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Chacal, l’intelligence versus la force brute

CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Info et réservation : manifesterien@gmail.com

Publié Par Rmt News Int Sur Dans | Commentaires désactivés

CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

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CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Info et réservation : manifesterien@gmail.com

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CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Info et réservation : manifesterien@gmail.com

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CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Info et réservation : manifesterien@gmail.com

Publié Par Rmt News Int Sur Dans | Commentaires désactivés

CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

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CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

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CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

[1]

crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Info et réservation : manifesterien@gmail.com

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CHACAL, la fable de l’exil d’après « Chacal ou la ruse des dominés » de Tassadit Yacine (Anthropologue) publié aux éditions la Découverte

Création du Collectif Manifeste Rien

Mise en scène : Jérémy Beschon/ Jeu : Virginie Aimone

Musique et son : Franck Vrahidès / Lumière : Flore Marvaud et Cyrille Laurent.

Spectacle tout public, à partir de 8 ans.

Durée : 1 H

La compagnie Manifeste rien sera en résidence du 1er  au 10 septembre au Théâtre de l’œuvre pour créer la nouvelle pièce de Virginie Aimone (avec la complicité de Tassadit Yacine) : « Fadhma & Louise, 1871, le cri des peuples ».  C’est l’occasion pour nous de revenir sur la re-création de « Chacal, la fable de l’exil » de la même autrice, spectacle jeune public présenté en juin dernier au Théâtre de l’œuvre -qui fête ses 90 ans cette année : cette fable nous questionne sur la dualité de notre nature animale, nos ambivalences, notre soif de pouvoir, ici de sang, qui nous pousse à nous entre dévorer.  

Aux origines de la domination 

Settoute, la première Mère du Monde kabyle, incarnée par Virginie Aimone, nous conte les origines d’un Monde idyllique dans lequel, il y a bien longtemps, nos ancêtres et les animaux vivaient en harmonie jusqu’à ce qu’elle en soit déchue à cause d’une flatulence accidentelle : l’équilibre du monde ainsi brisé vola en éclat et les faibles subirent la tyrannie des forts qui les dévoraient….  « En ce temps-là, les animaux parlaient encore comme vous et moi » explique celle qu’on appelle désormais la Sorcière. Les animaux par crainte pour leur vie décidèrent d’élire un Roi et choisirent le Lion pour sa force : chacun le servait avec docilité, faute de quoi ils risquaient d’être dévorés et/ou de s’entre dévorer. Tous avaient un rôle et une place assignés.

Parmi eux, Chacal, sa couverture, était son conseiller, le flattant par devant pour conserver ses faveurs tout en complotant contre lui par derrière car Chacal est malin et fourbe, maître dans l’art de manier la double pensée et de manipuler autrui pour arriver à ses fins. Son cousin Renard qui se croyait plus rusé que lui en fera les frais le premier. Chacal avait soif de pouvoir et voulait prendre la place de Lion. Il tente alors de convaincre les animaux de se rebeller contre Lion en jouant sur leurs peurs et leurs appétits, exploitant leurs volitions et travers, excitant leurs ambitions et convoitises : ils seront dévorés par Lion, dénoncés par Chacal qui se restaure des restes laissés par le Roi jusqu’au jour où son manège est découvert, sa duplicité mise à jour : il est alors chassé, exilé. 

Un long périple commence pour lui avant qu’il ne rencontre le généreux mais bien avisé Hérisson. Ce dernier « a toujours une ruse qu’il prête à ses amis » et lui fait visiter son pays…  Étonnamment, formant une alliance contre nature, tous deux s’associeront pour renverser cet odieux pouvoir incarné par la figure de Lion qui dévore ses sujets au lieu de les protéger.

Une allégorie peu flatteuse de notre humanité ‘bestiale’        

Universelle et intemporelle, cette fable animalière dissèque l’ambivalence qui existe en chaque être vivant –  qu’il soit animal, homme ou encore dieu. Une dualité inhérente à notre nature que nous retrouvons sous diverses formes chez chaque personnage : Settoute la mère de toute chose/ Sorcière bannie ; Chacal le colon/exilé, dominé/ dominant ; Hérisson mi-homme/mi –femme, homo/hétérosexuel qui inventera le mariage mixte en mariant une jument et un âne pour donner naissance au mulet… Pauvre mulet qui sera abusé par les deux compères. Tous deux luttent pour leur survie et comme dirait Chacal, en parlant d’Hérisson, on a toujours besoin d’un plus faible –plus petit- que soi. Car « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes).

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crédit photo Manifeste Rien

Chacal sous couvert d’éduquer les petits de Madame Beaugroin, une truie naïve et travailleuse, mère célibataire, les enferment dans sa grotte pour mieux les dévorer, assouvir sa faim et asseoir son pouvoir. Ce passage est à lui seul une parabole de l’éducation religieuse ou non qui coupe les enfants de leur famille, prépare les filles à se soumettre aux garçons à des fins de reproduction d’un modèle de société où les femmes sont dominées par les hommes.

Il est également révélateur de la reproduction d’un système : les faibles et les dominés dès lorsqu’ils accèdent au pouvoir agissent comme les forts et les dominants. Est-ce inéluctable ? L’Histoire semble aller dans ce sens…. Les faibles pour renverser le fort doivent s’unir mais cette union peut-elle durer ? C’est la question qui nous taraude à l’issue du spectacle.  La fin laisse en suspens l’avenir de nos deux compères et nous ne pouvons-nous empêcher de nous demander : Chacal va-t-il manger Hérisson ou non ?

Une mise à la scène millimétrée et une performance d’actrice

La scénographie représente un cercle. Le cercle en Grèce antique est symbole d’harmonie, d’ordre mais également de malédiction, de désordre. Ici, il est constitué de terre (en référence à la Pacha Mama, nous sommes en forêt). Le décor est planté : en son centre, trône Lion car le cercle délimite l’espace du royaume de Lion, là où s’exerce le pouvoir du Roi, où il peut se laisser aller à ses excès. Chacal quand il le conseille évolue à la périphérie intérieure du périmètre délimité par le cercle, à sa périphérie extérieure quand il se retrouve en exil à l’instar de la Sorcière ou d’Hérisson quand ils sont punis l’une de sa provocation malencontreuse, l’autre de sa coquetterie.

Accompagné d’un jeu de lumière oscillant entre douches, pleins feux et clairs/obscurs bleutés, et de bruitages sonores  et d’une musique réalisés en live, musique aux reflets arabisants qui rappellent l’origine de la fable, la mise à la scène de ce texte s’attèle à souligner de ça de là les moments forts du récit. Nous assistons à une performance d’actrice incroyable et étonnante où Virginie AIMONE incarne à elle seule 13 personnages avec une mention spéciale pour son interprétation de Hérisson. Son jeu est expressif, précis et souple, jamais caricatural. Un geste, une posture, un mouvement de jambe, une attitude suffisent pour faire naitre sous nos yeux les différents animaux auxquels elle prête sa voix, jouant des graves et des aigus.

Ce spectacle total est une belle réussite, amusant et enlevé avec son langage populaire et ses allusions à notre époque dans lesquelles les jeunes se retrouvent. Il plaira autant aux petits qu’aux grands, révélant différents niveaux de lecture.

L’intérêt de cette fable est de nous offrir un enseignement sans être didactique ni manichéenne, de nous questionner sur l’ordonnancement du monde et sur les conditions de possibilités de changer cet ordre des choses qui parait immuable. Bravo ! DVDM


 

Actualités à venir :

Histoire universelle de Marseille d’après Alèssi  Dell’Umbria les 30 septembre, 1 et 2 octobre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Homo ça coince… de Jeremy Beschon et la collaboration de Laurent Gaissad les 18, 19 et 20 novembre à 20H au Théâtre de l’Oeuvre, Marseille / tarif 15 et 10 €

Info et réservation : manifesterien@gmail.com