Rencontre avec Renée Auphan, metteur en scène de la Chartreuse de Parme
Renée Auphan- en photo ci-dessus, copyright Opera de Marseille- s’attaque, à la demande de Maurice Xiberras, actuel directeur de l‘Opéra de Marseille, à une œuvre difficile, quasiment jamais montée, ‘la Chartreuse de Parme’, inspirée du roman de Stendhal, dont la musique est signée Henri Sauguet, compositeur contemporain aujourd’hui tombé dans l’oubli. Un défi que Renée Auphan relève avec panache. Un hommage fait à un compositeur talentueux délaissé. Comme elle a pu le faire du temps où elle dirigeait l’Opéra, exhumant des œuvres méconnues telles l’Aiglon, inspiré d’Edmond Rostand qui révélât Alexia Cousin en 2004. Renée Auphan, adepte des coupures, reprend ici l’Opéra tel qu’il avait été coupé par Sauguet lui-même, à l’issue de sa première création.
Avec l’honnêteté et le franc parler qui la caractérisent, elle s’est prêtée au jeu de l’interview, nous avouant qu’elle ne connaissait pas la Chartreuse de Parme de Sauguet ‘mais j’avais déjà chanté ‘‘le plumet du colonel’’ de Sauguet. C’était un homme délicieux et charmant.’ Quand Maurice Xiberras lui a proposé de s’attaquer à cette œuvre, Renée s’est alors attachée à lire le livret avec attention. ‘J’ai cherché à trouver une logique et j’ai relu le roman de Stendhal afin d’éclairer les personnages. Le roman est inadaptable, il n’y a eu qu’un film – avec Gérard Philippe qui n’est pas une grande réussite par ailleurs, ndrl-. Le librettiste a réussi un tour de force mais l’essentiel n’est pas immédiatement perceptible. Cela m’a pris du temps et j’ai travaillé le texte phrase par phrase. L’écriture de Stendhal est très complexe et cette complexité se reflète dans l’Opéra. Dans ce dernier, il y a beaucoup d’ellipses et il est fondamental de raccorder les scènes et les personnages, créer une atmosphère entre les personnages. Ces derniers sont tous très ambigus. L’amour de la Sansévérina pour son neveu par exemple… Que s’est-il passé entre eux ? Mosca est un homme politique redoutable et pourtant il est à la merci de la Sansévérina. Clélia, c’est un petit oiseau blessé qui se révèle forte. Fabrice, quant à lui, est très proche de Stendhal qui vivait ses amours dans ses rêves plus que dans la réalité. Il est présent sur scène du début à la fin de l‘opéra et c’est très éprouvant pour le chanteur. Pour les artistes, certaines phrases peuvent paraitre évidentes mais c’est une fausse évidence’. Cet opéra plus qu’un autre nécessite de nombreuses qualités scéniques de la part des chanteurs : ‘ils doivent éviter les gestes parasites, déconstruire ce qu’ils ont appris pour avoir un jeu se rapprochant du jeu cinéma, c’est un travail subtil et fin qui demande beaucoup d’écoute de l’autre et de concentration’ poursuit-elle. Une partie de la difficulté de cette œuvre se découvre ici mais aussi dans la composition musicale.
Maquette signée Bruno DE LAVENERE
En effet, ‘la musique est difficile pour les chanteurs : elle est écrite comme un grand opéra italien, ce qui requiert une voix lyrique. Elle contient les difficultés de l’opéra classique mais aussi celles de l’opéra contemporain et réclame autant de qualités vocales que musicales. Par exemple, il peut y avoir un accord dissonant ou une note qui flotte. Sauguet dans sa composition se rapproche beaucoup de l’écriture de Stendhal : il y a quelque chose d’ambigu dans sa musique. C’est typique des Opéras français ; leur musicalité est délicate et les livrets sophistiqués, touffus… les textes sont souvent alambiqués. Il n’y a pas un opéra français facile…. ‘ D’où un travail de préparation long et méticuleux en amont des répétitions avec les artistes. ‘Mon travail de metteur en scène consiste à rendre les choses précises et claires pour les artistes et les spectateurs. J’essaie d’éclairer l’œuvre. Je m’inscris dans une tendance inverse de mes contemporains. Ma préoccupation première est que les chanteurs soient mis en valeur. C’est une approche classique. J’ai essayé de recréer une atmosphère italienne, de donner une couleur avec l’utilisation de rouges pompéiens dans les décors. Nous sommes en Italie, il y aura un olivier sur scène. Le plus délicat est le passage d’une scène à l’autre, celle d’un chemin de campagne à la loge de la Scala par exemple’ conclut-elle.
Néanmoins, les questions techniques ne sauraient nuire à la qualité du travail mis en œuvre par Renée Auphan. Car au final, travailler sur cet Opéra est fort excitant intellectuellement parlant : c’est un beau défi à relever tant pour la metteur en scène que pour les chanteurs, étant donné qu’il s’agit pour tous d’une grande première. A découvrir donc ! DVDM
La chartreuse de Parme, Henri Sauguet, du 8 au 14 février 2012, Opera de Marseille. Réservations http://opera.marseille.fr/
Plus d’infos sur http://rmtnews.wordpress.com/2012/01/17/zoom-sur-la-chartreuse-de-parme/



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