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Les plus beaux Ave Maria : Nathalie Manfrino en concert exclusif à Notre Dame de la Garde

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Après ses débuts à l’Opéra de Marseille en 2001, où elle a immédiatement conquis le public et la critique en incarnant le personnage de Mélisande dans la production de Pelléas et Mélisande, dirigée par Charles Roubaud, Nathalie Manfrino a continué à nous éblouir au fil des ans. En 2012, elle a enchanté le public avec son interprétation de Mimi dans La Bohème de Puccini revisitée par Jean Louis Pichon, et cette même année, elle a surpris tous les spectateurs en jouant le rôle de Clelia dans La Chartreuse de Parme, production mise en scène par Renée Auphan.

Aujourd’hui, nous avons la chance de la voir à nouveau dans notre ville pour un récital exceptionnel le 14 octobre à 18h, où elle chantera, accompagnée à l’orgue par Danièle Sainte-Croix, bien connue des amateurs de musique classique marseillais, au sein de la Basilique de Notre Dame de la Garde, « les plus beaux Ave Maria » composés par les plus grands maestros d’Opéra. Elle en interprétera les versions de Schubert, Massenet, Caccini, Verdi, Mascagni, Gounod.

Très discrète sur les réseaux sociaux, elle a entamé un tour de France des sanctuaires mariaux pour proposer ce récital d’une heure en entrée libre afin que tous puissent venir découvrir la beauté de ces chants sacrés. « C’est un projet qui me tient infiniment à cœur. Chanter ces Ave Maria a pris un sens immense depuis que je suis devenue maman. Nous avons décidé de faire ce concert dédié à Marie, dans le cadre de la venue du Pape François, pour prolonger sa prière mariale à Notre-Dame de la Garde » précise-t-elle avec la simplicité qui la caractérise.

Un projet né d’une rencontre humaine

DVDM : D’où vous est venue l’idée de chanter à Notre Dame de la Garde, à Marseille, la ville de vos débuts ?

Nathalie Manfrino : « Ce projet est parti d’une aventure humaine, de Marseillais que j’ai rencontrés suite à mon concert en Bretagne. Charmés par ma prestation, ils m’ont dit qu’il fallait que je vienne chanter à Marseille. Il y avait aussi cette histoire de la venue du Pape en septembre. Comme ils connaissaient le recteur de la Basilic de Notre Dame et que j’avais déjà chanté dans des hauts lieux religieux, aussi dans de toutes petites églises, avec ce projet, ça s’est monté assez rapidement ». De plus, « il n’y a pas grand-chose à Notre Dame de la Garde, pourtant, c’est un lieu incroyable, il faudrait le faire exister culturellement et musicalement. Avec ce concert, c’est ce qu’ils ont voulu faire ».

Hommage aux compositeurs d’Opéra et à Marie, Ode à l’Amour universel

DVDM : quelle est la particularité de ces Ave Maria ?

N.M : « Ce sont des Ave Maria opératiques. Ce sont les plus beaux Ave Maria, écrits par des compositeurs qui subliment ces prières, j’avais envie de ce projet car il faut rendre grâce malgré ce qu’on a vécu : on a tous des choses à porter, il me semble important de rendre grâce quand on arrive à s’en sortir. Par exemple, je suis tombée tardivement enceinte et je ne l’imaginais pas, je rends grâce à Marie d’avoir ce petit bonhomme. Et comme disait Saint Augustin, chanter c’est deux fois prier et le chant sacré peut élever encore plus l’âme que nous soyons croyant ou non. Dans ce concert, on trouvera le seul Ave Maria composé par Verdi extrait de son opéra Othello. Il y a aussi Mascagni : il a peu écrit mais dans Cavalliera Rusticana, il y a un intermezzo qu’on entend souvent dans les films de mafieux, dans lequel il a composé un Ave Maria. Puis, Massenet qui a écrit un Ave Maria sur la Médiation de Thaïs pour violon solo, un texte très connu mais personne ne le chantait. Je l’ai trouvé dans un vieux recueil de partition. Puis Caccini, c’est un tube absolu ». Avec ce récital, « je souhaite faire plaisir et offrir quelque chose de sacré et lyrique, comme un hommage à ces compositeurs qui ont rendu hommage à Marie. Ça rend le concert moins classique, puisque certains Ave Maria sont en italiens. C’est plus festif même si bien entendu ça va faire appel à des souvenirs touchants mais Marie est là pour nous protéger comme elle veillait sur les marins à Marseille. Pour moi, le propos de ces concerts est ouvert et universel, chacun reçoit ce qu’il veut recevoir, en toute humilité et bienveillance. J’espère très humblement, par ma voix, faire résonner dans les cœurs, cette espérance que l’on souhaite à tous, croyants ou non, une lumière bénéfique par le prisme de la musique, langage aussi universel que l’Amour. En espérant que ces airs très connus dédiés à la Vierge Marie, devenus populaires dans le bon sens du terme, continueront longtemps d’habiter nos cœurs. »

Offrir la musique sacrée en partage

DVDM : Le concert est gratuit. C’est important pour vous cette gratuité de l’accès à l’Art ?

N.M : « Oui, comme c’est en entrée libre, chacun peut contribuer comme il le souhaite. En pratiquant la libre participation, on espère que les gens qui n’osent pas se rendre à des concerts classiques ou qui n’en ont pas les moyens viennent, que ça les amène librement à la musique et à l’art. Quand j’ai chanté en Bretagne, on a eu une cinquantaine d’enfants, tous très respectueux et concentrés : c’était magique car certains n’avaient que 3 ans. J’espère que des grands parents viendront avec leurs petits enfants à Marseille. »

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Nathalie Manfrino © Robin François

Chanter à Notre-Dame : L’émotion de ses débuts

DVDM : Qu’est-ce que cela vous fait de revenir à Marseille après toutes ses années ?

N.M : « Je suis très honorée de pouvoir chanter pour la première fois dans ce haut lieu sacré. J’ai toujours eu une affection très particulière pour cette ville, il y a une énergie extrêmement particulière dans cette ville, et la vision de « La Bonne Mère » a imprégnée le début de ma carrière. Pour moi, le choix de Notre Dame de la Garde est très fort. Car lors de ma première venue, je jouais dans Pelléas et Mélisande. J’avais 20 ans et c’était ma première expérience professionnelle : je ne m’attendais pas à cette difficulté du métier, je sortais à peine de l’école et du conservatoire, j’étais un peu comme un petit poussin sorti du nid. Comme c’était difficile, je me suis tournée vers Notre Dame de la Garde et la Vierge, vers ce haut lieu qui surplombe la mer et toute la ville et c’est quelque chose qui m’a imprégnée. »

La jeune maman continue néanmoins sa carrière de Soprano même si de son aveu elle a levé le pied et pris du recul par rapport à son métier pour être plus proche de son petit bonhomme. Elle souhaite continuer avec des projets qui ont « de l’âme, qui soient pertinents avec la seconde vie que j’ai. J’ai besoin d’aventures humaines, faire de belles choses, des projets caritatifs, qui ont du sens. »

En espérant que les Marseillais viendront en nombre à ce concert unique. Diane Vandermolina

Encadré

Lucide mais toujours aussi passionnée par son art, Nathalie Manfrino nous a livré quelques-unes de ses réflexions sur le métier de Soprano, ses sacrifices et ses freins, et l’importance du vécu dans l’interprétation d’un rôle. Elle se confie également sur la nocivité des réseaux sociaux dont elle ne partage pas l’éthique.

De la difficulté d’être maman dans le milieu de l’Opéra

Rares sont les sopranos maman qui continuent leur carrière, certaines s’arrêtent pour s’occuper pleinement leur enfant, d’autres sont moins désirables aux yeux des directeurs d’Opéra et sont laissées de côté au profit d’artistes lyriques plus jeunes comme dans le Cinéma, rappelle Nathalie. « Être maman, c’est encore tabou et ça met la plupart du temps un frein à notre carrière. La première chose que je demande à une jeune chanteuse lyrique, c’est : est-ce que vous voulez avoir une vie de famille, des enfants parce qu’être chanteuse lyrique, ce sont des sacrifices énormes que l’on fait et pour nous, les femmes, l’horloge biologique tourne. On n’en parle pas forcément dans les écoles de musique. Si par exemple, tu t’arrêtes à un moment donné, on t’oublie très vite. Il y a, comme pour les actrices d’ailleurs, ce phénomène de jeunisme de vouloir tout ce qui est jeune et beau, car on va pouvoir plus facilement faire du buzz sur quelqu’un de nouveau. »

Du savoir-faire du chanteur artisan

 « Le savoir-faire est primordial dans notre métier car on est des artisans : plus on vieillit, plus on maîtrise ce savoir et les coups de la vie, les drames, la maladie, les décès, les divorces etc…  vont faire qu’on va devenir un artiste plus accompli qu’à 20 ans. Aujourd’hui, je n’interprète pas les rôles de la même manière qu’il y a 20 ans. Cela s’appelle la maturité. J’ai entamé une seconde vie après avoir vécu un drame dans ma vie personnelle. Il y a un avant et un après et quand on est sur scène, à 20 ans, on n’a pas vécu tout ça, on fait semblant, on peut très bien chanter et avoir une belle voix mais quand le public sent qu’il y a des tripes, de l’émotion, ça change. »

De la tyrannie des réseaux sociaux

Le métier d’artiste lyrique, entre compétition et concurrence des uns envers les autres, est de nos jours très difficile, notamment à l’heure où les réseaux sociaux ont envahi tout l’espace médiatique : la très grande majorité des chanteurs lyriques sont sur les réseaux sociaux et peuvent regarder les comptes des uns et des autres, compatibiliser les like ou encore se prendre en photo en toute circonstance, ce qui développe une curiosité malsaine et excite les jalousies. « Aujourd’hui, être chanteur lyrique est d’autant plus compliqué qu’avec les médias sociaux, il y a l’image, il faut du contenu, être beau, faire rêver… Je ne sais comment ils font pour travailler leur rôle en faisant tout ça mais aujourd’hui, si on n’est pas sur ces réseaux, on est artistiquement mort. Tout le monde est sur les réseaux sociaux même les directeurs d’Opéra. Pire, j’étais à un concours de chant francophone, avec 40 autres jurés, le niveau des jeunes chanteurs était très haut et j’ai discuté avec eux de la problématique des réseaux sociaux, car, pendant le concours, il y avait un Facebook live où on pouvait lire des commentaires très durs, violents… C’est terrible. »

Propos recueillis par DVDM

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Nathalie Manfrino dans la Bohème à Marseille en 2012 ©DVDM

Bio Express de Nathalie Manfrino, soprano

Après avoir brillamment achevé sa formation à l’École Normale de Musique de Paris, Nathalie Manfrino a remporté le Concours international de chant de Toulouse en 2000, puis le Concours international Operalia. Ces succès l’ont propulsée vers les sommets de la scène lyrique, où elle a fait montre de son talent vocal et de ses qualités théâtrales dès 2001 à l’Opéra de Marseille. C’est en 2006 que le monde de la musique classique a véritablement découvert Nathalie Manfrino. Elle a été couronnée Révélation de l’année dans la catégorie Artistes Lyriques aux Victoires de la Musique Classique, un honneur bien mérité vu son talent exceptionnel en tant que chanteuse et interprète.

Son engagement exclusif avec Universal Music et ses enregistrements sous l’illustre label Decca ont marqué le début de sa carrière discographique. De son premier album solo, « French Héroïnes, » à « Méditations, » une exploration profonde de l’œuvre de Massenet, et jusqu’au tout dernier opus « Destin de femmes, » Nathalie Manfrino continue d’ajouter des chapitres captivants à son parcours musical. Sa discographie s’est vue honorée du prestigieux Orphée d’Or et du prix Sir Georg Solti, soulignant la qualité exceptionnelle de ses enregistrements. En 2011, elle a été distinguée en tant que Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, une reconnaissance bien méritée de sa contribution à l’art lyrique.

Elle a illuminé les scènes du monde entier de Berlin à Barcelone, en passant par Rome et Paris (Garnier, Comique, Châtelet, Théâtre des Champs-Elysées), parmi de nombreuses autres destinations prestigieuses et les festivals internationaux, tels que Caracalla (Rome) et Mozarteum (Brésil) ou encore les Chorégies d’Orange (France), en interprétant un éventail de rôles captivants. Elle a été la Marguerite dans « Faust, » la Roxane dans « Cyrano, » la Micaëla dans « Carmen, » Sarah dans « Le Revenant, » Eurydice dans « Orphée et Eurydice, » Juliette dans « Roméo et Juliette, » Fiordiligi dans « Cosi fan tutte, » Rozenn dans « Le Roi d’Ys » de Lalo, le rôle-titre dans « Manon » de Massenet, Mimi dans « La Bohème, » et le rôle-titre dans « Thaïs, » pour n’en nommer que quelques-uns.

Travaillant en étroite collaboration avec des maestros renommés tels que Michel Plasson, Sir Colin Davis et Placido Domingo, Nathalie Manfrino continue d’apporter son éclat aux scènes du monde entier. Récemment, elle a séduit le public en incarnant Leila dans « Les Pêcheurs de Perles » à Séoul et en interprétant Juliette dans « Roméo et Juliette » de Gounod, toujours à Séoul avec le Korea National Opéra. Sa très attendue Micaëla dans « Carmen » à l’Opéra-Comique, à Shangaï et à Pékin, initialement prévue pour l’automne 2020, avait été reportée à 2023.  La rédaction

La Roque d’Antheron 2023 : Regards de femmes ; regards, deux femmes.

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Être femme et compositrice, être femme et artiste, être femme au XIXème siècle…

Le Festival international de piano de la Roque d’Anthéron proposait ce mardi 25 juillet, un magnifique concert avec Célia Oneto-Bensaïd, pianiste et l’Orchestre national Avignon-Provence dirigé par Debora Waldman. Regards de femmes pour ces femmes compositrices injustement oubliées, délaissées, ignorées. Les plus connues, Fanny Mendelssohn, l’exceptionnelle pianiste Clara Schumann et ses Lieder si émouvants, commencent à se faire une place et bousculent l’ordre établi de confrères installés, omnipotents et parfois sans plus de talent. Comment exister dans l’ombre de Robert Schumann, de Félix Mendelssohn? Et que dire d’Alma, écrasée par l’immense Gustav Mahler!

L’Orchestre national Avignon-Provence dirigé par Debora Waldman présente La Nuit et l’Amour, extrait de Ludus pro patria (Jeu pour la patrie) d’Augusta Holmès (1847-1903). Cet interlude purement symphonique, fait partie de la Cantate symphonique pour chœurs et orchestre (texte en vers), créé en 1888. Nuance douce, pianissimo, aux vents, écriture verticale suivi d’un thème aux violoncelles soutenu par les cors et relais des bois; le motif de la flûte entraîne un crescendo du tutti, phrase d’un beau lyrisme qui ressemble à un intermède d’opéra. Holmès était fascinée par Wagner. Le tuilage des phrases, le legato des cordes peut rappeler l’écriture du maître de Bayreuth. Les trilles des flûtes invitent à une cadence finale de belle facture. Une pièce qui dévoile la direction fluide et très expressive de Debora Waldman, et un orchestre symphonique de qualité qui sait faire ressortir toutes les palettes de timbres avec un bel équilibre.

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Célia Oneto-Bensaïd, Orchestre national Avignon-Provence, Debora Waldman © Valentine Chauvin

Célia Oneto-Bensaïd, pianiste reconnue internationalement, apparaissait alors dans un superbe ensemble blanc-or, pour nous dire toute sa passion, son engagement pour ces femmes injustement oubliées : Marie Jaëll, élève de Camille Saint-Saëns, protégée de Franz Liszt, était une immense compositrice, pianiste virtuose qui jouait l’intégrale des Sonates de Beethoven (32!); elle avait, dans ses doigts, toutes les œuvres pianistiques de Liszt! Elle composa ce premier concerto pour piano en ré mineur à 30 ans, le second quelques années plus tard. Bonne écoute! Une entrée en matière tonitruante, explosive! Micro en main, comme un slogan politique, la pianiste, très touchante avec cette envie de partager avec le public son combat de réhabilitation des compositrices oubliées. Rare à la Roque d’Anthéron avant un concert…

 Le Concerto en ré mineur de Marie Jaëll (1846-1925) garde la structure classique en trois mouvements. Le 1er, Lento-Allegro moderato, énonce un motif sombre aux cuivres; la pianiste joue deux motifs identiques puis déploie le troisième, de même écriture, mais plus développé, sur tous les registres du clavier, c’est brillant et puissant, démesure spatiale qui n’est pas sans rappeler Liszt. Le deuxième thème est un clin d’œil à la période impressionniste naissante, des vagues, en arpèges sur tout le clavier et un soutien des bois. Une mélodie accompagnée, plus apaisante, entraîne un déchaînement soudain. La technique époustouflante de Célia Oneto-Bensaïd permet de dompter l’écriture grandiose et très théâtrale de Marie Jaëll. Un déferlement de virtuosité.

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Célia Oneto-Bensaïd, Orchestre national Avignon-Provence, Debora Waldman © Valentine Chauvin

Alternance de passages de couleur tragique et des moments plus joyeux, les tonalités se bousculent. La complicité avec la cheffe d’orchestre est électrique, malgré un positionnement curieux. Debora Waldman est devant son orchestre, vigilante, vaillante, de dos à la pianiste. Mais une complicité se crée, des regards de femmes, des regards de flammes et cette fin de mouvement magique avec les accords de l’orchestre et du piano, précédés de silences obsédants, silences en parfaite symbiose: fabuleux. L’Adagio est surprenant par la continuité de déferlement, des phrases habillées de grands arpèges, croisement des mains, chevauchée romantique sans fin, écriture de nouveau très «remplie».  Puis un thème à l’unisson aux deux mains, minimaliste, suivi d’un passage élégiaque, sur un souffle, plus rien, le silence, des accords dans l’aigu, repris par les cordes et des cors très présents. Le troisième mouvement Allegro con brio démarre par une série d’accords surprenants, dialogue piano/orchestre. Célia Oneto-Bensaïd, toujours si engagée, déploie sa merveilleuse expertise, sa connaissance de la compositrice découverte il y a quelques années. On sent ce plaisir étonnant de donner, de partager. Un thème espiègle et sautillant annonce un final brillant, très puissant encore.

La caractère intense, entier de Marie Jaëll trouve en Célia Oneto-Bensaïd l’interprète idéale. On pourrait penser à une virtuosité gratuite, une façon de surjouer pour prouver son talent à ses confrères masculins du XIXème siècle, pour exister: les traits, les motifs, les thèmes sont souvent à peine énoncés, puis aussitôt enjolivés, déployés sur tout le clavier, des guirlandes de notes incroyables, gammes ascendantes, descendantes, accords puissants, arpèges redoutables, comme si Jaëll devait bousculer les hiérarchies établies des hommes, par les hommes, bousculer les préjugés, ou simplement exister en tant que pianiste virtuose?

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Célia Oneto-Bensaïd © Valentine Chauvin

Elle a 30 ans, à cette époque (1876). C’était surtout une pianiste remarquable côtoyant Saint-Saëns, Fauré, Liszt, Brahms. Quand Franz Liszt tricote tel ou tel motif et s’étale sur tout le clavier de manière ostentatoire, est-ce moins critiquable?

Il est surtout galvanisant pour cette merveilleuse pianiste de réhabiliter ces femmes, non parce qu’elles sont des femmes mais parce qu’elles ont composé des œuvres de grande qualité. Partir de rien, sans référence discographique, d’interprétation, est un pari osé car tout est à créer. Célia Oneto-Bensaïd, lauréate de nombreux prix internationaux, avec une discographie riche d’une dizaine d’enregistrements, ne s’installe pas dans un confort de répertoire. Son album Chants Nostalgiques sur la Mélodie française, a obtenu un ffff Télérama et elle sortira en octobre un nouvel album consacré à quatre femmes compositrices du XXème siècle.

Un travail sans relâche à la découverte de nouvelles compositrices, au sein des collectifs La Boîte à Pépites, Le Palazetto bruzane, Présence compositrices...

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Célia Oneto-Bensaïd © Valentine Chauvin

Deux bis magnifiques, comme un hommage appuyé et une reconnaissance sincère: Dans les Flammes (Dix-huit Pièces pour piano d’après La Lecture de Dante, N°4) et Poursuite (idem, N°1) sont deux pièces pour piano solo de Marie Jaëll. La première est la métaphore du crépitement des flammes, arpèges sans fin de la main droite, dans un développement gigantesque pour une explosion spectaculaire, rappelant Le Vent dans la plaine de Claude Debussy (Premier Livre des Préludes) ou la Danse rituelle du feu de Manuel de Falla dans l’Amour sorcier. Ce qui prouve la modernité d’écriture de Jaëll! La deuxième pièce, théâtrale et grandiloquente, fait lever le public qui fait un triomphe à cette immense pianiste spectaculaire et si passionnée.

Avec la Symphonie N°1 en ut mineur op. 32 de Louise Farrenc (1804-1875), l’Orchestre national Avignon-Provence allait donner toute sa pleine mesure. Louise Farrenc, pianiste et compositrice, aussi injustement ignorée, pendant des décennies, était professeure de piano pour classe de filles (!) au Conservatoire de Paris de 1842 à 1872, les classes, celle de piano entre autres, étaient séparées selon le sexe des élèves et ne devinrent mixtes qu’en 1915 sous le directorat de Gabriel Fauré.

Elle compose cette première symphonie en 1841, à trente-sept ans, dans la continuité d’une grande tradition symphonique (Première Ecole de Vienne: Mozart, Haydn, Beethoven) mais avec des accents très personnels. Composition en 1841, création à Bruxelles en 1845, trois ans plus tard…! Farrenc composera 3 symphonies.

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Célia Oneto-Bensaïd © Valentine Chauvin

Trois mouvements: Andante sostenuto-Allegro. Une entrée calme, posée, d’un lyrisme mendelssohnien, puis un motif très dansant d’une belle densité aux accents beethovéniens. Grande puissance dramatique à la fin du mouvement. L’Adagio cantabile garde cette atmosphère planante du début dans de grandes phrases legato. La proximité de Debora Waldman avec son orchestre permet un équilibre parfait, une précision des attaques et une libération des énergies.

Minuetto amène plus de tension. Tempo 3/4 habituel, grand développement aux cordes, puis cuivres et bois en dialogue dans le Trio, avant une reprise tutti très marquée.

L’Allegro assai est un travail sur les timbres où se détachent clarinettes et flûtes et un thème empli de mélancolie aux violoncelles sur les pizzicati des autres cordes.

Nommée Talent chef d’orchestre par l’Adami, en 2008, Debora Waldman est directrice de l’Orchestre national Avignon-Provence. Invitée par les orchestres de Nice, Monte-Carlo, Jérusalem…, elle dirige avec l’Orchestre National de France, la création mondiale de la Symphonie Grande Guerre (1917) de la compositrice française Charlotte Sohy dont elle a retrouvé la partition oubliée. (Cf le livre La Symphonie oubliée, portraits croisés de Charlotte Sohy et Debora Waldman, chez Robert Laffont).

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Célia Oneto-Bensaïd, Orchestre national Avignon-Provence, Debora Waldman © Valentine Chauvin

Puisse ce regain d’intérêt pour les compositrices françaises du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle, être suivi de concerts, éditions, rééditions de ces partitions méconnues! Des compositrices largement oubliées après leur mort. Citons le remarquable ouvrage de la musicologue Florence LAUNAY, Les compositrices en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2006, 544 p.

Dans les Histoires de la Musique du XXème siècle, l’absence des compositrices est criante. On sait maintenant, qu’à partir de sources diverses (New Grove Dictionnary of Women Composers, Londres 1992 et autres…) qu’un millier de musiciennes, environ, ont composé des œuvres données en concerts publics ou privés, entre 1789 et 1914, en France!! On connaît les destins malheureux de ces femmes de … On aura fait un grand pas quand on dira mari de…

Cette invisibilité dans le récit historique comme dans la caricature très ancrée d’une sensibilité féminine moquée, inapte à la création, malgré des talents reconnus, a été gommée ce soir, dans la magie de la Roque d’Anthéron. Célia et Debora, porte-paroles lumineuses de ces femmes oubliées. Un concert-référence grâce à deux femmes, immenses artistes, pour éveiller les consciences.

Yves Bergé

Crédit photos de Une : Célia Oneto-Bensaïd, Orchestre national Avignon-Provence, Debora Waldman © Valentine Chauvin

Concert mardi 25 juillet 2023

Festival International de piano de la Roque d’Anthéron

Venez fêter les 30 ans de Nuits Métis

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Sur le plan d’eau de Saint Suspi, à Miramas, après 4 jours d’installations du site et pour 3 jours, du 22 au 24 juin, les Nuits Métis vont enflammer la ville pour son édition anniversaire. C’est gratuit alors pourquoi ne pas y faire un saut ? A l’occasion de notre rencontre, Marc Ambrogiani, directeur des Nuits Métis, nous en dit plus sur cette édition et les projets à venir.

Une édition entre passé et avenir

Pouvez-vous nous parler de cette édition anniversaire pour les 30 ans de Nuits Métis qui promet de belles soirées en perspective?

« C’est une édition particulière qu’on fait durer dans le temps : elle a commencé le 13 juin et se déroule jusqu’au 24 juin pour les spectacles. L’exposition est visible jusqu’au 30 juin. C’est une édition où à la fois on se retourne vers le passé, notamment au travers de l’installation où on reprend l’itinérance de Nuits Métis. Nuits Métis est né à Marseille et à la Ciotat et on a beaucoup travaillé en Algérie, en Guinée. On travaille avec des scénographes sur cette thématique-là et sur le passé des échanges qu’on a pu développer avec les pays où on a travaillé. Mais on se tourne également l’avenir. Pour l’exposition je me suis jeté sur les archives et les photos, pour ressortir les souvenirs. Deux artistes sont partis de cette matière pour imaginer une itinérance et un artiste musicien a recueilli la parole de quelques artistes emblématiques des Nuits Métis pour ses 30 ans. Il y aura des valises imaginaires avec des photos qui racontent tout cette aventure, la diffusion des paroles recueillies, des projections, des décors flottants etc. »

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Amoureux de l’électro et des nouveaux sons, à vos agendas !

« Pour la programmation, il y a évidemment des stars internationales comme la Diva malienne Oumou Sangaré et HK qu’on a déjà accueilli il y a 13 ans : un des chanteurs refusait de faire des concerts pendant le covid quand il y avait la pass sanitaire et a inventé les bals paysans. On travaille beaucoup avec des artistes engagés. On accueille Melissa Laveaux avec son groove thérapeutique et sa voix magnifique et beaucoup d’artistes à découvrir : Jarava, Benzine, Aywa, Radio Byzance. Ce sont des artistes que les gens ne connaissent pas nécessairement. Benzine est lauréat du tremplin Prend ton envol (que Nuits métis organise, ndlr). Artistiquement, au-delà d’une super Odyssée, la programmation va de la Turquie en passant par l’Algérie, le Maroc, les Balkans et on retrouve cette année une prédominance des musiques électroniques. De nombreux artistes de musique traditionnelle les marient aux musiques électroniques pour inventer de nouveaux sons : par exemple, Biensüre et sa musique anatolienne avec une touche électro, Radio Byzance qui est vraiment une fièvre électropicale très Sound System, Electro Faune qui marie électro et chants brésiliens, du rai électro avec et le premier jour, Alee Ft Mourad Musset (Rue Kétanou). Ali est un artiste qu’on adore et qu’on a accueilli à Miramas pour des projets d’ateliers qui touchaient au rap avec les enfants : il vient avec le chanteur de la rue Kétanou.  Et bien entendu Temenik Electric : pour la petite histoire, le groupe avait été créé il y a 20 ans lors d’une résidence Nuit Métis au Sahara. On a aussi une belle création avec Nidia Góngora & Canalón De Timbiquí X Reco Reco, qui mêle blues et musique colombienne. Puis, bien sûr, on retrouve la Batucada de la Famille Géant qui permet à 60 personnes du territoire d’être acteur de l’événement, la Fanfare Vent Métis qu’on développe depuis 2 ans sur le territoire avec une vingtaine d’amateurs dirigés par Samuel.»

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Et la clôture ?

«Pour clôturer tout ça, le samedi, on a un formidable spectacle de la Cie Caramantran, Congo Massa : le spectacle fait actuellement le tour du monde et la compagnie revient à peine de Taiwan où ils ont tourné dans plusieurs villes. Le spectacle, ce sont des grandes marionnettes d’animaux géants (des gorilles, des zèbres etc…). On y trouve aussi un immense éléphant poussé par 4 personnes. Ce samedi, on partira des quartiers de Miramas dès 18h30, rendez-vous au centre social, et on amènera le public sur le site du festival, précédés par le roi de la savane, le grand lion. »

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Des projets plein les poches

Quels sont vos projets en cours ?

« Après 15 ans sur Miramas, et les années Covid, on n’avait qu’une envie, c’est de reprendre l’international et on a eu des opportunités d’un projet européen, Conversons, avec le Maroc, la Mauritanie et on a une convention pour travailler avec la Guinée aussi. Du coup, on organise une grosse rencontre professionnelle le vendredi 23 juin avec des représentants du Maroc, de la Mauritanie, du Burkina Faso, de la Guinée, du Sénégal, de l’Algérie, de la Syrie et des structures nationales sur la thématique de la coopération internationale autour de trois points : la création et la mutualisation, la culture et l’éducation à l’environnement car j’ai découvert en Afrique plusieurs associations culturelles qui travaillent sur des actions de récupération du plastique et forment des femmes à la valorisation des déchets en les transformant en sacs. Le troisième point -qui est inscrit dans l‘histoire de Nuits Métis- porte sur les échanges et les chantiers jeunes à l’étranger : l’idée est d’amener des jeunes des quartiers nord de Marseille pour faire des échanges avec d’autres pays comme la Guinée. On a voulu développer cet axe sur la solidarité internationale et l’échange de jeunes. C’est aussi parce qu’il y a un gros projet sur la ville de Miramas, l’année prochaine à l’occasion des JO : la ville va recevoir pendant 8 mois l’équipe d’athlétisme du Kenya et souhaite travailler avec des structures culturelles. On va donc sur cette journée du 23 réfléchir collectivement à tout ça. Cette journée nous permet de travailler sur le sens et pas que sur la fête ; c’est dans l’ADN de Nuits Métis, provoquer les rencontres, faire bouger les gens. »

Propos recueillis par DVDM

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Crédits Photos © Léa Ambrogiani

Plus d’infos : 04 90 58 98 09

http://festival.nuitsmetis.org/ [14]

Les artistes de cette édition :

OUMOU SANGARÉ / HK DANSER ENCORE / ALEE FT MOURAD MUSSET (RUE KÉTANOU) NIDIA GÓNGORA & CANALÓN / MELISSA LAVEAUX / TEMENIK ELECTRIC

JARAVA / BENZINE / AYWA / RADIO BYZANCE / ELECTRO FAUNE / BIENSÜRE CONGO MASSA / LES DAMES DE LA JOLIETTE & UNE CHORALE D’ENFANTS

LA BATUCADA DE LA FAMILLE GÉANT / LA FANFARE VENT MÉTIS

Babel en Fête

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Après le festival Avec le temps, voici le temps de Babel Med Musique qui se déroule au Dock des Suds du 25 au 27 mars du matin jusqu’au bout de la nuit….

Cette année, pour sa 6ème édition, Babel Med Music, organisée par Latissima, en partenariat avec le Conseil Régional, met l’accent « sur la diversité et l’ouverture à l’international » pour citer Alain Hayot, vice-président du conseil régional dont le mandat se termine le jour de l’ouverture de ce festival qu’il a soutenu dès ses prémisses. « C’est l’inverse de l’identité nationale » dit-il, rappelant l’importance de ce festival pour Monsieur Latarget même s’il ne peut s’empêcher d’émettre ses inquiétudes quant à la préparation de 2013.

La sélection comporte cette année un bon nombre d’artistes marseillais. Citons parmi eux Christina Rosmini, la pétillante et délicieuse jeune femme qui interprètera son album « sous l’Oranger », Le cor de la plana, un groupe de messieurs dont les chansons engagées ne peuvent laisser indifférents, ou encore les Dissonantes. Peu de têtes d’affiche pour ce festival hors norme dont le but est de permettre aux professionnels de découvrir de jeunes talents et de réfléchir sur l’avenir de la musique car comme l’explique si bien Bernard Aubert, « depuis la crise du disque, les professionnels se tournent de plus en plus vers le spectacle vivant, la scène » et de « nombreuses réflexions sont menées pour créer des éco-festivals ».

Cette manifestation propose sur trois jours : 30 concerts en trois espaces (sur 950 candidatures), 20 rencontres-débats-conférences dans deux salles dédiées, et des rencontres-découvertes autour des centaines de petits stands (210) dédiés aux professionnels du monde entier (plus de 2000 professionnels). Notons la participation de la Corée à ce salon pour la seconde année. Babelmed se présente comme un salon professionnel du marché de la musique avec des invités venant de tous les pays (Etats-Unis, Europe…) et un espace festif ouvert au public.

De quoi se régaler pendant ces trois jours entiers dédiés aux musiques du monde aux influences jazzy marquées. DVDM

Nous vous faisons gagner des places pour chaque soirée de Babelmed. Pour en savoir plus, contactez nous au 0662341507 ou par email à dianevandermolina@gmail.com

Les espaces :

LA SALLE DES SUCRES, sa mezzanine et ses structures métalliques eifeliennes offrant une écoute à plus de 2500 personnes
LE CABARET-DISCOTHEQUE et son parquet à l’ancienne pouvant accueillir 800 personnes
DES COMPTOIRS DE CARACTERE : Le Marseillais, Le Pointu, Le bar à quai, La Tente Khaïdale, Le Bar à Vin, Le Bar Jaune, Le Lounge…
LA PLAZA, lieu de vie central du Dock des Suds où se rejoignent toutes les envies
L’ALLEE EXTERIEURE, ses containers aménagés et son coin fumeur

Au menu (concerts à partir de 19h30/15€):

Papa Wemba (République Démocratique Congo)
VIEUX FARKA TOURE (Mali)
William Vivanco (Cuba)
AXEL KRYGIER (Buenos Aires – Argentine)
LO COR DE LA PLANA (Région PACA – Occitanie)
ANGELIQUE IONATOS & KATERINA FOTINAKI (Grèce – Fr)
AMAZIGH (Algérie – France)
EL HIJO DE LA CUMBIA (Buenos Aires – Argentine)
DORANTES (Séville – Espagne)
Les espoirs de Coronthie (Guinée)
3 canal (Trinidad & Tobago)
Yémen Blues (Israël – Yémen)
Sevda (Azerbaïdjan)
DJ IPEK (Berlin – Istanbul)
Insingizi (Zimbabwe)
CHRISTINA ROSMINI (Région PACA)
Oneira 6tet (Région PACA)
NASS EL-MAKAN (Egypte) – Sous réserve
ALEX (La Réunion – Prix Alain Peters 2009)
MAMI BASTAH (Madagascar – Prix de l’Océan Indien)
ZORTEIL (La Réunion)
Fanfaraï (Alger-Paris)
Gevende (Turquie)
Haoussa (Casablanca – Maroc)
URBANSWING SOUNDSYSTEM (Région PACA)
CUNCORDU E TENORE DE OROSEI (Sardaigne – Italie)
BELO (Haïti)
AI AI AI (Catalogne – Espagne)
Skaidi (Norvège)
KAMLINN (création Maroc – Réunion)
DISSONANTES (Région PACA)
WESLI (Haïti)

Plus d’infos sur les concerts sur www.dock-des-suds.org [16]
Le Dock se situe 12 rue Urbain V 13002 Marseille (à 5 minutes du métro National)

Le festival russe 2010

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Richard Martin

Que d’actus sur planète mars en cette rentrée de février….Outre la carte blanche à Hubert Colas présentée à la Criée du 22 au 28 février (voir notre article), la création d’une jeune compagnie marseillaise au Hang’art (la compagnie Apnéoz présentera les 25 et 26 février à 20h Blue Bridge et Sol’O’, deux pièces chorégraphiées mêlant danse indienne, danse contemporaine et sonorités musicales électro), voilà que s’amorce à partir du 23 février jusqu’au 14 mars, le quinzième anniversaire du Festival Russe crée par Richard Martin suite à sa rencontre avec Serguei Arsibachev au Caire.

Cette édition est placée sous les signes des nouveautés en ce qui est du cycle cinéma russe (à noter qu’une matinée est réservée aux scolaires puisque seront projetées les fabuleux films d’animation de Garri Bardine à partir de 14h30 le 25 février) et des classiques en ce qui des deux pièces théâtrales présentées. Ces dernières sont CINQ SOIREES d’Alexandre Volodine (du 5 au 7 mars : à 20h30 sauf le dimanche à 15h) et Du malheur d’avoir trop d’esprit d’Alexandre Griboeïdov (du 12 au 14 mars), toutes deux créées par le théâtre Na Prorovke et mises en scène par S. Arsibachev. Entre le cycle ciné et théâtre, Michel Bourdoncle accompagné d’Alexandra Lescure proposera une sélection d’œuvres musicales russes inédites : dont en seconde partie les tableaux d’une exposition dans sa version pour deux pianos. Moment de pur bonheur assuré le 9 mars à 20h30 !

Une surprise en avant première mondiale sera projetée durant le festival russe : Piège pour un fantôme, de Roustam Ibraguimbekhov, avec le maître des lieux, Richard Martin, tourné cet été en France et en Russie, en cours de montage actuellement. « Un moyen de renverser la vapeur » en France où hélas des relents de Parisianisme se font ressentir, de nombreux parisiens parlant de Marseille encore comme d’une province où rien ne se crée !

Que de belles soirées en perspective pendant ce festival russe que le consul de Russie nous convie à découvrir dans son entièreté, tant la programmation est riche et si représentative de l’âme slave… Il est hélas à déplorer qu’en cette année de la Russie en France qui précède l’Année de la France en Russie en 2011, le festival russe ait été oublié du programme officiel ! Néanmoins, l’ambassadeur de Russie a fait part de son soutien à Richard pour intégrer le festival u programme officiel qui compte près de 160 spectacles russes en France et 200 spectacles français en Russie.

Expos et cabarets russes complètent le tableau d’un festival qui se maintient en dépit des difficultés financières du Théâtre qui n’a eu encore aucune réponse concrète en ce qui est des subventions promises par le ministre de la culture ! Une affaire à suivre de très près…DVDM

Plus d’infos sur www.toursky.org [18]

A l’occasion du festival, la revue marseillaise du théâtre offre 4 places par soirées cinéma et 4 places pour les représentations théâtrales du dimanche ! A vos téléphones et emails : 0662341507 ou dianevandermolina@gmail.com

Deux mois sous le signe de l’art cubain…

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C’est ce que nous propose l’association Cuba Del Sol représentée par François Michel Lambert et Chantal Chataing (en photo ci-contre). Deux mois pendant lesquels vous découvrirez l’image d’un pays, d’un peuple, d’un mode de vie allant à l’encontre des clichés habituels véhiculés par les médias. Musique, soirée cabaret, projection cinématographique, lectures poétiques, exposition où le regard d’un photographe marseillais croise celui d’un photographe de la Havane (un travail autour du jumelage des deux villes est en cours), débat autour de l’image du Ché, cette fameuse photo de Korda (celle qui est devenue un logo commercial à l’image de Nike ou autre grande marque sans grand rapport avec la réalité du personnage) prise le 5 mars 1960 après l’attentat perpétré contre un navire français au large de l’île-état, objet des convoitises américaines du fait de sa situation géopolitique. Bref, une bonne dizaine de propositions artistiques et culturelles seront présentées aux publics des villes de Marseille, Aix, Gardanne et Salon.

Nous nous attacherons ici à présenter plus particulièrement deux événements phares :

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F. Missen

– projection du film « Jours tranquilles à Guatanamo » réalisé par le journaliste François Missen, à Salon le 21 janvier. L’auteur du documentaire souhaite via ce reportage sur les « scènes de vie à Guantanamo », ville située à 25 km de la base militaire américaine, à Cuba, donner un coup de pied dans la fourmilière de la pensée unique qui véhicule hélas de nombreux clichés autour de Cuba. Cet homme curieux et intellectuellement honnête s’insurge contre les escroqueries présentées dans les médias marrainées par Zoé Valdès, la voix de Cuba en France: il ne joue point ici le rôle du donneur de leçon (image que les étrangers ont à juste titre des français qui passent leur temps à refaire le monde dans les bars, ce qui est hélas véridique lorsque nous discutons avec des étrangers ou visitons des pays étrangers). Au contraire, il s’attache à montrer la vie quotidienne, frôlant la schizophrénie de ces habitants de la ville de Guantanamo, nous expliquant la difficulté pour un pays qui a vécu plusieurs siècles d’esclavage de passer en 50ans à la Démocratie, telle que nous occidentaux la définissons.

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P. Ciot

-l’exposition Regards croisés organisée avec le concours de la Mairie du 1/7 où les photos seront à découvrir dans des containers et au cours de laquelle le public pourra être pris en photos devant un décor havanais ou marseillais par les deux photographes présents : Pierre Ciot, marseillais connu pour ses portraits, et Ariel Arias, cubain dont on a pu découvrir l’an passé les superbes photos à l’occasion du premier festival Arte Cubano. Vernissage le 11 février à 18h au niveau du Kiosque à Musique, en haut de la Canebière (Marseille). Exposition visible jusqu’au 28 février !

Diane VANDERMOLINA

Pour plus d’infos sur les autres interventions de Bénito Pelegrin, Aconcha et autres personnalités invitées dans les colloques, soirées, débats…, n’hésitez pas à vous référer au site festival arte cubano [22]

Quand la culture se privatise à grands pas…

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Nous assistons à une phénomène guère nouveau, mais qui se radicalise depuis l’arrivée de Sarkozy à la présidence, celui de la privatisation de la culture. Ce phénomène était l’apanage des chaines de télévision privée, le fait de certains radios privées, le royaume du cinéma grand public et de la musique, c’est-à-dire, le monde étriqué du show biz. Il investit aujourd’hui, au grand damm des saltimbanques, le milieu du théâtre public.

Nous ne parlerons pas du théâtre privé présentant essentiellement des comédies, souvent dédié à l’humour et aux ones (wo)men show, délaissé par le gouvernement dans la mesure où rares sont les subventions votées pour ce genre théâtral, plus connu sous le nom de café théâtre. Nous ne citerons pas les initiatives théâtrales de certains lieux dont les propositions jugées par trop classiques ou populaires par les DRAC ne bénéficient que d’un soutien financier clairsemé. Ni de toutes ces salles nombreuses ne répondant pas aux critères flous et obscurs d’attribution des subventions publiques…

Ici, l’objet de notre billet est le théâtre public: alors qu’est ce qu’un théâtre d’intérêt public? C’est un lieu financé au moins à 50% par l’Etat c’est-à-dire le ministère de la culture via les DRAC. Sont concernés les Théâtres Nationaux, les Centres d’Art Dramatique Nationaux (dits CDN) et les scènes nationales. Les théâtres, créés à l’initiative d’un seul homme, voire dirigés par une même personne depuis une quinzaine d’années, ne sont pas des théâtres dit public : et pour cause, leurs crédits sont essentiellement apportés par les municipalités (plus de 50% des subventions totales), les conseils généraux et régionaux; viennent en dernier lieu les DRAC s’ils font l’objet d’une convention avec le ministère. Ces théâtres ont néanmoins un cahier des charges donné par la Mairie à respecter en terme de politique culturelle à visée sociale. Ils se doivent d’accueillir des artistes locaux et d’avoir une ouverture sur les publics défavorisés. Ces cahiers des charges plus ou moins respectés sont conseillés et ne font pas forcément l’objet de conventions.

Pour un théâtre public, il n’en va pas de même : le directeur est nommé, suite à un appel à candidature public, à la remise d’un projet et à une audition, par les membres d’une comission placée sous la houlette du ministre de la culture dont la voix est prépondérante. Il est nommé, selon les types de scènes, pour trois années, mandat renouvelable trois à cinq fois. Les conditions d’admission des candidats sont drastiques: le directeur doit être également metteur en scène et avoir travaillé dans le théâtre dit public. De plus, il a pour mission de montrer le fleuron de l’activité théâtrale nationale tout en offrant la possibilité d’offrir aux artistes locaux de présenter leur travail.

Ceci défriché, examinons le cas du CDN de Montpellier qui s’insurge à juste titre contre la nomination à sa tête d’un homme, Jean Marie Besset, qui sans être metteur en scène est inconnu du théâtre public, ayant fait carrière en tant qu’auteur dramatique dans le théâtre privé. Qui plus est, il s’entoure d’un metteur en scène faisant l’objet d’immenses polémiques: ce dernier, Gilbert Desvaux, travaille dans une entreprise privée d’événementielle qu’il a créé et a participé à un événement fêtant les 40 ans au pouvoir d’un dictateur, Khadafi. Cette nomination, dont les conditions ont été plus que douteuses selon les candidats malheureux contestataires – le ministre aurait imposé son choix-, provoque un tollé général dans le milieu du théâtre public.

En effet, quand le Ministre choisit de nommer à la tête d’un théâtre public un homme venant du théâtre privé, non seulement il bafoue les règles même de nomination d’un directeur de théâtre public -et ce malgré qu’elles soient discutables-, en imposant un fait du prince, mais -par cet acte là – remet en cause et renie la raison d’être du théâtre dit public c’est-à-dire d’un théâtre aux tarifs réglementés et à la programmation se voulant aussi qualitative que diversifiée, destinée à un large public dans un but à la fois artistique et pédagogique selon un principe cher à notre pays: liberté (par rapport au pouvoir politique), égalité (d’accès pour les publics), fraternité (dans les échanges artistiques). Cet emblème de notre démocratie et cette dernière sont par ce simple fait bafoués. Et ce sans prendre en compte la polémique concernant l’artiste associé au directeur nommé.

De là à privatiser le théâtre public en lui supprimant ses subventions, il n’y a qu’un pas à faire… Surtout en cette période de crise où la restriction des budgets est de mise. Sans envisager un avenir si sombre – la suppression totale des subventions n’est pas pour demain – il se révèle évident que le ministère de la culture s’engage sur une pente bien glissante : celle d’une culture d’Etat où l’Art théâtral passera des mains des artistes s’efforçant de proposer des oeuvres de qualité questionnant le monde – même si le choix des spectacles proposés peut être consensuel et discutable – aux mains des entrepreneurs de divertissement grand public, hélas fort souvent débilisant, à l’image des émissions de divertissement proposées sur le PAF.

C’est une dérive réelle et dangereuse pour la création artistique: sans vouloir juger des divertissements, ils ont certes leur place au sein de ce que l’on nomme si pompeusement culture, cette dernière ne doit pas se réduire à ce genre. Elle doit proposer une variété et multiplicité de genres : qu’il s’agisse de théâtre contemporain, qui fût grandement à la mode dans les DRAC et ce jusqu’à récemment, classique, humoristique… Chacun a son rôle et son utilité sociale, sa place au sein de la culture.

Hélas, nous remarquons que via la politique culturelle engagée par le gouvernement français, la culture et le théâtre sont assujettis, à l’image de toutes les politiques qu’elles soient scientifiques, économiques, sociales…, aux modes et qu’ils se font l’échos d’une tendance mondiale à l’abêtissement des masses. Du moins tel est le chemin dans lequel s’enfonce pleinement le théâtre dit public de part la volonté d’un homme et d’un seul… DVDM

Art et Entreprise à Marseille…

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ARTISSIMA
3ème édition

DAN MU et le représentant d'AG2R [23]

DAN MU et le représentant d’AG2R

La CCIMP a accueilli le 3 décembre la troisième édition d’Artissima, une manifestation placée sous la direction de Martine Peyre (Cooked Marseille Design Studio). Artissima a pour objet de présenter des artistes ayant créés des œuvres à l’issue de résidences artistiques dans des entreprises, initiées par l’école supérieure des beaux arts de Marseille, dirigée par Jean Louis Connan, et l’UPE13, présidée par Stéphan Brousse. Bien entendu, il s’agit essentiellement d’œuvres relevant de l’art plastique quelle que soit la forme de la représentation (installation, peinture, photographie…). Comme le souligne Monsieur Pfister, cette coopération entre les entreprises et les artistes venant de différents pays du monde (parmi eux, une japonaise et une chinoise) est symptomatique de l’enthousiasme des chefs d’entreprises pour la culture, une preuve de leur engagement puisque les entreprises partenaires de l’opération ont pris en charge le bon déroulement des résidences et de la soirée. Ces ateliers de la méditerranée sont un des éléments phares de la candidature, rappelle Corinne Brenet, représentante de Mécènes du Sud. Elle révèle une stratégie de territoire associant culture et économie, dont l’objet est le rayonnement de Marseille Provence.

Cette soirée, qui a accueilli plus de 1500 invités, était intitulée Artissima On air, en référence à la fragilité de notre époque et au besoin de légèreté que nous avons en cette période de crise, explique Martine Peyre. D’où la scénographie composée de ballons éclairés par des gélatines aux couleurs de l’arc en ciel. Cette soirée où cohabitent les époques et les arts était l’occasion de découvrir le travail de l’ESBAM et son nouveau directeur dont la mission est de développer l’intégration du monde artistique au monde entrepreneurial, une mission de professionnalisation des jeunes artistes. D’où la collaboration avec de grandes entreprises, collaboration de laquelle naissent de beaux projets et un nouveau dialogue entre le monde de l’entreprise et le monde de l’art, trop souvent opposés. La liberté d’expression artistique et le regard que porte un artiste sur une entreprise offre à l’entreprise la possibilité de développer une interrogation nouvelle sur le travail en entreprise, un questionnement sur la notion de travail dans notre société. C’est le cas de la rencontre entre DAN MU, artiste d’origine chinoise formée à la peinture traditionnelle chinoise dont on aperçoit des réminiscences dans le travail qu’elle présente, notamment dans la figuration des paysages et l’utilisation de l’encre de chine noire, et l’entreprise AG2R, représentée par Gérard Berthomieu. De leur rencontre, est né un enrichissement mutuel tant dans l’acceptation du regard de l’autre que dans la reconnaissance de l’autre : l’art est, comme il le dit si bien, une voie royale pour le développement d’une entreprise.

Bien que nous ne soyons par forcément impressionnés par certaines des œuvres présentées qui correspondent à une mode artistique quelque peu trop envahissante en notre pays, et hélas, manquant fort d’originalité, ce type de manifestation a sa raison d’être et si elle permet à de jeunes artistes d’être reconnus et aidés dans leur recherche, alors pourquoi pas ? De toute façon, le monde artistique a en tous les temps eu besoin de mécènes et en ces temps de crise des subventions, plus encore… du moment que leur liberté reste une et indivisible. Nous saluerons donc les efforts de ces mécènes même si à mon gout, leur choix se porte trop souvent vers des objets artistiques un peu trop fashion ! DVDM

Si vous souhaitez en savoir plus sur Artissima et les entreprises/artistes ayant participé à l’opération, n’hésitez pas à vous rendre sur le site de la CCIMP. Vous y retrouverez l’ensemble des manifestations organisées en ce lieu magnifique. Plus d’infos : http://www.ccimp.com/ccimp/notre_actualite [24]

MARSEILLE ET LA CULTURE

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Marseille, ville culturelle…

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Pour ceux qui sont restés sur l’image d’une Marseille portuaire, où la culture serait un désert –ce qui ne fut jamais le cas quoiqu’en pensent certains, notamment après la fermeture de l’Alcazar, après la guerre… – détrompez vous : Marseille est une ville culturellement riche et diversifiée… Alors que certains pans de ce que l’on nomme si pompeusement Culture ou Art ne soient pas du gout de tous, soit ! A chacun sa vérité, dirais-je en parodiant ce cher Pirandello… Une pièce de théâtre qui par ailleurs fut jouée à Marseille en 2005/2006 au Toursky avec Niels Arestrup et Gisèle Casadesus, la maman de Jean Claude (célèbre compositeur et chef d’orchestre, récemment venu à l’Opéra de Marseille) et grand maman de Caroline (ben oui, la comparse de Didier Lockwood dans le Jazz et la Diva, qui présentait le second opus le 4 décembre au Toursky)…La création avait par ailleurs reçu un accueil triomphal mérité, rappelez-vous…

Ce petit aparté n’est pas fortuit : depuis que Marseille a posé sa candidature au titre de Capitale Européenne de la Culture 2013 – pour être plus précise, c’est le territoire Marseille Provence qui a remporté grâce au talent de Monsieur Latarget, soutenu dans ses efforts par les hommes politiques, les acteurs économiques et culturels du territoire, le titre tant convoité. Je disais donc que depuis la candidature, tout le monde découvre la vie culturelle à Marseille, comme si à Marseille, il n’y avait jamais eu de culture auparavant… C’est juste que la culture fût très peu médiatisée et que la politique culturelle ne fût de longues années durant que si peu mise en avant par les élus, notamment l’ancien adjoint à la culture… Car tout de même, Marseille a toujours eu une vie culturelle et ce n’est pas feu Edmée Santy qui m’aurait contredite…Elle qui a connu et aidé tous les directeurs de théâtre à leurs débuts… Elle qui a connu Béjart et les autres… Tous ces artistes originaires de Marseille et dont le talent était internationalement reconnu, ces artistes adoubés de tous… Citons, pour remonter plus loin dans le temps, Edmond Rostand (ben oui, l’auteur de Cyrano de Bergerac) sur lequel Pierre Roumel a écrit un magnifique livre. Sans oublier Pierre Barbizet auquel sa femme Caline et notre confrère, Jacques Bonnadier, rendent hommage dans un ouvrage récemment publié…

Penser que Marseille, ville culturelle, c’est récent : c’est oublier la longue et persistante tradition des opérettes marseillaises, de l’Opéra et de tous ces théâtres et autres salles vieilles de quelques centaines d’années… Le Gymnase a récemment fêté ses deux siècles d’existence… Bref, pour ceux qui considèrent Marseille comme une ville dont la culture se résume aux boules, au pastis et à Fanny, revoyez votre copie ! Alors certes, depuis la candidature, les choses se sont accélérées et certains projets vont enfin voir le jour… Ben oui, au lieu de 10 à 15 ans, les constructions et autres aménagements (Le Mucem, le silo, la Buzine…) seront prêts d’ici 3 ans… Le titre ainsi remporté est un coup d’accélérateur pour la politique culturelle de la ville, mais ce n’est en rien ce qui construit une politique culturelle.

Je m’explique : culture, il y avait avant la candidature ; culture, il y aura toujours, quoi qu’il arrive. La candidature oblige la ville à débloquer des fonds pour réaliser concrètement des projets en latence dans les bureaux, projets qui n’auraient peut être pas vu le jour si il n’y avait eu ce titre. Car quoi que dise notre maire, la culture n’a jamais et ne sera jamais la priorité d’un gouvernement et même si en temps de crise, à Marseille, on refuse aujourd’hui de réduire le budget culture –Monsieur Hermann a été formel : rassurez vous donc amis artistes, vos subventions ne vont pas se réduire comme des peaux de chagrin et pour certains projets, vous pourrez même cumuler les aides –. Et pour cause, il y a l’enjeu du titre ! Mais, il n’en va pas de même pour le gouvernement (voir notre article sur le Toursky)!

Soyons réalistes et arrêtons d’être hypocrites ou naïfs ! Pourquoi la ville investit-elle autant dans la culture en dehors du titre ? La raison est toute simple : elle résulte d’un calcul mathématique. Les villes les plus riches aujourd’hui sont essentiellement des villes culturelles. Et pourquoi ? Parce que dans notre monde consumériste, les besoins primaires étant largement satisfaits, les besoins secondaires et tertiaires s’accroissent et la culture devient un pur objet de consommation. Qui plus est, consommer du culturel (et du culturel intello même si on n’y comprend rien), cela fait bien. Il y a des modes dans tous les domaines et la culture n’y échappe pas, l’art non plus par ailleurs quand on remarque le nombre de créations qui se ressemblent tant dans les idées que dans le processus. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’Art ni de Culture… Mais comme à toutes les époques, il y a à boire et à manger, et seul le temps nous dira ce qui était de l’art en ce début de 21ème siècle. Ceci dit, la mode a des effets positifs en ce qu’elle porte avec elle son lot d’artistes talentueux qui survivront aux siècles à venir… C’est comme cela que le monde évolue…

Donc je ne cracherais pas – cela serait idiot et gratuit – sur les investissements de la ville de Marseille dans les infrastructures, la politique muséale de Monsieur Hermann (un des rares adjoints à la culture à fréquenter aussi assidument toutes les salles marseillaises –et pas que les grandes, ben oui, il faut le souligner, il aime son travail, le prend au sérieux, s’y investit concrètement) et tous les grands projets des autres conseillers municipaux que sont Eliane Zayan, Anne Marie D’Estienne d’Orves, Jeannine Imbert… et nous en oublions. Aujourd’hui, Marseille compte une quinzaine de grands festivals (nous vous conseillons d’aller sur www.marseille.fr [27]pour en savoir un peu plus sur les festivals répertoriés), de belles salles (l’opéra, le gymnase, le toursky, la criée) un grand nombre de théâtres (une bonne cinquantaine), de beaux musées (la vieille charité, le musée grobet laladié, le musée d’histoire de marseille, longchamps…)…. Bref, dans cet écrin magnifique qu’est notre ville, entre ses calanques et ses montagnes, nous pouvons nous vanter d’avoir de bien grands et beaux théâtres même si certains tombent en ruine (l’Odéon en travaux, la Criée en plein désamiantage, l’Opéra fissuré de toute part, un cinéma comme les Variétés soumis aux aléas des inondations, le Toursky à l’avenir incertain…) !

Et c’est bien là que le bas blesse à Marseille : la politique culturelle a certes investi dans de beaux et grands projets (le ballet national de marseille, le centre national des arts de la rue…) mais elle a omis de penser à l’entretien des bâtiments et structures existantes depuis des dizaines et des dizaines d’années, hélas, trois fois hélas… Car avant de bâtir de nouvelles choses, consolidons l’existant… Cette logique de base échappe à Marseille et à de nombreux marseillais… Marseille, comme on le dit souvent en s’amusant, est une planète à part entière : Planète Mars… Oui, et même si c’est une plaisanterie, elle a son fond de vérité. A Marseille, les choses se font rarement dans un ordre très logique, c’est la logique marseillaise… Une logique que j’ai quelque peu retrouvée à Taipei, étrangement… Une ville du sud aussi… Enfin, je ne suis pas ici pour taper sur le doigt des maires successifs mais présenter un fait : la logique marchande sous-tend la logique culturelle. Vu que de nombreuses études ont souligné que le tourisme et la culture – via le tourisme culturel de plus en plus en vogue – étaient un beau moteur de croissance, tout le monde s’engouffre dans la brèche… Bien entendu, c’était tout d’abord un tourisme culturel orienté vers la découverte des traditions et du patrimoine historique puis le tourisme culturel s’est ouvert au divertissement et à la culture artistique à proprement parler. Alors pourquoi ne pas profiter de ce regain d’intérêt pour l’art pour offrir aux artistes les moyens de créer ?

Il serait idiot de repousser une telle manne potentielle qui permettrait à la ville d’avoir un rayonnement international… Ce n’est cependant pas une raison pour proposer n’importe quoi et à n’importe quel prix et c’est à cela que doit veiller l’association Marseille Provence 2013 : ne pas tomber dans la prostitution ou le consensus mou qui ferait que les artistes devraient adapter leur offre culturelle à la demande du plus grand nombre, notamment à celle des portefeuilles des mécènes, politiques ou sponsors. Il est nécessaire que les artistes puissent rester libres et indépendants dans leur création et offrir au public un art qui le fasse réfléchir, et non pas seulement un art qui le divertisse béatement ou l’anesthésie sous des concepts fumeux. Ce sont ces deux dérives qu’il faut à tout prix éviter sans tomber non plus dans l’excès d’un art révolutionnaire de propagande à la chinoise (je parle du continent chinois) où la liberté de l’artiste est un prétexte pour cacher une idéologie aux tendances totalitaires (on peut aussi parler de récupération politique d’une mode artistique érigée en art d’état). Il en va de l’avenir de la culture que d’essayer d’atteindre un savant équilibre entre liberté, qualité et popularité artistique. Tout un programme qui je l’espère sera à la hauteur de nos attentes et ambitions.

En attendant leur réalisation, voici quelques grandes expositions concoctées par Marie Paule Vial pour les années à venir: le grand atelier de la Méditerranée, de Van Gogh à Bonnard ; l’Orientalisme en Europe : de Delacroix à Kandinsky ; La Peste…Pour finir, nous citerons Dominique Vlasto qui conclut ainsi la conférence de presse*: « 2013 n’est pas une fin en soi mais une étape dans l’avenir de la ville » et il ne faut pas l’oublier, même si 2013 sera un feu d’artifice culturel… En ce qui est des projets, nous vous laissons lire le communiqué de la ville qui, d’ici 2013, devra débourser près de 118 millions d’euros, soit un budget bien plus élevé que le budget présenté par l’association pour la réalisation de 2013.

Diane Vandermolina

*Cette conférence de presse a lieu suite à la visite de Frédéric Mittérand à Marseille et à la pose de la première pierre du MUCEM…

** Communiqué de la ville de Marseille sur Marseille, ville culturelle [28]