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Nos disparitions de et par Anne-Marie Bougault à l’Atelier de Mars

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Bonheurs de Jimmy Jackson

En plein cœur du Panier, à l’Atelier de Mars, ce petit théâtre où nous avions présenté notre «Je vous salue mamelles », dirigé avec quelle belle énergie par Florence Morana, nous avons assisté à une représentation d’un solo bouleversant : « Nos disparitions », une pièce de théâtre de et par Anne-Marie Bougault.

Extrait

« Parfois, on voudrait disparaître. Se dérober, s’enfuir, se réinventer. Disparaître et re-être.

Parfois une rencontre advient qui vous éblouit à jamais.

Parfois on sent qu’avec soi-même, avec la possibilité d’un amour, c’est aussi le monde, la totalité du Monde connu, du monde vivant, espéré, attendu, qui est en train de disparaître.

Année 2035, dehors, tout vacille. Dedans seule depuis trop longtemps, une femme parle. Elle n’a rien oublié. Cette nuit elle raconte toutes ses histoires. » Anne-Marie Bougault

Notre avis

Un spectacle fascinant, en clair-obscur, qui donne la parole à cette femme mystérieuse, dénuée d’artifices, et pourtant nous entraîne dans les méandres de sa quête et de ses contradictions, où se construit tout de même une colonne vertébrale, celle d’un amour…. Il y a cette voix magnifique d’Anne-Marie Bougault, qu’elle donne à son propre texte, la lente chorégraphie de ce corps las (subtile et belle mise en scène de Florence Morana, et une bande son aussi énigmatique que fascinante…. Un grand moment de théâtre, sans affèterie, qui, peu à peu, prend la place d’un miroir…. JM

Bon à savoir

Atelier de Mars – 44 rue du refuge 13002 Marseille 04 9191 2600 / atelierdemars@free.fr [2]

Dernière représentation le 13 janvier à 20h

 LA VEUVE JOYEUSE Die lustige Witwe Opérette en trois actes de FRANZ LEHÁR

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Livret de Victor LÉON et Léo STEIN, d’après L’Attaché d’ambassade (1861) d’Henri Meilhac.

Pour les fêtes fleurissent les veuves joyeuses, soyeuses, tant cette opérette festive centenaire n’a pas pris une ride mais nous déride par sa joie de vivre d’une époque qui ne fut la Belle époque, comme toute époque, que de certains, qui n’imaginaient pas, à l’orée d’un siècle nouveau, qu’il risquait d’être le dernier à cause de la catastrophe proche d’une guerre qui faillit tout balayer.

Elle fut créée à Vienne en 1905 et nul n’imaginait non plus, alors, que cette Europe de l’est exploserait en Première Guerre Mondiale à peine une décennie après, emportant à jamais dans son vent la dite Belle époque de l’Art Nouveau d’un siècle qui se lançait avec enthousiasme dans la modernité. Guerre qui fit le plus grand nombre de veuves que le monde ait connu et qu’on n’imagine pas forcément toutes très joyeuses.

Et encore moins dans cette principauté d’opérette par définition, imaginaire, d’Europe centrale (ou des Balkans), la Marsovie, dont l’ambassadeur en France s’appelle Popoff et qui ressemble, mais en version comique, à ces pays tragiques aujourd’hui, dont on pouvait encore rire innocemment alors, comme des clichés tranquillement misogynes qui nourrissent l’œuvre.

 MISOGYNIE JOYEUSE DU VIEUX PATRIARCAT

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          Même sous les joyeux apprêts du comique du genre, cette célébrissime opérette du début du XXe siècle, contemporaine des premières grandes manifestations à Vienne revendiquant le suffrage universel —dont le droit de vote des femmes— donne, en toute bonne conscience, avec sa traditionnelle et tranquille misogynie institutionnelle, la mesure de la distance qui nous en sépare avec notre brûlante actualité d’un féminisme revendicatif qui donne aujourd’hui  mauvaise conscience au patriarcat, à l’éternel pouvoir masculin au détriment de la femme.

Vision des femmes

Grisettes en goguette

Or, en l’absence d’un féminisme alors balbutiant, cette œuvre m’apparaît comme une innocente représentation de l’apogée du machisme d’une époque, belle pour certains, les hommes, bourse(s) bien pleine(s), les femmes n’étant là que pour leur service —et de services à sévices, il n’est que d’une lettre— la fastueuse galerie d’hommes fêtards fardant mal la galère des femmes.

Dès le premier air, d’entrée l’Attaché d’ambassade, le Prince Danilo Danilovitc, héros en état d’ébriété, gourmet peu gourmé, gourmand d’affriolantes gourgandines parisiennes, donne le ton et la place des femmes, chantant la philosophie du noceur, du viveur, son credo libertin, « voltigeant à la ronde, /De la brune à la blonde », distillant sa donjuanesque liste, roucoulant avec délice les noms des filles faciles interchangeables :

« Manon, Lison, Ninon, Suzon, Fanchon, Toinon,

 C’est tout un demi-monde où jamais on n’dit non. »

Si la belle Veuve ne sera même pas coquette (sa fortune tient lieu d’appas), c’est plutôt lui le coquet caquetant comme un coq dans le poulailler de ces dames vénales qu’il n’a même pas à séduire, à conquérir ni simplement à prendre, mais juste à ramasser.

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C‘est l’univers de ce Gai Paris si joyeux pour les gens fortunés comme le disait déjà le Brésilien de La Vie parisienne d’Offenbach.

Les « p’tites femmes » à la fête du mâle louées, allouées, filles du petit ou demi-monde qui ont intégré en conscience et consentement toute l’idéologie machiste du monde, de leur monde, dont elles vivent, entrent consciemment dans le stéréotype, le cliché masculin, se définissant allègrement en levant la jambe et la voix :

 « Nous sommes les p’tites femmes frivoles ! »

Les épouses

Certes, c’est la troupe des danseuses mais le troupeau des autres, dames du monde, épouses de diplomates et d’aristocrates, ne présente guère un tableau flatteur : toutes prêtes ou déjà faites à cocufier leur digne et grotesque mari comme le prouve l’épreuve de l’éventail compromettant perdu, même si la femme de l’ambassadeur n’a pas encore franchi le pas, sauvée in extremis par la généreuse Veuve qui prendra sa place dans le proche pavillon bien près pour l’adultère. Le couple de jeunes premiers, pris dans leur double jeu de dépit sans répit amoureux, d’amour et désamour, avoué, démenti, est décliné, décalqué comiquement dans deux autres couples, celui de l’ambassadeur Popoff, croyant aveuglement en l’amour de sa femme Nadia qui, cela crève les yeux, ne rêve que d’adultère avec le fringant et pressant Camille de Coutançon, et celui du jaloux Kromski se jurant de trucider son infidèle de femme Olga qui n’en a cure, une sorte de mise en abyme, j’ose dire en précipice, des mariages convenus, convenant mal aux désirs des femmes, comme l’irrésistible érotomane Sylviane Bogdanovitch, nobles dames s’estimant trop haut pour s’abaisser à la vulgarité bourgeoise de la fidélité.

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 L’éternel féminin ?

 L’acte III et son dynamique septuor masculin satirique et condescendant, « Ah, les femmes, femmes, femmes ! », délivre clairement la vision de la misogynie du temps —pas si lointain— où l’on aimait la facile gaudriole et tous les clichés misogynes d’un supposé « éternel féminin », de diabolique origine chez les filles d’Ève, impossible tirade contre laquelle on tirerait à boulets rouges aujourd’hui : 

« Le jour qu’elle écouta le Malin,

Commença l’éternel féminin… »

           Mais c’est irrésistible de gaîté et, quel que soit le glacial puritanisme qui s’abattrait aujourd’hui sur de tels propos, ce galop digne d’Offenbach est si diablement entraînant, que toute la salle, hommes et femmes confondus (on respire !) en accompagne le rythme en le scandant des mains.

 La Veuve

          Ni rieuse ni joyeuse, la Veuve, Missia, seul personnage échappant à la caricature, héritière de son banquier de mari, est la preuve flagrante de la misogynie du temps : courtisée tous azimuts pour ses millions actuels, elle fut jadis rebutée, orpheline et pauvre, par la noble famille de Danilo refusant la mésalliance, un prince pouvant violer mais non épouser une bergère. Sa fortune l’ayant anoblie, changé la donne, elle pardonne et revient, midinette au cœur fléché par cet ancien amour, espérant réparation matrimoniale, mais affrontée à l’affront d’un amoureux réticent et jouisseur, dont la devise est : « fiancé, toujours, marié, jamais », même s’il drape son refus dans la dignité de ne pas vouloir la main, désormais prodigue en richesse, de celle que, pauvre, il refusa.

Et même lorsqu’enfin convaincu, ils convolent, les millions s’envolent : par testament, le banquier Palmieri, sans doute jaloux de sa jeune et jolie femme au-delà de la mort, sans doute pour s’en conserver la fidélité, avait disposé qu’en cas de remariage, la fortune de la Veuve irait au mari. En somme, belle somme : sans l’autorité d’un père, la femme, toujours mineure, est passée du mari au mari. Et les millions aussi.

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INTRIGUE POLITICO-FINANCIÈRE

Je m’étais écrié, à une belle version à l’Odéon,« Vive la Veuve ! », tout en conseillant de ne pas crier pour autant « Mort aux maris ! » par prudence, puisque presque chacun l’étant, l’ayant été ou le sera. Mais ce vieil époux en question, le banquier Palmieri de Marsovie, qui a l’élégance de mourir très vite, laisse à sa jeune épouse Missia un héritage fabuleux, bref, qu’on dirait en termes bourgeois une belle Pension de réversion : cinquante millions de dollars et autant de raisons à la Veuve de n’être, sinon joyeuse, pas trop marrie de la perte du mari. Le montant suffirait à restaurer le budget de la petite principauté de Marsovie ruinée, mais assiégée par une myriade internationale de prétendants, des soupirants intéressés aspirant à la main de la Veuve pour établir ou rétablir hors frontière leur fortune, pour la dilapider en restaurants chics parisiens avec champagne à gogo et gogo girls en goguette et campagne, dans cette capitale du monde et de la fête qu’est ce Paris de la fin du XIXe siècle où tout le monde se retrouve, mondains comme fripouilles, entre le Maxim’s cher déjà à tel Président d’hier, cher à faire rire jaune même un gilet d’aujourd’hui, et autres lieux de plaisirs racaille et canaille des hauteurs de la Butte à putes de Pigalle et Montmartre.

Mais, pour éviter l’évasion fiscale de la Veuve, fatale aux finances de la Marsovie, l’Ambassadeur à Paris, Popoff, complote pour lui donner pour époux un Marsovien non venu de Mars, le Prince Danilo Danilovitch attaché d’Ambassade, très attaché, on l’a vu, aux dessous, très féminins, de ce Paris, apparemment bien remis de la lointaine blessure amoureuse qu’il infligea à la récente Veuve, apparemment peu tenté par la tentante Missia pour laquelle son cœur battit autrefois avant que celui du mari n’en claquât.

La jeune femme, entourée, sollicitée, assiégée, garde le sourire et la tête froide au milieu des assauts galants de galants en frac par l’odeur de son fric attirés. Ils ont beaux jouer les boys empressés de comédie américaine lui promettant —espérant plus— des trésors d’amour, celui de jeunesse pour le joyeux et facile Danilo, reste pour elle un joyau d’une autre trempe, même perdu.

RÉALISATION ET INTERPRÉTATION

Beauté d’épure d’un fond bleu nuit d’où se détachent des dignitaires en habit, le torse ceint d’une écharpe rose jouant avec l’uniforme d’une nuée de serviteurs, de grooms en uniformes du même rose, couleurs et teintes élégamment déclinées dans tous les costumes et tableaux. D’une scène centrale à degrés, comme un temple, sous un immense cœur fléché par un prodigue archer Cupidon, surgira au sommet, comme un rêve, arborant un long fume-cigarette, telle une future Marlène Ange bleu, en smoking masculin et haut de forme, Missia, la Veuve, impériale en sa descente théâtrale, très café-concert du temps, des escaliers. Des basques de sa veste, coulent les vastes pans d’une volante jupe de ce même bleu fondamental, semé de floconneuses fleurs, roses, rouges, bleues, qui envahiront au dernier acte l’espace, les murs, les portants, la volière du pavillon d’amour, et cet onirique manteau sur robe à volants roses, comme le rêve prolifique expansif d’un Mucha semant au vent les cadres de ses filles-fleurs ou les ornements floraux de ses affiches pour Sarah Bernhardt. Sans débauche d’amas de signes Art Nouveau, Liberty ou Tiffany, c’est esthétiquement très beau, comme les plastiques groupes sculpturaux détachés sobrement sur cet immuable bleu sombre contrastant.

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Déroute des couples

Imposant comme une évidence théâtrale, voix puissante, sans un air à chanter, Marc Barrard a bel air, des airs et une grande gueule pour courte vue face aux velléités adultères de sa femme Nadia, la belle Perrine Madœuf qui, telle Zerline, veut et ne veut pas céder même si elle cèderait volontiers son potentiel et séduisant amant, le Français Camille de Coutençon, dans le lit nuptial de Missia pour s’en protéger, ou protéger son mariage, ou plutôt sa position sociale, quitte à faire capoter les plans capitaux de son diplomate d’époux qui cherche à conserver le capital de la Veuve dans la nécessiteuse Marsovie. Le couple d’amants ratés est gratifiés d’airs enjôleurs où la voix ronde et tendre de Madœuf se marie, sublimant l’adultère, avec la fièvre débordante en aigus puissants de l’amant frustré, le ténor Léo Vermot-Desroches.

À Figg, autre personnage sans air, Jean-Claude Calon sait donner de l’éloquence comique, même dans son silence. Quant à Simone Burles, comme une prédestination, elle donne un burlesque coquin à Sylviane par d’ardeur érotique saisie, et non par son mari, Jean-Luc Épitalon. Rivaux dans leur prétention à conquérir la riche main de la Veuve, l’avantageux D’Estillac de Matthieu Lécroart et l’exotique Lérida d’Alfred Bironien forment un couple hilarant de parfaits prétentieux prétendants ratés. Autre couple en partance et souffrance sous l’humour, et non l’amour, de la couverture vaudevillesque, finalement amère, celui de Kromski, Jean-Michel Muscat et de sa femme, incarnée par Perrine Cabassud,  dont un seul geste expressif traduit l’agacement ou la haine de l’époux sûrement imposé et non choisi.

Le couple central est campé par le baryton Régis Mengus, plein d’allure, voix sûre et pleine, sans peine un séduisant Danilo au timbre viril, rien de vil dans ce débauché dont les nobles scrupules financiers rachètent finalement la crapule finance d’autrefois sous prétexte de noblesse opposée au mariage avec la roturière pauvre. Missia, c’est Anne-Catherine Gillet, voix pure et limpide comme ce personnage blessé mais n’en gardant pas rancune, au contraire obstinée à faire du passé table rase. Au milieu du chœur follement féminin du bon plaisir des hommes, elle a même sagement convoqué les « P’tites femmes » de Maxim’s pour complaire au client Danilo et lui faire fête. La Veuve dite faussement joyeuse chante une nostalgique ballade, la légende de Vilya, « la dryade aux yeux mystérieux », la nymphe des bois, dont un jeune chasseur tombe amoureux, amour impossible qu’il ne cessera de chercher, de chanter comme elle espère sans doute chez l’homme aimé. C’est un moment de poésie, un appel, un rappel au passé d’un amour vivant adressé à Danilo. Tout en se gardant des pianissimi dangereux, Gilet exprime cet air avec une infinie douceur, pleine de mélancolie.

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Et l’on peut rester sceptique sur le happy end. Dans cette œuvre où je vois, sous le comique, la faillite du couple, celui si joliment formé par les héros, est-il finalement mieux loti que les autres ? On peut se demander si Missia, jeune fille autrefois blessée dans son amour, pourra jamais, même en récupérant Danilo, cicatriser sa blessure de jeune femme rejetée. Même sous couvert d’ironie, elle rejoint l’opinion de Danilo pour qui le mariage est « un point de vue très dépassé ». En effet, quand elle feint d’épouser le Français Coutençon, tout en affectant d’embrasser les mœurs conjugales de son nouveau pays et mari, c’est une règle générale qu’elle détaille. Sommet cynique et satirique de l’œuvre sur, ce fond d’adultère généralisé, elle donne ainsi une amère définition du mariage à la mode de Paris (où Danilo est finalement chez lui) : « un ménage sans contrainte » où chacun vit sa vie :

 « On s’aimera un peu, on se trompera beaucoup », comme on fait à Paris ! 

 Bref un mariage « avec aller-retour », en rien figé dans une prétention de durée. Et n’est-ce pas ce que chante la mélancolie de la valse finale de l’accord qui dit l’« Heure exquise… », « la promesse du moment » mais ne semble pas viser à l’éternité.

 Éternité de l’œuvre

Ce qui est indiscutable, si le sujet a vieilli, c’est que la musique reste toujours jeune. On goûte la beauté concise mais prenante, entêtante, des airs, l’entraînante gaîté des différentes danses traditionnelles d’époque valse, polka, mazurka, galop, et ces pas de kolo (danse folklorique des Balkans), on s’agite  et claque des mains à  l’irrésistible fougue du cancan servi par une merveilleuse troupe de danseurs acrobates.

À la direction musicale, Didier Benetti mène l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille tambour battant mais tout en respectant la finesse de cette musique à l’habile harmonie : les plages musicales reprenant les thèmes des airs jamais alourdis de glose, cela fait un délicat tapis roulé et déroulé avec verve et douceur et l’oreille ne perd jamais la référence, d’un air à l’autre, même à distance comme l’amorce  mystérieuse du refrain de la chanson de Vilja est déjà celle de « Heure exquise. » Benito Pelegrín

 Die lustige Witwe, opérette en trois actes de Franz Lehàr

Opéra de Marseille

Vendredi 29 déc | 20h
Dimanche 31 déc | 20h
Mardi 2 janv | 20h
Jeudi 4 janv | 20h
Dimanche 7 janv | 14h30

PRODUCTION Opéra de Saint-Etienne
Création le 29 décembre 2022 à l’Opéra de Saint-Etienne
Décors, costumes et accessoires réalisés dans les ateliers de l’Opéra de Saint-Etienne

Direction musicale Didier BENETTI
Mise en scène Jean-Louis PICHON
Réalisée par Jean-Christophe MAST
Décors et costumes Jérôme BOURDIN
Lumières Michel THEUIL
Chorégraphie Laurence FANON

Missia Anne-Catherine GILLET
Nadia Perrine MADOEUF
Olga Perrine CABASSUD
Sylviane Simone BURLES

Danilo Régis MENGUS
Le Baron Popoff Marc BARRARD
Camille de Coutançon Léo VERMOT-DESROCHES
Figg Jean-Claude CALON
D’Estillac Matthieu LÉCROART
Lérida Alfred BIRONIEN
Kromski Jean-Michel MUSCAT
Bogdanovitch Jean-Luc ÉPITALON
Pritschitch Cédric BRIGNONE

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

 Photos Christian Dresse 

  1. Apparition de Missia ;
  2. Le cœur et les flèches;
  3. Danilo et Missia ;
  4. Nadia et Coutençon,
  5. Popoff et Missia;
  6. Le pavillon;
  7. Cancan.

Plongez dans le monde captivant du thriller judiciaire et du roman policier avec Zaleucus Éditions

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Découvrez les coups de cœur de notre rédaction pour cet hiver : des romans policiers français passionnants, avec une mention spéciale pour Zaleucus Éditions, une maison d’édition nantaise spécialisée dans le thriller judiciaire créée en 2021 par l’avocat au barreau de Nantes, Julien Monnier, suite au constat que le genre du thriller judiciaire n’est pas assez développé en France. Le nom même de la maison rend hommage à Zaleucos de Locres, législateur grec de l’Antiquité à l’origine des premières lois écrites, reflétant ainsi l’intérêt de son fondateur pour les ouvrages explorant les thématiques juridiques.

Une réédition commentée des classiques d’Edgar Allan Poe et Gaston Leroux : l’engagement fort de Zaleucus Éditions pour la promotion du genre

En cette période hivernale, rien de mieux que de se blottir chez soi avec un bon polar. Notre rédaction vous recommande quelques coups de cœur pour occuper vos longues soirées au chaud. Fruit du hasard, la majorité de nos suggestions sont des romans policiers français, à une exception près. Les thrillers américains regorgent aussi de qualités, mais ces récits ne nous ont pas autant captivés malgré leurs intrigues bien menées. Le style parfois trop dépouillé de certains manquait de caractère et de finesse littéraire. La patte des auteurs français se démarque par son élégance, à l’instar du plus francophile des auteurs américains du 19ème siècle, Edgar Allan Poe, maître du genre, dont l’écriture fine et percutante a marqué durablement le polar.

Alors pourquoi vous parler de Poe ? C’est justement lui que l’on retrouve dans les récentes publications de Zaleucus Éditions. Cette dernière propose une réédition du fameux récit d’Edgar Allan Poe « Double assassinat dans la rue morgue » mettant en scène un enquêteur génial, Auguste Dupin, suivi du « Mystère de la Chambre Jaune » de Gaston Leroux dans lequel le lecteur redécouvre les étonnants talents du jeune Rouletabille dans ce « roman-miroir », écrit en hommage à ce texte de Poe auquel il fait écho.

L’intérêt de ces deux rééditions, au-delà de la proposition d’une nouvelle traduction de Poe, réside en ce que les deux romans sont commentés par un expert, un spécialiste des scènes de crime pour le premier, un avocat pour le second, tous deux analysant le traitement des affaires fictives à travers le prisme des méthodes et des technologies actuelles. « Les deux ouvrages sont commentés par des juristes et des policiers pour questionner le traitement de ces affaires fictionnelles si elles s’étaient déroulées aujourd’hui. Quelles auraient été les méthodes d’enquête, les technologies utilisées etc. ?» développe le fondateur de la maison d’édition, dont le but est d’offrir « un accès à la législation française par la fiction ».

Adrien Leclerc souligne la précocité des méthodes d’analyse de Dupin préfigurant les techniques médico-légales dans le « Double assassinat de la rue Morgue ». Agent spécialisé de police technique et judiciaire, il détaille l’analyse scientifique mise en œuvre par Dupin, méthode qui repose sur les mêmes piliers que ceux utilisés par les agents de police scientifique : recherche, analyse, comparaison. En développant les étapes auxquelles auraient eu recours les agents aujourd’hui, il nous éclaire sur un métier complexe dont les séries américaines ont fait leur fonds de commerce nonobstant une qualité nécessaire à tout enquêteur : la patience.

L’avocat Julien Monnier décortique le cheminement des enquêtes et procédures judiciaires dépeintes dans le «Mystère de la Chambre Jaune». Il détaille le processus judiciaire de l’instruction au procès décrits et ses commentaires nous permettent de mieux comprendre les subtilités du système juridique français, également l’évolution des pratiques et des lois en soulignant les erreurs et incohérences qui pourraient être relevées si l’affaire se déroulait de nos jours. Ils apportent un véritable plus à l’œuvre, d’autant plus que nous avons plaisir à relire les aventures du fantaisiste jeune journaliste à l’intelligence redoutable.

Zaleucus Éditions donne un accès à la législation française par le biais de la fiction, en mettant en lumière les procédures judiciaires, les métiers de la police scientifique et les rouages de l’instruction et du procès avec ses analyses d’expert. Ces rééditions commentées offrent ainsi une expérience de lecture enrichissante, alliant le plaisir de la découverte ou de la redécouverte des classiques du genre à une réflexion sur les aspects juridiques et policiers des intrigues ainsi qu’à l’acquisition de connaissances sur le droit et la procédure pénale française. Elles témoignent aussi de l’engagement de Zaleucus Éditions pour la promotion du thriller judiciaire en France, en mettant en avant des œuvres emblématiques et en les replaçant dans un contexte contemporain.

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Non seulement la maison d’édition réédite des récits connus en les agrémentant de commentaires passionnants, mais elle publie également des auteurs français de romans policiers juridiques, mettant en scène le droit et la justice. Ce mouvement littéraire, moins développé en France que dans les pays anglo-saxons, trouve ici une place de choix pour les amateurs de thriller judiciaire.

Découvrez les nouveaux talents français du thriller judiciaire à suivre chez Zaleucus Éditions

Afin de vous plonger dans l’univers passionnant du thriller judiciaire et du roman policier, Zaleucus Éditions a publié trois récits captivants qui allient suspense, enquête et exploration du monde juridique pour vous offrir des moments de lecture palpitants. Intitulé « les Abîmes », ce recueil de nouvelles se lit d’une traite.

Dans « Tarmac Sanglant », Bertrand Crapez met en scène un jeune appelé de la gendarmerie dont la première enquête sur le cadavre d’un jeune clandestin l’emmènera à la découverte d’un trafic de contrebande international au sein même de l’aéroport de Roissy où il est affecté. L’occasion pour nous, lecteurs, de suivre une aventure palpitante de Thomas Lacours et de découvrir que l’assistance par un avocat d’un suspect en garde à vue est récente, il y a une dizaine d’années tout au plus !

Dans « Hugo » de Marie Devois, nous suivons les questionnements existentiels d’un futur magistrat en stage d’immersion, Hugo Mestre, passionné de pénal dont les premiers pas sur le terrain vont l’emmener à enquêter sur une bien épineuse affaire au cours de laquelle il devra faire preuve de sang-froid. On y découvre le quotidien du Ministère Public avec les permanences téléphoniques interminables au Palais de Justice, les procès au Tribunal, et les procédures pointilleuses à respecter lors de l’instruction d’une enquête dirigée par le procureur de la République assisté de ses substituts. Une nouvelle qui nous immerge dans un monde fascinant.

Hervé Gaillet signe un roman policier saisissant « Pierre Benoit en voit de toutes les couleurs » dans un style très début 20ème siècle. L’occasion de suivre les aventures d’un écrivain fantasque, Pierre Benoit, qui aime revêtir les habits d’enquêteur, sous le nom de Ferdinand Fraisse, avec l’accord tacite du commissaire Fortalemenbert de la 1ère Brigade Spéciale de Paris, lorsqu’il fait face à une affaire criminelle. Ici le meurtre d’une jeune fille retrouvée étranglée dans un confessionnal. Une enquête en huis clos fort bien écrite et savoureuse révélant un personnage dans la lignée d’un Dupin et d’un Rouletabille.

Forte de son engagement pour la promotion du genre, cette jeune maison d’édition, spécialiste du thriller judiciaire et du roman policier, propose des ouvrages de qualité qui mettent en avant les spécificités du système judiciaire français. Que vous soyez un amateur de thrillers, un passionné de droit ou simplement à la recherche d’une lecture palpitante, les ouvrages de Zaleucus Éditions sauront vous combler. Plongez dans ces récits captivants et laissez-vous emporter par les mystères et les enquêtes passionnantes proposées par Zaleucus Éditions.

Diane Vandermolina                                                         

Zaleucus Éditions : https://zaleucus-edition.com/ [10]

Bon à savoir !

Dans un « thriller judiciaire », l’enquête est menée ou dénouée par un ou plusieurs acteurs judiciaires : avocat ou groupes d’avocats, procureur, juge… qui naviguent dans les complexités du système juridique pour défendre leur client, résoudre une affaire, ou démanteler une conspiration coupable. Plus généralement, la place donnée aux questions juridiques, au procès, seront bien plus larges. Les protagonistes sont souvent confrontés à des adversaires puissants : multinationales corrompues, politiciens malhonnêtes, criminels impitoyables… qui jouent sur la nature ambivalente de la loi.

 

A la Paix d’après Aristophane

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SCATOLOGIE CONTRE ESCHATOLOGIE : EXORCISME ?

            L’Opéra et la Criée, sans s’être concertés—mais on aime ce concert, cet accord, parallélisme sinon de concert, de conserve— programmaient deux œuvres anciennes, l’une antique, qui interrogent, hélas, notre plus brûlante actualité, Autodafé de Maurice Ohana (1971), et cette paix qu’on cherche sans trouver depuis une éternité, La Paix d’Aristophane de près de 2600 ans, (421 av. JC), presque contemporaine de la fondation de Marseille. Étrange coïncidence du tragique et du bouffe, à plus de deux millénaires de distance, pour dire la pérennité désespérante de la misère humaine, misérablement et tenacement accomplie par les hommes, acharnés à détruire entre eux et autour d’eux.

À LA PAIX !

 D’APRÈS ARISTOPHANE,

 PAR ROBIN RENUCCI ET SERGE VALLETTI

Marseille, la Criée, du 8 au 26 novembre 2023

Donc, sans aller me faire voir chez les Grecs, c’est le Grec Aristophane que je suis allé voir chez nous à Marseille, pardon, Phocée, donc, chez eux, chez lui, cette histoire fondue non de fondation, de fondement, de sinon Phocée, de fosse septique débordante pour fausse sceptique réception qui me fait en appeler à ma CULtuelle CULture, pourtant en rien cucu, ni cucul la praline, pour torcher un papier dont il faudrait sans doute des tonnes comme pendant la pénurie de la pandémie, pour en essuyer l’excès excrémentiel.

Sans reCULade, j’en appelle donc à ma CULture comme moindre des maux pour user de mots qui ne sont guère les miens[1] [11]. Il y eut Rabelais ne reCULant pas devant les jeux défécatoires sans déférence et Montaigne : « Si haut que l’on soit placé, on n’est jamais assis que sur son cul. »

Mais qu’advint-il, depuis, de ces gauloiseries se bouchant le nez, mettant le mouchoir par-dessus de la pudeur victorienne voisine ? La périphrase voilée drapant les gros mots, « le petit coin pour aller faire la grosse commission », et mot imprononçable sauf par tel intrépide héros : « Le mot de Cambronne », à voix basse, « le mot de cinq lettres ». En 1896, Ubu roi d’Alfred Jarry faisait scandale en levant le rideau sur le tonnant, détonnant, tonitruant bi-syllabe : « Merdre ! »

Ce fut le règne des points de suspension laissant en suspens, audacieux pour le bourgeois délicieusement effarouché, le mot irrévérencieux, innommable même pour nommer une professionnelle du service de bouche : La P… respectueuse du libertaire Sartre jadis. Même si les « Putain ! » fleurissant naguère encore seules les interjections viriles sont désormais devenues exclamations généralisées, banalisées, fleurissant aujourd’hui jusqu’au bouches de pures jeunes filles qui ne reCULent même pas à proférer de mâles protestations : « Je m’en bats ! », sans doute plus usées sémantiquement par l’inflation langagière que par la revendication d’égalité féministe ou le vindicatif triomphalisme castrateur brandissant comme trophées de victoire sur le patriarcat des attributs masculins émasculés par des femmes se proclamant « couillues. »

Après tout, merde !, puisqu’il faut l’appeler par son nom, sans jugement de valeur ou diagnostic critique de moliéresques médecins savamment penchés sur les selles que le Roi Soleil, à peine descendu de sa chaise percée, condescend à soumettre à leur docte examen, ou l’autre Bourbon Ferdinand Ier des Deux-Siciles, le Nasone des Napolitains, beau-frère de Marie-Antoinette, coprophile avéré, mettant en scène devant ses courtisans, après ou pendant la table, repus de repas, ses « déventrées », que rapporte en témoin effaré son autre beau-frère l’Empereur Joseph II, décrivant le monarque, culotte aux chevilles, vase à la main, courant à la ronde pour faire admirer joyeusement au public ébahi le produit de sa défécation.

Eh bien, merde ! j’ose le mot, sans vouloir être plus merdique que le très long merdier du prologue pas emmerdant mais merdeux, qui se suffit bien à lui-même, filant bien longuement la métaphore de la merde du monde, du monde de merde qui est le nôtre, décliné en diarrhée verbale : certes, quand on est dans la merde jusqu’au cou, on est bien obligé de marcher tête haute. D’ailleurs, merde et théâtre font bon ménage : puisque y marcher dessus suppose porter bonheur, « merde ! » c’est le terme propitiatoire que l’on offre en souhait de chance, de succès, à l’acteur, au chanteur avant d’entrer en scène.

[12]

Ce préambule suit l’exact original grec : désespéré de la situation politique (le conflit entre Sparte et Athènes, la Guerre du Péloponnèse), belliqueux partisan de la paix, un vigneron a élevé un bousier, coléoptère coprophage, mangeur de bouses, d’excréments, pour voler vers l’Olympe et demander aux dieux la raison de la déraison des Grecs déchirés entre eux.

Dans cette vision moderne, le bousier est devenu une énorme cuve de vinification appartenant à un hirsute patron vigneron Yves Rogne (ivrogne). En panne : on peste contre la puante, pétante, pétaradante machine dont, de manière crue, on nous informe qu’elle se nourrit de merde, insatiable, alimentée par des tuyaux qui sont sans doute ceux que l’on voit même dans la Marseille actuelle vidanger les trop rares mais replètes cabines de toilettes publiques. Cela nous vaut scènes et tirades sur la merde avec un humour moins potache que pot de chambre avec explicitation bégayante de la métaphore guère obscure du caca-pipi, ca-pi-talisme : la merde, non seulement humaine, la fiente, on la flaire, on foule la matière fécale, on y patauge à plaisir, ou déplaisir selon sa nature.

Plus plaisante est, à notre époque où se pose avec acuité le problème des combustibles fossiles en voie d’épuisement, ou dangereux pour les écosystèmes de la planète, ressources énergétiques naturelles non renouvelables, tels charbon, gaz naturel et pétrole, la subtile proposition du carburant le moins dangereux, le plus organique qui soit, en plus inépuisable : la merde. De cette rigolarde régression au stade anal on passe à la progression scientifique de transformation du méthane (émission de gaz généré par le bétail, le fumier et les rejets gastro-intestinaux d’origine humaine) dangereux pour le climat, en source d’énergie renouvelable, en biogaz, carburant naturel.

En tous les cas, c’est grâce à ce merdique carburant que, sur son spécial vaisseau spatial, Yves Rogne (Guillaume Pottier, gueule entre pâtre grec grandi trop vite en trogne et voix jupitériennes), élevant et allégeant le débat merdeux d’ici-bas, s’envole pour l’Olympe. C’est d’une grande justesse historique en regard de la comédie ancienne grecque où le vigneron, soulignant l’effet virtuose, s’adressait autant au public qu’au machiniste réglant son envol périlleux vers les cintres, superbe technique de machines à rêve, dont héritera le théâtre baroque. Cela nous vaut de belle scènes planantes et volantes de personnages dans la brume onirique et les fumées des songes.

À la question angoissée du héros en quête de paix ne répond que le silence éternel de la divinité : les dieux, de guerre lasse, ont laissé les Grecs aux leurs, les ont abandonnés à leur inlassable folie fratricide. Comme interlocuteur, notre héros aura Hermès, cuirassé entre Guerre des étoiles et armure d’Heroic fantasy, descendant en fusée verticalement de l’empyrée, gardien ombreux des lieux, fusant un refus rogneux à Rogne Yves : Alex Fondja, ôté son casque spatial, plus emmitouflé que camouflé par son armure, gros poupon de celluloïd sombre se laissant vite bercer aux boniments que lui verse, non sans vers, la douce vigueur rhétorique de l’habile et labile vigneron qui entend le gagner à la chevaleresque cause de la Paix disparue, belle héroïne prisonnière, qu’il faut arracher, digne exploit de mythiques héros, à son horrible geôlière pour recréer l’harmonie du monde. Il tente de le séduire, de le soudoyer par des arguments captieux et capiteux, bien marseillais, lui susurrant :

 « Tu auras une chambre à l’année dans l’hôtel Hermès, celle avec la terrasse. Même Guédiguian, il fera un film sur toi. Hermès et Jeannette, tu imagines ! Tu recevras la médaille de la ville ! On te verra au balcon de la Mairie ! Y aura des grands défilés de camions-pizza sur la Cannebière avec ton portrait en grand ! »

Dans une scène infernale, tout en cannibalesque fumet et fumées toxiques on découvre la Cruella qui enferme la Paix dans un trou sous une énorme dalle scellée. Sur un trône et autel sacrificiel, devant une énorme marmite bouillonnante, la Guerre (Anne Lévy, bellement effrayante, hérissée, hystérisée, fumante et fulminante) mi-Gorgone mais entière Maîtresse au fouet, volcanique cuisinière de Vulcain (pardon, Héphaïstos en grec) concocte un peu ragoûtant ragoût : une pincée de Talibans, une poignée de Syriens, des Slaves hachés menu, des Jaunes blanchis, des Blancs montés en neige. Comme condiments corsés et contrastés, elle rajoute des Corses et des Parisiens, des Aixois et des Marseillais (elle aurait pu ajouter des supporters de l’OM et du PSG ou de l’OL !). Elle salive, la salope, et se ravit rageusement de la réussite de sa recette : « Cela va faire une chiée de problèmes ! ». Apéritif ou dessert, au menu, elle ajoute des Libanais mis à mijoter avec des Israéliens (la version de la pièce est antérieure au conflit avec le Hamas), et « passe au chinois les Ouigours ». En somme, avec cette addition politique au sommet de l’Olympe, et après l’état écologique accablant de la planète à ras de terre, du début à la fin, c’est un réquisitoire, un constat actuel de notre monde de merde.

[13]

Le problème du patriarcat ne pouvait manquer dans ce répertoire des maux de notre société, dès l’alerte jeune ouvrière du début, style femme de ménage en gants rouges et bleus de travail.

L’inclusion de femmes est un hommage à l’auteur antique qui avait écrit au moins trois pièces dont elles sont les héroïnes : L’Assemblées des femmes montrait leur prise du pouvoir qui les amène à faire tout le contraire de ce que font les hommes (en rien féminin puisque c’est le propre de tout pouvoir de défaire ce qu’a fait le prédécesseur). On connaît aussi d’Aristophane Les Thesmophories, où les femmes organisent une véritable assemblée et légifèrent. Mais on n’oublie surtout pas sa pièce en un acte sur la grève du sexe des femmes athéniennes pour protester contre la guerre des hommes, et l’on se souvient que Serge Valletti avait produit une adaptation de la pièce la plus célèbre d’Aristophane Lysistrata, sous le jeu anagrammatique du titre La Stratégie d’Alice.

Dans À la Paix ! Les femmes sont partenaires et complices des hommes et la véhémente femme politique masculinisée par son allure de chef(f)e est digne d’un homme par sa tentative cynique de récupération de la gloire de l’héroïque vigneron.

Cependant, la délicieuse mais trébuchante énonciatrice de la brève inclusion d’écriture inclusive incompréhensible (« acteur-trice », ou « auteur-trice » ?) est la flagrante condamnation orale de ce délire linguistique féministe qui ignore la loi universelle —qui n’a pas de genre, de sexe— d’évolution des langues, par le moindre effort, le raccourci : on est venu au théâtre ou au ciné —plus au cinématographe— à vélo, pas à vélocipède, en métro, pas en métropolitain, en auto, pas en automobile, etc.

Trop rapides pour pouvoir les capter toujours, les jeux de sons, jeux de sens répondent aussi au genre ancien, et il y a une logique de situation du cheval volant Pégase devenu Pet/gaz par le miracle du coursier du héros virevoltant dans les airs. Le jeu déconcertant proposé d’emblée au public de claquer des mains, comme à des enfants en défaut de joie ou dans des jeux télévisés infantilisants, gêne un peu. On nous tend la perche et l’on tire la corde, un peu grosse, de la solidarité forcée pour délivrer la Paix de la dalle qui ferme sa cave, qui s’avère une ambiguë Boîte de Pandore puisque la Fête qui célèbre son retour en révèle la fragilité : pour des broutilles, des brouilles. Bref, embrouilles, carambouilles : guéguerres, guérillas, plus que fête des voisins, dégénérant en guerres.

Revenons à nos Grecs, nous leur devons tant et tant de mots savants : scatologie vient de skôr « excrément », et logos, « parole », donc, ‘parole sur la merde’; eschatologie vient d’eschato, « l’extrémité, le dernier », et de logos : en philosophie et théologie, c’est une parole, un traité sur les fins dernières de l’homme, microcosme, et la fin du monde, cosmos, tout entier. Alors, je disais bien : exorcisme, rituel religieux, magique, pour conjurer un démon, un danger menaçant, la scatologie contre l’eschatologie. En somme, hérité des Grecs, le théâtre. Alors oui, merde !

Le texte original, La Paix : statique énonciation devient optative ; À la Paix ! extatique souhait de l’ivresse après avoir tant trinqué ici-bas : on trinque à la paix ? On accepte l’augure, même si l’angélisme pacifiste de cette fable, sur rap naïf d’IAM à l’appui, semble le sourire volontariste du pessimisme : un vœu pieux ?

Benito Pelegrin

À la Paix ! d’après Aristophane
Théâtre National de La Criée
Marseille

Adaptation Serge Valetti et Robin Renucci
Mise en scène Robin Renucci,
assisté d’Aurélien Baré
Avec Guillaume Pottier, Kristina Chaumont, Alex Fondja, Anne Levy, Frédéric Richaud, Aurélien Baré, Heddy Salem, Claire Bonfils, et les élèves comédiens de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes et de Marseille, Maël Chekaoui, Victor Franzini, Marie Mangin, Gaspard Juan, Julia Touam
Scénographie de Samuel Poncet
Costumes de Jean-Bernard Scotto, assisté de Cécilia Delestre
Son de Jérémie Tison
Lumières de Julien Guerut
Régisseur général Philippe Chef
Fabrication machine par les Ateliers Sud Side, Marseille, du décor par Eclectik Scéno, Dijon et Atelier théâtre de La Criée
Chorégraphie Aurélien Descloizeau
Avec le regard amical de Catherine Germain

Photos : Raynaud de Lage

[1] [14] Il y a longtemps, comme je dictais au téléphone ma chronique hebdomadaire, « L’humeur de Benito Pelegrin » au Provençal, à propos du Minitel rose, comparant la drague drue moderne à l’amour courtois, à ma phrase : « la main sur le cœur est remplacée par la main sur le cul », terme pour la première fois employé par moi, mon petit garçon s’écria : « Maman, papa, il dit des gros mots ! », tant mon libertinage vrai s’accommodait mal à la liberté des mots.

Thésée de Jean-Baptiste Lully, un coffret cd Aparté

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Comme toujours dans les opéras dédiés à Louis XIV, le Prologue est un éloge obligé, exagéré, outré, à sa gloire. Ainsi, première image, du groupe de personnages allégoriques et mythologiques, je cite, du «Chœur d’Amours, de Grâces, de Plaisirs et de Jeux », le Plaisir 3 se détache pour chanter le troisième vers :

« Le maître de ces lieux n’aime que les victoires »…

Effectivement, en ce début d’année 1675, Louis XIV a eu la prudence de retarder la création du nouvel opéra de Lully, qu’il avait commandé, pour la faire coïncider avec la nouvelle officielle de la victoire de Turenne à Turckheim, près de Colmar, contre l’Électeur de Brandebourg dans la guerre qui oppose la France à la Hollande, depuis trois ans. La victoire totale ne sera avérée que trois ans plus tard avec le Traité de Nimègue favorable à la France en 1678, qui en fait alors la première puissance européenne : Louis XIV s’empare de forteresses, de lambeaux des Flandres et de la Franche-Comté, territoires espagnols qu’il revendiquait comme héritage de son beau-père le roi d’Espagne. Il aura dramatiquement bombardé Bruxelles, Turenne aura ravagé le Palatinat en 1674 dans une volonté avouée de terroriser les princes allemands. Mais il perdra la vie, ainsi que d’Artagnan, le vrai. L’opéra, célébrant la victoire de Turckheim est donné 15 janvier au château de Saint-Germain-en-Laye. Une lettre de Madame de Sévigné en souligne la beauté, mais dans d’autres de ses courriers, c’est du deuil des mères dont les fils meurent dans cette guerre, impôt du sang de la noblesse, dont elle témoigne.

Durant tout son règne, Louis XIV aura commandé des tableaux, fait frapper des médailles pour exalter ses victoires (dont se moquaient les Hollandais par d’autres, caricaturales) qui, au bout du compte, sont moins nombreuses que ses défaites. Sur son lit de mort, c’est le regret qu’il exhale, dans une France ruinée par la dernière, à son arrière-petit fils orphelin, le futur Louis XV :

« J’ai trop aimé la guerre ».

Dans le Prologue, un tumulte guerrier de belliqueuses trompettes et de tambours martiaux noient de paisibles et doux instruments champêtres, hautbois et musettes :

1) PLAGE 4 

Sur un char vainqueur paraissent les dieux de la guerre Bellone et Mars qui proclame, par la voix de basse tonnante Guilhem Worms :

« Que rien ne trouble ici Vénus et les Amours » :

2) PLAGE 5 

Et voici, à la suite, ces joyeux instruments de plaisir dans un gracieux menuet suivi de la voix allégée de vocalises de Mars qui enchaîne en donnant son congé à Bellone la guerrière qui n’a pas son mot à dire, invitant le dieu Bacchus, de l’ivresse à se joindre à la fête :

3) PLAGE 6 et 7 

Certes, nous pouvons nous étonner que Mars, le forcément martial dieu masculin de la guerre, semble rejeter sur son égale féminine, la déesse Bellone (à laquelle nous devons les termes de belliciste, belliqueux), la responsabilité de cette guerre qu’il rejette ici. Nous ne réglerons pas entre eux cette guerre, que nous n’aimons pas, d’où qu’elle vienne. Car la guerre, malgré la victoire d’un camp, que l’on peut préférer, ne fait que des vaincus, que des victimes. Nous ne nous attarderons pas non plus sur les victoires, vraies ou fausses, de Louis XIV. Mais, si nous retenons la phrase d’entrée du Plaisir,

« Le maître de ces lieux n’aime que les victoires »,

 Nous concéderons au moins au Roi-Soleil autoproclamé, cette victoire en musique, la victoire indubitable de cet opéra, qui va avoir un succès continu remarquable.

Après Cadmus et Hermione puis Alceste, Thésée, était la troisième tragédie que Lully avait mise en musique sur un livret de Philippe Quinault (1635-1688). Dans les limites des conventions littéraires et poétiques de son temps, son texte est d’une grande qualité reconnue par la critique contemporaine et pas seulement Madame de Sévigné. Signe de son succès, pratique courante à l’époque, d’autres compositeurs la reprendront en France (Mondonville, Gossec) et même, à l’étranger, en italien, le grand Händel en 1713.

Présenté devant des ambassadeurs de toute l’Europe, c’est la signature du prestige du roi, spectacle grandiose à machines, effets spéciaux, du fameux ingénieur Vigarini, dont la technique est aussi à la pointe de son temps. Sans doute avait-il appris de son prédécesseur Torelli, avec lequel il avait collaboré, construisant, entre Louvre et Tuileries, une salle de sept milles places pour y monter l’Ercole amante de Cavalli, commande de Mazarin, mort entre temps, pour célébrer, après le Traité des Pyrénées en 1659, le mariage en 1660 du jeune Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse, qui devait sceller la paix entre la France et l’Espagne. En 1662, le « sorcier » Torelli avait fabriqué d’ingénieuses et gigantesques machines qui avaient fait l’effroi et l’admiration des Parisiens…mais dont le bruit brouillait souvent la musique. Apparemment, rien de tel, treize ans après, avec celles de Vigarini qui avait dû en corriger les indiscrètes nuisances sonores. La jauge de la salle de Saint-Germain, nous dit-on, était de six cents places, ce qui balaie la légende de spectacles baroques précieusement confinés dans de petits lieux pour délicieuses petites voix confites.  

Sur place, ce triomphe de Thésée entraîne de nombreuses reprises, avec salle ouverte au peuple comme à l’aristocratie. Repris à la cour pour de grandes occasions, Thésée sera au répertoire de l’Opéra de Paris tout au long du XVIIIe siècle. Signe même de triomphe populaire, la reprise de 1745 inspira deux parodies. Suivra ensuite un silence de deux cents ans, jusqu’en 1998, lorsque William Christie le remontera pour le Festival d’Ambronay.

Si le texte, les effets spéciaux des machines contribuèrent au succès, la musique de Lully avait toujours les faveurs du public puisque l’adaptation musicale qu’en fit Mondonville en 1767 fut un cinglant échec au point qu’on dut rétablir la musique originale.

Après cette évocation du Prologue allégorique, nous reparlerons du sujet et des machines la prochaine fois.

Nous quittons ce somptueux album sur l’air de Vénus, tout enrubanné de vocalises, bel exemple de la déclamation, à la française imposée par Lully l’Italien : texte dans un parlé/chanté tout à fait compréhensible, c’est le récit, le récitatif, (le recitativo italien) avec une petite ritournelle chantante, ourlées de virtuoses vocalises variées dans les reprises, par la toute gracieuse soprano Thaïs Raï-Westphal :  

4) PLAGE 3  

ÉMISSION (1) N° 710 DE BENITO PELEGRÍN 

Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Thésée, tragédie en un prologue et cinq actes.

Christophe Rousset | direction/Les Talens Lyriques/Chœur de chambre de Namur | direction Thibaut Lenaerts/Un coffret de 3CD, Aparté, Notice en anglais et en français. Livret complet avec traduction anglaise.

Un de la Canebière

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BOUFFE MAIS PAS BOUFFIE

Cette nouvelle production de cette opérette à l’intrigue digne d’un opéra-bouffe mise en scène par Simone Burles qui, en multicolores coiffures bouffantes ou ébouriffées, est bluffante de justesse comique sans boursouffler le trait marseillais de marseillades de mauvais aloi.

UN DE LA CANEBIÈRE

OPÉRETTE EN DEUX ACTES de VINCENT SCOTTO

Livret d’ALIBERT, Raymond VINCY et René SARVIL
Création le 1er octobre 1935, à Lyon, au Théâtre des Célestins

Théâtre Odéon, samedi 18 novembre

Unique en France, le temple marseillais de l’opérette, l’Odéon, puisqu’il faut l’appeler par son nom, tout en haut de la Canebière, présentait à heure et jours présentables pour seniors et enfants, à 14h30, samedi et dimanche 18 et 19 novembre, Un de la Canebière, opérette marseillaise de 1935 La musique est de Vincent Scotto [15], connu de tout le monde, et paroles, que tout le monde connaît, de René Sarvil [16], que tout le monde ignore, comme dit un livre qui lui est consacré, Sarvil, l’oublié de la Canebière. Et pourtant, même si Vinci et Alibert participèrent aussi au livret d’Un de la Canebière, en plus des textes d’opérettes célèbres en leur temps, c’est Sarvil qui a écrit la plupart des chansons célébrées de Scotto, non seulement celles fameuses interprétées par Alibert, qui était de la création d’Un de la Canebière, en fait créée à Lyon, mais aussi d’autres succès interprétés par des chanteurs célèbres de l’époque, Mayol [17], Fernandel [18], Rellys, Sardou, (père), Andrex [19], Reda Caire [20] et même Maurice Chevalier [21]. Sans oublier Tino Rossi que nous pouvons encore écouter comme ces autres sur Youtube, non avec l’accent corse mais marseillais dans l’une des chansons d’Un de la Canebière, Le plus beau tango du monde, un succès méritant d’être mondial en ce temps où l’opérette marseillaise lançait, au moins en France, ce qu’aujourd’hui on appellerait des tubes : et classés désormais au répertoire précieux de Patrimoine populaire national.

[22]

Dans le hall d’entrée, où l’on se pressait —comme des sardines naturellement— des hommes-sandwiches appétissants, les bras musclés nus émergeant de la boîte à l’enseigne des Sardines de Tante Clarisse, hélaient et appâtaient la foule en distribuant le programme alléchant : d’emblée, une sardine sans arêtes, qui nous en bouche un coin sans boucher le Port de Marseille. On les retrouvera souvent, avec les acteurs et chanteurs, déambuler ou courir dans la salle parmi les spectateurs selon les vagues d’une action débordant du plateau, pour se répandre en ondes au parterre, entraînant encore plus le public dans leur joyeuse bande et sarabande.

Lieux de Marseille

Le premier tableau, c’est le Vallon des Auffes, son viaduc de la Corniche surplombant l’anse et les bateaux, et l’enseigne aujourd’hui fameuse de Fonfon, clin d’œil actuel comme plus tard le fanion de l’OM, inexistants alors : le petit patron pêcheur, Toinet (Grégory Benchenafi), ses deux associés Girelle (Claude Deschamps), Pénible (Jean-Claude Calon) et ses marins, mousse, matelots, recousant les filets : scène ordinaire de la vie de pèche sans péché, apparemment pour l’heure aussi échouée que le paraît le museau du pointu qui pointe. Un autre tableau, c’est la simple mer mouvante, émouvante comme une femme pour l’ode ondeuse, ondoyante, le fox-trot voluptueusement chanté par Toinet, le beau jeune premier, J’aime la mer comme une femme. Un autre tableau aura inévitablement la Bonne Mère pour fond avec le dos massif de l’ascenseur disparu, un simple étal de fruits devant figurant, à l’économie, le travail des partisanes, les fraîches comme leurs primeurs Francine (Caroline Géa) et Malou (Priscilla Beyrand), les revendeuses de légumes qui se seront rêvées, faisant rêver les garçons se rêvant industriels de la sardine, « estars » de cinéma. Jeu de jupes, de dupes, le temps d’une nuit où les chats et chattes sont gris, griserie de l’ivresse, dans un lieu factice propice au rêve de grandeur : la Réserve, luxueux hôtel Palace, ouvert en 1860 sur la Corniche entre le Vallon des Auffes et le Vallon de l’Oriol, détruit en 1960.

[23]

Distinction prolétaire

Et même dans la fantaisie de l’opérette de 1935, juste avant les remous ouvriers de 36, ce trait me semble juste psychologiquement et socialement : si les gens de la haute, à pognon, aimaient s’encanailler dans les bouges ou tripots populaires, les gens du peuple, à l’inverse, s’endimanchaient pour se glisser —quand ils avaient pu économiser suffisamment pour se l’offrir le temps d’un soir— dans les lieux huppés, fétiches du prestige mondain, de la distinction sociale. C’est dire l’erreur de ces bobos d’aujourd’hui en politique, prétendus de gauche, bruyants, braillards, débraillés pour faire populaire, insultant le sens de la dignité du peuple : même de mon temps, on n’allait pas danser sans costard cravate aux « Salons de l’Alhambra » de l’Estaque, ni à l’Ermitage en plein air, pour les quartiers nord. Il n’y a aucune invraisemblance donc que les modestes Cendrillons partisanes, parées, pomponnées, aillent oublier ce que la vie ou survie fait d’elles chaque jour, pour vivre, le temps d’un soir de fête, à en perdre la tête, ce qu’elles sont au fond d’elles-mêmes : des princesses trahies par le sort. Et pareil pour les garçons qui se sont mis sur leur trente et un sans attendre le trente-six du mois !

Évidemment, difficile de ne pas perdre un peu la tête entre valses, tangos, javas, charlestons et fox-trots à la mode du temps, l’amour en beau costume des sentiments, comme la bien habillée déclaration toute fleurie de Toinet, le faux industriel à la belle Francine minaudant en fausse star incognito : Vous avez l’éclat de la rose […] Les bleuets sont moins bleus que vos prunelles, dont a du mal à croire aux yeux de Caroline Géa qui, heureusement, porte des lunettes noires hollywoodiennes —Pardon HollyWOdiennes.

[24]

Amours et jalousies

Mais à trop boire, les déboires : comment justifier en actes, sinon de foi, les belles paroles foisonnant de richesse sardinière ? Car la chanson d’auto-promotion, du trio de lascars, « Les pescadous ou-ou… » bien marseillaise, —« coquin de sort, elle exagère! » — car les trois amis pèchent peut-être par excès d’intention peccamineuse, pécheresse, mais ne pêchent guère les cœurs et ne ramènent pas dans leurs filets la pêchue pêche féminine espérée. Bref, il y a les épines dans toute rose : la fille, futée, froide la tête devant ces bouquets débités de compliments, et le garçon, refroidi, en est pour ses frais effeuillés de marguerites, sans qu’elle morde à l’hameçon.

Mensonge contre mensonge, mais vérité de la séduction dans le miroir biaisé des apparences trompeuses. Mais vrai moteur de l’action : nos « pescadous ou-ou », avec moins de sous que de soucis, vrais requins coquins de l’arnaque, voudront leur usine à sardines et l’auront. Mais, après avoir réussi ce coup non sans drolatiques coups bas, inventant puis noyant la rétive tante Clarisse de Barbentane (hilarante Anne-Gaëlle Peyro) resuscitée en deus ex-machina providentiel et provisionnant de sa bourse l’entreprise, parvenus enfin en haut de l’échelle sardinière, ce sont les filles qui, glissant sous les doigts des pescadous comme des anguilles, se cacheront, honteuses de n’être pas à l’échelle sociale de leurs amoureux. Sous les énormes mensonges, délicatesse des sentiments.

[25]

Mais que de péripéties pour les faire advenir en vérité ! Il y a du jeu du « Je t’aime, moi non plus » : Toinet aime Francine, Girelle aime Malou, aimée vainement de Bienaimé des Accoules ; Pénible, peine à se faire aimer par Margot qui aime Girelle, qui ne l’aime donc pas, fermant le cercle amoureux alimentant intrigues, jalousies, passions trahies : cela pourrait être une tragédie de Racine comme Andromaque aimée de Pyrrhus aimé par Hermione aimée par Oreste, amours sans réciprocité, ou une autre de Shakespeare comme Othello, jaloux de sa femme Desdémone qu’il tue.

Et là, oui, nous l’avons le méfiant, le jaloux mari en la personne de Charlot, le digne Wattman du tramWay à klaxon, en uniforme presque d’Amiral de seul maître à bord (quand il n’y a pas sa femme !), faisant patienter les passagers, impatient de retrouver son épouse, la belle et tempétueuse Marie (Estelle Danière), qu’il soupçonne d’infidélité, mais rassuré en apprenant qu’elle ne le trompe qu’avec leur ami commun, le beau Toinet, tout se passant donc en famille (élargie), simplement vexé d’être le dernier à savoir ce que tout le monde sait. Et il faut voir Yves Coudray, lui-même metteur en scène, se laisser ici mettre en boîte (de sardines, bien sûr) dans le sommet comique de la pièce : la jalousie de sa femme, non envers lui, mais envers Toinet le volage rêvant de voler, sinon convoler avec une autre, jalouse furie demandant des comptes, sinon à l’amant, au mari (on a connu…) : en effet, l’affront fait à la maîtresse est affront fait au mari au front déjà assez bien orné ; manquer à la femme, c’est manquer au mari qui « manque » (comme on dit ici), qui perd la face face au voisinage témoin de ce manquement aux lois de l’adultère librement consenti. Qui parle de faux consentement ?

[26]

Autre malheureuse et jalouse en amour, brave, pauvre Margot ! Dans cette opérette où les femmes n’ont pas le beau rôle chantant, réduites à faire chœur à cœur avec le couplet et couple de l’homme, dans l’un des deux seuls airs féminins, elle chante amèrement le malheur d’aimer un Girelle amoureux de Malou ! Simone Burles, mettant en scène les autres, ne se met pas abusivement en avant, ne tire pas la couverture à soi, mais garde dans la voix une tradition d’émission vocale perdue dans la variété, passant, sans les mêler, du registre de poitrine à l’aigu de tête : tête multicolore par les couleurs de sa permanente commencée à l’électricité, modernité oblige, et finie à la bougie, faute de jus.

Pour détromper ses crédules amies partisanes, elle veut éventer l’invention de la sardinerie qu’elle flaire, sentant forcément que le poisson pourrit par la tête. La sienne, à part la brouillonne couleur des cheveux, bouillonne d’idées et entraîne dans un complot anti-pescadous le riche et respectable Bienaimé des Accoules, dignement campé, sérieux, sûr de lui puis méfiant, par Antoine Bonelli, tiré à quatre épingles et à hue et à dia par Margot et la maline Malou, la pimpante et piquante Priscilla Beyrand: bon prince généreux, il passera commande de huit-cent-milles boîtes de sardines, pour forcer les imposteurs à mettre la clé sous la porte, faute d’usine qu’ils n’ont pas. Mais à être une bonne pomme, on finit par se payer sa poire. Et lui, la commande.

À côté de ces personnages comiques, comédie de la tête aux pieds, visage, voix, corps en perpétuel mouvement, en Girelle, Claude Deschamps, apparemment hors de la prise du temps, déploie une époustouflante, soufflante souplesse juvénile à couper le souffle. Forcément forcé à plus de statisme sinon à la paralysie arthritique de tante Clarisse travestie, le Pénible de Jean-Claude Calon a sa dynamique heure et nuit de raide gloire érotique vantée par Margot elle-même, vaincue et convaincue. Tiré vocalement de quelque opéra slave, Fabrice Todaro, est un tonnant et tonitruant Garopouloff, oligarque russe au yacht échappé aux sanctions internationales et à la police, ayant acheté le silence des pescadous. Comme il sait tout faire, on ne s’étonnera pas de voir Jean Goltier, en Groom pressé et Maître d’Hôtel empressé affligé d’un tic de la tête sur l’épaule, contagieux aux autres.

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Grégory Benchenafi, Toinet, et un idéal jeune premier par le physique avantageux, le jeu, la belle voix large, vibrante et comment ne vibrerait-elle pas, malgré les masques, sa Francine, une jolie Caroline Géa enjouée, qui existe vocalement dans ces faux duos de l’œuvre où la voix de femme ne fait qu’un pâle écho à elle de l’homme, mais qui, à son seul air, entourée de soupirants, elle avoue ne soupirer que pour un seul, d’une voix facile, fruitée comme ses fruits, doucement sensuelle, et si brillamment sonore seule au milieu de la salle pourtant pleine à craquer de spectateurs, à l’acoustique fatalement feutrée d’étouffoirs de moquette et vêtements.

Hors les chansons, l’opérette a plus de texte que de musique mais Didier Benetti, à la direction musicale, en tire le meilleur parti, nous offrant de jolies surprises de timbres instrumentaux. La souple chorégraphie de Maud Boissière pour le tableau de la Réserve, ses danseuses en lanières sexy ou jupes striées comme les sardines plus tard, permet à son habile troupe, de se mêler parfaitement à l’action et même, de faire joyeusement chorus avec choristes et chanteurs.

Les autres costumes sont sagement d’époque, et le wattman, en uniforme historique, et même la tenue d’Arlésienne de la tante de Barbentane ; pantalons corsaire, vareuse, casquette en toile, espadrilles pour Toinet et son équipe de pescadous en marinières rayées ; pantalons à bretelles, débardeur Marcel, petit foulard au cou, casquette ou Borsalino, tricot de peau, pour l’échantillon de Marseillais autour de Francine. Pas d’interprétation excessivement coloriste de la couleur locale, tout a une vague teinte pastel. Et je dirais de même pour la langue : je redoute, dans les opérettes les jeux de langue forcés, et les pagnolades pernicieuses dans ce qui se veut typique ou local. On sourit à « d’asperges», à « incinérations » pour insinuations, glissements plausibles, ou malentendus possibles « philosophe » pour « je file aux Auffes ». Quant à « Droit au but » dans un contexte logique et fin de métro à 21h30 sont de légères actualisations sans insistance.

[28]

Local ou mafieusement méditerranéen, ou universel, « acheter le silence » des pescadous par Garopouloff qui veut laver sa mauvaise conscience, c’est l’argent sale avec lequel les trois Marseillais achètent proprement une véritable usine de sardines, honorent leur contrat pour honorer leurs belles. Qui finalement, n’en demandaient pas tant puisque, abdiquant la folie des grandeurs, à défaut de châteaux en Espagne ou ailleurs, pour être heureux, il suffit sinon d’une chaumière et deux cœurs, d’un petit cabanon pas plus grand qu’un mouchoir de poche, fredonné aussi par la salle ravie, tout comme ces autres chansons aujourd’hui de tous Le plus beau de tous les tangos du monde.

Si les chansons marseillaises n’ont pas toutes fait le tour du monde, la réputation sulfureuse et joyeuse de notre turbulente ville l’a fait nommer dernièrement, première « ville la plus dangereuse d’Europe » mais ville renommée à visiter aux USA, et l’on voit que les touristes sont loin de la fuir. Ajoutons que la Coupe du monde de rugby et les matches qui s’y sont déroulés, ont vu venir des supporters de tous les hémisphères, de l’autre bout de la terre. Quant à la visite du pape François, non en France, mais à Marseille, consacrée et sacrée, a été aussi un événement mondial qui redonne couleur et actualité à la mythique chanson d’Alibert, qu’on a envie de chanter, l’hymne national marseillais :

On connaît dans chaque hémisphère
Notre Cane… Cane…Cane… Canebière,
Et partout elle est populaire
Notre Cane… Cane… Canebière.
Elle part du vieux port et sans effort,
Coquin de sort, elle exagère.
Elle finit au bout de la terre
Notre Cane… Cane…Cane… Canebière

Benito Pelegrin

Photos Christian Dresse

1. Toinet, Girelle, Pénible ;

2. Malou, Francine, Margot, Bienaimé des Accoules,

3. Bienaimé, Girelle, Toinet, Francine, Malou, Pénible ;

4. Girelle, Toinet, Pénible travesti en Tante Clarisse ;

5. Les pescadous industriels de la pêche :  contrat avec Bienaimé ;

6. Francine et sa cour de Marseillais, marlous et matelots ;

7. Bienaimé, la vraie Tante Clarisse, Garopouloff;

8. Pénible et le Wattman.

CHANSONS DE L’OPÉRETTE SUR YOUTUBE, PAR LES CRÉATEURS OU CONTEMPORAINS :

Le plus beau tango du monde, par Tino Rossi avec l’accent marseillais !


2) Les pescadous, par Ginette Garcin :

3) Vous avez l’éclat de la rose par le créateur Alibert :

4) Le petit cabanon, java chantée par Darcelys et une inconnue

5) Canebière par Alibert

6) Enregistrement, par Alibert lui-même, en 1935 : J’aime la mer comme une femme

I. SUR L’OPÉRETTE MARSEILLAISE: OPÉRETTE MARSEILLAISE

II. SUR SIMONE BURLES ET ANTOINE BONELLI : VOIR SUR CE BLOG ET SUR UNE PRÉCÉDENTE PRODUCTION D’UN DE LA CANEBIÈRE EN 2018 : DEUX POUR LE PRIX D’UN [29]

UN DE LA CANEBIÈRE VINCENT SCOTTO

Direction musicale : Didier BENETTI/ Mise en scène : Simone BURLES
Création des décors : Théâtre de l’Odéon/ Costumes : Opéra de Marseille
Distribution:
Francine : Caroline GÉA
Malou : Priscilla BEYRAND
Margot : Simone BURLES
Marie : Estelle DANIÈRE
Tante Clarisse de Barbentane : Anne-Gaëlle PEYRO
Toinet : Grégory BENCHENAFI
Girelle : Claude DESCHAMPS
Pénible : Jean-Claude CALON
Bienaimé des Accoules : Antoine BONELLI
Garopouloff : Fabrice TODARO
Charlot : Yves COUDRAY
Le Groom / Le Maître d’Hôtel : Jean GOLTIER
Orchestre de l’Odéon: Alexandra JOUANNIÉ, Éric CHALAN, Claire MARZULLO , Alexandre RÉGIS, Pierre NENTWIG, Auguste VOISIN, Caroline DAUZINCOURT
Pianiste-répétiteur : Caroline DAUZINCOURT
Maud Boissière : chorégraphie
Ballet : Marie GIBAUD, ANNE-CÉLINE PIC-SAVARY, MARION PINCEMAILLE, Guillaume REVAUD, Rudy SBRIZZI, Vincent TAPIA, Léo VENDELLI

Festival du livre de Marseille – Parc Chanot les 25 et 26 Novembre 2023

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Quand la culture rayonne

Le Festival du Livre de Marseille, véritable fer de lance de la culture littéraire dans la région, tiendra ses portes grandes ouvertes au Parc Chanot les 25 et 26 novembre 2023.

Avec plus de 10 000 visiteurs en 2022, l’entrée est gratuite pour ce festival qui pérennise le succès d’année en année. Lieu de rencontres, de découvertes, de loisirs et de passion, lieu didactique, pédagogique, le Festival du Livre de Marseille rayonne dans toute la région marseillaise et bien au-delà.

Un Festival d’Anthologie

Organisé par l’association Parlez-moi D’un Livre [30] soutenue par le Département des Bouches-du-Rhône [31] , cet événement littéraire populaire et prestigieux réunira les plus grands noms de la littérature française et internationale et sera émaillé de temps forts : hommages, conférences et rencontres avec les auteurs, ateliers, dédicaces, spectacles …

[32]

Agnès Martin Lugand @MathieuThauvin

Deux Présidents iconiques

La 6ème édition du Festival du livre de Marseille tape fort puisqu’elle sera présidée par Agnès Martin-Lugand et Bernard Werber, deux présidents iconiques s’il en est pour un Festival d’anthologie. Agnès Martin-Lugand s’est imposée sur la scène littéraire française par sa plume délicate et la finesse psychologique de ses récits. Elle a construit, en dix romans salués par le public et la critique, une œuvre singulière qui questionne l’existence. Ses livres se sont vendus à plusieurs millions d’exemplaires. Quant à Bernard Werber, depuis la parution des Fourmis, c’est un des romanciers les plus lus en France, traduit dans le monde entier, notamment en Russie et en Corée du Sud, où il est un véritable auteur-culte, vendu à plusieurs millions d’exemplaires.

Au programme, des Ecrivains célèbres

Samedi 25 novembre

– Forum

11h00 Inauguration

11h30 Présentation des associations de la Gendarmerie Nationale

14h00 Corinne Zarzavatdjian Animée par Valérie Dufayet

14h20 JP Brighelli / Amaury Barthet Animée par Elsa Charbit Animée par Valérie Dufayet

15h Julien Aime et Bruno Combes animée par Valérie Dufayet

15h40 Kaouther ben Mohamed animée par Thomas Rabino

16h00 Henri-Christian Giraud animée par Thomas Rabino

16h20 Jean-Pierre Luminet Animée par Thomas Rabino

16h40 Marie-Estelle Dupont Animée par Thomas Rabino

17h00 Jean Contrucci / Lionel Hoëbeke / Ezechiel Zérah Animée par Thomas Rabino

-Salle Endoume

14h –Agnès Martin-Lugand Animée par Thomas Rabino

14h45 – Bernard Werber et Jonathan Werber Animée par Elsa Charbit

15h45 Didier van Cauwelaert Animée par Valérie Dufayet

16h30 Laure Manel et Alexandre Marcel@Papa plume Animée par Valérie Dufayet

17h15 Patrick Burensteinas Animée par Valérie Dufayet

Dimanche 26 novembre

Café littéraire – Forum

11h00 Thibaud Gaudry Animée par Thomas Rabino

11h30 Martine Malory Animée par Valérie Dufayet

14h00 Amélie Cordonnier / Thomas B Reverdy Animée par Valérie Dufayet

14h40 Marianne Chaillan / Gilles Vervisch Animée par Valérie Dufayet

15h20 Omar Youssef Souleimane animée par Valérie Dufayet

16h00 Claude Ardid Animée par Valérie Dufayet

16h20 Jessica Hugues / Emma clair Dumont Animée par Valérie Dufayet

Salle Endoume

14h Macha Méril Animée par Thomas Rabino

14h40 Robin Fischhoff / François Dupaquier/Alexis Laipsker Animée par Thomas Rabino

15h30 Dominique Tapie/ Christopher Animée par Thomas Rabino

16h15 Anouk Shutterberg /Olivier Descosse Animée par Thomas Rabino

Les associations mises à l’honneur

Chaque année, le Festival du livre de Marseille reçoit et met à l’honneur des associations :

Martine Malory interprètera deux chansons de son dernier album « J’ai rendez-vous ». Ses droits sont reversés au profit de l’association Polykystose France ; La Polykystose rénale est l’une des maladies génétiques les plus répandues dans le monde. Elle touche plus d’une personne sur mille soit environ 100 000 personnes en France et plus de 12 millions dans le monde.

Le Festival du livre de Marseille reçoit pour la troisième année le lauréat du Prix du roman de la Gendarmerie Nationale édité aux Editions Plon. Cette année, Robin Fischhoff nous présentera son roman Mékiro. A cette occasion, des officiers de la Gendarmerie nous présenteront deux associations: Les Amis de la Gendarmerie et Les cadets de la Gendarmerie Région Sud.

Cerise sur le gâteau, tout le week end, vous pourrez retrouver Richard Schiffer dans les allées du Festival du livre de Marseille pour vivre une expérience unique d’hypnose.

Coup de chapeau

Indiscutablement, chapeau bas aux deux organisateurs pour leur empathie, leur simplicité, l’organisation, la sécurité, la présentation d’écrivains triés sur le volet, l’ambiance unique de deux jours de folie, les conférences animées par d’excellents médiateurs et, surtout, le partage de cette culture dont nous avons tant besoin.

Dans un monde chamboulé, seule la culture peut éclairer les esprits. Merci à Laurence Guglielmo et François David pour leur persévérance à nous nourrir de cette culture.

Danielle Dufour-Verna

Informations pratiques – Festival du livre de Marseille

Parc Chanot Rond Point du Prado 13008 Marseille

Horaires : Samedi 25 novembre de 10h00 à 19h00

Dimanche 26 novembre de 10h00 à 18h00

Entrée libre et gratuite

Parking Parc Chanot : tarif unique 6€

Buvette sur place

Conception et réalisation Parlez-moi d’un livre & Compographique

SHIRUKU par CANTICUM NOVUM, OLIVIER BARDON, SUR LA ROUTE DE LA SOIE/Label Ambronay

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La Route de la soie, immémoriale, reliant autrefois l’Asie à la Méditerranée, est redevenue d’actualité avec le projet actuel de la Chine de la réinventer, d’inclure dans son trajet l’Afrique et la Russie, pour servir ses intérêts. Celle que nous propose ce CD est simplement et superbement artistique, humaine, pour ne servir que le rapprochement des peuples par leur culture.

Créé en 2009 par Olivier Bardon, l’ensemble Canticum Novum, fait, en tissant des musiques anciennes traditionnelles, un chant nouveau, comme l’indique son nom, qui est vocation et programme, tissant des liens entre la musique d’Europe occidentale et le répertoire du bassin méditerranéen, riche de l’union du monde chrétien et d’un orient marqué d’une double hérédité juive et mauresque, dont l’Espagne fut un temps le réceptacle miraculeux, longtemps pacifique. On se souvient de leur premier disque de 2011, dont le nom, le vœu rêvé de paix, en espagnol, arabe, hébreux, Paz, Salam, Shalom, hélas, est resté un vœu pieux à la triste lumière des événements récents.

Avaient suivi d’autres ambitieux déchiffrages et défrichages de cultures profondes, qui nous semblent lointaines et exotiques, mais qui nous sont pourtant un terroir commun d’une Méditerranée élargie, dont les flots et vagues culturelles ont porté plus loin que les vaines et artificielles frontières politiques qui séparent arbitrairement un continuum humain difficilement séparable, qui n’a pas de compartiments étanches. Nous avions ainsi salué, Aashenayi (2015), ‘Rencontre’ en persan, un programme de musiques issue de l’Empire ottoman au temps de Soliman le magnifique au XVIe siècle ; Ararat (2017) sur ces musiques arméniennes peu fréquentées d’un peuple martyr que la terrible actualité rappelle à nos mémoires ; Laudario (2019), musiques au temps de saint François d’Assise ; Al-Basma (2021), un retour, un ressourcement dans la péninsule ibérique, où coexistèrent pacifiquement un temps, à l‘époque médiévale, dans le fascinant Al-Andalûs, les cultures arabo-musulmane, du judaïsme arabophone et du christianisme. Samâ-ï (2022) était centré sur Alep la cosmopolite, dans cette quête d’interrogation des identités, de l’oralité, de la transmission et la mémoire, à partir de lieux symboliques et culturels de rencontres et non d’affrontements de cultures. Ajoutons que certains de ces programmes, de ces concerts aussi très visuels, spectaculaires, avec la mise en évidence, en audience, d’instruments insolites, anciens ou actuels venus d’ailleurs, on fait l’objet de captations pour la télévision par les Films de la Découverte. On comprendra que l’ensemble soit conventionné par le Ministère de la Culture.

Après ces recréations et créations musicologiques à partir de documents rares ou de témoignages recueillis dans les brumes de la mémoire ou bégaiements de la transmission orale, à partir du noyau de l’Al-Andalus ibère et séfarade aux chants d’amour nomades des steppes d’Asie, en passant par des mises en musique de poèmes afghans ou perses, turcs ou arméniens, voici enfin, une percée vers l’Extrême-Orient tout frais sorti et non encore en vente à l’heure heureuse de cette émission, Shiruku (2023), qui signifie ‘soie’ en japonais. Pour ce disque, géographiquement audacieux, s’adjoignant les services talentueux de trois musiciens traditionnels japonais, Emmanuel Bardon pousse ou tisse les limites ou confins de sa Route de la soie jusqu’au Japon, qui en était bien loin depuis son île séparée du continent asiatique. Mais, dans le texte introductif du CD, très documenté, d’Annick Peters Custot de l’Université de Nantes, on en voit la justification : en effet, l’hispanique futur saint François-Xavier, dont je rappelle qu’on pense qu’il parcourut quelque 80 000 kilomètres en Asie (et songez aux moyens de l’époque !), dans sa foi missionnaire et visionnaire de jésuite, de l’Inde au Japon, tissa des liens, mourant en 1552 sur l’île de Sancian, face à Canton de cette Chine qu’il rêvait d’évangéliser. En somme, si le grand empereur Mongol Kubilaï Khan (1260-1294) qui régnait sur la Chine échoua dans son désir de conquérir l’archipel nippon, bien pacifiquement, Emmanuel Bardon annexe pour notre plaisir curieux cet Empire du Soleil levant dont voici un air de la Préfecture de Toyama, une invitation au chant par un musicien accompagnateur :

1) PLAGE 9 

« Comment peut-on être Persan ? », s’étonnait un naïf badaud parisien des Lettres persanes de Montesquieu. Alors, imaginons, au XVIe siècle, ces hardis navigateurs européens chrétiens, se croyant jusque-là le centre, le nombril du monde, découvrant ces terres lointaines, ces cultures étrangères, étranges, qui relativisaient ou questionnaient la nôtre ! Presque à la fin de la République, au début de l’Empire, les Romains connaissaient, par l’Égypte, les soieries chinoises d’un pays très lointain, bien au-delà de cette Inde jusqu’où était arrivé Alexandre le Grand. Par la fameuse longue poudreuse et poreuse Route de la soie parvinrent en Europe des inventions chinoises, la poudre, la boussole, l’imprimerie et, naturellement, la soie ou le thé. Le Livre des merveilles (en italien Il Milione) récit magnifique et mirifique de Marco Polo, décrivant l’empire mongol et chinois de Kubilaï Khan pour lequel le Vénitien travailla de 1275 à 1290 comme « messager » ou émissaire impérial, tout en faisant rêver, ouvrait grandes des portes jusqu’alors à peine entrouvertes.

Constantinople, sur les deux rives du Bosphore, entre Orient et Occident, riche des héritages grecs et latins, byzantins, perses et turcs et de leur transmission à un Occident et vers l’Orient, était une charnière, un relais essentiel sur cette route. Coupée par les Turcs après la prise de Constantinople en 1453, contournée par l’Afrique par les Portugais en quête de la conquête des épices, par la voie maritime nous parviendront plus tard les fascinantes porcelaines. Cependant, l’habile Venise, jouant sur les deux tableaux, plus économiques que politiques, commerçait toujours avec les Turcs et faisait payer très cher aux occidentaux ce qu’elle en avait obtenu. D’où la présence logique de musique vénitienne dans ce CD, cette jolie aubade où un amant chante à sa belle qu’il est temps de se réveiller : « Sù, sù, leva, alza le ciglia… » :

2) PLAGE 7 

Bien sûr, la Grèce était aussi un aboutissement des ramifications multiples de cette route de la soie. Voici une jolie chanson chantée, de la tradition de l’Épire, Petit citronnier…, dont je rappelle qu’il est venu, depuis très longtemps, du Cachemire, aux confins de la Chine :

3) PLAGE 13 

On apprécie donc le vaste panorama musical, symbole de toute la culture qui, par cette Route de la soie que veut aujourd’hui actualiser la Chine, embrassée par ce disque. Du Japon, à l’Europe, ces routes, dans les deux sens, dans le temps long de l’Histoire, mais d’autant plus profond, grâce à des explorateurs et des missionnaires, échangèrent des marchandises, brassèrent des idées, creuset d’échanges, de syncrétisme, tissant une millénaire chaîne de rencontres. Ne peut manquer ici l’Espagne des trois religions et le poète Alphonse X le Sage qui, au XIIIe siècle s’en proclamait roi. Mais nous quittons ce CD su un beau romance sépharade, de ces Juifs chassés d’Espagne, ayant transporté leur culture dans la multiculturelle Constantinople, une douce berceuse à l’aimée : « durme, durme, hermoza donzella… », inverse de l’aubade pour la réveiller :

4) PLAGE 19 

La Route de la soie, le projet actuel de la Chine de la réinventer, d’inclure dans son trajet l’Afrique et la Russie:

https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/comment-pekin-impose-sa-loi-avec-sa-nouvelle-route-de-la-soie_475692 [33]

ÉMISSION N°702 DE BENITO PELEGRÍN

CANTICUM NOVUM

Akihito Obama, shakuhachi (flûte droite japonaise)
Yutaka Oyama, tsugaru-shamisen (luth japonais à trois cordes)
Tsugumi Yamamoto, koto (instrument japonais à 13 cordes pincées s’apparentant à une cithare)
Barbara Kusa, Emmanuel Bardon, chant
Valérie Dulac, Emmanuelle Guigues, vièles
Nolwenn Le Guern, vièle & luth
Philippe Roche, oud
Spyros Halaris, kanun
Guénaël Bihan, flûtes à bec
Léa Maquart, flûtes kaval & ney
Henri-Charles Caget, Ismaïl Mesbahi, percussions
Emmanuel Bardon, direction musicale

Mozart : Symphonies Nos. 29 & 40, Oboe Concerto/Un CD Aparte

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Il Pomo d’Oro : Orchestra
Maxim Emelyanychev: conductor
Ivan Podyomov :
hautbois

Je ne connais pas le précédant enregistrement de Maxim Emelyanychev, à la tête de l’orchestre Il Pomo d’Oro, intitulé —en anglais cela va de soi pour un pianiste et chef russe, The beginning and the end, ‘le début et la fin’ Il est vrai que c’est le jeune chef du Scottish Chamber Orchestra et du Pomo d’Oro au nom italien, d’origine non précisée mais formée de brillants experts de musique baroque. Ce premier CD mettait en miroir la première et la dernière symphonie de Mozart. Mais, à écouter celui-ci, qui confronte la 29e symphonie avec la si connue 40e, cela donne une grande envie de les entendre. Ces deux enregistrements sont, nous dit-on, les prémices d’un vaste projet : une intégrale des grandes symphonies de la maturité de Mozart, mises en regard, en écho plutôt, avec des œuvres de jeunesse. Évidemment, on peut se demander où commence et finit la jeunesse d’un enfant prodige, déjà auteur d’une symphonie à sept ans sur les quarante et une qu’il composera durant sa brève vie puisqu’il meurt à trente-cinq ans à peine, ce qu’on nomme, pour le courant des mortels, le début de la maturité.

Il est vrai que la première symphonie de ce CD, la 29e, en A major (La majeur) composée en 1774, à dix-huit ans, sans que je donne à ce terme un sens qualitatif, est juvénile, joyeuse, fraîche, pimpante, et servie je dirais aves les mêmes termes par le chef et l’orchestre si juvénilement agile. Je ne crois pas être démenti si l’on écoute la vivacité enjouée de ce début, son rythme, son tempo Allegro moderato primesautier, plein de joie de vivre : 

1) PLAGE 1 I Allegro moderato

Mozart est dans sa ville natale de Salzbourg, où son père Leopold est violoniste à la cour depuis trente et un ans, rêvant logiquement de voir son fils lui succéder dans le confort d’un poste peu brillant mais sûr pour gagner sa vie. Mais en 1772, l’accession au trône du Prince-archevêque Colloredo, d’origine italienne, va déranger le confort et la sympathie dont jouissait Mozart fils, protégé de la cour, complaisante à la jeune gloire locale que l’Europe avait célébré tout enfant. Moins sensible à ses charmes, le nouveau Prince s’accommode mal de ce remuant prodige qui a sans doute l’insolence et l’impatience de sa célébrité encore vive en lui, qu’il désire faire vivre hors les limites de cette ville, puisqu’on l’invite ailleurs à faire jouer ses œuvres.

Les musiciens n’étaient alors que des serviteurs ; le caractère autoritaire ou tyrannique de Colloredo entend soumettre à la domesticité le fougueux jeune homme auquel la cour permettait des absences servant sa carrière. Cependant, occasionnellement, Mozart en quête de nouveaux publics, réussit à fuir Salzbourg : on le trouve à Munich, à Mainnheim puis à Paris avec sa mère, qui y meurt en 1778. Mais, lié par son contrat, il est rapidement contraint de revenir dans la ville sous la férule de ce maître détestable, indifférent à son génie qui fait pourtant rayonner Salzbourg à l’étranger. C’est encore là qu’il compose ce Concerto pour hautbois, en C major (Do majeur) ici interprété par le brillant soliste russe également, Ivan Podyomov, premier hautbois du Royal Concertgebouw Orchestra. Voici avec quelle vivacité il ouvre le 3e mouvement Rondo allegretto, ludique et piquant :

2) PLAGE 6 

En 1781, Mozart déserte Salzbourg et se rend à Munich pour la création de son Idoménée, roi de Crète [34] qui y triomphe. Au lieu de rentrer sagement à Salzbourg, il passe par Vienne, capitale politique et musicale dont il rêve. Il s’y installera finalement, puisque, en mai de cette même année, l’intraitable Colloredo, étranger aux succès de son musicien officiel, le démet officiellement de ses fonctions. Mozart y trouve sa liberté mais aussi l’angoisse d’un créateur, souvent assailli par ses créanciers, sans l’assurance financière d’un mécène ou protecteur pour vivre et nourrir sa famille, livré aux aléas de commandes dans une ville, certes éprise de musique, mais où abondent d’autres musiciens de talent dont la vogue suit le caprice changeant des modes.

Le disque est accompagné, en trois langues, d’un intéressant livret technique sur les œuvres signé par Yann de Vaugiraud. Cependant, je regrette que, même en passant, sur le plan biographique, il sacrifie, comme jadis Rémy Stricker ou Dominique Fernandez au mythe du mythe psychanalytique d’un œdipien Don Giovanni archétypal du conflit de Mozart avec son père comme s’il avait été l’auteur du livret. Or, comme tous les compositeurs, Mozart n’écrit aucun texte, il n’y aura, en gros, que Berlioz et Wagner pour écrire leurs propres livrets. Mozart prend celui proposé par Da Ponte qui ne fait que suivre, parfois à la lettre, celui du Don Giovanni Tenorio de Bertati/Gazzaniga, donné huit mois plutôt à Venise, qui ne fait que suivre celui scénarisé du lointain original espagnol attribué à Tirso de Molina, sans aucune preuve aujourd’hui attestée.

Mozart n’a pas besoin de ces légendes parasites comme celle, détestable, du film par ailleurs somptueux Amadeus de Miloš Forman (1984), colportant abusivement son faux conflit avec Salieri, alors le grand compositeur officiel de la cour de Vienne. Le cinéaste y peint un discutable Mozart, niais petit oiseau qui ne sait pas comment il chante, alors qu’il n’est que de lire sa correspondance avec son père, dont une épigraphe, extrait d’une lettre, figure judicieusement ici en tête du livret, ou à sa sœur Nanerl, pour voir la conscience aiguë qu’avait Mozart de son travail, de sa recherche, quelle que fût sa facilité remontant à l’exigeant dressage musical de son enfance. Que le père Léopold Mozart soit mort vingt jours après la création de l’opéra (qui ne s’est pas écrit en un jour tout de même !) est certes une triste coïncidence mais sûrement pas une mécanique de cause à effet d’un fils adulte, depuis longtemps émancipé du père et père lui-même depuis 1782, même si seuls deux de ses six enfants ont atteint l’âge adulte.

Avec la charnière encore salzbourgeoise et juvénile, du Concerto pour hautbois, ce beau CD se clôt avec fièvre sur la grandiose, 40e Symphonie, en sol mineur écrite en1788, trois ans avant sa mort à l’apogée de sa brève gloire viennoise. C’est une œuvre dramatique et puissante, empreinte d’un sombre sentiment de fatalité, dont il est impossible que vous n’ayez pas entendu, au moins grâce à la publicité, ce début sur lequel nous nous quittons :

3) PLAGE  8 

ÉMISSION N°709 DE BENITO PELEGRÍN