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Adopter un fauteuil de théâtre jusqu’en 2013?

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Telle est la nouvelle astuce trouvée par le directeur du pôle Acte et du GTP (alias Dominique Bluzet) pour trouver des fonds afin de pérenniser les actions de l’ASSAMI.

L’ASSAMI, Késako? L’association des amis et mécènes intelligents… Cette association, co-fondée par le Gymnase, jeu de paume, grand théâtre de provence et deux entreprises privées, citons la SARL du levant et la société Deloitte, a pour objet d’offrir des actions en faveur d’un public défavorisé ainsi que 600 places de spectacles par an aux publics empêchés pour reprendre l’expression aujourd’hui consacrée. Que représentent 600 places au regard, toutes jauges confondues, des trois théâtres? A vrai dire, pas grand chose… De même, n’existe-t-il pas un cahier des charges incitant les lieux culturels à développer des actions en faveur des publics n’ayant pas accès à la culture? En contre partie de quoi, des subventions leur sont allouées…

Nous ne rentrerons pas dans le détail des actions développées par l’ASSAMI, un coup d’oeil sur internet suffira à vous en faire une idée. Notons que le président de l’ASSAMI, Christian Garin a souligné qu’ils proposaient des spectacles spécialement conçus pour répondre aux attentes du public visé (ici les enfants). Ou comment sous couvert d’un discours se parant des valeurs humanitaires de solidarité, de partage, oeuvrant pour l’accessibilité de la culture et l’ouverture de la culture à tous, se camoufle un discours libéraliste de base: adapter l’offre à la demande… Bien qu’un spectacle jeune public obéisse à certaines règles (durée, pédagogie…), il ne faut pas confondre respect du public et démagogie pure et simple… Même si certaines des actions soutenues sont louables et justifiées, en soi très intéressantes, il ne faut pas que l’action de les soutenir soit un prétexte pour soulager sa conscience coupable de libéraliste…

Mais tel n’était pas l’objet de la rencontre organisée à la CCI ce mardi 24 novembre, il s’agissait de mettre aux enchères des fauteuils des trois théâtres (15 fauteuils vendus en moyenne 1400€ et portant chacun le chiffre treize, seul le rang faisait la différence et honnêtement, ils n’étaient pas fort bien situés) afin de collecter des fonds supplémentaires pour l’ASSAMI… Une mise aux enchères où chaque mécène sans être propriétaire du fauteuil aurait son nom sur le fauteuil jusqu’en 2013…

Une action limitée dans le temps alors que 2013 – au delà du feu d’artifice de spectacles proposés dont nous ne préjugerons pas de la qualité et que Monsieur Bluzet nous a, dans le détail, chiffrés avec, bien entendu, des grands noms de la scène française comme M à qui a été commandé l’écriture d’une symphonie et pour les amoureux de Camus, une foultitude de créations autour de son oeuvre- bref, MP2013 ne doit-il pas être le commencement d’une politique culturelle homogène de grande envergure afin d’assurer une pérennité de l’action culturelle sur le territoire?

Cette soirée, où les congratulations ont fusé de toute part pour féliciter le très « malin » Dominique Bluzet (qualifié ainsi à juste titre par la secrétaire de l’ASSAMI: on n’aura rarement vu  » un homme de culture » être un si excellent chef d’entreprise), a été quelque peu amusante: citons Monsieur Bluzet parlant de la difficulté de travailler avec la SNCF: « notre projet d’invention d’un voyage autour d’une oeuvre est difficile à mettre en place, la SNCF, ça ne se bouge pas facilement »… Autre parole croustillante en début de rencontre à l’attention des retardataires « hé ben, les retardataires, ils seront en retard »…

C’est sur cette petite note teintée d’un humour (que nous vous laissons le soin d’apprécier) que nous terminons notre compte rendu d’une rencontre présentant sous toutes ses coutures le projet du pôle théâtral dirigé par Dominique Bluzet pour 2013 et des spectacles, il va y en avoir un grand nombre à ne plus savoir où mettre la tête… Restera-t-il de la place pour tous les autres projets qui se bousculent au portillon de l’association Marseille Provence 2013? DVDM

La Révolte d’un grand fou

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La Révolte de Richard Martin

Martin à la Drac Martin à la Drac Martin à la Drac
Martin à la Drac Martin à la Drac

(photos réalisées par F. Stéphan le jour de la mobilisation de Richard devant les locaux de la DRAC à Aix – 28 septembre 2009)

Richard Martin et son ami poète ont entamé une grève de la faim depuis le 3 octobre pour montrer leur colère face au retrait des subventions accordées par la DRAC au Toursky.
Au delà de l’intérêt propre au théâtre – est ce que 185 000 € changerait la face du Toursky? Vu le cout des spectacles et du fonctionnement, c’est une goutte d’eau à la mer – l’action menée par Richard a une haute valeur symbolique vilipendant le désengagement galopant de l’Etat dans la vie culturelle et artistique française, dénonçant par à la langue de bois et la mauvaise fois du directeur de la DRAC, ainis que son fonctionnement très opaque en matière d’accord de subvention.
A l’heure où Marseille Provence a été promulguée capitale européenne de la culture (à noter que l’Europe ne participe au projet qu’à hauteur de 2.5%) avec le surcout que cela engendre pour la communauté urbaine (MPM) et la ville de Marseille (c’est 22.5% du budget global de 2013 – ce dernier s’élève à 98 millions d’euros- réparti en 5 ans que les deux institutions doivent trouver alors que les caisses sont déjà bien vides) et par là, la diminution, voir le gel de certaines subventions accordées par la Ville de Marseille (sans vouloir défendre sa politique culturelle qui hélas oublie les petits lieux), il est paradoxal de voir que l’Etat (qui pourtant doit investir 12.5% dans 2013) se désengage massivement auprès des structures culturelles marseillaises, le Toursky n’étant que la face visible de l’iceberg.
Le cri de Richard, son coup de clairon poétique, ne sont là que pour réveiller nos consciences sur le risque encouru par les structures culturelles en france et en navarre. Alors si nous souhaitons que son message ne reste pas lettre morte, que tous les lieux soutiennent Richard et se mettent en grève afin que la parole du peuple et de la culture puisse avoir un écho favorable auprès de l’Etat. Seule l’union fera la force dans ce combat de David contre Goliath.
DVDM

Quelques photos de spectacles… et la critique !

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He is my wife, he is my mother
De Katherine H. Chou
Inspiré d’un texte extrait du Silent Opera de Li Yu

Hua Chien Hsu dans le rôle de Xu Jifang et Yi Hsiu Lee dans le rôle de Chen Dalong

Hua Chien Hsu dans le rôle de Xu Jifang et Yi Hsiu Lee dans le rôle de Chen Dalong

Hua Chien Hsu dans le rôle de Xu Jifang et Yi Hsiu Lee dans le rôle de Chen Dalong

Hua Chien Hsu dans le rôle de Xu Jifang et Yi Hsiu Lee dans le rôle de Chen Dalong

Hsu Yen Ling dans le rôle de Ruilang

Hsu Yen Ling dans le rôle de Ruilang

Hsu Yen Ling dans le rôle de Ruilang

Hsu Yen Ling dans le rôle de Ruilang

Ruilang et Xu Jifang

Ruilang et Xu Jifang

Wei Wei WU dans le rôle de Wang Xiaojiang et Hsu Yen Ling dans le rôle de Ruilang

Wei Wei WU dans le rôle de Wang Xiaojiang et Hsu Yen Ling dans le rôle de Ruilang

Cette création contemporaine inspirée d’un texte ancien réactualisé traite à deux époques et dans deux lieux différents de ce qui s’appelle en chinois la Nanfeng fashion.

Qu’est ce que la Nanfeng fashion (南風)?

Cette coutume fut à la mode à Fujian, une province dans le sud est de la Chine, de laquelle sont originaires de nombreux taiwanais. Et pour cause, cette province, voisine de Hong Kong, fait face à l’île de Formose.

Le terme Nanfeng (littéralement vent du sud) désigne le penchant homosexuel des habitants de cette province. Les mariages homosexuels étaient par ailleurs autorisés en ces temps-là.

La ville de Putian, où se déroule une partie du récit de cet amour, vit naitre la déesse MAZU, déesse de la mer, vénérée au cours d’un festival en son honneur. La ville est devenue le lieu de pèlerinage des compatriotes de Taïwan et des croyants de Mazu.

Que raconte donc cette création?

Pour faire bref, ce récit se noue autour de l’amour indéfectible unissant Xu Jifang, jeune veuf, propriétaire cultivé récemment revenu de Chine, et You Ruilang, jeune garçon pauvre à la beauté incroyable.
En 1912, à Putian, tous deux se rencontrent à l’occasion de la célébration d’un festival consacré à Mazu, réservé aux hommes. Au grand damne de Chen Dalong, l’ancien ami de Jifang, ce dernier se ruine pour épouser le jeune You qui, pour lui prouver sa dévotion et son amour, mais aussi lui prouver qu’il ne le quittera jamais pour une femme, s’émascule. Chen Dalong fait alors traduire You en justice et le fait condamner à des coups de bâtons que par amour Jifang recevra à sa place et desquels il mourra, demandant à You de s’occuper son jeune fils.
La seconde partie se déroule en 1959, période où l’homosexualité est soit dit en passant réprimée, Big Brother veillant au respect de la loi.
Emigré à Taïwan, Ruilang, qui a changé de nom pour Ruinang et est devenu femme, vit avec sa cousine, Xiaojiang, homme raté voyageant pour affaires toute l’année durant. Il élève comme une mère le fils de Jifang auquel il interdit, afin de lui faire éviter les souffrances qu’il a enduré, de fréquenter les jeunes garçons. Hélas, l’amitié entretenue par Chen Nianzu, qui se révèlera être le neveu de Dalong, et Chengxian, à son corps défendant, est proche de la nanfeng fashion, au grand désespoir de Ruinang. Ce dernier reçoit des mains des pontes de l’université le prix de la meilleure maman…

La réalisation…

Usant d’une scénographie double figurant les deux périodes « espace-temps » du récit, dans un premier temps des tentures aux calligraphies magnifiques et dans un second temps, un décors d’intérieur, Katherine, la metteur en scène et auteur du spectacle, a imaginé une mise en regard de la mise en scène : en effet, dans la première partie où Lee – le comédien interprétant avec talent et justesse Dalong et son neveu- joue et chante du Nanguan, on découvre avec beaucoup de sensibilité une mise à la scène subtile d’un amour homosexuel tendant vers l’universel – choix ingénieux de prendre une jeune femme au physique androgyne pour interpréter le jeune You et un comédien aux traits mâles dans le rôle de Jifang- avec des scènes d’amour et de complicité d’une beauté étonnante. L’esthétique de cette première partie s’inspire de la gestique traditionnelle très symboliste et symbolique tout en y mêlant par touches éparses un zeste de contemporanéité. La seconde partie est dans la mise à la scène bien plus réaliste, bien moins esthétisante: pourtant, se dégage des déplacements des artistes une souplesse et une beauté héritée de la tradition artistique. Se dégage aussi une joyeuse légèreté apportée par la cousine, personnage incarné avec drôlerie par Wei Wei, contrastant avec le jeu « coincé » de Yen ling, parfaite en mère soucieuse de la bonne conduite de son fils.

Car les comédiens sur la scène sont tous de très bon niveau: Yen-ling dont le travail de composition est remarquable dans la première partie – elle est le jeune You tant dans la démarche que dans la voix- excelle à jouer la mère rabat joie. Wei wei est très amusante dans son rôle d’homme manqué: sa joie est communicative. Hua-chien est excellent dans son rôle d’amoureux transi et de fils refoulant son homosexualité. Lee, qui possède une très belle voix, est fort plaisant dans son jeu. De même, les autres comédiens sont tout aussi très justes.

He is my wife, he is my mother se rejouera normalement à Taïwan en septembre 2010 et nous vous le recommandons chaudement car au-delà de la question de l’homosexualité relativement bien acceptée à Taipei aujourd’hui, cette création qui se lit en deux temps, deux espaces (et ce n’est pas pour rien qu’une cinquantaine d’années et plusieurs centaines de kilomètres séparent les deux récits) interroge l’histoire de la Chine, son passé, ses conflits, son présent, ses contradictions, avec acuité et intelligence, l’air de rien n’y toucher… Car la fin du spectacle que nous ne vous dévoilerons pas nous laisse sur une interrogation encore de rigueur aujourd’hui lorsqu’on sort du politiquement correct et des affaires de lobbying.

Crédit photo : avec l’aimable autorisation de the Theater Group
of Creative Society, Taipei.

Made in Taïwan….. about theater !

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Cet espace d’expression vise à compléter d’une certaine façon le site de la revue marseillaise du théâtre [2] puisqu’il est et sera essentiellement dédié à l’art théâtral taïwanais comme pouvait le laisser pressentir le premier article publié ici.

Pourquoi Taïwan, me demanderez vous? Parce que l’origine chinoise de l’île de Formose, parce que sa particularité insulaire. Taïwan, notamment Taipei (sa capitale), représente aujourd’hui un bel exemple d’ouverture et de liberté depuis l’arrêt de la loi martiale il y a quelques vingt-deux ans… Et cette ouverture vers l’universalité se ressent bien plus fortement dans le théâtre taïwanais… que j ‘ai pu découvrir en 2006 avec un spectacle de Ma Chao Chi, jeune clown taïwanaise.

Nous sommes loin de certaines niaiseries européennes bien grasses, voire de cet obscurantisme surfant sur la vague du théâtre contemporain masturbatoire, comme cela est hélas le cas en France…

A Taïwan, l’humour, auto-dérision et légèreté, et le drame, légende et quotidien perlé de tragédie, se répondent, s’entrelacent, partagent le même espace et la même temporalité, sublimés par la grâce de la gestique asiatique et un symbolisme esthétique fort éloigné de l’esthétisme outrancier et vain… Et ce, même dans leurs créations les plus contemporaines, voire les plus réalistes ou figuratives.

De plus, là bas, la danse et le chant font partie intégrante d’une oeuvre -tout bon artiste se respectant maîtrise ces arts – ; ils ponctuent avec subtilité la trame dramatique du récit théâtral, récit pouvant être dans sa forme classique, ou linéaire, mais aussi très moderne, voire fragmentée à l’image du cinéma ou du théâtre actuel européen. Il en est de même du jeu des artistes incorporant aux techniques traditionnelles des techniques d’une modernité étonnante.

Bien que souvent adaptées de fables ou légendes anciennes qui montrent ô combien la Chine ancienne pouvait être ouverte, avant l’arrivée du Parti communiste chinois, ces créations se ré-approprient le présent – leur histoire et l’Histoire du monde et de l’humanité- avec une acuité et une pertinence troublante d’universalité (par exemple, he is my wife, he is my mother de Katherine H. Chou dont nous parlerons dans un autre article).

extrait 1 de He is my wife, he is my mother [3]
extrait 2 de He is my wife, he is my mother [4]

Nous sommes face à des oeuvres qui tendent à partir d’une histoire particulière, propre à leur pays, vers l’universel : certaines scènes pourraient se passer dans n’importe quel pays européen car ce qui se joue dans ces oeuvres modernes est la question onthologique du rapport à soi et à l’autre, des rapports humains, du rapport au monde au-delà des frontières. Questionnements communs à tous les peuples…. lorsque ces derniers dépassent la question de l’avoir.

Pour exemple, Sisters Trio, mis en scène par Hsu Yen ling, adapté d’une vieille légende chinoise et recontextualisé à une époque où les lesbiennes étaient réprimées. Cette pièce en noir et blanc, à la scénographie suggestive et modulable composée d’une kyrielle de petits coussins blancs formant une entrée de grotte, un lit, des assises…., dans laquelle les comédiennes sont vêtues de costumes noirs et de longues chemises blanches, n’est pas sans rappeler les représentations des bars homosexuels des années 20 en France où les garçonnes venaient se retrouver en cachette. L’atmosphère du spectacle et les scènes qui se jouent sous nos yeux, très réalistes pour certaines, nous font oublier que nous sommes face à une création taïwanaise… si ce n’est que le texte est dit en chinois.

Qui plus est, et ce n’est pas sans déplaire, les artistes taïwanais font preuve d’audace dans leurs créations. En effet, lorsqu’on regarde les trois créations de Hsu yen ling qui traitent sous trois angles et à trois temps différents, usant de trois esthétiques distinctes (colorée, noire et blanc, pastel), des rapports saphiques (la première, skin touching , s’apparente plutôt à une comédie sentimentale contée à la façon d’une fable musicale; la deuxième, sisters trio, à un drame historique relatant l’oppression masculine, la troisième, a date, à un récit cinématographique des quotidiens des lesbiennes du monde), on ne peut être qu’impressionné de voir ô combien ses créations détournent le politiquement correct, osant montrer sur scène, avec sensualité et sans voyeurisme, ces moments d’intimité que même en France, il est très rare de voir au théâtre, notamment en ce qui est des relations amoureuses entre deux femmes, un sujet encore très tabou dans le théâtre français.

Une liberté de ton se dégage de ses créations, une liberté conquise avec l’arme de l’intelligence, un brin moqueuse, et non celle de la provocation, hélas souvent gratuite; le tout mis à la scène avec talent et sans prétention, juste celle de dire ce qui est et existe, nous interrogeant en filigrane sur l’ouverture, la tolérance, la liberté et notre choix de vie……

Skin Touching - Hsu Yen Ling

Skin Touching - Hsu Yen Ling

Sisters Trio - Hsu Yen Ling

Sisters Trio - Hsu Yen Ling

A Date - Hsu Yen Ling

A Date - Hsu Yen Ling

Pour terminer, je soulignerais que, contrairement à chez nous, les créations taïwanaises ne se réduisent pas à un ou deux personnages mais bien plus souvent, elles peuvent compter de 8 à 17 personnages, comme cela est le cas des créations de Hsu Yen ling… Pourtant, les artistes là-bas, sont bien moins subventionnés que chez nous…. Alors, pourquoi tant de frilosité, chers amis ?

Diane Vandermolina

crédit photo : photos publiées avec l’aimable courtoisie de Hsu Yen Ling

Le monodrame de Hsu Yen Ling

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Remix : Hsu Yen Ling + Sylvia Plath
présentation en chinois et français avec sous-titre français
âmes trop sensibles s’abstenir !
Scénariste: Chou, Man-Nung
Interprète : Hsu, Yen-Ling
Metteur en scène : BABOO

Troublant monodrame….

Hsu Yen Ling

Hsu Yen Ling

La poétesse

http://www.youtube.com/watch?v=J816AxnJHNU&feature=related [5]

http://www.youtube.com/watch?v=YYuwrKRjz10&feature=related [6]

Sylvia Plath est une poétesse américaine confessionnaliste qui se suicida à l’âge de 30 ans en s’empoisonnant au gaz. L’auteure décrit dans ses poèmes et romans la détresse qui l’anime, le désespoir qui la hante au fil des années, la folie qui la guette … telle une chronique de son suicide annoncé dans une société et à une époque où le génie féminin était écrasé par la domination masculine.
La jeune femme avait été marquée à vie par la mort brutale de son père alors qu’elle n‘avait que huit ans (le besoin frénétique d’écrire la prit à cet âge) et souffrait de troubles bipolaires aigus l’ayant déjà conduite à une première tentative de suicide (pensant que le suicide était le meilleur moyen d’anéantir le monde). Elle rencontra en 1956 Ted Hugues, poète anglais, qu’elle épousa très vite et duquel elle eu deux enfants, s’oubliant complètement au profit de l’œuvre de Ted qu’elle soutenait et défendait ardemment. Jusqu’à ce qu’elle se découvre la liaison de ce dernier et trahie, décide de le quitter, la colère et la désespérance causée par la mort de cet amour fusionnel lui faisant reprendre le chemin de l’écriture, la douleur exaltant sa verve poétique aux consonances néo-féministes, voire ambigües (son poème « Lesbos »). Son poème « Daddy » est emblématique de son rapport au père, sa haine pour son père l’ayant abandonnée si tôt et pour le père de ses enfants, ce nazi qui l’a trahie.
Les voix de la solitude, les voix de la douleur/ Cognent à mon dos inlassablement écrit-elle dans « trois femmes », hantée par l’idée de la mort de l’imagination. L’hiver de 1962-1963 fut rugueux et elle tomba malade, au point que la fièvre s’empara de son corps et qu’elle écrivit son dernier poème « Le bord », lucide sur les troubles qui l’abimaient.

La création

http://www.youtube.com/watch?v=mqX_dVRYve4 [7]

Le spectacle, présenté à la condition des soies, par la troupe Shakespeare’s Wild Sisters Group, intitulé le monodrame de Hsu Yen Ling, est une réécriture inspirée du poème « 41 de Fièvre » (« Fever 103° »), relatant la nuit précédent son suicide. La troupe taïwannaise ne présente qu’une partie du spectacle, celle où Yenling interprète avec fougue et sensualité Sylvia Plath.
De même, la scénographie constituée d’une baignoire remplie d’eau – sur laquelle sont projetés les sous titres de cette création dite en chinois, en avant-scène côté jardin- et d’une chaise -en fond de scène côté cours- n’est pas la scénographie originelle. Cette dernière est constituée d’un plan incliné incurvé, découpé par une ligne de fuite (large ouverture délimitée en fond de scène par une porte et sur les côtés par le plan incliné, remplacée ici par la chaise) et un trou béant (remplacé ici par la baignoire). Hautement plus symbolique et suggestive…
Des projections vidéos inondent le mur du fond d’images aux graphismes bien réalisés et de prises de vue de Yenling sur scène, à la façon du vjaying, images sombres, éclatées et rassemblées, à l’instar de la poésie troublante de Sylvia Plath, se noyant dans le flot de paroles, de mots éructés, criés, jetés en pâture à nos oreilles, par Yenling, déchirante et déchirée par ce personnage dérangeant, oscillant entre hurlements et chuchotements, entre apathie et exaltation, entre amour et haine, attraction et rejet de l’amour, de la mort… fascinante. La bande son quant à elle n’est pas sans rappeler l’univers de David Lynch.

La réalisation

http://www.youtube.com/watch?v=ovJ7c7iIvDY&feature=related [8]

Le spectacle a été conçu spécialement pour faire émerger le talent indéniable de Yenling, actrice et metteur en scène taïwannaise, reconnue en son pays et auréolée de nombreux prix dument mérités. Yenling -qui dans cette pièce se met réellement à nu et en danger- est saisissante de vérité tant son jeu est animé d’un force intérieure, d’un feu consumant son être, jusqu’à l’oubli de soi… L’actrice fusionne avec la femme qu’elle interprète, qu’elle devient le temps d’une représentation. Avec humilité et talent. Voire une pointe d’humour qui ne nous laisse pas indifférent, notamment lorsque vêtue d’une robe rouge, elle nous accueille, interpelant les spectateurs avec amusement et une candeur feinte… Telle une femme-enfant faussement ingénue… nous demandant avec douceur « dessine moi un mouton » !
La mise en scène n’est pas en reste : elle semble avoir été conçue à la manière d’un souffle poétique, à travers le rythme des mots, les silences du langage et du corps, laissant éclater la puissance des phrases s’inscrivant dans l’espace, résonnant aux oreilles des spectateurs émus par ce long poème qui distille avec subtilité la pureté et la violence des sentiments. La mise en scène joue sur la complémentarité/opposition des deux personnages sur la scène : la figure du mâle (le père/le mari/l’amant) et la figure de la femme (la fille, l’épouse, la mère et l’amante) sans tomber dans le manichéisme. La souplesse du jeu du comédien, sa placidité et sa force tranquille contrastent harmonieusement avec la violence, l’ardeur, la folie du jeu de Yenling tout en rupture et dont les gestes sont pourtant précis et non désordonnés. Elle fait preuve d’une grande maîtrise de son art (à saluer) et il est difficile par instants de ne pas retenir son souffle. De ne pas être subjugué, remué, par cette alliance si réussie entre l’écriture, la réalisation et l’interprétation car même dans les passages les plus durs de la pièce, rien n’est gratuit, ni la répétition inlassable des mêmes paroles, ni le jeu dangereux de Yenling/Sylvia avec le rasoir. Et un mélange de crainte et de fascination nous saisit à l’issue de cette création hautement symbolique où la cruauté du monde, de la vie, de l’amour éclate à nos yeux… Le trouble nous saisit.
Au sortir de la salle, nous nous interrogeons sur la place de la femme dans la société, la domination toujours existante (hélas !) du mâle sur la femme, la violence symbolique exercée sur le sexe dit faible, le patriarcat… Mais aussi sur le sens de la vie, la mort, qu’est ce que être, exister, vivre, aimer, créer ? Et pourquoi ? Pour qui ?

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In fine

Hors l’amour, il reste très peu de choses disait Sylvia Plath…qui a voué sa vie à son amour et dont la poésie naquit de la souffrance de la perte de l’être cher.

L’amour, ce sujet universel et éternel qui inspira tant de poètes.

Je finirais avec ce sonnet de Shakespeare :

Let me not to the marriage of true minds
Admit impediments. Love is not love
Which alters when it alteration finds,
Or bends with the remover to remove:
O no! it is an ever-fixed mark
That looks on tempests and is never shaken;
It is the star to every wandering bark,
Whose worth’s unknown, although his height be taken.
Love’s not Time’s fool, though rosy lips and cheeks
Within his bending sickle’s compass come:
Love alters not with his brief hours and weeks,
But bears it out even to the edge of doom.
If this be error and upon me proved,
I never writ, nor no man ever loved.

Diane Vandermolina

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Rain to Box – Hsu Yen-Ling [14]

crédit photo : photos publiées avec l’aimable courtoisie de The Shakespeare’s Wild Sisters Group