste fort talentueuse. Le concert proposé au public mêlait ainsi musiques baroques de Vivaldi dont la Follia ; musiques chinoises de Chen Huazhi et Wang Jianmin ainsi qu’une composition de Wang Xin Xin, liées ensemble par des tintements de gongs et percussions subtilement arrangées. Wang Xin Xin, dont le professionnalisme et la générosité scénique sont remarquables à plus d’un titre, a offert au public toulousain un moment de pur bonheur musical : vêtue d’un habit traditionnel aux couleurs pastel, le visage éclairé par un sourire intérieur paisible et apaisant, elle apparait, jouant aussi brillamment du pipa que du violon chinois ou du er-sian, instrument chinois à deux cordes aux sonorités légères et flutées, sa voix aux aigus veloutés transportant le spectateur vers un ailleurs où règnent l’harmonie et la sérénité. Seul point d’ombre à cette création, la création vidéo inutile et redondante en rapport au concert proposé : usant, voire abusant de techniques de dessin assisté par ordinateur et de couleurs rouge sang ou bleu électrique, les images projetées ne rajoutaient rien à la magnificence de la musique, voire gâchait le plaisir de l’œil posé sur les artistes tous talentueux. Ceci dit, le concert fut magnifique, les envolées baroques et le souffle puissant du guzheng s’accordant merveilleusement avec la douceur exquise du nanguan : le public, venu en nombre en dépit d’un froid sibérien qui se faisait ressentir à l’intérieur même du théâtre, a rendu une ovation bien méritée à l’ensemble des artistes. Un grand bravo pour ce programme musical de belle tenue.
La naissance – 4 février à la médiathèque José Cabanis
La Naissance, premier volet d’une trilogie sur les trois étapes clés de la vie, est un spectacle jeune public qui s’adresse autant aux petits qu’aux grands. Derrière le voyage initiatique d’une petite fille dans le ventre de sa maman qui s’apprête à la mettre au monde, se dévoile tout un pan de philosophie mêlant pensée chinoise et occidentale sur l’origine de la vie et du monde. Écrit par une jeune maman, Chou Jung Shih, créatrice de la compagnie L’est et L’ouest, ce spectacle fait appel à la marionnette et au théâtre d’ombre via la retro projection de dessins sur le fond de la scène. Manipulation délicate et subtile de calques par deux artistes taïwanaises spécialisées dans la marionnette, Kappa Tseung et Pei Yu Shih, interprétation et manipulation exquise de la marionnette représentant la petite fille par Jung Shih Chou, interprétation exceptionnelle en live de la musique par une poly instrumentiste, Yu jun Wang ; tous les ingrédients étaient présents pour offrir au jeune public un spectacle onirique et beau, sollicitant adroitement leur imaginaire : la petite fille découvre un œuf et part à la recherche de ses parents. De cet œuf nait Pangu, celui par lequel le monde est sorti du chaos -dans la mythologie chinoise. Conte merveilleux et pédagogique, faisant appel aux mythologies orientales et occidentales de la naissance, le texte est dit en chinois et en français, les deux langues se répondant l’une à l’autre dans un dialogue universel. Le public de la médiathèque était venu en nombre découvrir cette création et ne fut pas déçu du voyage, les applaudissements fusant dans la salle à l’issue de la représentation.
Le festival made in Asia dédié à l’ile de Formose a eu le bon gout de présenter des spectacles de styles et genres différents, confortant l’inscription de Taiwan dans une dynamique artistique où la tradition et la modernité ne sont pas opposées mais complémentaires et se nourrissent l’une de l’autre. Il suffit de jeter un œil sur les expositions pour se rendre compte que là aussi les artistes même dans leur recherche les plus contemporaines – notamment celui de Wu Chi Tsung sur la lumière ou de Char Wei Tsai sur le flux et les encres, tous deux présentés à la Maison Salvan – git en creux un respect pour la tradition, leur création ne s’inscrivant pas contre la tradition mais dans une lignée, une filiation spirituelle. DVDM
Wang XinXin, La Naissance : Photos DVDM / Char Wei Tsai et Wu Chi Tsung : Photos S Marand










Vous devez être connecté pour poster un commentaire.