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Anne-Marie Coulomb, Peintre de l’âme

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 Anne-Marie Coulomb peint et expose. Dans son magnifique atelier, ‘’Les caves du Logis Neuf’’, cher à son cœur, ses glacis s’emparent du regard avant qu’il ne s’y accroche, comme aimanté par ce ‘’ je ne sais quoi’’ qui fait des huiles de l’artiste des tableaux d’exception, de ceux qui remuent quelque chose au fond de soi, de ceux, rares, que l’on voudrait garder, regarder et qui restent ancrés en nous.

Un onirisme lyrique

Les peintures d’Anne-Marie Coulomb, véritable onirisme lyrique,  ont les couleurs de son âme. Un exutoire ? Une dénonciation ? Un rêve ? Autant de sentiments à fleur de toile… Avec ses peintures, Anne-Marie panse les blessures de la vie, les siennes, les nôtres, mais pas seulement. Elle nous dit la nature, le printemps, l’amour, la tendresse. Ses pinceaux caressent la toile sans la heurter. Anne-Marie Coulomb interpelle, harmonise. L’artiste nous dit l’équilibre, elle nous dit la femme !

Nous l’avons rencontré.

Interview

[2]Danielle Dufour-Verna : -Anne-Marie Coulomb, qui êtes-vous ?  Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Anne-Marie Coulomb – Je suis peintre. J’ai toujours aimé la peinture. Mes études de littérature m’ont amenée à la culture de l’art, bien plus que vers les mathématiques ! Après un passage aux Beaux-Arts, j’ai acquis, en 1998, un atelier où je peins, j’expose, je reçois des élèves, et où nous faisons de magnifiques expositions de groupe.

DDV – Cet amour de la peinture que vous avez toujours eu en vous est venu par rapport à vos parents par rapport à et une sensibilité particulière ?

Anne-Marie Coulomb – Je dirais plutôt à une sensibilité particulière, une sensibilité d’artiste. Je ne savais pas que j’allais peindre il y a 60 ans. Je ne savais pas que je ferais autant de réalisations. C’était quand-même un goût dans la famille. Il n’y avait pas de grands artistes mais des cousins et un goût particulier pour la peinture.

DDV -Voulez-vous transmettre un message au-travers de vos œuvres ?

Anne-Marie Coulomb – Je ne pense pas avoir de message à donner mais des sentiments, des sensations à percevoir. Ce que mes œuvres mettent en perspective, c’est ce côté théâtre de ma vie. On s’aperçoit que je parle effectivement de moi, de ce qu’il m’est arrivé en tant que femme, en tant que mère.

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DDV – vous avez exposé au Vieux Bassin d’Allauch dans le cadre de la journée internationale des droits de la femme. Est-ce-que vous êtes une artiste engagée et de quelle manière ?

« Un engagement féminin »

Anne-Marie Coulomb : -je ne pense pas, en tout cas pas consciemment. Il est vrai qu’après la littérature, je me suis formée à la psychologie clinique. Cela joue sans-doute dans ce que je révèle de moi. Ce n’est pas un engagement politique, plutôt un engagement féminin en tant que femme, épouse, mère. Il y a encore beaucoup à faire pour les femmes. J’ai beaucoup de mal avec l’autorité, surtout celle de ma mère qui était très dure. On dit souvent que mes huiles sont tristes.

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DDV – Je trouve, pour ma part, que vos huiles sont à la fois lyriques et lumineuses…

« Je n’aime pas ce qui est agressif. »

Anne-Marie Coulomb – Je pensais traduire en peinture mon fort caractère, réagir, mettre de grosses épaisseurs sur la toile. Il s’avère que pas du tout ! Je travaille en couches fines, à l’huile, en glacis superposés. Petit à petit, je monte mon monde sur la toile par petites couches très minces. Je n’aime pas ce qui est agressif. Je suis du domaine du rêve, du lyrique, oui, tout-à-fait.

DDV -Des projets ?

« Des œuvres détournées »

Anne-Marie Coulomb – Oui, d’autres expositions sont en prévision. D’autre part, nous avons initié avec mon atelier un projet qui me tient à cœur et qui m’amuse bien. Chaque artiste de l’atelier fera une œuvre détournée d’un peintre très connu comme par exemple ‘’Le déjeuner sur l’herbe’’ de Manet.

DDV – Ma dernière question, quelle est votre propre conception du bonheur ?

Anne-Marie Coulomb – Je n’ai pas de conception du bonheur. Je ne sais pas. Je n’ai pas de ce n’est pas de croyance religieuse ; j’aime bien être tranquille. Je peins, j’ai une belle maison. J’étais dans mon jardin en train de sortir toutes mes plantes. La peinture, la famille, le jardin, notre atelier, il est peut-être là le bonheur.

Danielle Dufour-Verna

Atelier des Caves du Logis Neuf- 38 avenue Leï Rima- 13190 ALLAUCH

www.ateliercnl.net [5]

PAGANINI de FRANZ LEHÁR (Odéon, Marseille, 24 février 2024)

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          Du même Franz Lehár, mais ultérieur, Paganini, semble le triste veuf de la Veuve Joyeuse : tout le monde connaît la Veuve joyeuse et presque tout le monde ignore Paganini. C’est une opérette en trois actes sur un livret allemand de Paul Knepler [6] et de Béla Jenbach [7], qui fut créée à Vienne en 1925, la Veuve, en 1905. Mais peut-être l’effervescence légère d’une œuvre viennoise et grivoise d’avant la Grande Guerre n’était-elle plus possible dans une Autriche vaincue, déchue de son titre d’Empire, ratatinée en un mince état, déjà en proie aux premières fièvres malignes du fascisme revanchard, alors que l’Europe des vainqueurs, comme pour exorciser les horreurs à peine passées, les effacer, entrait dans les frénésies des Années folles.

Il est vrai aussi que la Veuve héritait d’un livret inspiré d’une malicieuse pièce d’Henry Meilhac, cher à Offenbach, dans la tradition bien française du vaudeville en vrille et son lot risible et irrésistible de maris toujours potentiellement cocus, alors qu’ici, corseté par l’Histoire vraie, l’adultère parallèle du couple princier, chacun son favori ou favorite, relève plus de la symétrie conjugale établie que de la fringale érotique qui semble tenailler le seul Pimpinelli, Gentilhomme de la chambre, qui ne garnit guère la sienne de poules ou poulettes, ombre lointaine déplumée du coq Danilo de la Veuve, volant  à la ronde de la brune à la blonde. Alors, on ne sait, problème peut-être aussi de la traduction française d’une tradition et d’un humour allemand étrangers à notre sensibilité nationale, il n’y a pas trop matière à rire ou sourire, selon nos habitudes du genre, sauf au dernier acte, dans l’auberge, le duo, trop court de deux patibulaires contrebandiers.

          La musique, dès le beau solo de violon (Alexandra Jouannié) est pourtant de belle facture de bout en bout, raffinée, très lyrique, avec des danses à la mode du temps, moins de valses, mais des rythmes légers de fox-trot ou vague charleston, des exotismes hispaniques et cubains, et les inévitables couleurs bohémiennes. Mais il manque ce rien qui fait tout, peut-être une simplicité, une naïveté qui fait qu’un air vous habite, vous hante et ne quitte plus jamais la mémoire.

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LIEUX ET PERSONNAGES

Une princesse musicienne

D’une principauté imaginaire de la Veuve, on passe à de vrais princes, du moins surgis de l’imagination concrète du magicien réaliste Napoléon Bonaparte qui fait valser les trônes d’Europe et les donne principalement à sa famille, à ses proches, à ses amis et alliés. Comme, à l’occasion de l’installation de sa famille à Marseille en 1795, il s’était fiancé à Désirée Clary (qui deviendra tout de même reine de Suède en épousant le général Bernadotte, dont les descendants règnent toujours sur ce pays), sa sœur, née Maria-Anna, mais connue comme Élisa par le surnom de son frère préféré Lucien, qu’elle adopte comme prénom officiel, malgré les réticences de Napoléon, épousera à Marseille le médiocre capitaine Félix Baciocchi.

Avec l’avènement de l’Empire, l’Empereur les nomme princes d’un petit territoire de Toscane pouvant verrouiller l’île d’Elbe et la Corse. Mais, à part les affaires militaires qui incombent à Félix, la réalité du gouvernement est assumée par Élisa, la seule sœur de Napoléon à avoir possédé de réels pouvoirs politiques avec une compétence qui lui sera reconnue. Elle est donc princesse de Piombino et de Lucques et par la grâce de son frère, elle deviendra Grande-Duchesse de Toscane en 1809.

Née à Ajaccio en 1777, grâce à une bourse de la d’abord démocratique Révolution, elle fait de solides études dans l’aristocratique Saint-Cyr de Madame de Maintenon maintenu encore un temps par la République avant son abolition, et manifeste un goût prononcé pour les arts, notamment la musique et le théâtre. Dans la principauté de Lucques, elle règne en souveraine éclairée, réformatrice avisée, créant des écoles pour les filles, leur offrant une éducation émancipée de la chape religieuse. C’est là qu’elle rencontre Paganini et s’en éprend : il a vingt-trois ans, elle, vingt-huit. L’opérette met en scène cette rencontre.

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Le prince (des ténèbres) des musiciens

Le mythique violoniste Niccolò Paganini, naît à Gênes en 1782 et mourra en 1840 à Nice où, après une carrière glorieuse dans toute l’Europe, malade, isolé, il enseignait le violon. Il était aussi compositeur, altiste, guitariste, la guitare était sa passion. Il a écrit plus de cent pièces pour violon et guitare ainsi que pour guitare seule et, dans certains concerts, joue des deux instruments. Mais il passe pour l’incarnation même du violon, on le considère comme l’un des meilleurs violonistes de tous les temps, à coup sûr il est le plus célèbre virtuose du violon du XIXe siècle. Franz Liszt, qui fera ses variations sur ses œuvres, en dit ceci :

« La grandeur de son génie est inégalable, insurpassable, et exclut même l’idée d’un successeur. Personne ne sera jamais capable de suivre ses traces ; aucun nom n’égalera sa gloire. » 

Dans ses Vingt-quatre Caprices pour violon solo, il met en pratique la technique moderne du violon, révolutionnaire en son temps, une étape importante dans l’histoire de la musique et celle de l’instrument. 

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          Balzac signalait sa « puissance magnétiquement communicatrice ». Il fascinait. Il eut une gloire qu’on dirait aujourd’hui de rock star. Il jouait sans partition, préférant tout mémoriser, capable de jouer jusqu’à douze notes par seconde, disait-on. Sa virtuosité était telle que naquit la légende de son pacte avec le Diable. Long et maigre à faire peur, dégingandé, Paganini est aussi surnommé « l’Homme Élastique ». De nombreuses rumeurs effrayantes circulaient à son sujet. On aurait vu son double avec des cornes et des sabots ; il aurait tué des femmes et emprisonné leurs âmes dans son instrument… On pense maintenant que cette déformation, longiligne, dont celle de ses doigts qui lui permettaient des doigtés impossibles aux autres violonistes, était probablement due à une maladie génétique, identifiée aujourd’hui comme le Syndrome de Marfan ou le Syndrome d’Ehlers-Danlos. Mais il est vrai que, pour cette virtuosité exceptionnelle, on l’appelait le « Violoniste du Diable. »

Cela joua un mauvais tour à sa mort à Nice. Ayant commandé cent messes pour son âme, sentant sa fin venir, il fit appeler un curé, pas très fin avec le célèbre mourant puisqu’il salua l’illustre agonisant, selon le témoignage de sa bonne, d’un rigolard :

« Alors, monsieur Paganini, maintenant, c’est plus le moment de jouer du crin-crin !»

Piqué au vif, dans un sursaut de vie, le moribond mit à la porte le peu délicat chanoine et l’on raconta que le « Violoniste du Diable » avait refusé les sacrements. L’enterrement religieux lui est interdit, ainsi que l’inhumation en terre consacrée. Mais des amis embaument le corps, l’exposent non sans problèmes avec cette réputation diabolique, sont obligés de la cacher à Villefranche, puis chez lui à Gênes, puis à Parme en 1853. Puis, trente-six ans après sa mort, en 1876, le pape Pie IX l’ayant réhabilité, le corps est transporté solennellement au cimetière de Parme mais, celui-ci déclassé, on le déménage encore. Après un tel périple post mortem, certains doutent de l’authenticité du corps, si bien qu’en 1893, il est exhumé en présence de son fils, puis encore en 1896 et encore en 1940 pour le centenaire de sa mort. Voilà ce que coûte une légende.

Paganini a inspiré nombre d’œuvres, des romans et, depuis le cinéma muet, une dizaine de films, jusqu’en 2013, dont un réalisé par le fameux acteur Klaus Kinski qui joue lui-même le violoniste.

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RÉALISATION ET INTERPRÉTATION

Mais notre opérette, à part quelques cris d’un énergumène au début dénonçant le Diable à l’audition d’une acrobatique mélodie de violon issue d’un pavillon face à l’auberge, puis une autre allusion à la fin, ne tire rien de cette légende, s’en tenant à l’épisode amoureux de sa vie avec l’exceptionnelle Anna Élisa, dont l’air d’entrée, de présentation, est une sorte d’hymne glorieux à son frère l’Empereur Napoléon. En costume rouge d’amazone, haut de forme en tête et cravache à la main, Perrine Madoeuf, voix ronde, souple, charnue, timbre doucement sensuel, a d’emblée une autorité scénique et vocale, une majesté joyeuse, joueuse dans la partie de dupe face au musicien que, subjuguée par sa musique, elle se fait présenter, lequel, succombant à ses charmes, lui déclare sa flamme sans savoir encore son identité, mince quiproquo, de l’intrigue.

En élégante casaque rouge, le prince Felice (Joris Conquet), beau timbre pour peu de chant, est de très bonne tenue sinon conduite, toujours escorté de sa favorite au nez du peuple et sa femme, cédant aux craintes superstitieuses des villageois, interdit le concert du virtuose du lendemain. Faisant fi des racontars, l’habile princesse retourne son époux comme un gant de chasse et, après quelques malentendus et caprices de l’artiste vexé qui veut et ne veut plus, on sait que le concert à Lucques aura lieu et l’Histoire nous confirme que, émerveillée de son talent musical, la Princesse énamourée le nomme chef de son orchestre. Loin de croire à la musique infernale, elle chantera plutôt « l’amour, paradis sur terre » (Liebe, du Himmel auf Erden ) assurément l’un des plus beaux passages lyriques de la pièce.

S’il n’a pas la hauteur et maigreur effrayante de l’original, brun de belle allure et figure, Sammy Camps, visage encadré de favoris à la mode du temps, est une parfaite incarnation de héros romantique et même, en ombre chinoise du virtuose en ses gestes qu’on imagine d’Alexandra Jouannié, violoniste de l’orchestre à la fête arrachée pour un solo de la fosse à la coulisse, mais invisible toujours…La voix claire de ténor du chanteur a muri, s’est élargie, enrichie dans le médium et le grave de belles couleurs, gardant puissance et projection et, surtout, cette juste passion d’excellent acteur. Il forme un beau couple de jeunes premiers avec Madœuf.

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Nécessaire copie des comédies, ombre comique du premier, très réussi également, le couple second est incarné, en rondeur, par Pimpinelli, Fabrice Todaro, chaleureux baryton et, toute en élasticité, le régal de Julie Morgane, morgue railleuse, Bella diva, divette, glissant comme dansante savonnette, équilibriste acrobate, des bras du Prince à ceux du Gentilhomme qui en pince et de Paganini enfin, glissant de tous les doigts féminins pour réserver les siens, divins ou diaboliques, aux cordes seules de son instrument qui assureront sa gloire et sa fortune après sa fuite de Lucques. L’éternel amoureux Pimpinelli, de la Chambre Gentilhomme, harceleur de la gent féminine, sera à son tour harcelé sur place sinon chambre par la gente Dame Comtesse de Laplace, une gourmande sinon gourgandine à grave voix et gorge déployée, Cécile Gallois, qu’on a toujours plaisir à entendre comme toute cette troupe rôdée, je dirais cette famille de l’Odéon, sachant toujours, même avec peu ou pas du tout à chanter, exister, jouer, bref rendre possible le théâtre, l’opérette : Jean-Claude Calon, Bartucci ; Philippe Béranger, Beppo / Marco ; Dominique Desmons, Foletto / Emmanuel ; Antoine Bonelli, l’Aubergiste / le1 er Gendarme, Damien Barra, le second.

          Les costumes (Opéra de Marseille) sont d’une belle et juste élégance historique, très harmonieux en couleurs, et le décor (Loran Martinel), traditionnel carton-pâte du premier acte est d’un sobre raffinement au second, un simple fond de bleu sombre fondu, avec un canapé Joséphine ou Récamier et, au dernier acte, une inventive picaresque auberge avec cet immense tonneau issue de secours des contrebandiers, où les costumes folkloriques, jupes et chemises rouges, sont magnifiés par la chorégraphie  joliment populaire d’Anne-Céline Pic-Savary.

          Comme toujours, on apprécie la claire mise en scène de Carole Clin, attentive au jeu, à son art de conjuguer harmonieusement les masses, presque de conjurer à l’aise, sur cette scène étroite, ses troupes qu’elle mène d’une baguette aussi ferme que celle du chef Federico Tibone à la tête de l’Orchestre de l’Odéon, aussi bien tenu pour cette musique de qualité qu’il nous révèle, autant que le Chœur Phocéen mené par Rémi Litolff. Oui, nous aimons aimer notre Odéon.

          La passion scandaleuse, adultère, entre Élise et Paganini, inquiète moins le mari, lui-même exhibant sa maîtresse, que Napoléon au loin, qui tente de se réconcilier avec le Saint-Siège, dépêche un empanaché Général d’Hédouville (Jean-Luc Épitalon) pour arrêter Paganini. Qui s’enfuira, seul dans l’opérette, mais en réalité avec la cantatrice maîtresse du prince avec laquelle il passera un moment de sa vie. Benito Pelegrin

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PAGANINI

FRANZ LEHÁR

OPÉRETTE EN 3 ACTES

NOUVELLE PRODUCTION

Direction d’orchestre Federico Tibone

 

Mise en scène : Carole Clin

Assistante de réalisation :  Luigia Frattaroli

Chorégraphie : Anne-Céline Pic-Savary

Costumes : Opéra de Marseille

Décors : Loran MARTINEL

Chœur Phocéen

Orchestre de l’Odéon

violon solo : Alexandra Jouannié

Distribution :

Anna Elisa : Perrine Madoeuf

Bella : Julie Morgane

La comtesse de Laplace / Caroline : Cécile Gallois

Anita : Sabrina Kilouli

Paganini : Samy Camps

Bartucci : Jean-Claude Calon

Pimpinelli : Fabrice Todaro

Beppo/Marco : Philippe Béranger

Le général : Jean-Luc Epitalon

Le prince Felice : Joris Conquet

Foletto/Emmanuel : Dominique Desmons

L’aubergiste : Antoine Bonelli

2e gendarme : Damien Barra

Orchestre de l‘Odéon :

Violon solo Alexandra JOUANNIÉ
Benoît SALMON, Alina FAIRUSHINA, Marie HAFIZ NICOLINI, Hélène CLÉMENT, Isabelle RIEU, Samia ZIDI, Aurélie ENTRINGER, Pierre NENTWIG, Jean Florent GABRIEL, Sylvain ZACKARIN, Virginie ROBINOT, Linda AMRANI, Benoît PHILIPPE, Stephan BRUNO, Marc BOYER, Luc VALCKENAERE, Olivier GILLET, Alexandre RÉGIS

Chœur Phocéen. Chef de chœur : Rémi LITOLFF

Fiorella ALESSANDRA, Snezhana CHOPIAN, Sabrina KILOULI, Davina KINT, Rosanne LAUT, Esma MEHDAOUI, Damien BARRA, Laurent BŒUF, Angelo CITRINITI, Corentin CUVELIER, Jacques FRESCHEL, Clément PONS
Ballet Cloé ALEXANDRE, Anne-Céline PIC-SAVARY, Marie GIBAUD, Guillaume REVAUD, Rudy SBRIZZI, Vincent TAPIA

PHOTOS : Christian DRESSE

  1. La Princesse et sa suite ;
  2. Élisa et Paganini; 
  3. Pimpinelli et Bella ; [13] [13] [12]
  4. Pimpinelli et la comtesse ; 
  5. Menuet à la cour ;
  6. Danse à l’auberge ;
  7. Pittoresque et picaresque auberge.

Le Chien bleu Ou l’une autopsie bouleversante de la fragilité humaine face aux coups du destin

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Il existe des œuvres de par ce monde qui marquent les esprits, transportent les âmes et saisissent les cœurs, laissant une trace indélébile dans nos mémoires. Le Chien Bleu, seul en scène écrit par Lionel Parrini, est de celles-ci. Je l’avais vue en 2006 au théâtre de Tatie, tenu alors par Gigi et Julie. La première mouture m’avait beaucoup touchée mais celle-là, à la faveur d’une réécriture par son auteur en 2017, est en tout point une réussite. Et je suis bien heureuse d’avoir accepté l’invitation de Lionel lorsqu’il m’a appris qu’elle se jouait au Théâtre du Tétard, en cette fin novembre 2023.

La compagnie Les Labyrinthes, venue de Mérignac, porte avec brio cette adaptation du monologue de Lionel Parrini qui offre une plongée troublante au plus profond des méandres de la psyché humaine. Incarné de manière lumineuse par Orianne Schiele, le personnage d’Éléonore hante les spectateurs bien après le baisser de rideau ; en particulier, sa question récurrente et annonciatrice de sa folie, sorte de leitmotiv : « vous n’auriez pas vu un chien bleu ? », son chien qu’elle cherche tout le long du spectacle.

En préambule

D’une écriture plus percutante et poétique, le texte, à multiples lectures et écrit au cordeau, est interprété par une jeune et excellente comédienne, Orianne Schiele qui mérite d’être connue : d’une sobriété de jeu alliant un côté clownesque, avec une intensité rare dans l’incarnation du personnage, une gestuelle précise et une diction quasi parfaite à la manière d’Arletti, elle est Éléonore, cette femme victime de violences de la part de son mari qui se réfugie dans une douce folie avec son chien bleu, métaphorique de sa maltraitance. La mise en scène de Gérard David sert merveilleusement le texte sans être ni redondante, ni « téléphonée » : elle est accompagnée d’un jeu de lumière subtile et repose sur une scénographie légère signés Johann Ascenci.

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Plongée au cœur des fêlures intimes d’une psyché meurtrie

Grâce à une écriture à la fois crue et poétique, parsemée de quelques notes d’humour à l’image du nom de famille de son héroïne Madame Croquette et de son adresse Rue Pipelette, Lionel Parrini signe ici un texte à la puissance incantatoire dans lequel, par fines touches et fragments, il nous dévoile petit à petit le passé douloureux ayant fragilisé Éléonore. À travers ce personnage perce une volonté de dénoncer les séquelles trop souvent invisibilisées des violences conjugales. « Le Chien Bleu », par son jeu de miroir, devient une plongée bouleversante au cœur des fêlures intimes de notre société. Loin des poncifs, cette œuvre exigeante invite le spectateur à une réflexion sensible sur la psyché humaine dans ce qu’elle a de plus troublé.

À travers la forme du monologue théâtral, nous sommes d’emblée immergé dans les tourments intérieurs de sa protagoniste. Dès les prémices, le style déstructuré de la pièce dévoile les failles d’un psychisme désaxé, balloté entre accès mélancoliques et crises de détresse. Les changements abrupts de registre, oscillant entre un langage vulgaire et une langue châtiée, trahissent l’instabilité émotionnelle d’une femme meurtrie par les coups du sort. Au fil de son discours disséqué, c’est toute une vie cabossée qui se dessine peu à peu. Derrière les non-dits surgit le passé douloureux d’Éléonore : un mariage destructeur marqué par la violence, le deuil d’un fils disparu, un renvoi brutal de son métier d’institutrice pour dépression. Sa solitude et sa précarité financière dans son appartement ne font qu’accroître sa fragilité.

Les « colères inouïes » de son époux où il pouvait lui « filer une rouste » ont indéniablement traumatisé et déstabilisé la jeune femme sur le plan psychologique. Désormais seul repère dans sa solitude, son chien Bijou semble avoir joué un rôle central dans sa vie. Éléonore le décrit de manière obsessionnelle, évoquant avec tendresse leurs jeux passés. Mais son attitude ambiguë envers l’animal – auquel elle dit vouloir apprendre à retenir son souffle sous l’eau- peint en « bleu » comme pour s’accaparer son être, inquiète. Sa relation possessive à Bijou semble révélatrice de son besoin ultime de contrôle, résultant peut-être de la perte de contrôle sur sa propre existence. Pourtant, nous nous attachons à ce personnage fragile et loufoque, perdu et un tantinet cruel dans sa désespérance.

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L’illusion intérieure sous le scalpel du théâtre

Sa solitude dans son appartement – ou bien s’imagine-t-elle dans un appartement en lieu et place d’une chambre d’hôpital – ne fait qu’éveiller ses fantômes intérieurs. Si le personnage semble d’abord chaotique, le talent d’Orianne Schiele, toute en nuance et en rupture, permet de percevoir la richesse dissimulée sous les débris. Sa sensibilité artistique transparaît dans les descriptions poétiques parsemant son discours. Et derrière la détresse surgit peut-être une femme plus complexe qu’il n’y paraît.

Grâce à son interprétation d’une justesse époustouflante, la comédienne parvient à faire vibrer chaque strate du personnage, de ses douleurs intimes à sa soif de beauté que nous décelons dès notre arrivée, lorsque nous la voyions s’apprêter devant sa coiffeuse, vêtue d’un élégant pyjama, ou lorsqu’elle part dans ses envolées lyriques. Dans un numéro de funambule, elle donne corps aux sautes d’humeur d’Éléonore avec une précision chirurgicale. Sa voix et son corps vibrent à l’unisson des méandres torturés de sa psyché meurtrie. Le spectateur est invité à une plongée cathartique au cœur des fêlures laissées par les traumas du passé.

Maîtrisant les codes du monologue intérieur, Gérard David construit une mise en scène épurée révélant les ressorts les plus secrets de son âme. La sensation de vertige envahit le spectateur qui pénètre peu à peu au plus profond des failles de sa mémoire fragmentée. Dans ce huis clos intime, c’est une véritable autopsie de l’inconscient qui se joue sous nos yeux. Et grâce au découpage aéré du texte avec ses intermèdes chantés qui offrent des temps de respiration et de légèreté – reprises de chansons caustiques des années folles et des années 70/80-, le metteur en scène évite à la pièce de sombrer dans le pathos. 

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In fine

Plusieurs années après sa création, le spectacle fascine encore par la justesse et l’actualité de son propos. En donnant corps aux tourments intérieurs d’Éléonore avec autant de finesse, non sans une pointe d’humour, la compagnie Les Labyrinthes réalise un travail remarquable de portée et de transmission théâtrale. « Le Chien Bleu » restera assurément l’une de leurs créations marquantes, offrant au public une expérience aussi cathartique qu’inoubliable.

Une création qui mériterait d’être jouée dans un théâtre national ou une scène labellisée tant elle vient fort à propos en notre époque où les violences conjugales ont, depuis la crise du Covid, été décuplées. Rappelons qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi, un chiffre glaçant.

Diane Vandermolina

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Une « Traviata » intemporelle et sublimée à l’Opéra de Marseille

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LA TRAVIATA (1853) de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave La Dame aux camélias (1852), drame d’Alexandre Dumas fils tiré de son roman éponyme (1848)

Opéra de Marseille Dimanche 11 février

(Je reprends ici, en le rafraîchissant un peu, mon texte de présentation de l‘œuvre puisqu’il s’agit de la même mise en scène)

« Ô Dieu, mourir si jeune… », s’écrie la malheureuse phtisique dans l’un de ses derniers spasmes. La chance des morts, c’est qu’ils ne vieillissent pas. Palme de martyre et privilège des Mozart, Schubert, fixés dans la jeunesse d’une œuvre éternelle, tels James Dean, Marylin Monroe qu’une fin prématurée fixe dans l’éternité de leur jeune beauté, ou même une Greta Garbo, admirable Marguerite Gautier, qui sut rompre à temps le miroir par sa mort publique pour se conserver éternellement belle dans la mémoire par la perfection de son image de cinéma.

Une héroïne sans futur pour une œuvre qui ne vieillit pas dans une réalisation déjà ancienne de Renée Auphan, réalisée par Yves Coudray, mais qui n’a pas pris une ride. L’Opéra de Marseille finissait et commençait une année par le pathos de la pathologie romantique.

L’œuvre : sources

Faut-il encore raconter l’aventure de cette « Dévoyée », sortie de la bonne voie, de cette Violetta Valéry verdienne tirée du roman autobiographique La Dame aux camélias (1848) d’Alexandre Dumas fils ? Il en fera un mélodrame en 1851, qui touchera Verdi. Alexandre Dumas fils était l’amant de cœur de la courtisane Marie Duplessis qui inspire le personnage de Marguerite Gautier, maîtresse un temps de Liszt, morte à vingt-cinq ans de tuberculose. Le jeune et alors pauvre Alexandre, offrira plus tard à Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assuré le triomphe mondial de sa pièce qui fait sa richesse, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camélias, dont il résume l’un des aspects cachés du drame vécu :

« Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »

Noble mais fausse rupture comme il y a de fausses sorties au théâtre, puisque Armand Duval, dans le roman, s’accommodera assez aisément du vieux duc, qui loue même la maison de campagne qui abriteront ses amours non tarifées avec la courtisane amoureuse qui l’embrasse triomphalement :

« Ah, mon cher, vous n’êtes pas malheureux, c’est un millionnaire qui fait votre lit. »

Car le roman est d’une cruelle crudité financière sans fard. C’est l’entremetteuse et profiteuse Prudence, cocotte sur le retour, de ces amies « dont l’amitié va jusqu’à la servitude mais jamais jusqu’au désintéressement », qui énonce longuement au jeune amoureux idéaliste les exigences du train de vie fastueux d’une courtisane : trois ou quatre amants sont au moins nécessaires pour en entretenir une seule. Marguerite, fort cotée, en a deux officiels, le Comte G… et le vieux Duc richissime pour subvenir à ses immenses besoins : l’amant de cœur en est d’abord réduit à guetter qu’ils sortent de chez elle pour y entrer la retrouver. Ce seront d’ailleurs les seuls à son enterrement.  

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Histoire d’argent

La vénalité amoureuse, juste présente dans l’opéra par la scène de jeu du second tableau de l’acte III, est thème essentiel du roman. L’argent est le cœur de l’histoire d’amour. Le père de son amant exige le sacrifice de la courtisane car il redoute que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où on ne sait si la morale ou l’argent fait loi. On y craint surtout que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale : « Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, encore moins secret, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des lionnes, des « horizontales », des hétaïres, des courtisanes affectées (et infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime. Sans compter le menu fretin inférieur des grisettes, des lorettes, racoleuses de Notre-Dame-des-Lorettes.

En tous les cas, ni l’amie Prudence, ni même Marguerite, ne cachent au jeune amant de cœur la nécessité des amis de portefeuille : Marguerite dépense 100 000 fr (de l’époque) par an, en a 30 000 de dettes ; le duc lui en octroie annuellement 70 000 (somme qu’elle refuse honnêtement d’augmenter), et l’on peut supposer que le comte G. pourvoie au reste, mais le compte n’y est pas dans la fuite en avant des dépenses. Alors, le malheureux Armand avec ses 7 000 ou 8 000 fr de rente par an, ce qu’elle avoue dépenser par mois, peut se rhabiller, pauvre et nu…Fière de son plan campagnard, sa cure d’amour et d’air frais avec le jeune amant, Marguerite,  loin de tout saborder  et quitter de son monde et de son gagne-pain comme la Violetta de l’opéra, fait cyniquement financer la location de la maison de campagne par le duc, refusant tout de même, par élégance morale, de lui faire assumer les frais du séjour à l’auberge voisine d’Armand, qu’elle paie elle-même, pour préserver les apparences et la dignité du vieil amant payeur. Elle n’invite à demeure le jeune, un certain temps, que parmi d’autres de ses amis, causant la rupture avec le duc qui s’en scandalise en arrivant de manière inopinée au milieu d’un repas où il fait figure de barbon grincheux trouble-fête.  

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Demi-monde fastueux

Alexandre Dumas, digne fils de son géniteur, qui disait tout fier de son rejeton marchant sur ses pas qu’il « usait les vieilles chaussures et les vieilles maîtresses de son père », tous deux ayant la même « pointure », s’était fait une spécialité de scandale de la description du monde de la galanterie parisienne. C’est sans doute à sa pièce Le Demi-Monde (1855) que l’on doit le terme de demi-mondaine pour définir ces prostituées de haut vol, pratiquement toutes issues du peuple mais que leur luxe et souvent leur raffinement final feront arbitres des élégances, imposant même leur mode aux femmes du monde les plus huppées, aux aristocrates, courtisanes anoblies souvent par des mariages prestigieux.

Qu’on songe, pour ne s’en tenir qu’aux strictement contemporaines, à Lola Montès, l’Irlandaise fausse danseuse espagnole, sans doute amante, entre autres, des Dumas père et fils, parcourant toute l’Europe, multipliant scandales et mariages, bigame, séduisant Wagner, Liszt (contraint de fuir ses fureurs), des princes, devenue comtesse de Lansfeld, entraînant à Munich émeutes, révolution en 1848 et la chute de Louis 1er de Bavière, son amant protecteur, contraint d’abdiquer, avant de finir, après avoir écumé les États-Unis et même l’Australie d’une pièce à sa gloire, ruinée et confite en dévotion.

Sans allonger la liste des horizontales finissant bien debout plus titrées que maltraitées comme la pauvre Marguerite/Violetta, on croit rêver à lire la vie de la Païva, de sa lointaine et misérable Russie, épousant et divorçant d’aristocrates allemand, anglais, et gardant son nom du titre de marquise portugaise qu’elle conserve après la ruine de cet autre malheureux époux. De ses immenses et innombrables propriétés, on peut juger par le somptueux hôtel particulier du 25 Champs-Élysées, aux grilles noires et dorées, dont Dumas père disait sarcastiquement, lors de sa construction :

« C’est presque fini, il manque le trottoir ».

Demeure vite appelée par les rieurs non payeurs, jouant sur son nom :

« Qui paye y va ».

Même Napoléon III.

La chair est chère, dirait-on. Mais sûrement rentable, chacun y trouvant son compte, en banque pour la courtisane entretenue, en prestige social, précieuse monnaie d’échange pour l’homme dont le train de vie se mesure à celui qu’il offre à sa maîtresse officielle, affichant par-là, pour les affaires autres que d’amour, qu’il est solvable et fiable. D’où la surenchère avec les concurrents, et le triomphe des amours-propres et non de l’amour. Marguerite Gautier, avec une amertume lucide, l’explique à son jeune amant, fauché à cette échelle de valeurs monétaires vertigineuses :

« Nous avons des amants égoïstes qui dépensent leur fortune non pas pour nous comme ils disent, mais pour leur vanité. […] Nous ne nous appartenons plus. Nous ne sommes plus des êtres mais des choses. Nous sommes les premières dans leur amour propre, les dernières dans leur estime. »

Un amant de cœur, une fleur à la main, une larme à l’œil comme dit Marguerite, faisant secrètement antichambre tandis que le « payeur » (comme disait déjà Ninon de Lenclos) est encore dans la chambre, c’est donc comme une revanche de l’amour sur l’amour-propre épidermique.

Il faut dire aussi que la jeune Marie Duplessis, prise en mains par son premier amant aristocrate, en reçut éducation et manières (elle joue au piano l’Invitation à la valse de Weber, même si elle avoue buter sur un passage en dièse), alors que, six ans auparavant, elle ne savait pas écrire son nom comme elle le confesse sans fard à Armand. Elle est spirituelle, lit Manon Lescaut, et ne rate pas une première à l’Opéra ou au théâtre, terrain de chasse certes, où elle ne passe jamais inaperçue malgré son élégante discrétion : un noble amant se doit aussi d’être fier de la femme qu’il affiche à son bras. Elle tiendra un salon littéraire et politique. D’ailleurs, le fidèle Comte de Perregaux l’épouse à Londres, la faisant comtesse même si lassée, elle rentre à Paris, reprend son ancienne vie et meurt l’année suivante, après un an d’amour avec Alexandre Dumas fils qui l’immortalise en Marguerite Gautier.

Elle habitait Boulevard de la Madeleine, mais Dumas fils lui donne un « magnifique appartement » Rue d’Antin.

Le rideau se lève sur un vaste salon digne d’elle.

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Réalisation et interprétation

« Pour être moderne, soyons classique ! » s’exclamait Jean Cocteau au début des années 20 pour protester contre certaines dérives artistiques. Depuis un demi-siècle déjà, on redoute, au lever de rideau d’une œuvre classique, le traitement, souvent affligeant que va lui infliger un metteur en scène en mal d’originalité, qui se sentirait déshonoré de respecter l’œuvre pour ce qu’elle est. Austères en ligne, n’était-ce la sombre beauté du ronce de noyer aux délicates veinures fondues de marron, ces murs lisses tissent une élégante et sobre harmonie sur laquelle affleure l’efflorescence de robes floues des femmes, des dames, en délicates teintes pastels, parme, vaguement rose, bleu pâle, paille, délivrées du carcan des crinolines ou raides cerceaux mortificateurs qui auraient signé, avec des coiffures datées, une époque précise. Les habits des hommes sont aussi des smokings libérés d’un temps figé, celui des courtisanes célèbres ayant eu pour butoir la Grande Guerre.

La scène n’est pas encombrée de meubles : tentures dorées sur le miel ambiant, candélabres, ce canapé  bleu nuit ou noir déjà funèbre qui, à la couleur près, pourrait être Récamier, sauf que les dames, avec la nonchalance des Femmes au jardin de Monet ou autres peintres, préfèrent s’assoir souplement par terre ou des poufs, je ne sais ni vois, à l’espagnole, fleurs écloses épanouies sur les pétales étales de leur robe, qui ont toute l’élégance raffinée de costumes de Katia Duflot.

Ce beau monde semble plus le monde que le demi-monde, sans doute assez juste historiquement pour Marie Duplessis qui tenait salon mondain, littéraire et politique, les amants protecteurs pouvant aussi, recevant chez leur maîtresse, y recevoir des gens d’un autre monde qui n’auraient jamais été reçus dans le leur, pour brasser officieusement des affaires impossibles à étaler au grand jour officiel. Mais cette élégance, c’est sans doute aussi une façon pour la metteure en scène à l’origine, puis son réalisateur, Yves Coudray, sa décoratrice et sa costumière, beau trio de dames de la production initiale, de dignifier ces femmes souvent décriées et réprouvées par la morale ambiante de surface de leur société corsetée dans les préjugés. On rappellera que, par la volonté d’Audrey Hepburn de faire porter à son héroïne, une humble call girl, une robe noire de Givenchy et de magnifiques chapeaux, la modeste Holly de Diamants sur canapé, atteint à une sorte de mythe de l’élégance féminine. C’est justement au nom de ces belles manières dont devaient faire montre en public les courtisanes, pour racheter par la forme le jour l’informalité de leurs nuits, que je m’étonnais à l’époque, de la familiarité de ces bises prodiguées dans la première scène. Les baise-mains plus mondains ont remplacé, me semble-t-il, aujourd’hui, la familiarité à mon goût excessive de la production initiale.

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©Ch Dresse

On apprécie le même décor varié, contraste vif avec le salon moins poli, plus polisson que policé, presque canaille de Flora, olé-olé précisément avec ces toréros de mauvais goût, (ils ne le seront jamais au mien) ces bohémiennes surgies d’un faux arrière-théâtre ou de coulisses sombres de la vie. Le regard complice mais égrillard de Flora à son amie au premier acte en était déjà une aguicheuse annonce. Souveraine courtisane digne d’une cour royale mais ici encanaillée, la sculpturale Laurence Janot, roturière ou prolétaire du sexe même paré à la mode du jour, exhibant fièrement la marchandise, jambes sous robe fendue dans sa bacchanale affriolante, affolant ses invités et le public, est l’envers et revers de Violetta : ludique et non pudique maîtresse, dominatrice même avec son juvénile et rieur marquis, Frédéric Cornille, qui affecte d’entrer avec complaisance dans le jeu public de l’amant soumis pour on ne sait quels jeux secrets. Ce joyeux drille est aussi un contraste bien vu avec le sombre baron bourru, bourré sans doute, le protecteur de Violetta, à la morgue déplaisante du premier acte, la tenant par les épaules comme sa propriété mais avouant sèchement n’être pas venu la voir durant ses mois de maladie car il ne la connaît que depuis un an, alors qu’Alfredo, sans la connaître encore, est venu tous les jours prendre de ses nouvelles. Son attitude en retrait apparent préfigure sa meurtrière jalousie frustrée, même s’il ne me semble pas avoir vu le défi inévitable pour le duel qui l’opposera à Alfredo, dont apprend qu’il l’a blessé, contraint à l’exil. Carl Ghazarossian est le Gaston qui complète au mieux et ferme la trilogie des fêtards particularisés, s’opposant à la violence insultante d’Alfredo contre Violetta effondrée. 

Dans ces rôles secondaires, forcément nécessaires, Svetlana Lifar prête à une fidèle Annina, la chaleur et la rondeur de sa belle voix maternelle, peut-être aussi de mère-maquerelle, chambrière réglant les contrats pour les rencontres en chambre, garde-malade fidèle de la courtisane. À l’acte II, c’est une juste attitude de reproche qu’elle manifeste envers l’inconscience d’Alfredo sur son nuage, qui n’a pas l’air de voir que quelque chose cloche dans le pied sur lequel il vit. 

Cette subtile attention à tous les personnages est comme une signature de Renée Auphan qui a toujours rendu l’opéra au théâtre, à un théâtre qui n’ignore ni le cinéma ni la télévision, par un travail d’acteurs qui bannit toute outrance du jeu qui y deviendrait insupportable dans les gros plans. Heureuse idée, justement, de faire vivre une de ces silhouettes, c’est le cas du Docteur Grenvil, incarné en de trop brèves phrases par la sombre  et large voix de Yuri Kissin, mais qui existe ici, même muet, dans l’acte II puisque, belle trouvaille, visiteur dans l’heureuse campagne de Violetta et Alfredo, il en signifie certes que la cure d’air et d’amour lui réussit, qu’elle va mieux, mais que rien n’est gagné, la maladie est toujours là, devenant, sans dire mot, le confident privilégié du jeune amant enthousiaste, donnant une vérité à un air monologue en général adressé au vent.  

Dans cet acte, l’intelligente et belle structure unique du décor de Christine Marest, permet, avec les éclairages sobrement et sombrement expressifs mais différenciés de Roberto Venturi, sans hiatus, le changement, le passage du I à l’acte II campagnard : des plantes d’agrément, un canapé et un fauteuil beige clair, plus marqués néo Louis XV Second Empire ou 1900, et des vêtements intemporels d’Alfredo, sur les mêmes parois marrons allégées de lumière, des camaïeux de bis, bistre, crème, miel glacé, et sur la brise un grand voilage comme invitant au voyage.

Un univers à la paix retrouvée, animée des apparitions nécessaires du commissionnaire de la lettre fatale Norbert Dol, du Giuseppe de Jean-Vital Petit et du serviteur Thomasz Hajok, que vient troubler, avec le crépuscule puis la nuit tombante des rêves de Violetta, l’intrusion douce mais violente de Germont, père d’Alfredo.

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Comme issu d’une austère Provence huguenote, costume strict, noir, la raideur d’un col ecclésial et une croix au revers de sa veste lui donnent l’air sévère d’un pasteur qui n’est pas un bon berger, oiseau moralisateur de mauvais augure pour la jeune femme rédimée par l’amour, par la clémence de Dieu, mais condamnée par les hommes. Dans cette mise en scène sensible sans sensiblerie,  Jérôme Boutillier, dont c’est une magistrale prise de rôle, se coule, dans un personnage qui pourrait être mais n’est pas odieux maquis d’une complexe et contradictoire humanité. La voix est belle, égale, chaude, bien conduite, toute en nuances expressives, émotives. Certes, il oppose la culpabilisante image de la fille angélique à la fille perdue, mais en rien diabolique, dont il admire d’emblée les bonnes manières qui le font changer aussitôt de registre avec elle, abandonnant sa rudesse première pour un ton courtois, presque déférent quand il apprend que, loin de ruiner son fils, elle se ruine pour lui. Il exprime le regret du passé qui condamne Violetta mais ne joue pas les Pères la Vertu mais le père éperdu par le souci de ses enfants. L’inévitable chantage aux larmes émotionnel sur la fille devient compassion et partage avec la « dévoyée » (« Piangi, piangi, o misera… ») pour les Marie Madeleine repenties, d’un homme de Dieu qui parle aussi au nom de celui-ci ; il ébauche des gestes de tendresse, hésite à embrasser Violetta qui le lui demande, mais cela semble plus pudeur que froideur. À son fils, son air fameux « Di Provenza il mare, il sol… », devient une tendre berceuse murmurée au long legato caressant, au phrasé persuasif ; les légères appoggiatures à l’amorce de certains mots, sont comme les trébuchements d’une émotion ou de petits sanglots contenus qu’il nous fait partager. La voix est éclatante mais sans ostentation de triomphe viriliste dans les solaires sols aigus comme ce ciel de Provence ou plutôt un céleste acte de foi en retrouvant son fils. Il rend sensibles ses remords : belle scène, le fils terrassé de douleur, le père, impuissant face à sa douleur qu’il a causée, presque à genoux derrière lui. C’est sans doute un sommet de la mise en scène, après la cruauté de la demande du sacrifice et son attitude envers Violetta. L’évocation de la pureté de son autre enfant, sa fille, qui semblait un mièvre et miteux chantage, prend alors tout un sens : par-dessus le pater familias soucieux de respectabilité bourgeoise, il y a le père protecteur affectueux, dont la tendresse, déchirée par son rôle, est aussi sensible envers la courtisane. Avec la gifle au fils, dont je ne me souvenais pas dans la première version, il retrouve la fonction éducative et punitive du père pour un fils qui déroge à la morale mondaine du respect de la femme (hypocrite civilité d’un monde, d’un milieu vénal qui la respecte si peu !), gifle d’autant plus rageuse qu’il est le seul à savoir que la malheureuse héroïne ne mérite pas cet affront public. C’est lui-même qu’il gifle en sentant sa lourde culpabilité dans la situation, détonant donneur de leçon morale dans un lieu où il y en a si peu.

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Julien Dran, enfant grandi trop vite que même la barbe ne vieillit pas, semble garder, dans sa longue silhouette, la couleur juvénile d’un timbre et une voix flexible qui donnent à son rôle d’Alfredo une fraîcheur, une pureté même qui, comme son père finalement étranger en ces lieux, déroge par une innocence presque enfantine dans ce milieu que, jeune provincial, il fréquente sans doute pour grandir virilement, mais sans vilement y patauger. Sa presque timidité, surmontée par l’ambiance et l’alcool, le poussent à révéler son amour à une Violetta d’abord amusée, ironique, taquine et enfin touchée tant il semble venir d’un autre monde pour elle qui n’en connaît qu’un. Par sa voix, passionnée et tendre, attentive à la femme malade, son jeu délicat, sa naïveté, sa sincérité, il rend vraisemblable l’émotion de la courtisane blasée, lassée des amours tarifées factices. Ce rôle, qu’il a souvent joué, lui offre l’occasion d’un bel éventail d’émotions qu’il sert d’une voix brillante, souple, toujours au service de la musique et du texte : ciselant avec une impeccable aisance le « Brindisi » galant, sérieux face au badinage léger de la courtisane, passionné en exaltant l’amour « croix et délice du cœur », ivre de son bonheur campagnard de jeune rédempteur pour qui la courtisane a tout quitté, honteux de se découvrir vivant en gigolo entretenu, proférant sa douleur et son remords de l’insulte publique à la femme aimée qu’il berce trop tard d’une cantilène d’amour, toute la gamme d’affects semble vocalement juste.

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Silhouette menue, joli minois, Ruth Iniesta n’est pas défigurée par une énorme voix : tout semble en elle équilibre et proportion dans un rôle pourtant déséquilibré vocalement pour l’héroïne, soprano colorature à l’acte I, dramatique au II, pour finir avec le legato sur le souffle de son pratiquement dernier souffle, qui suspendra le nôtre d’émotion dans « Addio del passato ».

Brillante dans le « Brindisi » mondain, toute grâce, sourire, mutine, elle attire les compliments du jeune amoureux mais s’en tire en gracieuses répliques désinvoltes, piquantes et piquées comme d’incrédules haussements d’épaules ; seule, son récitatif méditatif, dans la tradition baroque des affects opposés comme ceux d’une Donna Elvira, caressant machinalement le velours noir du canapé d’une voix ponctuée des pointillés de soupirs interrogatifs d’un rêve inabordable d’amour, est touchant de vérité. Mais, secouant cette « folie », avec « Gioir », et ses folles vocalises du trouble bouillant, brouillon, presque hystérique de son âme, elle se lance, s’élance dans la cabalette virtuose avec une ivresse vertigineuse, suicidaire. Elle la couronnera d’un contre-mi bémol aigu non écrit par Verdi mais permis par la tradition, cri de triomphe ou d’éclatante défaite.

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Autre vocalité pour la même voix, dans sa grande scène de l’acte II avec le père, tessiture moins tendue, elle bouleverse de bout en bout : tout est exprimé dans une douloureuse douceur, piano ou pianissimo, comme si elle se parlait à elle-même, puis « Dite alla giovine », prouve qu’elle est prise à l’image de la jeune fille pure qu’elle n’aura pu être et qui l’a convaincue et vaincue de loin. Son partenaire répondant au diapason émotif et vocal, c’est bien un sommet émotionnel rare, pathétique sans pathos, que nous donnent ces deux grands artistes. Contrairement à la majorité des sopranos dont la rayonnante santé et chair, éclatantes en vivante voix, en font d’improbables malades, sa voix murmurée parfois, ses gestes frissonnants sont d’une crédible phtisique dont nous partageons l’injuste souffrance. La fin, en toute douceur soulève la salle d’une clameur comme pour secouer notre émotion.

Cette version intimiste, humaine, dégrossie, de La traviata par la mise en scène de Renée, Auphan bien servie par son habituel complice Yves Coudray, doit beaucoup aussi à l’intelligence qu’en a eu, la cheffe Clelia Cafiero, qui dirigeait l’œuvre pour la première fois, en allant s’abreuver à la source du manuscrit de Verdi aux archives de la Casa Ricordi à Milan. Ancienne pianiste de l’orchestre de La Scala de Milan, elle a débuté à la direction d’orchestre à Marseille, sa « naissance artistique », dit-elle, en 2019, en tant qu’assistante de Lawrence Foster. Elle complète ainsi une distribution de jeunes interprètes.

D’entrée, elle fait naître la nostalgique brume de l’ouverture, comme un rêve évanescent, avec une lenteur qui gommera les « zim-boum-boum » percussifs de l’accompagnement un peu forain, qui contrastera avec l’éclat brillant de la fête dont la joyeuse cohue des chœurs (Florent Mayet) est exempte de débordements autres que festifs, et réglés par la mise en scène. Il m’a semblé, entendre, de l’ombre de la fosse, des lueurs instrumentales souvent inaudibles, il est vrai selon où l’on se trouve. Mais je ne crois avoir jamais perçu, perspective sonore, dans le lointain de la salle de bal, la musique parvenant dans le salon où se retrouvent Alfredo et Violetta.

Triomphal succès encore de la programmation de Maurice Xiberras : la queue pour accéder à l’Opéra s’étirait dans la rue Beauvau sur près de trois-cents mètres. Et avec cela, malgré les contrôles, à peine trois minutes de retard : merci au chef de salle Frédéric Banégas.

Benito Pelegrín

La traviata, de Verdi

Mardi 06 février, Jeudi 08, Mardi 13, Jeudi 15.02 à 20h00 et Dimanche 11 à 14h30. 

Production Opéra de Marseille

Direction musicale : Clelia CAFIERO
Assistant à la direction musicale : Federico TIBONE

Mise en scène : Renée AUPHAN
Réalisation de la mise en scène :  Yves COUDRAY

Décors :  Christine MAREST
Costumes : Katia DUFLOT
Lumières : Roberto VENTURI

Régisseur de production : Jean-Louis MEUNIER. Régisseur de scène : Jacques LE ROY

Surtitrage : Richard NEEL. Régie de surtitrage : Qiang LI

Distribution

Violetta : Ruth INIESTA

 Flora : Laurence JANOT

Annina : Svetlana LIFAR

Alfredo : Julien DRAN
Germont : Jérôme BOUTILLIER

Gastone : Carl GHAZAROSSIAN
Le Marquis : Frédéric CORNILLE
Le Baron Douphol : Jean-Marie DELPAS

Le Docteur :  Yuri KISSIN
Le commissionnaire : Norbert DOL

 Giuseppe : Jean-Vital PETIT
Le serviteur : Thomasz HAJOK

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille,  Chef de chœur Florent MAYET
Pianiste / cheffe de chant Fabienne DI LANDRO

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

Photos : Christian Dresse

1) Ruth Iniesta, Violetta ; 

2) Salut final ;

3) Alfredo, Violetta;

4) Le salon de Flora ;

5) Violetta et Germont, le père d’Alfredo ;

6) Alfredo, désespéré, le père, accablé ;

7) Annina (Svetlana Lifar) et Violetta ;

8) Violetta mourant dans les bras d’Alfredo.

Prodigieuse Traviata à l’Opéra de Marseille

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Le splendide Opéra de Marseille propose jusqu’au 15 février La Traviata, chef d’œuvre de Giuseppe Verdi avec Clelia Cafiero à la direction musicale et Renée Auphan à la mise en scène réalisée par Yves Coudray.

Il est de mise de ne pas user d’adjectifs dithyrambiques dans la critique d’un spectacle. Que nenni avec cette Traviata ! Plus de deux heures d’un bonheur absolu… ici, tout prête à la démesure !

Clelia Cafiero, cheffe d’orchestre, tout en maitrise et passion

-Qu’il s’agisse de la direction musicale menée de main de maitre, avec un orchestre à l’écoute des chanteurs, tout en nuances et force. La Maestra cheffe d’orchestre, Clelia Cafiero, dirige avec passion et retenue. La musique envahit l’espace et les âmes, sublime les voix, anticipe le drame, jaillit, accompagne, caresse…

-Qu’il s’agisse de la mise en scène, exigeante, soignée, parfaite.

-Qu’il s’agisse des costumes, magnifiques, de Katia Duflot, illuminant les très beaux décors de Christine Marest.

– Qu’il s’agisse des chœurs de l’Opéra de Marseille dont Florent Mayet est le chef, exceptionnels comme à leur habitude.

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Traviata 2024 © Ch Dresse

Marie Duplessis, la Marguerite Gauthier de Dumas et la Violette immortelle d’un génie nommé Verdi

– Qu’il s’agisse du livret de Francesco Maria Piave et de l’histoire, une intrigue simple et efficace. Trois personnages centraux  dont une merveilleuse héroïne, une courtisane. C’est elle qui donne le titre à l’ouvrage, la Traviata signifie la dévoyée. Une courtisane qui se prend à rêver à une autre vie, à un amour véritable, mais qui est rapidement rappelée par sa condition et sa situation. Si la maladie ronge son corps, son esprit, ses espoirs, ses désirs sont depuis longtemps enterrés. Violetta meurt dans les bras des hommes qui ont contribué à son désespoir. En écrivant la Dame aux camélias, Alexandre Dumas faisait de Marguerite Gauthier –dans la vie Marie-Alphonsine Plessis appelée plus tard Marie Duplessis– la Violetta immortelle d’un génie nommé Verdi.   

-Qu’il s’agisse de Violetta.

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Ruth Iniesta et Julien Dran ©Ch Dresse

Impériale, sublime en Violetta, Ruth Iniesta au sommet de son art

Si le succès de cette Traviata ne lui est pas dû en exclusivité, la Violetta de Ruth Iniesta, le lyrisme absolu de la Diva, déchaine l’hystérie du public à la fin de la représentation dans un crépitement d’applaudissements et une immense clameur. Bouleversante de beauté, d’élégance, de grâce, de pureté, la voix ciselée de la soprano, ajouté à un jeu particulièrement expressif sans forcer le trait, est un enchantement. Dans le premier acte, Ruth Iniesta donne à entendre un soprano d’agilité, lyrique dans le deuxième, avec des inflexions tragiques et puissantes notamment dans le poignant « Amami, Alfredo » et, enfin, un soprano dramatique tout en nuances, au dernier acte. Ruth Iniesta est au sommet de son art ; elle triomphe en Violetta et le public marseillais l’a adoubée.

Si, au départ, l’Alfredo de Julien Dran est un peu en retrait, il acquiert force et conviction et monte en puissance, emportant largement l’assentiment d’un public ravi.

Jérôme Boutillier est un excellent Germont (le père). Frédéric Cornille (le marquis), Svetlana Lifar (Amina), Carl Ghazarossian (Gastone) et Jean-Marie Delpas (le baron Douphol) tiennent leurs rôles avec rigueur et adresse. Accent particulier sur Flora, Laurence Janot, dont le rôle met l’accent sur ses qualités de chanteuse mais également de danseuse, ce qu’elle exécute avec brio.

Au final, une représentation à dévoyer tout un public, dont beaucoup de jeunes, qui debout, de l’orchestre au ‘poulailler’,  après tant d’émotions retenues, a clamé, hurlé, son enthousiasme. Que vivent la musique et la culture !

Danielle Dufour-Verna

Crédit photos: Christian DRESSE

Opéra de Marseille 
2 rue Molière 13001 Marseille
 
Dimanche 11.02.2024 – 14h30
Mardi 13.02.2024 – 20h00
Jeudi 15.02.2024 – 20h00
 
Informations billetterie
billetterieopera@marseille.fr [26]
Téléphone : 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43
 
Tarifs: de 10 à 81€
 
La Traviata / Verdi

OPÉRA EN 3 ACTES

Livret de Francesco Maria PIAVE

Création à Venise, le 6 mars 1853, au Teatro La Fenice
Dernière représentation à Marseille, le 2 janvier 2019

PRODUCTION Opéra de Marseille
Direction musicale Clelia CAFIERO
Mise en scène Renée AUPHAN réalisée par Yves COUDRAY
Décors Christine MAREST
Costumes Katia DUFLOT
Lumières Roberto VENTURI

Violetta Ruth INIESTA
Flora Laurence JANOT
Annina Svletana LIFAR

Alfredo Julien DRAN
Germont Jérôme BOUTILLIER
Gastone Carl GHAZAROSSIAN
Le Marquis Frédéric CORNILLE
Le Baron Douphol Jean-Marie DELPAS
Le Docteur Yuri KISSIN

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

De L’Allemagne d’après le roman éponyme de Germaine de Staël

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S’adressant à un public peut être averti, le spectacle n’avait pas de notice fournie sur cette grande dame des Lumières. Je l’ai toujours admirée et j’en offre ces lignes, tirées d’une causerie, à l’usage des lecteurs.

 GERMAINE DE STAËL (1766-1817)

Elle naît à Paris, mais de parents suisses, protestants. Elle est la richissime, fille du ministre des Finances de Louis XVI, Jacques Necker, qui se paie le luxe de payer le budget de la France ruinée, de prêter au Royaume une somme colossale que Germaine mettra presque toute une vie à récupérer. Elle est élevée dans un milieu de gens de lettres.

En 1786, à vingt ans, elle épouse —on lui achète un mari et un titre—le baron Staël, ambassadeur du roi de Suède auprès de la cour de France. Sans enthousiaste, avec esprit mais cruellement, elle dit :

 « De tous les hommes que je n’aime pas, mon mari est celui que j’aime le mieux. »

 Mariage de raison à la mode dans leur grand monde : les époux s’aiment sans doute un peu et se trompent beaucoup. Le baron a des aventures, Germaine, des passions tapageuses, dans les dangereuses liaisons libres d’une époque risquée traversée, après la chute de l’ancien Régime, de la Révolution et sa Terreur, du Directoire et du Consulat et d’un Empire autocratique qu’elle annonce et dénonce. Sa vie sentimentale agitée, orageuse avec Benjamin Constant, de Lausanne —auquel elle inspirera le personnage suicidaire à répétition d’Ellénore du roman Adolphe— la fixe dans ce couple tourmenté de Suisses, intransigeants donneurs de leçon républicaine à la neuve République française, la rendant indésirable, plusieurs fois forcée à l’exil à travers l’Europe, suivie de Benjamin qui, plus habile, s’arrangera avec tous les régimes, arrangeur même de la Constitution napoléonienne qui la révulse.

Elle divorce en 1800, épousera un homme plus jeune.

Femme généreuse, elle se mêle de tout. Favorable à la Révolution et aux idéaux de 1789, critique dès 1791, opposante à tous les extrémistes, elle est gênante à tous, un temps protégée par le statut diplomatique de son mari, elle doit se réfugier auprès de son père en Suisse à plusieurs reprises.

Fascinée par le jeune Général Bonaparte vainqueur des Autrichiens en Italie qui rentre en restaurant les finances d’une république appauvrie, elle le harcèle de questions, rapporte Talleyrand :

« Général, quelle est pour vous la première des femmes ? », demande-t-elle se posant sans doute imprudemment en première.

— Celle qui fait le plus d’enfants, Madame », lui aurait répondu sèchement le misogyne Corse, tout dévotion pour sa Laetizia de maman.

 Peut-être début ou symptôme d’une guerre répulsion/fascination entre eux. Mais, plus politiquement, elle le voyait en libéral, mais lucide, avec le coup d’état du 18 Brumaire (9 novembre 1799), approuvé par l’opportuniste Benjamin Constant, elle voit qu’il signe la fin de la Révolution et que le Consulat, le faisant Premier Consul, en fait un dictateur à vie. La suite lui donne vite raison : le régime consulaire se transforme en empire héréditaire. Bonaparte est sacré empereur le 2 décembre 1804 et le régime se construit sur le modèle d’une monarchie que la Révolution avait abolie.

De son célèbre et bruyant salon de la rue du Bac où elle reçoit tout le gratin culturel et politique, républicains et émigrés, du haut de sa notoriété, voix hautement connue internationalement, au nom de la liberté, elle se répand contre lui. Napoléon dira avec humour mais non sans raison,

 « Mes plus grands ennemis en Europe ? L’Angleterre, la Russie et Madame de Staël. »

Revenue d’un de ses exils en mai 1795 avec Benjamin Constant, elle en est de nouveau exilée en octobre par le redoutable Comité de Salut public, au couperet toujours facile malgré la fin de la Terreur. Germaine acquise fidèlement aux idéaux de 89, sait la monarchie impossible désormais, rêve d’une république fondée « sur la justice et l’humanité » ; par sa voix, sa plume, sous son nom ou des pseudonymes transparents, elle s’élève contre tout despotisme, élevant contre elle monarchistes revanchards, révolutionnaires ultras.

Bannie de Paris (condamnée à en rester « à quarante lieues », 160 km), puis interdite de séjour sur le sol français, exilée en 1803 par Bonaparte, en résidence forcée et surveillée dans sa propriété de Coppet près de Genève ; elle y réunit toute l’Europe pensante, ce que Stendhal a appelé « les états généraux de l’opinion européenne ». Elle réussit à fuir, voulant rejoindre l’Angleterre. À cause du blocus continental qui ferme les ports, c’est une épopée terrestre.

Il y aurait de quoi sourire, si elle n’avait eu à tant endurer, à voir l’homme le plus puissant d’Europe, chasser bassement une femme et la poursuivre sur tout le continent alors qu’elle évite l’expansion de ses armées conquérantes jusqu’à la Russie juste avant l’arrivée des Français dans un Moscou en flammes, fuyant avec, sinon armes, bagages, enfants, et Benjamin Constant à ses côtés, à ses crochets (dont elle a eu une fille) pour trouver, passant par la Suède ex-matrimoniale, où va sagement régner Bernadotte, ancien Maréchal d’Empire qui se retournera contre l’Empereur, un asile en Angleterre. Elle y écrira De l’Allemagne en 1810, remettant juste un pied prudent en France pour en suivre de loin l’impression, dix-milles exemplaires, immédiatement saisis et pilonnés.

Talleyrand, « Le diable boiteux », l’Évêque d’Autun qui servira et trahira tous les régimes, qui l’a exploitée sentimentalement, financièrement et politiquement, qu’elle a sauvé peut-être de l’échafaud en le faisant rayer de la liste des émigrés à son retour en France, pour lequel elle avait arraché de vive force le ministère des affaires étrangères à Barras, alors Premier Consul, allant même lui faire l’article de ses vices utiles (« Il a tous les vices de l’Ancien Régime et ceux du nouveau : il est fait pour vous ! »), l’ingrat Talleyrand qui ne lui rendra jamais la protection qu’elle lui avait toujours prodiguée, dira d’elle avec un humour cruel :

« Cette femme avait toutes les vertus et un seul défaut : elle était insupportable. »

 Sans doute à vouloir se mêler, avec une clairvoyance et une compétence que n’avaient sûrement pas nombre d’hommes qui, en politique même révolutionnaire, avaient prudemment exclu les femmes, ne leur accordant même pas le droit de vote. Pourtant, dans ce livre où elle soulignera n’avoir rien mis de ses idées qui pourraient fâcher encore le pouvoir, elle a cette étrange affirmation qui sonne comme un aveu désabusé, comme si elle insinuait qu’elle voulait rester enfin modestement à sa place, à l’ombre, sans conflit avec les hommes :

 « On a raison d’exclure les femmes des affaires politiques et civiles ; rien n’est plus opposé à leur vocation naturelle que tout ce qui leur donnerait des rapports de rivalité avec les hommes, et la gloire elle-même ne saurait être pour une femme qu’un deuil éclatant du bonheur. »

Et discutant du mariage, elle ne discute pas la primauté biblique de l’homme sauf pour le rappeler à ses devoirs, primordiaux en conséquence :

« Dieu a créé l’homme le premier comme la plus noble des créatures, et la plus noble est celle qui a le plus de devoirs. »

FÉMINISTE ?

Recevant Lucile Pessey à la radio pour présenter ce spectacle, production de son association Intim’Opéra, qui a pour vocation de valoriser le matrimoine culturel si longtemps oublié ou négligé, je m’étonnais : pour un spectacle sur la combattive Madame de Staël, matière idéale, pionnière et aujourd’hui icône rêvée du féminisme par sa vie et son œuvre qui exalte des femmes victimes des contraintes sociales, aristocratiques chez Delphine (1802) ou maritales et artistiques dans Corinne ou l’Italie (1807 et 1808), image de la femme libre et poétesse, cette production nous la représente par le biais non de ses fictions socialement significatives sur le statut de la femme, mais de son fameux essai, De l’Allemagne (1810-1813).

 La justification est que ce spectacle est bâti sur idée de Maria Kohler, comédienne de la riche colonie allemande de Marseille, pour fêter de la sorte la Journée franco-allemande —j’imagine la non citée commémoration du Traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, signé par le Chancelier Adenauer et De Gaulle, qui scellait la réconciliation de l’Allemagne et de la France.

 De l’Allemagne

France/ Espagne

La France, ignorante de la littérature espagnole, autant que de l’allemande comme le déplorait Madame de Staël, n’a pas vu que cette approche comparatiste avait un célèbre précédent hispanique, connu de toute l’Europe depuis deux siècles, La oposición y conjunción de los dos grandes luminares de la tierra o de la antipatía natural de franceses y españoles (‘L’opposition et conjonction des deux grands luminaires de la terre ou de l’antipathie naturelle des Français et des Espagnols’), un essai du Doctor García paru à Paris en 1615 à l’occasion du double mariage d’Isabelle de Bourbon et de Philippe IV et, d’autre part, d’Anne d’Autriche et de Louis XIII, dans un esprit de concorde entre les deux nations en guerre depuis un siècle. L’édition, bilingue, connaît un succès foudroyant, plus de quarante-sept éditions au XVIIe siècle et encore au XVIIIe et des traductions dans toute l’Europe, italienne, anglaise, allemande, française en plus de la bilingue originale. García fait une étude physico-psychologique comparée des deux nations, des modes et vêtements, des habitudes, des mœurs, oppose la gravité de l’Espagnol à la légèreté et la volubilité du Français, constate le bruyant désordre des coqs gaulois dans la rue face au silence digne des Espagnols. Des clichés auxquels n’échappe pas le texte de Staël.

Naturellement, la comparaison cas par cas entraîne des paires de phrases brèves et des figures de symétries, antithétiques, enchaînant forcément stéréotypes nationaux, non sans humour, dans la simplification inévitable des poncifs. Mais le désir des deux auteurs est la concorde des deux nations par la connaissance de l’Autre et l’équivalence des qualités et défauts réciproques.

À García, il sera reproché une sympathie pour la France comme on fera, d’une sympathique germanophilie de Stahl, une antipathie française, fallacieux argument pour censurer et interdire le livre, alors que la bouillonnante, généreuse et curieuse Germaine, même si l’Allemagne n’est pas encore une entité politique, en visionnaire lucide, la perçoit dans une unité raciale et culturelle qu’elle s’emploie à faire connaître. Au sentiment de supériorité du Français, à une arrogante France impériale autocentrée, bien qu’impérieusement excentrée dans toute l’Europe, elle offrait le miroir, forcément réflexif, d’un autre pays, d’une autre culture, d’autres valeurs, qui, par la comparaison et non la confrontation, ne pouvaient que l’enrichir. Elle souligne avec finesse et humour le scientisme français, son culte des mathématiques, sa religion de la Raison, et l’oppose au goût allemand de l’Imagination, aux élans de l’enthousiasme, résumant les deux pôles opposés de l’esprit de « merveilleux » qui a le pas sur l’esprit de géométrie :

 « L’univers ressemble plus à un poème qu’à une machine », répète-t-elle.

 C’est avec justice qu’on fait de son essai une introduction, en France, du romantisme, déjà sensible chez son compatriote adoré, Jean-Jacques Rousseau, comme si la Suisse était un trait d’union avec les élans passionnels du Sturm und Drang germanique, ‘Tempête et Passion’, mouvement artistique et politique national révolté, au nom de l’intériorité, contre la superficialité abstraite des Lumières à la française : le Français parle, l’Allemand pense, résumera en quelque sorte Germaine.

« Un Français sait encore parler, lors même qu’il n’a point d’idées ; un Allemand en a toujours dans sa tête un peu plus qu’il n’en saurait exprimer. On peut s’amuser avec un Français, quand même il manque d’esprit. Il vous raconte tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a vu, le bien qu’il pense de lui, les éloges qu’il a reçus, les grands seigneurs qu’il connaît, les succès qu’il espère. Un Allemand, s’il ne pense pas, ne peut rien dire, et s’embarrasse dans des formes qu’il voudrait rendre polies, et qui mettent mal à l’aise les autres et lui. »

Évidemment, décréter l’Allemagne « la patrie de la pensée » ne pouvait être bien perçu dans une France se targuant d’être le pays de la Raison. Mais à cette raison qu’elle semble concéder à la France, trait déjà romantique, elle oppose le Sentiment.

Mais, surtout, cette farouche fille de la liberté qu’elle défend contre les oppresseurs, dénonçant inlassablement la trahison des idéaux de la Révolution par Bonaparte, à côté d’inévitables clichés, laisse percer son indépendance d’esprit et tombe juste quand, elle la retrouve et salue dans ce pays l’individualisme du jugement libéré des contraintes, si françaises des règles, c’est-à-dire des académies :

 « En Allemagne, il n’y a de goût fixe sur rien, tout est indépendant, tout est individuel. L’on juge d’un ouvrage par l’impression qu’on en reçoit, et jamais par des règles, puisqu’il n’y en a point de généralement admises. »

 Certes, l’on voit que, en dehors de quelques délicieux croquis paysagers ou urbains, quelque anecdote pittoresque sur les coutumes brassées, brossées avec la plaisante légèreté salonnarde française, l’Allemagne de la Baronne de Staël est celle de son monde, de son milieu : de son salon. Mais quel salon ! Même si elle n’a pu les connaître directement, puisqu’ils étaient morts autour de 1803/1804 elle parle du poète de la nature Klopstock, du dramaturge Lessing, du criticisme idéaliste de Kant mais aussi de Herder maître de Schiller et Goethe, qu’elle fréquente en personne dans le salon du duc de Weimar, de Schlegel. Comme dans son salon parisien, dans son château suisse de Coppet où elle réunit les beaux esprits européens, comme l’abeille va au miel, elle butine passionnément la culture, la philosophie, œuvre même pour l’abolition de l’esclavage.

Le poète Heinrich Heine (1797-1856), admirateur de Germaine, mitigera cependant son enthousiasme dans un ouvrage parallèle, De l’Allemagne (1835), axé surtout sur l’histoire de la religion et de la philosophie mais il pressent subtilement les dangers des nationalismes naissants. Les longues notes qu’il accumule pour un autre essai, De la France (1833/1857) laissent voir l’empreinte en lui de Madame de Staël.

Aujourd’hui, avec d’autres moyens, on l’aurait qualifiée d’influenceuse. Mais on portera à son crédit la noblesse des causes qu’elle défend, la liberté et l’humanisme au-dessus de tout. En 1793, elle se fend même d’un texte adressé aux femmes, prudemment anonyme, pour tenter d’arracher Marie-Antoinette à la guillotine. La caisse de résonance de son salon parisien d’opposition libérale, agacera tellement Bonaparte en marche vers le pouvoir absolu, crispera tellement Napoléon devenu empereur, qu’il cherchera le mettre sous cloche, à la bâillonner, faire taire cette intransigeante opposante. En vain. Quelqu’un dira :

 « Le salon de Madame de Staël est partout où elle se trouve. »

 Et dans ce spectacle, certes un trio de dames, mais devant une salle pleine et vibrante qui leur fera un triomphe mérité —à quelques réserves près.

LE SPECTACLE : LECTURE ET MUSIQUE

         Un piano à jardin, à cour, une table basse, un fauteuil, deux guéridons à candélabres, un canapé de style ni Empire, ni Directoire, ni Louis XVI mais aux lignes voluptueuses galbées du rococo appelant la caresse qui justifieraient le mot de Talleyrand disant que, qui n’avait connu l’Ancien Régime, n’avait pas connue ce qu’était la douceur de vivre —pour certains, c’est sûr. Robe orange pour Corinne (nom du roman), bleu sombre pour Mirza la pianiste, et légère tunique beige, vaguement à l’antique Directoire pour Ellé(o)nore (Ellénore, nom de l’héroïne névrotique de l’Adolphe de Constant), qui vient avec la lettre reçue de son amie Germaine à Londres avec un exemplaire de son livre, De l’Allemagne dont la lecture qu’elle va en faire longuement est le cœur, lourd, du spectacle, plus oral que musical.

         En effet, cette longue lecture à une voix a la limite, au sens dramatique sinon artistique, d’exclure du jeu pratiquement les deux autres partenaires, puisque Marion Liotard, virevoltante et vibrante au piano, en soliste impatiente commentant ou ponctuant avec enjouement des effets du texte, et Lucile Pessey au chant, dans le peu qui leur est imparti, emplissent et occupent généreusement l’espace laissé plutôt vide par la voix au joli timbre et doux accent mais trop faible de la lectrice Maria Kohler difficilement audible, qui me contraint de revenir au texte même pour combler les lacunes de l’audition.

Faute d’une dramatisation des personnages, d’une théâtralisation du texte et musiques, d’élargir à d’autres textes de Staël, qui eût demandé d’autres moyens, le metteur en scène Yves Coudray meuble habilement l’espace des comparses auditrices par des déplacements, un peu forcés, requis par la tasse de thé, les biscuits offerts, la consultation de la partition, du texte : malgré tout, elles sont réduites à quelques mimiques, des exclamations de surprise, d’indignation ou à des gestes féminins de joyeuse ou tendre complicité ou consolation, se tenant par les main, ou parfois se partageant une page du livre ou entonnant en trio  « l’Hymne à la joie » de Schiller, coda de la IXe Symphonie de Beethoven. Cela en fait des silhouettes mais non des personnages.

         Pourtant, l’entrée d’Ellé(o)nore, lettre et livre en main de Germaine était une vraie entrée dramatique, avec l’anecdote, terrible pour la démocrate, du décret liberticide « sur la liberté de la presse » […] « qu’aucun ouvrage ne pourrait être imprimé sans avoir été examiné par des censeurs ».

         Il y a l’aveu poignant de l’exilée se risquant malgré tout à poser un pied en France :

         « Je vins à quarante lieux de Paris pour suivre l’impression de cet ouvrage, et c’est là que pour la dernière fois j’ai respiré l’air de France. »

         Puis l’annonce de la destruction officielle des dix-milles exemplaires, un vrai autodafé contre la pensée, l’obligation policière d’en remettre le manuscrit. Enfin, sommet de cruauté, de cynisme, il y a le courrier du ministre de la Police Savary commandité par Napoléon, justifiant censure et exil au nom d’un nationalisme étriqué :

« Votre dernier ouvrage n’est point français. Il m’a paru que l’air de ce pays-ci ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez. »

 Il se paie l’hypocrite politesse de lui désigner les ports par lesquels il lui est permis de quitter la France dans les vingt-quatre heures, dont on lui laisse ironiquement le libre choix —mais, avec obligation de les signaler avant son départ, tant on la surveille de près : bref, tant on la redoute.

C’était l’entrée, à coup sûr dramatique en scène, du drame tout de même réel vécu par cette indomptable femme. Peut-être eût-il mieux convenu pour une fin, après une connaissance du livre, faisant ressortir l’injuste tyrannie qui le et la condamnait. Mais la lecture consécutive du livre, anecdotique, en neutralise, en dilue aussitôt l’impact émotionnel personnel par le propos général et il n’y aura rien de particulier par la suite de ce niveau de tension réellement théâtrale. D’autre part, cette récitation univoque, à sensation monocorde par évaporation vocale, accuse, du moins quand on arrive à capter les paroles, le didactisme, parfois moralisateur du texte, écueil qu’épargne une lecture solitaire à rythme personnel.

         Alors, on attend la musique. Aucune n’est contemporaine, même si on veut peut-être considérer le lointain Bach intégré, et Mozart encore proche, ce dernier illustrant la juste observation de Germaine de son art d’allier texte et musique, avec évocation du Don Giovanni dont Lucile Pessey, dont la belle voix fruitée a muri, s’est élargie, colorée dans le grave sans perdre de sa légèreté, se paie le luxe de parodier l’air caverneux de l’entrée du Commandeur au dernier acte. L’hommage à Haydn dont Germaine entendit la Création à Vienne méritait peut-être quelque intervention de Liotard au piano. On aurait rêvé de quelque pièce de la marquise Hélène de Montgeroult, stricte contemporaine de Germaine de Staël, ayant traversé les mêmes affres révolutionnaires. Mais comment résister à An die Musik, cet hymne délicat à la musique salvatrice de Schubert ?

Les morceaux, sauf exception, ne semblent guère illustrer strictement le texte, une situation autre qu’affective des interprètes, comme la rageuse douleur de Corinne, déchirante dans un air de Mozart exaltant la fidélité à la mention du libertin Benjamin Constant qui fut le tourment amoureux de Germain/Ellénore. Sans être contemporain, car postérieur à la mort de Madame de Staël, l’Ode, ou « l’Hymne à la joie » de Schiller, coda chorale de la IXe Symphonie de Beethoven est pleinement justifié par l’admiration que Germaine voue au poète connu. C’est devenu à juste titre notre hymne européen puisque l’on y chante les valeurs supranationales, morales, des peuples harmonieusement unis que prône effectivement et affectivement Madame de Staël : « Alle Menschen werden Brüder », ‘Toues les hommes deviennent frères’.

C’est un sommet grandiosement naïf et sentimental de l’idéologie des Lumières.

UNE CERTAINE IDÉE DE L’EUROPE

Belle idéal plutôt, que caresse le rêve de la généreuse baronne, et son credo en faveur du mélange fraternel des peuples, des savoirs, bref, contraire à l’exclusion qui menace ou agit actuellement. On pourrait opposer à certains, aujourd’hui même, rêvant de frontières mentales et culturelles, au risque de l’asphyxie du confinement intellectuel, cette superbe sentence de Madame de Staël, et ses déclinaisons qui semblent s’adresser à tels de nos contemporains qui redoutent frileusement les dangers des courants d’air extérieures, rêvant de barrières, de frontières sanitaires, raciales, intellectuelles :

« nous n’en sommes pas, j’imagine, à vouloir élever autour de la France […] la grande muraille de la Chine, pour empêcher les idées du dehors d’y pénétrer.[…]

On se trouvera donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères. […] Les nations doivent se servir de guide les unes aux autres, et toutes auraient tort de se priver des lumières qu’elles peuvent mutuellement se prêter. »

Comment ne pas partager aussi son plaidoyer pour le mélange et l’enrichissement des cultures et langues par le brassage harmonieux. Elle est Suisse de France, donc maîtrisant français, sûrement italien et l’alémanique, l’anglais étudié, polyglotte en somme. Ouverte à l’Autre. Passant par la Russie elle voulait écrire un autre essai, De la Russie.

Stendhal touche juste en voyant dans ses rencontres de Coppet « les états généraux de l’opinion européenne ». Elle l’exprime explicitement :

« Il reste encore une chose vraiment belle et morale, c’est l’association de tous les hommes qui pensent d’un bout de l’Europe à l’autre. »

Certes, issue d’un milieu favorisé, privilégié. Mais n’y a-t-il pas encore plus grand mérite de dépasser ses égoïsmes de classe pour s’ouvrir généreusement à l’Autre, du dehors, pour l’accueillir comme une richesse ? Elle a cette belle formule à son image :

« L’hospitalité fait la fortune de celui qui reçoit. »

Aux frémissements de la salle, on sent que ce message, d’une actualité politique et humaine si contemporaine, passe très bien, peut-être un peu trop surjoué par un jeu d’optimisme solidaire souriant des trois dames sollicitant notre sympathie. On regrette d’autant plus, en tant que dramaturge, que l’on n’ait pas placé en cette fin l’épisode initial de la brutale destruction de ce livre généreux par un pouvoir despotique qui menace toujours nos valeurs humanistes, nos libertés de dire, d’écrire, de penser.

FRANCE/ALLEMAGNE

À l’évidence, avec le recul du temps, on ne peut embrasser cet ouvrage, mû par un désir de rapprochement de deux nations, qu’avec le sentiment qu’elles furent toujours des ennemies traditionnelles. Il n’en était rien à l’époque de Madame de Staël : après deux siècles de rivalité avec l’Espagne, c’est la Grande-Bretagne qui était devenue l’ennemie traditionnelle de la France. Cet antagonisme ne cédera qu’en 1904 avec la signature à Londres de l’Entente cordiale avec la République Française. Après la cuisante défaite française de 1870, la proclamation à Versailles du Reich allemand, l’annexion de l’Alsace et la Lorraine, puis les deux Guerres mondiale, c’est l’Allemagne qui occupera ce rôle, et il faudra attendre l‘embrassade historique entre le Chancelier Adenauer et De Gaulle qui scelle en 1963, « l’accord durable », la réconciliation, des deux peuples ennemis depuis près de cent ans.

         Et l’on rendra encore cet hommage à Madame de Staël, Européenne visionnaire, qui autant encore que l’Italie, unifiée aussi en 1871, voit de façon globale ces deux peuples, mais comme facteurs culturels d’une même Europe. Dont elle est un juste emblème.

        Après cette réussite féministe et musicale, on espère avec impatience et sympathie un autre spectacle d’Intim’Opéra de Lucile Pessey qui a la générosité de ne pas tirer à soi la couverture artistique et amicale. Benito Pelegrín

Lucile Pessey, soprano

Marion Liotard, pianiste

Maria Kohler, comédienne

Mise en scène : Yves Coudray.

Costumes : Mireille Doering-Born

Teaser spectacle Paris (autorisation Intim’Opéra)

Présenté au  Cabaret-Théâtre L’étoile bleue, 107, bis Boulevard Jeanne d’Arc, Marseille, Samedi 20 janvier 2024

Marion Rampal de retour aux sources

Publié Par Rmt News Int Sur Dans Article/Critique,CD/DVD,Coup de Coeur,Entretien/Portrait,Flash Information(s),France,Marseille,Musique,News,Save the Date | Commentaires désactivés
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Marion Rampal posera à nouveau ses bagages à Marseille les 31 janvier et 1er février prochains. Native de la cité phocéenne, c’est dans la belle salle du Théâtre de l’Œuvre qu’elle viendra présenter son nouvel album « Oizel » au public marseillais. Pour cette avant-première très attendue, l’artiste sera accompagnée de son quartet habituel. C’est avec ces complices musiciens qu’elle avait sillonné les scènes françaises lors de la tournée du précédent opus « Tissé » qui s’achevait par un blues féministe.

Avec « Oizel », Marion Rampal poursuit son exploration introspective empreinte de délicatesse. Porté par le thème des oiseaux, symbole de liberté, cet album se pare des couleurs de la mémoire et des souvenirs d’enfance de son auteure. Les mélomanes marseillais auront la chance de découvrir en avant-première les nouvelles pépites de l’artiste dans l’intimité du Théâtre de l’Œuvre. L’occasion pour elle de retrouver le public qui l’a vue éclore, avec toute la sensibilité qui la caractérise. Deux dates sont prévues les 31 janvier et 1er février à 21h. Un retour aux sources prometteur pour célébrer la poésie vibrionnante de Marion Rampal.

 « Le Théâtre de l’Œuvre est une belle salle, très intimiste, qui correspond au style musical de l’album. Je trouvais que c’était une belle idée de faire deux soirs de suite pour commencer cette tournée, je me sens un peu comme de retour au Bercail. J’’ai hâte, en tout cas, même si c’est toujours un peu le trac de retrouver un public qu’on connaît ou qui nous connaît très bien » confie-t-elle non sans une certaine émotion dans la voix. La jeune maman d’une fillette de 8 ans, vit actuellement à Paris mais ses racines sont marseillaises : « On me voit toujours comme marseillaise. Mais c’est vrai que comme j’ai passé 30 ans à Marseille, pour l’instant, je suis plus marseillaise que parisienne » s’amuse-t-elle.

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Marion Rampal explore la langue et les horizons avec « Oizel »

Remarquée auprès d’Archie Shepp & Jason Moran, Raphaël Imbert, Anne Paceo, Sandra N’Kake & Ji Drû, ou encore le Quatuor Manfred, invitée en tant que leader au festival de Jazz des 5 continents en 2021 – on l’y retrouvera peut être cet été ?-, auréolée d’une victoire du jazz en tant qu’artiste vocale en 2022 pour son précédent album, Marion Rampal, la quarantaine épanouie et réfléchie, ne se laisse pas enivrer par le succès et se projette d’ors et déjà dans l’avenir.

Dotée d’une personnalité douce et agréable, d’un abord charmant, elle nous a accordé en toute simplicité un temps d’interview pour discuter de son nouvel album. Entre souvenirs d’enfance et innovation sur la langue, l’artiste se livre sur sa démarche créative empreinte de poésie. Elle déploie une écriture travaillant les images comme autant de tableaux. Dans un style délicat évoquant rêve de liberté et folie douce, elle explore de nouveaux horizons. « Oizel » marque une étape aboutie dans l’univers de Marion Rampal.

Interview

Diane Vandermolina : Votre dernier album s’intitule Oizel, le féminin d’oiseau- ou « oizeau » comme le titre d’un de vos morceaux. L’oiseau en est la figure centrale, le fil d’Ariane, et vous en tissez la métaphore d’un bout à l’autre de l’album.

Marion Rampal : « Oui, le thème central, c’est l’oiseau. Il y a une forte symbolique par rapport à la notion de liberté qu’on peut avoir quand on pense à l’oiseau. En fait, le dernier album finissait sur cette chanson « I’m still a bird », c’était une sorte d’annonce de la suite. Et j’avais une grande envie de liberté, de me défaire des formats, des étiquettes. Je l’ai toujours eu parce que je cherche depuis des années une musique qui soit mienne et une langue aussi qui soit mienne. Donc assez vite, je me suis dit « Tiens, la figure de l’oiseau, c’est quand même quelque chose de très intéressant ». Et je me suis rendu compte qu’elle était déjà dans plein de chansons de Tissé. Il y avait déjà des phrases qui évoquaient ça. J’avais envie d’être un petit peu dans cette posture d’une poétesse sur un banc qui observe le monde autour. Et dans le monde autour, même quand on est en ville, il y a plein d’oiseaux. Autour de chez moi, je salue toujours un couple de merles qui vit en bas de chez moi. Il y a des perruches, il y a des mouettes qui passent, il y a des corneilles, des pigeons. »

DVDM : Pourquoi, parmi la faune, avez-vous choisi les oiseaux en particulier ?

MR : « Les oiseaux sont des créatures étranges, par rapport aux petits mammifères qu’on peut croiser, parce qu’ils volent. Ils ont cette liberté incroyable. Mais au-delà de ça, il y a tout ce qu’on peut dire dans notre langue autour de l’oiseau : cette manière de dire : « tiens, lui, c’est un drôle d’oiseau ». C’est souvent une bête dont on se sert dans notre langage. Je me suis donné ce cadre là. Je travaille autour des oiseaux, aussi bien les oiseaux des forêts que les oiseaux des villes, et aussi les oiseaux marins (cf la chanson « canards ») parce que c’est un disque qui évoque très fort mon enfance – avec « Aux Fleurs » où sont évoquées les calanques, ndlr– et mon rapport avec ma grand-mère paternelle – en particulier dans « D’Où l’On Vient l’Hiver »-, une figure qui m’a initiée à beaucoup de choses dans la vie. Elle m’a appris à coudre, à cuisiner, à m’occuper d’un jardin, le nom des couleurs, le nom des animaux dans le jardin. C’est quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi. Et je suis allée chercher un peu dans la langue de ma grand-mère. Elle était du côté de Cannes, Antibes, Grasse, originaire du Piémont. Et puis, j’ai grandi à Marseille et comme elle habitait aux Caillols, je la voyais beaucoup. » 

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DVDM : Votre album revêt un caractère contemplatif mais vous évoquez également dans vos chansons la marginalité.

MR : « C’est un disque très rêveur, dans le souvenir, et très discret aussi. C’est ça que j’aimais bien et c’est dans l’idée de l’oiseau. Par exemple, des fois, on ne voit pas qu’il y a un oiseau sur la photo ou on ne voit pas qu’il y a un oiseau à côté de nous. Mais il est là. J’ai cherché aussi des figures de la vie sauvage, la vie redevenue sauvage avec « La Grande Ourse » – inspiré en partie d’un texte de Florence Aubenas ndlr – où il y a cette femme qui va vivre libre dans les bois et qu’on n’arrive pas à attraper et puis qui se met vraiment à côté de la société. Dans cet album, il y un questionnement sur les marges, la marginalisation, les personnes marginalisées aussi. J’ai été en compagnie toute ma vie de gens qui étaient un peu à la marge. Soit des très, très proches dans ma famille ou des amis qui ont vraiment quelque chose à côté de la plaque, mais quelque chose de sublime du coup. Et ça, ça m’intéresse aussi, la figure de la folie. Ou, plutôt de la folie douce, mais en tout cas de cette sorte d’endroit où on passe la limite. On ne se débrouille plus très bien avec le réel. Alors, on s’invente des chansons, on s’invente des histoires. On devient un peu fou. Ce sont des figures qui m’intéressent. Je pense que quand j’écris « Tangobor » ou « La Grande Ourse », j’essaie de m’en approcher. La marge, la folie, la liberté radicale, ça me questionne parce que ce n’est pas forcément réussi à chaque fois qu’on s’extrait de la société. Et est-ce que c’est la bonne chose à faire ? Je ne sais pas. Moi, je ne pense pas. Je suis très en lien avec les gens qui m’entourent et dans ma vie. Mais quand j’écris, je suis dans un endroit très solitaire. C’est vrai que quand j’écris, je n’écris pas avec… Alors, oui, il y a des souvenirs, il y a l’enfance, il y a des relations, etc. Mais souvent, je suis dans un autre moi. Je pense que c’est une autre personnalité qui émerge. Un autre regard. »

DVDM : Vous parlez de l’écriture et justement, vous faites un travail sur la langue. Vous mélangez des langues de différentes origines et pays, vous inventez des mots.

MR : « Ce qui m’intéresse dans les langues françaises, maintenant, je dis « les langues françaises » parce que les Français qui m’ont donné envie d’écrire et de chanter en français, ce ne sont pas les Français de France. Ce sont plutôt les Français d’Amérique du Nord, du Québec, de la Louisiane ou les langues créoles. C’est pour ça que, des fois, je parle de créolisation dans mon travail. J’aime bien quand la langue française sonne un peu autrement, qu’on arrive à la faire sonner un peu autrement. C’était mon défi pour ce disque quand je me suis dit « Allez, je ne fais pas d’aller-retour entre le français et l’anglais ». Là, je travaille vraiment sur la langue en français. Ça n’a été pas facile. Et c’est pour ça qu’il y a pas mal de mots inventés comme « Tangobor », « Gare-Où-Va », « Coulemonde » ou encore « Tampi Mon Ame ». Il y a des sortes de tournures de phrases inventées et je suis allée jusqu’à mettre un Z à « oiselle », qui est le vieux nom français pour dire « oiseau ». Je me suis permis beaucoup de liberté. J’avais besoin de recréer la langue et ça a été une vraie recherche. J’ai donc mis tous les textes dans les livrets des disques en envisageant l’album autant comme un recueil de poèmes que comme un recueil de chansons. Pour moi, toute cette langue et ces mots que je choisis font partie du son du disque. »

DVDM : Et justement, par rapport au style musical, c’est assez varié et très libre. Il y a des accents un peu New Orleans, mais aussi Bossa Nova, voire Indie avec la flûte de Naïssam Jalal.

MR : « Oui, on garde pas mal d’ancrages dans les jazz et blues du Sud des États-Unis parce que ce sont nos influences très fortes avec le réalisateur du disque, Matthis Pascaud, avec qui on coécrit certaines choses pour aboutir l’ambiance musicale, les accords, les déroulés, etc. Et avec le batteur, Raphaël Chassin. Ce sont des personnes qui travaillent avec des musiciens de blues et de jazz. Il y a aussi des choses un peu plus psychédéliques, plus rêveuses. La façon d’utiliser les claviers, par exemple, ou la clarinette avec des effets. C’est un paysage sonore que je souhaite le plus riche possible et le plus singulier. C’est-à-dire que ça ne sonne pas non plus comme de la chanson française trop formatée ou du jazz vocal trop formaté, parce que ni l’un ni l’autre ne sont des choses que j’écoute chez moi. C’est très, très beau, très bien réalisé mais ce n’est pas mon endroit. Et c’est vrai que les artistes qui m’ont influencée sont un peu à cette frontière là, on peut citer Abbey Lincoln, Rickie Lee Jones ou Joni Mitchell. En français, des gens comme Mathieu Boogaerts ou Bertrand Belin. Il y a beaucoup de musique et un rapport au son, au silence, à l’improvisation, au groove, qui vient plus du côté du jazz, en effet. »

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DVDM : Et d’ailleurs, quand on écoute l’album, on visualise les chansons un peu comme si on était face à des tableaux ou des peintures.

MR : « Ah oui, et ça me rassure un peu qu’on me dise ça. Parce que c’est aussi comme ça que je construis mes chansons. On parlait de la langue, mais on n’a pas parlé de comment je déroule le sens. Et mes chansons sont rarement très littérales. Il n’y a pas une histoire avec un début, une fin, tout ça. Je travaille avec comme des calques, ou des aquarelles, des passages de couleurs, de formes et d’images. Pour une musicienne, je suis quelqu’un de très visuel. Si on devait analyser, je crois, ma façon de fonctionner, je serais dans le clan des visuels. Je pense tout en termes d’espèces, de formes et de couleurs, de contours, de lignes. Même quand je chante ou que j’entends la musique. On appelle ça, je crois, la synesthésie, et beaucoup d’artistes l’ont. J’ai des amis peintres qui sont très sonores. J’envisage souvent les poèmes et le chant comme une transmission d’imaginaire. Donc, même ma voix, elle essaye de travailler la transmission d’images. Et, si ça marche, je suis contente. C’est important d’arriver à porter justement et à transmettre ce qu’on a envie de transmettre dans la musique, dans le chant. »

DVDM : Il y a un côté assez délicat, gracile, éthéré, dans les ballades, voire à certains moments quelque chose de l’innocence d’une berceuse.

MR : « C’est le travail sur l’oiseau et le travail vocal aussi. Depuis quelques années, j’essaie d’épurer un peu le chant. D’arriver à quelque chose d’un peu plus simple. Et il y a une sorte de personnalité vocale qui émerge, qui était déjà là, mais qui domine maintenant, peut-être plus posée, plus fantaisiste, plus libre. Et les mélodies aussi. C’est vrai que là, j’ai déroulé des mélodies qui sont plus découpées, plus délicates que tout le travail sur mes blues tissés, où j’étais encore dans l’idée du blues. Là, j’ai essayé de faire des choses qui me ressemblent plus. Après, je pense que le moment où j’ai fait mes deux précédents disques de composition, c’est ce qui me ressemblait le plus. C’est une sorte de photo. C’est une sorte d’instantané de là où on en est déjà, de ses moyens expressifs, de sa façon de s’exprimer, et aussi de sa façon de voir le monde. Il n’est pas exclu que pour le prochain, je reprenne une bonne vieille guitare électrique, je ne sais pas. Mais j’ai l’impression d’avoir abouti quelque chose là, avec Oizel, commencé sur Tissé, en tout cas. Je suis contente d’avoir fait des chansons, de m’être appliquée à produire des refrains parfois, parce que je n’avais pas forcément beaucoup de ça dans ma musique. C’est ce qui me ressemble le plus aujourd’hui. »

DVDM : Vous parliez justement de votre rapport à la voix, de l’aspect visuel. Vous développez dans votre musique une approche sensible qui part du corps plutôt que de la tête, comme dans le théâtre expressionniste où chez le comédien, la parole vient après.

MR : « Oui, en tout cas, on est beaucoup dans le sensoriel et dans l’image, et dans le corps, parce que les grooves sont très importants, les appuis rythmiques. Dans la musique qu’on essaye de produire avec Matthis quand on fait mes disques, il y a un rapport au rythme très important, ce qui fait que je pense que, les chansons s’enrichissent beaucoup, parce qu’elles sont moins plates. Et après, il y a des histoires de couleurs, parce que lui, il travaille tout ce qui est paysage sonore : il fait vraiment ça en paysagiste. Il y a des grosses lignes de force avec ce que va faire la basse, la guitare rythmique et tout. Puis après, il y a d’autres dimensions derrière qui peuvent être un élément perturbateur ou quelque chose qui nous accroche l’oreille, un petit solo à un moment ou un petit son, on ne sait pas ce que c’est. Et ça fait tout le charme à chaque fois de la chanson. C’est le travail d’orchestration qui est aussi un travail de paysage, enfin de coloriste, c’est sûr, ce qui rajoute, justement, toute cette imagerie qu’on peut avoir en écoutant l’album. Au début, je produis des formes, des chansons, il y a une sorte de base. Il y a déjà tout un monde qui est là avec le texte, la mélodie, les quelques accords. Et puis après, c’est lui qui a cette tâche d’en faire quelque chose de très ouvert à l’auditeur et c’est beau d’avoir quelqu’un d’aussi compatible avec mes envies esthétiques. C’est vrai que ça a beaucoup enrichi mon travail en deux disques. »

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DVDM : Comment travaillez vous vos chansons ?

MR : « Pour écrire de la musique, des paroles et tout, on pourrait croire que, par exemple, c’est bien de s’isoler de tout ça, d’être vraiment dans une bulle. Pourtant, pour ce disque là, j’ai plutôt l’impression d’avoir écrit au long cours, sur trois, quatre ans. Et j’ai l’impression de l’avoir fait au quotidien, ou presque. C’est-à-dire qu’en allant chercher ma fille à l’école, je peux avoir une mélodie en tête et puis vite l’enregistrer sur mon téléphone, y revenir deux semaines après. C’est un travail qui s’est inclus dans le quotidien et c’est pour ça que c’est un disque qui porte un peu la discrétion, la poésie de tous les jours aussi. C’est ça qui m’intéresse. Des choses très, très simples. Parce que sinon, il aurait fallu, en effet, oui, s’enfermer, chercher des choses un peu extrêmes, enfin, une sorte de retraite, d’épiphanie de moments créatifs très forts. J’avais un rapport comme ça à la création avant et ça m’a vraiment fatiguée. Et c’est justement le travail avec Matthis qui m’a aidée parce que lui, il est un bosseur et c’est quelqu’un qui fait au quotidien. La composition, c’est comme un muscle, il faut l’entrainer tous les jours. J’ai beaucoup gagné à installer la création dans mon quotidien sans la mettre en lutte avec la vie, ma vie de parent, ma vie d’artiste qui doit faire plein de com’, d’administration, de production, qui a une vie sociale. Je n’ai pas vécu ça en opposition avec ma vie normale et une retraite, ça peut te rendre un peu fou et te fragiliser. Alors, je ne suis pas moins fragile, ça ne m’a pas défragilisée parce que c’est toujours un stress d’enregistrer une chanson, de la chanter sur scène. Mais c’est un bon stress. »

DVDM : Vous avez déjà une belle réception de votre album, il fait partie des sélections à la Fnac et sur Fip. Comment réagissez vous à cela aujourd’hui, à l’époque des réseaux sociaux et de l’infobésité ?

MR : « Des gens le plébiscitent, c’est très agréable parce que, vu tout ce qu’il y a maintenant de disponible, c’est assez difficile de s’y retrouver, et ça me pousse à faire vraiment plus, j’essaye de faire quelque chose de plus abouti et audible possible. Je transpire en faisant ça. Mais en tout cas, au niveau du style, je me dis, « il y a tellement de choses qui ont été faites, et il y a tellement de choses qui sont faites aujourd’hui, que ce n’est plus une histoire de prouver quoi que ce soit, ou de révolutionner quoi que ce soit, mais par contre, faire vraiment son chemin avec la musique et avec le texte ». C’est un défi intéressant aujourd’hui. Justement, parce qu’on est saturé de plein de choses. C’est très speed, c’est très conditionné, les algorithmes sur les plateformes décident de ce que vous devriez écouter, alors qu’en fait, quand vous écoutiez les radios il y a 20 ans, ou vous alliez à la médiathèque, ou à la Fnac, quand vous écoutiez des disques chez des potes, il y avait encore ce côté buissonnier d’aller découvrir des musiques. C’est toujours possible avec Internet, mais on est très saturés quand même. On nous vend vite beaucoup d’un seul truc ou un même truc avec des noms différents, mais en fait, c’est un peu la même musique. Ce n’est pas en train de ne nous rendre ni plus intelligents, ni plus sensibles, ni plus malins. On passe d’un truc à un autre. On n’écoute pas vraiment … On scrolle. On a moins de temps, on a beaucoup la gueule dans nos écrans. Donc on ne prend pas le temps de se dire, tiens …. ça peut être intéressant de découvrir cet artiste, ce qui l’a fait avant, ce qu’il compte faire après. Maintenant, c’est de la consommation, ce n’est plus de l’écoute musicale. »

Autres temps, autres mœurs ! Dirons nous. Sur ces mots, laissez vous donc vous évader le temps d’un concert ou d’une écoute dans son univers aux couleurs pastel, et « soyeusement » chill. DVDM

Toutes les infos sur : https://www.theatre-oeuvre.com/evenements/marion-rampal/ [31]

Crédit photos : Alice Lemarin

OIZEL

Chant: MARION RAMPAL ; réalisation, guitares, basse, lap-steel, claviers, marimba: MATTHIS PASCAUD ; batterie ; percussions: RAPHAËL CHASSIN ; contrebasse: SIMON TAILLEU ; piano & claviers: GAËL RAKOTONDRABE ; clarinette basse: CHRISTOPHE PANZANI ; FEATURING : BERTRAND BELIN, LAURA CAHEN/ Label Les Rivières Souterraines ; Sortie Album : 2 février 2024

En tournée :

 31/01/24 : Marseille (13) Théâtre de l’Œuvre 1, rue Mission de France 13001 MARSEILLE (Quartet)

 01/02/24 : Marseille (13) Théâtre de l’Œuvre (Quartet)

 02/02/24 : Bayssan (34) Scène de Bayssan (Quartet)

 03/02/24 : Hyères (83) Théâtre Denis (Quartet)

 13/02/24 : Lyon (69) Opéra Underground (Quartet)

 15/03/24 : Montargis (45) Théâtre Rivoli (Quartet)

 21/03/24 : Nantes (44) Salle Paul Fort (Quartet)

 22/03/24 : Châteauroux (36) Equinoxe (Quartet)

 01/04/24 : Paris (75) Café de la Danse (Quartet)

 09/05/24 : Coutances (50) Répétitions (Quartet + invités)

 10/05/24 : Coutances (50) Jazz sous les Pommiers // NewGaro Marion solo

 10/05/24 : Coutances (50) Jazz sous les Pommiers (Quartet + invités)

 17/05/24 : Annemasse (74) Château Rouge (Quartet)

 18/05/24 : Portes les Valence (26) Le Train Théâtre (Quartet)

 07/07/24 : Vienne (38) Jazz à Vienne // NewGaro Marion guest

 27/07/24 : Marciac (32) Jazz in Marciac // NewGaro Marion guest

 03/10/24 : Vernier (CH) Festival JazzContreBand (Quartet)

Premier Festival LGBT à Marseille : LGBTous! s’installe au Théâtre du Têtard

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Du 1er au 29 février 2024, le Théâtre du Têtard accueillera la première édition du Festival LGBTous!, un événement inédit à Marseille célébrant la diversité et la création artistique Queer. Une première !

Une célébration de la diversité sous toutes ses formes

Le festival, qui se veut convivial et rassembleur pour tous- Et toutes rajouterons-nous !-, est « une véritable Ode à la diversité, au-delà des étiquettes », comme l’explique Thierry Wilson, l’initiateur de cet événement. Pendant un mois, le public aura l’opportunité de découvrir une programmation riche et éclectique mêlant théâtre, cabaret, chanson, stand up et conférences, mettant en avant les cultures et identités lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).

Le Festival LGBTous! se veut pluridisciplinaire en faisant coexister différentes formes d’expression artistique autour des thématiques LGBTQI+. La marraine de l’événement est l’humoriste Zize Dupanier, une figure emblématique de la scène marseillaise, qui clôturera le festival dédié à Corinne Chiche, à laquelle Thierry a rendu un vibrant hommage lors de la conférence de presse.

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Une marraine de choc : Zize

Thierry se confond en souvenirs dans l’exercice délicat auquel il s’attelait ce jour-là. Il nous racconte comment Zize a fait ses débuts au théâtre du Tétard. Zize, qui restait cachée contre le mur côté jardin de la scène, Zize qui s’invite dans son couple et dans son quotidien, Zize qui malgré des spectacles cartonnant dans les plus grands lieux parisiens dédiés à l’humour n’a jamais été invitée à un festival en dehors du Festi’femmes d’Eliane Zayan, Zize considérée comme un travesti.

« Mais n’est-ce pas le plus difficile que de jouer une femme quand on est un homme ? » Un clin d’œil à Richard Martin qui lors d’une répétition de l’Opéra des 4 sous disait cela à un de ses comédiens. Thierry avait 13 ans et se souvient encore de ces paroles. « Zize, ce n’est pas du travestisme comme on le voit dans les cabarets de chez Michou, c’est un rôle de composition », assène-t-il. Et les artistes masculins qu’il a invités sont pour la plupart des hommes jouant des personnages féminins !

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Un festival inclusif et ouvert

Au-delà des représentations, le Festival souhaite susciter le débat sur les questions LGBT, questionner l’hétéro-normativité ambiante et interroger nos certitudes lors des rencontres conviviales organisées avant et après les spectacles : espaces d’échanges, de débats et de rencontres avec des associations à l’image des Vieilles Canailles dont l’objet est de permettre, en mettant en contact les gens esseulés, « de vieillir en étant entourés et non dans la solitude comme c’est souvent le cas quand on est gay, célibataire et sans enfants » indique Thierry, à la barre du festival.

Un atelier d’écriture et une conférence sont au programme. L’atelier d’écriture sera animé le 18 février à 10h, par Lionel Parrini, auteur de la magnifique pièce de théâtre intitulée « le chien bleu », sur le thème du « coming out » et le 25 février, à 17h, la psychiatre et psychanalyste Catherina Kiss tiendra une conférence théâtralisée intitulée « Les chemins sinueux du désir », une réflexion sur les arts et la psychanalyse. Un vaste programme.

Les débats et ateliers visent à favoriser les échanges citoyens. « LGBTous! ne se veut pas communautaire mais vise à sensibiliser sur les discriminations » précise le président, Pierre Levi. « Le Festival se veut inclusif et festif » insiste Thierry qui souhaite l’ouvrir également aux artistes en situation de handicap. Un événement ambitieux qui promet de belles soirées de spectacle dans une ambiance conviviale.

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La scène queer à l’honneur !

L’objectif est de faire découvrir au plus grand nombre, quelles que soient leurs orientations ou identités, « la bonne humeur, l’autodérision, le kitsch pailleté et l’humour des cultures LGBT » selon les mots de Zize. Des artistes confirmés comme Carolina ou Yvette Leglaire viendront présenter leurs spectacles, aux côtés de jeunes talents comme Eva Jean ou Clémence de Villeneuve.

Le spectacle d’ouverture est assuré par Carolina le 1er février : dans son cabaret au carrefour du music-hall et du théâtre, la sémillante Carolina dévoilera ses secrets inavouables. La légendaire Yvette Leglaire viendra les 9 et 10 février donner de la voix avec « Place aux femmes ». Eva Jean se produira le 15 février avec « JE SUIS TON PÈRE avec le look de ta mère ». Odile Dabzol présentera son one-woman show « Docteur, j’ai peur de ne plus avoir peur ! » le 16 février. Clémence de Villeneuve, « artiste à l’humour noir qui propose une galerie de personnages déjantés » développeThierry, sera « Bienveillante » le 23 février. Jérem Rassch viendra proposer la suite de son spectacle « Pourquoi pas », le 24 février. Enfin, la soirée de clôture du 29 février sera assurée par Zize avec un Best Ouf de son cru.

Si cette première édition rencontre son public, ce dont on ne doute pas, les organisateurs espèrent pérenniser l’événement les années suivantes, faisant du Festival LGBTous! un rendez-vous incontournable de la scène culturelle phocéenne. Diane Vandermolina

Infos pratiques :

Tarif : 15€ sur Billetreduc.com – 18€ sur place sauf pour Zize, tarif unique : 25€ / Formule Dîner-Spectacle : 33€. Horaire : 20h. Renseignements : Théâtre du Têtard 33 rue Ferrari – 13005 Marseille/04 91 47 39 93.

Crédit photo : Fox’Eye Brigitte Arakel

Nos disparitions de et par Anne-Marie Bougault à l’Atelier de Mars

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Bonheurs de Jimmy Jackson

En plein cœur du Panier, à l’Atelier de Mars, ce petit théâtre où nous avions présenté notre «Je vous salue mamelles », dirigé avec quelle belle énergie par Florence Morana, nous avons assisté à une représentation d’un solo bouleversant : « Nos disparitions », une pièce de théâtre de et par Anne-Marie Bougault.

Extrait

« Parfois, on voudrait disparaître. Se dérober, s’enfuir, se réinventer. Disparaître et re-être.

Parfois une rencontre advient qui vous éblouit à jamais.

Parfois on sent qu’avec soi-même, avec la possibilité d’un amour, c’est aussi le monde, la totalité du Monde connu, du monde vivant, espéré, attendu, qui est en train de disparaître.

Année 2035, dehors, tout vacille. Dedans seule depuis trop longtemps, une femme parle. Elle n’a rien oublié. Cette nuit elle raconte toutes ses histoires. » Anne-Marie Bougault

Notre avis

Un spectacle fascinant, en clair-obscur, qui donne la parole à cette femme mystérieuse, dénuée d’artifices, et pourtant nous entraîne dans les méandres de sa quête et de ses contradictions, où se construit tout de même une colonne vertébrale, celle d’un amour…. Il y a cette voix magnifique d’Anne-Marie Bougault, qu’elle donne à son propre texte, la lente chorégraphie de ce corps las (subtile et belle mise en scène de Florence Morana, et une bande son aussi énigmatique que fascinante…. Un grand moment de théâtre, sans affèterie, qui, peu à peu, prend la place d’un miroir…. JM

Bon à savoir

Atelier de Mars – 44 rue du refuge 13002 Marseille 04 9191 2600 / atelierdemars@free.fr [35]

Dernière représentation le 13 janvier à 20h