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RICHARD SCHIFFER ou La Culture d’une Hypnose en empathie

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Richard Schiffer est un artiste Marseillais qui pratique l’hypnose de manière professionnelle et intelligente. Après le Dôme à Marseille, après bien des spectacles, il sera au Cherrydon le 11 février 2023 à 21h pour un spectacle d’humour et d’hypnose « Au-delà de votre imaginaire ».

[2]L’état d’hypnose est un état modifié de conscience, entre le rêve et la réalité. Découvrir le potentiel qui se cache en chacun de nous, vivre une Expérience Hypnotique et partager une soirée haute en couleur avec le plein de surprises est ce que propose, à chacune de ses représentations, cet artiste multiformes talentueux qui allie la passion de son travail à son amour des gens.
Nous l’avons rencontré.

INTERVIEW

Danielle Dufour-Verna – Bonjour Richard Schiffer. Pouvez-vous vous présenter succinctement à nos lecteurs ?

Richard Schiffer –  Je suis né d’un père à la fois imprimeur, musicien et chef d’orchestre, je me suis donc retrouvé dans un univers artistique depuis mon plus jeune âge. Mon père avait un orchestre dans le genre de René Coll avec beaucoup de musiciens. J’ai commencé à chanter tard, vers l’âge de 18 ans, pour le plaisir et j’ai fait de petites tournées en amateur. Puis la magie m’a sauté dessus car j’adore la magie. J’ai donc fait de la magie pendant une vingtaine d’années. En 2012, par hasard, j’ai rencontré un hypnotiseur et j’ai eu l’occasion de lui dire que je connaissais quelques petits trucs. Il m’a demandé de lui faire une démonstration. J’étais un peu gêné, pas habitué. Je lui ai pris le poignet et elle était là sans être là. C’est à ce moment que l’hypnose s’est révélée à moi, un moment très fort. Je ne doutais pas que l’hypnose existât mais j’étais subjugué, surpris. J’ai commencé à hypnotiser ma cousine, ses amis. A force de travail et grâce à mon habitude de la scène pendant vingt ans, j’ai gravi des échelons, je me suis amélioré. On rencontre parfois les bonnes personnes au bon moment qui te font progresser. Je suis un grand passionné de cet art.

DDV –Vous avez fait de la scène pendant vingt ans avant de faire de l’hypnose…

Richard Schiffer  -Oui, avant de faire de l’hypnose. Quand j’étais petit, je chantais avec l’orchestre de mon père et nous partions beaucoup à l’étranger. En plus de mon activité je faisais par la suite des cabarets, des karaokés. Je n’étais ni pro ni amateur, entre les deux. Par contre j’ai fait de la magie pendant vingt ans, du close up, c’est-à-dire de la magie de table à table et un peu de mentalisme. J’intervenais aussi bien pour des partis politiques que pour des soirées privées. Ça restait toujours dans un domaine artistique. Le fait d’avoir pratiqué ces arts-là et de me retrouver face à un public, c’est d’une aide incroyable. On peut être bon dans pleins de domaines, mais s’il y a un domaine où l’on se sent le mieux et où l’on a envie de performer, il faut se donner tous les moyens d’arriver à un résultat, et pour moi c’est l’hypnose. Comme vous avez pu le voir dans mes spectacles, avec l’hypnose, on ne triche pas. On arrive sur une scène, il y a un public. On ne connait personne. II y a l’adrénaline qui est là car il faut arriver à décider les gens à ce qu’ils aient confiance en vous pour vivre une expérience. Il n’y a pas de triche, il n’y a pas d’illusion, il n’y a pas de manipulation, il n’y a que le partage d’un art. C’est sans filet, ça passe ou ça casse. Toute la difficulté de cet art est de faire en sorte que ça passe toujours.

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DDV – quelles sont vos racines ?

Richard Schiffer –Ma mère est française, de Lyon. Mon père est du Liban, d’origine arménienne. Fils d’une famille de neuf enfants, il est arrivé en France à l’âge de trois ans.

DDV – pratiquer l’hypnose est-ce un don ?

Richard Schiffer –L’hypnose, ce n’est pas un don, c’est du travail, de la technique et il faut être à l’aise et confiant. Il n’y a pas de don, pas de pouvoir, mais je pense qu’il faut avoir des aptitudes. Cette aptitude permet de comprendre la personne que j’ai face à moi.

DDV – Rien à voir donc avec un quelconque pouvoir de l’esprit ?

Richard Schiffer – Il est plus facile de parler du ressenti des gens. Quand je les hypnotise, ils ressentent quelque chose de particulier, une certaine chaleur, une certaine énergie. Il y a quelque chose qui se passe entre eux et moi. Il n’y a pas de don, pas de pouvoir. On a des aptitudes qui vont faire que la personne qui est face à nous ressent quelque chose. Quand je regarde la personne dans les yeux, j’essaie vraiment de me connecter à elle pour qu’elle soit en confiance et que quelque chose se passe. C’est difficile à exprimer, plus facile à ressentir. Pour être hypnotiseur, je pense qu’il faut avoir beaucoup d’empathie. Il faut aimer les gens. Quand je suis sur scène, j’ai quelques secondes pour sentir si la personne est prête à vivre l’aventure que je vais lui proposer. J’ai la faculté, comme d’autres hypnotiseurs l’ont également, en ayant cette empathie, à comprendre comment fonctionne l’autre. C’est ce qui permet de l’amener à soi et de lui donner une confiance. En comprenant l’autre, on arrive à le mettre dans un état hypnotique qu’on appelle un état modifié de conscience.

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DDV –Vous est-il arrivé d’avoir devant vous des gens qui essaient de feindre ?

Richard Schiffer – Quand les gens montent sur scène, on les touche, main sur l’épaule, main sur le poignet. Sans la toucher, avec ma main à 5 mm de son dos, je vais sentir son corps, je vais sentir son poids, sa mobilité. Je vois son regard. Quand une personne veut jouer la comédie, ça m’est arrivé, je le ressens immédiatement et je la raccompagne tranquillement. Sur scène, personne ne peut jouer la comédie parce que l’hypnotiseur le ressent de suite. Le visage d’une personne hypnotisée est différent, il change. Quand une personne se laisse aller, on l’accompagne au sol ou sur une chaise, le corps bascule, part dans cet état hypnotique. Avec les années et l’habitude, je travaille en hypnose depuis 2012, je ne me trompe pas.

DDV –Avez-vous déjà pensé à écrire un livre ?

Richard Schiffer – Je suis en train. Je travaille depuis quelques mois avec un auteur, Pierre Duprat, un ami d’enfance qui avait déjà écrit des nouvelles, de petites histoires fantastiques. C’est un livre qui retrace mon parcours. Le but n’étant pas de faire du profit, mais de faire connaitre un peu plus en détail mon travail. Si je peux parler de mon expérience sans dévoiler les petits secrets de l’hypnose et les techniques, c’est un plaisir. Le livre est en cours d’écriture.

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DDV – Quels sont vos projets à court terme ?

Richard Schiffer – Je suis au Cherrydone le 11 février pour un spectacle d’hypnose, certains projets sur Paris, des soirées privées, séminaires et congrès, beaucoup de spectacles prévus pour cet été et, cerise sur le gâteau, on m’a demandé d’être chroniqueur sur France 3 à partir du 15 mars dans une émission ‘Vous êtes formidables’, une belle expérience durant laquelle on va pouvoir parler hypnose avec l’invité du jour et les autres chroniqueurs.

DDV – Ma dernière question, quelle est votre propre conception du bonheur ?

Richard Schiffer – Chaque jour est une chance, chaque jour est un bonheur.

Danielle Dufour-Verna

Un événement festif et solidaire à la Friche de la Belle de Mai

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4ème Toi’ts théâtre de l’Agence de Voyages Imaginaires

Du 6 au 9 décembre 2022, l’Agence de Voyages Imaginaires en collaboration avec la Fondation de Marseille et la Friche la Belle de Mai invite les amoureux du spectacle vivant à sa quatrième édition des Toi’ts Théâtre autour du dernier spectacle de la Cie, LES FABLES. Nous avons rencontré Philippe Car, metteur en scène de la compagnie, pour nous présenter ce temps fort solidaire.

La fabrique des Fables

DVDM : Les Fables sont issues d’un travail collectif. Comment avez-vous procédé dans le choix et le travail des textes ?

Philippe Car: Nous avons proposé à plusieurs acteurs et actrices de participer à une écriture collective :  chaque artiste a choisi 4, 5 ou 6 fables et nous en a livré sa version ; ce pouvait être une chanson, un commentaire, une musique, une fable transformée… Toutes les idées étaient bonnes mais j’ai surtout veillé à ce qu’il n’y ait pas de soucis de cohérence. Pour reprendre un mot de La Fontaine qui disait « la vie, c’est la diversité », j’ai voulu travailler sur la diversité : on a ainsi récolté une quarantaine de fables qu’on a travaillé pour voir où nous menait chaque proposition puis petit à petit, on a écrémé et gardé une vingtaine de fables. On ne retrouve pas forcément le texte de toutes les fables, parfois on a du texte, parfois non, on a des fables très connues mais aussi des fables inconnues.

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Gaïa et l’oiseau blessé ©Elian Bachini

DVDM  : Vous avez également intégré un personnage qui intervient entre différentes fables comme une fable dans les fables…

Ph. C. : Effectivement, on a inventé une fable, à l’issue de notre travail collectif, qui est la colonne vertébrale du spectacle : elle court sur l’ensemble du spectacle en 5 épisodes. Elle s’appelle « la Terre et l’Homme ». D’où le personnage de Gaïa. Cette fable nous est venue naturellement à force de travailler sur ces morales. Toutes les fables s’adressent à l’homme, ce sont des préceptes. Et à force de prendre de la distance, on a eu envie de lui dire « fait attention à toi, aux autres et à la terre sur laquelle tu vis ». C’est venu pointiller le spectacle.

Une parabole de la vie d’artiste

DVDM  : Dans cette création, vous intégrez comme à votre habitude de la musique, du chant, de la danse etc…

Ph. C. : Comme on est tous musiciens, la musique est venue fleurir l’ensemble du spectacle : il y a un piano et les instruments habituels. Mais surtout, ce qui est très important, c’est qu’on s’est basé sur le fait que La Fontaine a placé « la cigale et la fourmi » en premier. C’est la fable numéro un du livre numéro un. Il y a 250 fables réparties en 12 livres et il a mis celle-là en premier et ce n’est pas parce qu’il l’a écrite en premier. Parce qu’elle raconte quelque chose qui, pour nous, a été le fil conducteur du spectacle : elle raconte l’histoire d’un artiste ou d’une artiste, la cigale, qui chante et qui danse et qui, quand c’est l’hiver et que les théâtres sont fermés, a faim et demande aux gens, au monde, au public de l’aider. Il y a quelque chose qui raconte un peu de la vie de La Fontaine lui-même : « j’écris mais il faut bien que je mange ». Ça a été important pour nous de commencer par cette fable parce que c’est vraiment l’histoire des artistes. On crée, on écrit mais on a besoin de manger et il faut nous aider à faire ça. Et pour finir, le personnage de la cigale est un personnage festif, qui danse et qui chante, qui est dans la fête. Cette histoire de fête, ça a été pour nous aussi un des fils conducteurs du spectacle. Il commence par une fête puis ça se corse et ça change de climat au fur et à mesure.

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La fête de la Cigale ©Elian Bachini

DVDM  : Vous intégrez des masques et marionnettes, également.

Ph. C. : L’intérêt de travailler sur les fables de La Fontaine, c’est d’abord qu’on a à notre disposition 250 scénarios, on a l’embarras du choix, et la plupart des fables mettent en scène des animaux. Effectivement,  jouer des animaux pour les acteurs, c’est fabuleux. On s’est amusé à faire des animaux avec des masques, des bouts de costumes d’animaux etc…

Solidarité au cœur

DVDM  : Vous présentez les Fables à l’occasion des TOI’TS THÉÂTRE, pourriez-vous développer le concept de ce temps fort solidaire ?

Ph. C. : Ces toi’ts théâtre, on les faisait déjà chez nous au Pôle Nord depuis 4 ans mais avec un public un peu réduit, on peut accueillir au maximum 100 personnes. Chaque année, on fait un petit éveil théâtral comme un échauffement du spectateur.  Quand on a fait Antigone, on travaillait sur la mythologie grecque. Cette fois ci, on fait un petit travail sur les fables avec ceux qui ont envie de participer à cet atelier. C’est une sorte de petite mise en bouche. Mais cette fois-ci, on invite la moitié de la salle, c’est-à-dire un public éloigné du théâtre, en collaboration avec plusieurs associations. Le principe est simple : les gens achètent une place et cet achat ouvre une place gratuite pour quelqu’un qui n’a pas les moyens de se payer une place de théâtre. A la fin du spectacle, on invite tout le public à un petit repas partagé gratuit pour tous, repas accompagné de musique comme à chaque fois.

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Le Héron Livre VII Fable 4 ©Elian Bachini

DVDM  : Pour cet événement, avec qui travaillez-vous ? Et comment vous en est venu l’idée ?

Ph. C. : On travaille avec la fondation de France et la fondation de Marseille. L’idée nous est venue parce qu’on est dans un quartier où les gens n’ont pas l’habitude d’aller au théâtre. Quand on a fait le choix de s’installer dans ce quartier, c’était aussi parce qu’on avait envie d’ouvrir notre discipline, notre laboratoire poétique, à un public qui n’a absolument pas l’habitude d’entrer dans un théâtre. Pour nous, c’est venu naturellement car c’est notre « mission » d’artiste dans ce quartier qu’on habite et dans ce monde dans lequel on vit. Mnouchkine dit « le théâtre, c’est l’exercice majeur de l’entrainement au bonheur », c’est très juste et très important aujourd’hui même si on sait bien que le théâtre, c’est pour une petite partie de la population mais notre mission, c’est d’ouvrir les portes aux gens qui n’ont pas l’habitude de venir, c’est très très important.

Pour l’amour du théâtre et du partage

DVDM  : Vous proposez une forme de théâtre accessible à un public qui n’est pas forcément intéressé par le théâtre…

Ph. C. : C’est dû à ma formation au théâtre gestuel et à ma propre formation culturelle, je ne suis pas du tout un enfant d’artiste,  je crois que j’ai naturellement fabriqué des spectacles pour les gens qui m’entouraient, d’abord pour ma famille.  Je suis plus un enfant de la télé qu’un enfant du théâtre. C’est normal pour moi de faire des spectacles pour tout le monde, festifs, drôles. Je me reconnais dans certains artistes comme l’auteur italien, Carmelo Bene qui dit « là où il n’y a pas parodie, il n’y a pas tragédie ».  Je pense que c’est important de faire rire pour pouvoir parler de sujets graves, on le retrouve aux origines du théâtre, dans Antigone de Sophocle, les gardes sont des clowns, et pourtant Antigone, c’est une tragédie.

Propos recueillis par Diane Vandermolina

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La poule aux oeufs d’or Livre V Fable 13 ©Elian Bachini

Informations pratiques

TOI’TS THÉÂTRE – 4ème édition à la Friche Belle de Mai

Au programme

Spectacle les fables (théâtre musical, tout public à partir de 10 ans) les 6, 8 et 9 décembre à 20h / le 7 décembre à 15h30 au grand plateau.

avant-spectacle : échauffement du spectateur (de 18h30 à 19h30 mardi, jeudi et vendredi, 14h à 15h le mercredi)/ après-spectacle : repas et musique avec les artistes aux Grandes Tables qui se transforme en loges et en salle d’exposition des 250 fables (illustrations, photos, vidéos, son…).

Tarifs : 19 € / tarif plein / 14 € / tarif réduit (- de 25 ans, étudiants, demandeurs d’emploi, famille à partir de 4 personnes)

 

Les Fables D’après Jean de La Fontaine / Création collective/ Mise en scène : Philippe Car

Avec : Valérie Bournet, Nicolas Delorme, Martin Mabz et Élise Pignard

Manipulations au plateau : Valérie Pocreau / Anaëlle Michel

Composition musicale : Vincent Trouble et Nicolas Delorme

Création lumières : Julo Etiévant / Costumes : Christian Burle

Décor et accessoires : Jean-Luc Tourné et Yann Norry

Création son : Christophe Cartier / Création des images vidéos : Nicolas Delorme

Régie générale : Valérie Pocreau / Anaëlle Michel

Régie lumière : Alice Leclerc / Thomas Hua

Régie son : Benjamin Delvalle / Christophe Cartier

Assistanat à la mise en scène : Laurence Bournet

Création de l’expo et des loges : Maëva Longvert et Yann Norry

Direction et conseils en technique : Benoit Colardelle

Crédit photos : Elian Bachini

En une, la cigale et la fourmi

Stéphane Hessel, 10 ans après sa mort, ses mots sont toujours d’actualité

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L’Alcazar accueille ce 30 novembre à 17h30 un événement autour de la figure de Stéphane Hessel diplomate et résistant, auteur emblématique du manifeste « Indignez-vous ! » : ce dernier inspira de nombreuses actions pacifistes à l’instar du mouvement Nuits Debout et fut vendu à 4 millions d’exemplaires et traduit en 44 langues.

Hommage à un Homme de valeur appelant à la Résistance et à l’Insurrection pacifique des consciences

Alors que se multiplient partout en France et sur la planète les motifs d’indignation et qu’ils s’aggravent sans que rien ne soit réellement fait pour en stopper les conséquences désastreuses, il est urgent de rappeler la contribution de l’auteur à l’éveil pacifique des consciences.

A la veille des 10 ans de sa mort à l’âge de 93 ans, les éditions Indigène ont publié une BD « Indignez-vous ! » sortie de la 10 novembre, réalisée à l’initiative de l’éditeur du texte en collaboration avec la fille de l’auteur Anne Hessel.

Ce temps fort gratuit s’articule autour de la projection d’un film sur Stéphane Hessel et d’une rencontre en présence de sa fille, Anne Hessel, ainsi des auteurs de la BD Frédéric Debomy et Lorena Canottiere. Le débat est animé par les éditions Indigène.

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Projection « Stéphane Hessel, Sisyphe heureux » de Thierry Neuville et Sophie Lechevalier

Année : 2010/ Durée : 52 minutes/Pays de production : France/ Production : Kuiv Productions

Stéphane Hessel, né allemand à Berlin le 20 octobre 1917, immigré en France en 1924, puis résistant, déporté et diplomate, est mort le 27 février 2013. « Résister c’est refuser d’accepter le déshonneur… C’est s’indigner lorsque quelque chose est proposé qui n’est pas conforme aux valeurs fondamentales, celle que nous avons essayé de faire passer à travers le Conseil National de la résistance…. sans quoi notre humanité risque de péricliter » écrivait-il.

Dans le documentaire réalisé en 2010, Stéphane Hessel évoque son enfance dans une famille non-conformiste, la Résistance et la déportation, la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, sa carrière diplomatique au sein de l’ONU, sa lutte opiniâtre contre la pauvreté, son engagement auprès des sans-papiers et du peuple palestinien, et enfin son amour pour la poésie.

Les réalisateurs ont tenté de percer le secret de la force et des engagements, de cette vie si singulière, de cet homme de tous les combats, jamais découragé, obstinément confiant à propos duquel Régis Debray parlait d’ »un homme qui sauve l’honneur ».

Une rencontre pour fêter la sortie de la BD

Sylvie Crossman & Jean-Pierre Barou, éditeurs de ce plaidoyer, ont fait appel à deux auteurs de BD, le Français Frédéric Debomy et l’Italienne Lorena Canottiere,  pour Indignez-vous ! la BD.

 

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La bande dessinée, de 64 pages, est paradoxalement deux fois plus longue que cet ouvrage dont la brièveté et le bas prix (3,10 euros) ont assuré le succès. « On a tenu à inclure des histoires inédites qu’il nous avait racontées. Par exemple ce représentant du Vatican qui, lors des discussions sur la Déclaration universelle des droits de l’homme dit de ne pas parler de Dieu, mais de dignité, une notion commune à toute l’humanité », développe Sylvie Crossman.

 

La BD revient aussi longuement sur l’aventure extraordinaire du livre d’un auteur de 93 ans, initialement tiré à 8 000 exemplaires. Indignez-vous ! était né d’un discours improvisé, en mai 2009, dont Sylvie Crossman pensait qu’il avait le potentiel de devenir un livre, et avait trouvé le titre. « Ce n’était pas possible de faire une adaptation littérale. Mais comme Stéphane Hessel n’avait pas raconté toute sa vie dans Indignez-vous, il était intéressant de revenir sur son parcours d’engagé », a expliqué la cofondatrice des éditions Indigène, poursuit-t-elle avant d’ajouter :

 

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« Il ne s’agit évidemment pas d’une stricte adaptation, imagée, d’Indignez-vous ! C’est un récit, neuf, enrichi d’une foule d’informations inédites, de confidences faites à ses éditeurs : l’aventure d’un jeune homme qui s’engage dans la Résistance, s’évade de trois camps de concentration, assiste aux côtés d’Eleanor Roosevelt à la rédaction de la Déclaration universelle des droits humains, débat avec le dalaï-lama, à Prague, de la non-violence, « ce chemin que nous devons apprendre à suivre ». Frédéric Debomy, le scénariste, et Lorena Canottiere, la dessinatrice, ont su rendre, comme nul autre, toute sa fraîcheur et sa jeunesse à cette époustouflante épopée. »

 

« Résister, c’est créer »

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« De l’édition comme acte ; de la résistance par l’art – telle que la pratiquent ces peuples « indigènes », grands maîtres de l’imaginaire – au « Créer, c’est résister ; Résister, c’est créer », le mot d’ordre du Conseil national de la Résistance auquel Stéphane Hessel nous a rappelés, en 2010, avant de mourir : voilà ce qui fonde notre ambition d’éditeurs/auteurs », rappellent Sylvie Crossman & Jean-Pierre Barou. Ils ont souhaité par ce biais « raviver le message du vieux prophète alors que les motifs d’indignation – menaces sur la Sécu, les retraites, la presse libre, le climat… – se multiplient de jour en jour. » Lancer l’alarme avec des cris d’oiseaux disait Léo Ferré. DVDM

https://moisdudoc.com/programme/tout-le-programme/projection-30112022-bmvr-bibliotheque-lalcazar-provence-alpes-cote [14]

Les plus :

 

Bon à savoir :

Frédéric Debomy est l’auteur d’une dizaine de bandes dessinées et de plusieurs essais et documents dont un grand nombre d’ouvrages sur la Birmanie (le dernier paru : Birmanie, la révolution de printemps, Syllepse, 2021). En 2011, il a coordonné le dialogue entre Aung San Suu Kyi (Prix Nobel de la Paix 1991) et Stéphane Hessel : Résistances – pour une Birmanie libre (Don Quichotte éditions). Parmi ses bandes dessinées : Turquoise, avec Olivier Bramanti (Les Cahiers dessinés, 2012), Le Vertige, avec Edmond Baudoin (Cambourakis, 2014), Aung San Suu Kyi, Rohingya et extrémistes bouddhistes, avec Benoît Guillaume (Massot éditions, 2020) et Le Baiser, avec Andrea Bruno (Ici même, 2022).

Lorena Canottiere est autrice complète de BD, travaillant à la fois dans le roman, le journalisme graphique et l’illustration. Elle a publié notamment dans Le Monde diplomatique, Internazionale et La Revue dessinée. Ses albums sont publiés en Italie par Coconino Press et Oblomov ; en Espagne, par Liana editorial ; en France (Verdad et Sauf imprévu), par les éditions Ici même et Marabout. Elle a reçu le prix Artemisia 2018 pour Verdad, son album sur la guerre d’Espagne. En Italie, le prix Gran Guinigi 2018 pour Io più fanciullo non sono (Coconino Press/MIBACT) et, en 2021, le Premio Speciale Andersen pour Bella Ciao (EL Einaudi Ragazzi).

Indignez-vous :! La BD aux éditions INDIGÈNE / En librairie le 10 novembre/ 64 pages, 220 x 290 mm,18 €/Diffusion distribution France et Belgique/Suisse romande-Servidis/Québec-Dimedia

 

Le Hero Festival ensoleille la fin des vacances de la Toussaint

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L’année dernière, le Hero avait accueilli 26000 héro festivaliers à l’occasion d’une édition plus resserrée. Pour sa 8ème édition, les 5 et 6 novembre au Parc Chanot. le Hero Festival retrouve sa dimension d’avant-crise avec ses 2 halls (soit 13000 m² en intérieur) et ses allées en extérieur (couvrant 10000 m²). Les créateurs du festival espèrent dépasser cette année la barre des 30 000 visiteurs.

Une météo idéale pour le Cosplay

Que le Hero tombe à la fin des vacances de Toussaint, ce n’est pas pour déplaire à Annabelle Fouques, co directrice du festival: « c’est un divertissement avant la reprise et nous sommes gâtés côté météo : on peut profiter de belles journées sans avoir trop chaud, notamment pour les cosplayeurs. C’est une période qui est top. »

Le Cosplay est bien entendu toujours au cœur de l’événement, riche en animations gratuites pour tous les âges et toutes les générations. Que serait le festival sans ses défilés et concours de cosplay ? « L’an passé, j’ai eu un coup de cœur pour une dame costumée en Maléfique : elle me racontait qu’elle avait collé les plumes une à une. Il y en avait plus de 3000. J’ai beaucoup d’admiration pour ce que font les cosplayeurs, moi qui ne suis pas manuelle ni créative ».

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MEDIEVAL ©Bina Gn Photographie

Une attention particulière a été portée à la réécriture de l’histoire du Festival « en créant un fil rouge au travers des différents univers » développe Annabelle. A cet effet, aux côtés des traditionnels villages des sports, des jeux ou encore du village médiéval avec ses vikings de tout poil, il s’enrichit de la création d’un village des créateurs et artisans, 40 au total dispatchés dans les trois Univers Konoha, Krypton et Brocéliande. L’occasion de découvrir des créations faites main !

Lecture pour tous et toutes : une volonté réaffirmée

« Pour nous, c’est important de promouvoir le livre et séduire un nouveau lectorat ». Le village du livre comptera cette année pas moins de 60 auteurs et illustrateurs ainsi que 10 maisons d’édition indépendantes: « on a développé cette partie qui me tient beaucoup à cœur : on trouvera des comics, des BD, de la littérature de style héroïque fantaisie, des mangas. On n’en a jamais eu autant. J’aurais aimé le développer encore plus mais quand j’avais sollicité le Centre National du Livre, j’ai eu une réponse négative, le festival n’avait pas l’envergure suffisante. »

Mais qu’à cela ne tienne, Annabelle persiste et signe. « La particularité du festival, c’est que les gens viennent pour voir une chose et découvrent dix autres choses. Le principe est d’amener un public qui ne lit pas à découvrir des auteurs et les auteurs aiment rencontrer les gens qu’ils ne rencontrent pas dans les salons du livre classiques : ils ont des échanges différents. Faire venir un nouveau public, c’est ce que je trouve intéressant. »

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KONOHA ©Clément Bidard

Masterclass et plus si affinité pour jeunes en recherche d’emploi

La dimension sociale est cette année au cœur des préoccupations des organisateurs : « On a zéro subvention mais plusieurs délégations de la ville de Marseille vont venir cette année : on a développé un partenariat, et j’en suis heureuse, avec la mission locale de Marseille. On a construit ensemble tout un contenu et une programmation à l’attention des jeunes qu’ils accompagnent pour échanger avec eux sur les métiers, leur permettre de rencontrer les professionnels et les aider dans leur chemin vers la réintégration sociale. »

« Il s’agit aussi de montrer aux visiteurs du Hero ce que la mission locale peut faire pour eux : quand un jeune est un peu perdu, qu’il a lâché l’école ou le travail, le rôle de la mission locale est de l’aider à retrouver son chemin. Il y aura des masterclass avec des professionnels, des artistes. Les illustrateurs viendront témoigner de leur parcours, leurs galères et leurs réussites, échanger avec les jeunes et leur donner des tuyaux si certains sont intéressés à se lancer là-dedans. » poursuit-elle.

La dimension internationale assurée par le couple star de la série Charmed

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HOLLY MARIE COMBS ©DR

« Dans les invités internationaux, on en a trois dont deux connus qui traversent l’Atlantique pour venir rencontrer le public marseillais et un acteur britannique de Star Wars (Andrew Lawden). Tous les plus de vingt-cinq ans connaissent Charmed. La série a duré 8 saisons avec pas mal de rediffusions aussi. Tout le monde connaît les sœurs Halliwell et a partagé quelques unes de leurs aventures à la télé. Le fait qu’il y en a une qui vienne, c’est extraordinaire. On est très content et on a des réactions étonnantes du public : ils sont fascinés parce que Holly Marie Combs et Brian Krause (Piper et Léo dans le série ndlr) viennent à leur rencontre à Marseille. » C’est d’autant plus un événement que la sortie du reboot de la série la remet sur le devant de la scène.

« Il y aura sur la grande scène chaque jour un jeu de question/réponse avec le public, gratuit, et des séances photo-dédicaces pour des moments un peu plus privés avec les festivaliers, à réserver sur la billetterie en plus. Pour ma part, je suis impatiente de rencontrer Holly Marie et Brian. J’avais 25 ans quand la série est sortie, j’ai le même âge qu’elle et elle a eu trois garçons comme moi qui sont nés à peu près aux mêmes dates. Je ne suis pas une artiste mais à part ça, on a le même profil et parcours personnel » nous confie-t-elle.

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BRIAN KRAUSE ©DR

Pour le plaisir des sens

« Je suis contente de retrouver Codrad, le dragon qui déambule au fil des allées : on lui a préparé tout un programme d’envergure. On a aussi une nouvelle scène : la scène musicale sur laquelle il y aura des découvertes. On a invité des jeunes talents qu’on n’a jamais vu au Hero Festival. On a également un beau plateau de comédiennes françaises dont la voix française d’Holly Marie : ce sont 3 générations de doubleuses qui se croisent avec des parcours et anecdotes à partager avec le public. » Il s’agit de Clara Soares, Dominique Vallée (la voix de Piper) et Virginie Ledieu.

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Annabelle Fouques ©Alexandre Chabrier

Dans le hall 1, « on a repris le food-court qui avait bien marché l’an passé. Une dizaine de spécialités asiatiques sont regroupées autour de grandes tables disposées au milieu. Dans les allées, en extérieur, on trouve les food-trucks avec différentes spécialités, du salé au sucré (barbe à papa, marron chauds, des crêpes…) pour toutes les heures de la journée». Ce sont au total 20 points de restaurations.

Alors, prêts pour le Hero Festival ? Diane Vandermolina

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Bon à savoir pour la première fois au HF :

Adossé à l’événement, le Marseille esport festival offre aux gamers un terrain de jeux XXL dans le Hall 2 entièrement dédié à l’esport et au gaming. A vos manettes ! DVDM

Infos pratiques : https://www.herofestival.fr/marseille/ [21]

Attention : fermeture des portes à 18h30/ Tarifs de 11 à 48€ par (enfant, famille 2 adultes et 3 enfants) /28€ les deux jours par adulte (moultipass)

En une, Annabelle Fouques, co-directrice du Hero Festival ©Alexandre Chabrier

CYRIL ROVERY, ANGES ET DÉMONS

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UNE VOIX DÉMONIAQUE

Il y a plusieurs façons d’aborder la critique d’un disque, soit morceau par morceau, soit dans sa globalité, s’il y a une thématique, un fil conducteur, soit par les diverses expressions vocales qu’il propose, les choix chronologiques, le regroupement des compositeurs.…

Le titre de l’album: Anges et Démons nous propose une piste avec des personnages-clés, une sélection subtile. Mais ce n’est pas un confort vocal pour autant: c’est un éventail des qualités surprenantes du chanteur qu’il nous offre ici dans un bouquet audacieux, courageux et brillant avec des personnages angéliques (peu) ou démoniaques (plutôt). Ce n’est ni un récital Mozart, Verdi, ce n’est pas un récital centré sur une voix, mais mille voix, mille tessitures, challenge incroyable d’une performance hors du commun.

L’éclatement géographiques de ces 13 extraits d’opéras (France, Italie, Russie, Allemagne) prouve déjà la large palette de possibilités du chanteur Cyril Rovery, sa curiosité. Ensuite, les personnages interprétés et les voix, les tessitures correspondantes, donnent le vertige par cette anthologie d’airs célèbres. Car, nous sommes en présence d’un éventail énorme, de la basse profonde mozartienne au baryton romantique!

Nous essaierons de donner envie d’écouter ces airs, cette originale, audacieuse et prodigieuse compilation, par le biais des performances vocales, artistiques, musicales. Qui rappelle celles des grands chanteurs du répertoire aux voix très longues aussi: Nicolaï Ghiaurov, Josef Greindl, Kurt Moll, Martti Talvela, Matti Salminen, Paolo Montarsolo, Samuel Ramey... pour ne citer que quelques très grands. Un commentaire sur chaque air interprété pour passer d’un style à l’autre, sans la monotonie de ressemblance stylistique et pour respecter cette fascinante disparité de rôles, comme pour mieux jongler avec les tessitures et s’en amuser…

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Cyril Rovery

Médaille d’Or à l’unanimité du Conservatoire de Marseille et grand Prix de la ville de Marseille, Cyril Rovery débute sa carrière professionnelle en 1998 par un Prix au Concours Voix Nouvelles à l’Opéra d’Avignon puis à l’Opéra de Paris. Depuis plus de 20 ans, il se produit sur les plus grandes scènes nationales et son expérience ne cesse de se développer, lui ouvrant les portes des scènes internationales (Bulgarie, Pays-Bas, Roumanie, Pologne, Japon…). Régulièrement engagé à l’Opéra de Marseille, sa ville natale, natale, on le retrouvera, en tournée dans le rôle d’Escamillo (Carmen), Leporello (Don Giovanni) et Le Grand Brahmine (L’Africaine) à l’Opéra de Marseille en 2023, ainsi que dans de nombreux concerts.

Artiste lyrique, coach vocal au CEEEV, Centre d’Expertise Européen de l’Eloquence et de la Voix (Clinique Bonneveine), Cyril Rovery est passionné par la voix depuis 30 ans. Des heures et des heures par semaine à écouter, questionner, se questionner, éduquer, rééduquer, tout en menant une brillante carrière de soliste et de metteur en scène. On retrouve dans cet album tout ce travail acharné. Et cette superbe complicité avec la remarquable pianiste franco-ukrainienne Olga Bondarénko, jeune et talentueuse soliste, concertiste, deux ans et demi de collaboration avec le chanteur, quinze concerts en commun.

Rossini, Verdi, Wagner, Mozart, Gounod et les autres

Gioachino Rossini. Il Barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville): air de Don Basilio – La calunnia. Cyril Rovery est très à l’aise dans ce répertoire rossinien, cher à Paolo Montarsolo, airs brillants à vocalises, personnages truculents de basses-barytons que sa voix si large lui permet d’explorer et de maîtriser, depuis, merveilleusement (L’Italiana in Algeri, Cenerentola, Semiramide…). Don Basilio, le maître de musique de Rosina, expose,ici, à Bartolo, sa stratégie de lutter contre Almaviva; et l’arme terrible sera la calomnie. Ce chef-d’œuvre de l’opéra-bouffe et le texte de Cesare Sterbini sont une mine pour dessiner les contours des personnages, des situations. Rovery déploie sa large voix, se plaît à articuler chaque mot, chaque syllabe; on entre dans le personnage avec délectation. Les indications pianissimo pour des phrases évocatrices, auraient, peut-être, demandé plus de retenue: leggermente, dolcemente,…piano, piano, terra a terra, sotto voce, sibilando incomincia a sussurrar, Piano piano, terra terra, sotto voce, sibilando/Légèrement, doucement, Commence, commence à murmurer. Piano, piano, terre à terre, À voix basse, en sifflant. Rester sur cette nuance pp=pianissimo, indiquée par Rossini, pour amener l’immense crescendo: Rovery semble impatient d’envoyer le coup fatal come un colpe di canone, vrai coup de canon qu’envoie le baryton-basse. Et le sol brillant (crepar) de la fin: magnifique!

Charles Gounod. Faust. Air de Mephistofélès : Le Veau d’or. Cet air du deuxième acte de Faust, est écrit sur un tempo de 6/8 haletant et demande une grande énergie. Dans la Bible, le Veau d’or, symbole d’idolâtrie, mettra en conflit Moïse et Aaron. Les boucles d’oreilles des femmes et des enfants (Exode du Peuple hébreu libéré du joug du Pharaon), fondus en or, symboliseront un nouveau Dieu, un Veau d’or! D’où la colère de Moïse au Mont Sinaï, qui fracassera les Tables de la Loi sur un rocher! C. Rovery distille chaque mot, l’articulation est parfaite; les mi bémols sont éclatants «Et Satan conduit le bal». Tout est à 100%, pas de fuite, Rovery ne se cache pas; il rentre dans la partition avec passion. On anticipe la moquerie de Méphisto à l’encontre de Marguerite et l’épée de Valentin qui se brise. La pianiste est excellente dans son approche orchestrale.

W.A. Mozart. Die Zauberflöte (La Flûte Enchantée): air de sarastro O Isis und Osiris. On retrouve ici toute l’infinie noblesse de Sarastro. La beauté de cette ligne soutenue, le superbe legato, le large souffle, et les magnifiques graves (Quel fa final!). Cyril Rovery exprime merveilleusement l’idéal fraternel maçonnique. Sarastro, Grand Prêtre d’isis et d’Osiris, délivre son message, dans un rythme de marche apaisée, alternance de noires et de blanches (O Isis und Osiris, schenket der Weisheit Geist dem neuen Paar!/ O Isis et Osiris, accordez l’esprit de la sagesse au nouveau couple!).

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Cyril Rovery en Don Giovanni : ange ou plutôt démon ?©DR

Giuseppe Verdi: air d’Attila « Mentre gonfiarsi l’anima parea dinanzi a Roma…/Alors que mon âme paraissait se gonfler d’orgueil devant Rome…». Air verdien par excellence, avec une mélodie très expressive, soutenue par un accompagnement discret mais efficace, un immense crescendo, beau legato maîtrisé, toute la tragédie d’Attila, Roi des Huns, le pire ennemi de l’Empire Romain, ce «fléau de Dieu» racontant à son esclave Uldino le rêve qu’il vient de faire: un vieillard lui barre la route lui criant:« Ta seule action jusqu’alors a été de châtier les romains. Replie toi! Ce sol est le royaume des Dieux! Rovery dégage sa puissance et ce trouble naissant pour déployer un fa aigu poignant: «E l’alma in petto d’Attila S’agghiaccia per terror/Et l’âme, dans le cœur d’Attila, se glace de terreur.

Giuseppe Verdi. Nabucco: air de Zaccaria Oh chi piange Del futuro nel buoio discerno. Ce morceau arrive juste après l’emblématique «Va, pensiero», chœur des Hébreux en captivité à Babylone et cette oppression qui servira de modèle, d’étendard politique et musical à l’Italie sous domination autrichienne, symbole de quête de liberté. Zaccaria, le grand Prêtre de Jérusalem, se demande qui pleure comme cela («Oh, chi piange?/»Qui pleure donc?») et exhorte ses frères et sœurs, son Peuple, à se relever «Oh sorgete, angosciati fratelli / Oh levez-vous mes frères dévorés d’angoisse») car le Lion de Judée va s’abattre sur les assassins! Ce récitatif mordant et soutenu «Oh chi piange» précède l’air: «Del futuro nel buio discerno» /Dans les ténèbres de l’avenir, je puis voir»… Très belle ligne de chant, soutien magnifique du piano et toujours ces battements de croches, accompagnement régulier, pulsé, pour soutenir le chant et la tension dramatique, belle performance vocale avec ce fa aigu tonitruant sur Serpenti (Les serpents): «Qui verrano le iene, le serpenti» / Les hyènes, les serpents viendront faire leur demeure». Le fa# final (Ni una pietra/ il ne restera pas une seule pierre…) est aussi un véritable cri de guerre, imposant.

P.I. Tchaïkovsky. Eugene Onegin: air de Gremin Lyubvi vsye vozrasti pokorni. Le grand compositeur russe signe un opéra majeur, d’après le roman en vers de Pouchkine. Dramatisme, sensibilité, poésie qu’on retrouve dans ce très bel air. Une mélodie riche, cantilène répétitive, si dense. C. Rovery chante le russe comme le français; ses engagements comme basse principale dans les opéras de Bulgarie (Sofia) lui ont donné une expérience grandiose, artistique, vocale, humaine, littéraire. Le fa# grave final de ce Prince Gremin, Général à la retraite, semble s’étaler dans les immenses campagnes russes.

W.A. Mozart. Don Giovanni: air de Don Giovanni Fin ch’an dal vino. Ce Presto à 2/4 est époumonant, pas le temps de respirer, toute la folie, l’énergie de Don Giovanni (Da Ponte/Mozart), Don Juan (Tirso de Molina), Dom Juan (Molière). Le séducteur se prépare à donner une fête et indique les dernières consignes à Leporello. Cet air est difficile car il faut trouver l’équilibre entre puissance et légèreté, grandeur et fantaisie, projection et insouciance. Et toujours sur le haut médium de la voix de basse-baryton avec ces «mi» épuisants comme l’est la vie de Don Giovanni, certains «mi» tenus, puissants («Cerca mennar…farai ballar/Essaie de l’amener, tu la feras danser), d’autres jetés à la face du monde avec arrogance et assurance, qui claquent comme des flèches lascives (Piazza, ragazza, quella/Si tu trouves sur la place quelque fille,Tâche de l’amener …). Le chanteur trouve ce bel équilibre et cet air du champagne est vraiment pétillant.

Richard Wagner. Die Walküre (La Walkyrie): Les adieux de Wotan-Wotan’s Abschied. Ces adieux de Wotan sont un déchirement. Brünnhlide ayant osé se confronter à son père Wotan et à la déesse Fricka, gardienne des lois du mariage, en protégeant les amours interdits entre Siegmund et Sieglinde, est condamnée à être plongée dans un profond sommeil. Sur un rocher entouré d’un brasier, Wotan abandonne sa fille au plus vaillant héros qui saura la délivrer. S’attaquer à l’un des passages emblématiques du Ring (La Tétralogie) de Wagner est un pari osé que C. Rovery dompte une nouvelle fois, par un chant douloureux qu’il dramatise à l’extrême avec des appuis sur chaque sons, comme si Wotan voulait se déculpabiliser. Wotan, devenu son propre ennemi, s’est courbé devant Fricka et ses «Leb wohl» (Adieu!) sonnent et s’évadent dans de belles résonances… La pianiste est un vrai orchestre sur cet immense récit de plus de huit minutes, réduire Wagner au piano n’étant pas une mince affaire. Grande théâtralité vocale et plus d’intimité à la fin des adieux: «So küsst er die Gottheit von dir» (Et t’enlève d’un baiser, la divinité), superbe!

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Cyril Rovery en Escamillo dans Carmen ©DR

Georges Bizet. Carmen: air d’Escamillo: Votre toast. Ce célébrissime air dont la deuxième partie a fait le tour du monde, est aussi, d’un ambitus large, ce qui ne semble pas inquiéter notre chanteur: Toreador, prends garde…à toi, et songe bien en combattant qu’un œil noir te regarde. Toute la fougue d’Escamillo, amoureux fou de Carmen; on voit la scène «le taureau s’élance, il entre…». Les deux parties sont bien définies: entrée de matière tonique: «Votre toast, je peux vous le rendre» et cette conclusion «Les spectateurs s’interpellent à grands fracas» sur ce fa aigu avec point d’orgue dont se délecte le chanteur. La deuxième partie, nuance piano avec ce rythme pointé typique qu’on retrouve dans la Habanera et qui a rendu cet air si célèbre; ce changement permet au soliste de montrer une palette plus sensible, séductrice.

W.A. Mozart. (Die Entführung aus dem Serail-L’Enlèvement au Sérail): air d’Osmin «Ha, wie will ich triumphieren» / Ah, comme je triompherai». démontre une nouvelle fois, l’impressionnante tessiture de C. Rovery. Osmin, gardien du Palais du Pacha Selim, réveillé par les bruits de Belmonte voulant délivrer sa fiancée Konstance. Toute la puissance vocale d’Osmin et de C. Rovery dans cet air magnifique sur plus de deux octaves! La phrase: «Denn nun hab ich vor euch Ruh»/ Car je serai débarrassé de vous» se termine par un grave sous la clé de fa pendant huit mesures (!) que le chanteur a l’audace de, non seulement tenir, mais d’enfler, comme pour nous narguer!

Eugène Diaz de la Peña: Arioso de Benvenuto Cellini De l’art splendeur Immortelle. Fameux arioso, apprécié par tant de barytons. Extraordinaire entrée du piano, grands accords, puis cette marche hésitante en rythme pointée. Grand récitatif: «Combien de fois aux jours a succédé la nuit… retraçant la vie de l’orfèvre et sculpteur florentin, Benvenuto Cellini: De l’art, splendeur immortelle»…et cette supplique: «Seigneur, je t’appelle…» sur des grands accords arpégés que la pianiste sculpte merveilleusement. «Seigneur, pitié» énoncé plusieurs fois, amène un sublime crescendo, chant et accompagnement en fusion totale dans de grandes vagues expressives. «Non, mes yeux ne vous verront plus! Seigneur, pitié pour moi». Un fa aigu comme une lame glaçante et percutante.

Giuseppe Verdi. Attila: air d’Attila Mentre gonfiarsi l’anima. Entrée du piano très poignante, avec ces trémolos, puis cet accompagnement très soutenu, dans le prolongement Bel canto des compatriotes Bellini, Donizetti, qui rappelle l’air de Rodolfo de La Sonnambula de Vincenzo Bellini (Vi ravviso) et cette magnifique ligne. Souffle impressionnant de C. Rovery, avec les montées chromatiques très habitées. Des accents dramatiques et de grands accords aux piano, sauts d’octave, legato magique du chant.

Giacomo Meyerbeer. Robert le Diable: air de Beltram J’ai bravé le ciel, je braverai l’enfer. On retrouve toute la grandiloquence des opéras de Meyerbeer, les accents du Grand Opéra Français: Robert Le Diable, Les Huguenots, Le Prophète, L’Africaine (posthume). Trois opéras de son vivant, seulement, et plus de succès que Mozart, Verdi, Wagner réunis, au XIXème siècle! Robert le Diable, figure médiévale légendaire, issu d’une union entre Satan et une mortelle. Un récit posé puis un rythme dansant, magnifiques guirlandes de gammes ascendantes et descendantes du piano, rythme ternaire très orné, vocalises terribles: «Je braverai l’enfer», très tonique. Et un fa# explosif sur «Oui, l’enfer!».

Gioachino Rossini.La Gazza ladra (La Pie voleuse): air de Gottardo Si per voi pupille amate ». Opéra semiseria où alternent passages comiques et plus dramatiques, airs à vocalises, très ornés et moments plus denses dramatiquement. C. Rovery met toute son âme dans une première partie à l’accompagnement simple malgré des modulations en tonalités mineures. La deuxième partie est une cavalcade de virtuosité pianistique et vocale. Le final est un feu d’artifice: gammes ascendantes, descendantes, saut d’octaves, arpèges, trilles... on sent un plaisir à deux, un plaisir complice indéniable.

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Rovery-Bondarenko, un duo complice ©DR

Le funambule de l’Opéra

Bientôt 30 ans de carrière, de passions pour l’opéra, la voix, les histoires, les tessitures, une abnégation, un combat permanent pour chercher toujours sa voix, sa voie, son univers. Mais quand on a deux octaves et demi de tessiture, homogènes, choisir son répertoire, l’imposer sur les plus grands scènes est un casse-tête. Performance ou inconscience?

Quand on voit le chanteur sur scène, dans des productions qu’il met aussi en scène lui-même, on est émerveillés par cette capacité de jongler avec les tessitures, les couleurs, les expressions, les attitudes. Une expérience de 60 rôles lui permet aujourd’hui, de prendre du recul et de choisir, autour de ce répertoire monstrueux, des horizons très techniques et très ornés que sont les opéras de Rossini, car C. Rovery excelle dans les basses bouffes à vocalises du Maître de Pesaro, sans compter le merveilleux comédien qu’il est.

Pouvoir faire résonner les graves (sous la clé de fa!) d’Osmin comme les «sol» aigus de Basilio, est un exploit qu’on trouve souvent plutôt, hors de nos frontières. Cyril Rovery peut chanter, dans le Don Giovanni de Mozart, les 4 rôles: Don Giovanni, Le Commandeur, Leporello, Masetto!!

Maintenant, il s’agit d’un disque diraient les détracteurs et la scène est là où tout se joue, mais le disque est aussi un piège, encore plus aujourd’hui sur les fameuses plate-formes, car tout reste, tout se transfère, se partage. Tout est gravé, fixé. Un récital moyen peut être vite oublié et on ne retiendra que les passages les plus spectaculaires, les plus marquants; un opéra de 3 heures permet de se jauger aussi: on peut «rater» un air, mais faire un merveilleux duo, ou le contraire…

Ici, en 13 morceaux, nous avons, une anthologie de la tessiture. Tous les styles n’y sont pas: Baroque, XXème siècle, contemporain… mais ce qui est fascinant avec Rovery, c’est cette possibilité de pouvoir tout chanter. Rovery sait jouer aussi des conventions et agrémente assez souvent ses airs à reprise (Aria da capo) de variations très personnelles, au disque mais surtout à la scène. Peut-être notre exigence, notre attente perfectible serait d’attendre encore plus de couleurs dans les nuances, d’enrichir la palette du peintre.

Cyril Rovery a une Rolls-Royce dans les mains, mais il n’est pas nécessaire de s’exposer tout le temps. Être généreux est si touchant, il faut maintenant laisser cette magnifique cylindrée s’échapper naturellement, prendre toutes les difficultés avec maîtrise, les grandes autoroutes, comme les départementales.

Cet engagement, cette rigueur, cette passion, forcent le respect. Ne pas avoir peur de laisser-faire, de ne pas dire, de chuchoter, leggermente, dolcemente,…piano, piano, terra a terra, sotto voce, sibilando incomincia a sussurrar. La palette de nuances, déjà riche ici, peut l’être encore plus. Les moyens vocaux sont considérables; il faut apprivoiser encore la bête, la plus belle voiture de luxe que la nature a posé dans son garage, pour en faire le plus beau des diamants qu’elle est déjà. Anges et démons cohabiteront, alors, pour la plus belle des carrières. Yves Bergé

Anges et Démons à l’Opéra

Cyril Rovery Basse-Baryton/ Olga Bondarénko piano

Album de 13 titres/Label Adoopera Production/Joyce Young Artiste Visuelle

Bon à savoir : en écoute sur de multiples plate-formes telles que Amazon Music, Spotify, Deezer, Napster… pour le plaisir du partage. Cyril Rovery enregistre avec le label Universal Music Salomé d’Antoine Mariotte.

L’adieu de Pierrette Monticelli au Théâtre de la Joliette

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DIRE L’INDICIBLE

L’INTERVIEW, texte et mise en scène de Pascal Rambert avec Pierrette Monticelli et Marine Guez, était présenté au Théâtre de la Joliette le samedi 24 septembre 2022 à l’occasion des adieux de Pierrette et Haïm, les fondateurs du théâtre de la Joliette, auparavant connu sous le nom de théâtre de la Minoterie.

Sur un mur continué, coulé en tapis d’un blanc éclatant, dont la blancheur immaculée est exaltée par deux gros projecteurs, deux tabourets plastique blancs ; hors cadre à l’avant-scène, le viseur évidé d’un cercle au néon, un sommaire dispositif de caméra sur pied et moniteur. Par l’entrée latérale de la salle, côté jardin, surgissant de l’ombre, entrent deux femmes en noir, parlant à voix basse, se déchaussant de leurs baskets blanches, une jeune à queue de cheval, l’autre à cheveux courts d’un blond grisonnant, un sac noir en toile à la main. La jeune s’applique, hors champ, à régler le système enregistreur, micro, lumière, en s’adressant à un technicien invisible.

Ces deux personnages, ou plutôt, concrètement ces deux personnes, par l’absence de théâtralité de leurs figures, prennent place sur les tabourets, la plus jeune, l’intervieweuse de profil le plus souvent, la femme mûre de face, caméra frontale oblige, sauf à des moments d’intimité resserrée, annoncée par le tutoiement initial, où les visages aussi se jaugent, s’interrogent, où une main empathique saisit tendrement celle de l’autre émue.

On ne saura ce qui motive cette interview à l’appareillage techniquement élaboré, la femme interrogée n’ayant rien d’une star, d’une personnalité, d’une héroïne, dont on sollicite le témoignage, la parole. Dans cette lumière crue, on pourrait croire à un interrogatoire policier sans la douce banalité de la femme qu’on ne voit ni en coupable ni en victime ; par la froideur clinique de l’enregistrement, on pencherait vers une thérapie verbale et visuelle dès que s’amorce l’entretien, timidement, avec des réponses monosyllabiques.

On ne saura pas non plus la raison de la douleur intense impossible à mesurer en mots, toujours défaillants par l’hyperbole ou l’euphémisme, l’excès ou le manque, qu’exprime, sans pouvoir cerner, la dame interrogée, que comprend, sans que nous la comprenions, son interrogatrice, qui semble l’avoir vécue aussi, fermées qu’elles sont, en tentant de s’ouvrir, sur une expérience individuelle d’une souffrance immense dont la plus âgée, lucidement, modestement, admet que son malheur singulier n’est peut-être rien rapporté à l’échelle des malheurs pluriels du monde.

Pourtant la phrase d’Aldous Huxley, « La terre est l’enfer d’une autre planète », l’aveu du désir réfléchi de l’impossible suicide en donnent une idée superlativement dramatique. Mais, quand on s’attendrait à l’outrance, à la déclamation, tout, est pratiquement murmuré, en sourdine, à douce voix, en réserve délicate de Pierrette Monticelli, en écoute compréhensive, tendrement complice de Marine Guez. On va longuement parler de parole sans éclat de voix, de douleur, sans dolorisme : souffrance qui semble, comme chez Schopenhauer, une donnée, immédiate, fondamentale, forcément sensible, du monde, mais apparemment sans l’espoir chrétien de rédemption.

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« L’interview » , metteur en scène Pascal Rambert. Générale au NEST, CDN Transfrontalier de Thionvoille Grand Est

L’interrogée, s’interrogeant sur la nature de sa douleur (une rupture ?) s’interroge sur le remède verbal aujourd’hui banalisé et sempiternellement répété de « mettre des mots » sur les choses, ce qui serait le salut. Mais comment nommer ce qui n’a pas de nom, quand les mots vous échappent ? Comment traduire l’intraduisible, comment fabuler l’ineffable, dire l’indicible ? Thérèse d’Avila, sans mots sinon sans voix pour résoudre l’impossibilité de nous communiquer sinon nous communier ses expériences mystiques, pour au moins nous les rapprocher, les approchait, serrait, par la périphrase sensible tournant autour du sentiment, de la sensation : la métaphore au lieu du concept. À écouter surtout la femme âgée, à juger ses tentatives de dire ce qui ne peut se dire, qui échappe toujours à la nomination, à la définition qui cernerait, limiterait, permettrait enfin une salutaire mise en lumière physique de ce mal être psychique, on serait tenté de diagnostiquer une dépression. Mais la dépression, justement, c’est le creux, le vide accusé puis causé par la fuite des mots.

Et c’est la question qui nous interroge : peut-on penser le vide de la pensée sans mots ? Car, si le récit haché de la vacuité existentielle de la femme, n’est pas abstrait —elle va regarder les gens au Supermarché, s’assied sur un banc, fréquente une association, un parc, roule des heures dans son automobile japonaise bleue, évoque la forêt, et la jeune compare son état mental et corporel aux montres molles de Dalí —le texte quotidien, prosaïque, ce minimalisme de gestes, avec cette présence qui ne peut être absence, cette existence, le physique s’élève fatalement à la métaphysique. Les monosyllabes y expriment beaucoup, on peut dire tout en ne disant mot, le silence est éloquent.

« Je me suis toujours demandé où étaient les mots dans notre corps avant de sortir », dit la femme mûre, texte reproduit en grand sur une page dans le livret programme de présentation de la saison du théâtre. On ne lui répondra pas avec la science que, sinon les mots, la fonction de la parole a sa localisation dans le cerveau, mais, avec la psyché théâtrale sinon la psychanalyse, que plus que du tissu des songes comme disait Shakespeare, nous sommes tissés de mots. Benito Pelegrín

Photos : Luc Bertaut

Save the date : « Homo ça coince! », un retour gagnant

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Le collectif Manifeste Rien sera à l’Alcazar, 58 cours Belsunce 13001 Marseille, le 27 septembre à 18h pour une représentation exceptionnelle et gratuite de leur création « Homo, ça coince ! ». Du Théâtre, du vrai théâtre, qui aurait sa place sur les grandes scènes françaises. Courez-y!

La représentation est suivie d’un débat avec l’auteur-metteur en scène et Laurent Gaissad, socio-anthropologue, auteur de « Hommes en chasse. Chroniques territoriales d’une sexualité secrète », Presses Universitaires de Paris Nanterre (Ethnographies Plurielles).

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Une « joyeuse » performance d’acteur sur un sujet grave : l’homosexualité

Le spectacle est interprété par un Olivier Boudrand magnifique, précis dans sa gestuelle, notamment lorsqu’ il mime les mouettes ou encore donne vie à un comptoir de bar, sa machine à café… Vêtu d’un costume de cérémonie blanc, au col bien droit, il est seul en scène durant une bonne heure sur un plateau nu. A la fois émouvant et drôle, il incarne avec talent et sobriété, une grande justesse et sans caricature, les 15 personnages du spectacle et passe avec dextérité de l’un à l’autre (la difficulté de jeu résidant à jouer plusieurs personnages interagissant dans une même scène) : Albert, un macho homophobe amoureux de Betty, une trans argentine, une famille marseillaise classique et bon teint dont le papa va s’encanailler à la place Sébasto et leur fils, une lesbienne afro-américaine délurée et sa copine camionneuse, un joueur de flipper maghrébin, un habitué des relations homosexuelles tarifées, un garçon de café enjoué, etc… sans oublier Monsieur Loyal, le narrateur.

Ce dernier, dans un langage parfois cru mais jamais vulgaire, parle des pratiques sexuelles entre femmes ou encore commente la scène précédente : le principe du « rewind » et de la répétition est par ailleurs fort bien vu et amené, notamment lorsqu’il demande ironiquement : mais où va le papa ? avant que le comédien ne rejoue la scène et ne nous dévoile cette réalité d’une double vie à laquelle nous nous attendions.

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Monsieur Loyal

Jeu sur des clichés « rassurants » pour mieux les dénoncer

De nombreux clichés sont ici dénoncés lors des interventions du narrateur : celui de la lesbienne féminine ou encore de la tapette créative plus tolérés par la société que les trans. Alors, même si les personnages au premier regard peuvent paraître aux yeux de certains « clichés », leur histoire et évolution au fil du spectacle les éloignent de cette caractérisation rassurante, déjouant les préjugés: pour exemple, un garçon qui enfant aimait les robes ne devient pas forcément homosexuel (le fils de la famille marseillaise) ou un macho grande gueule et susceptible, bête et homophobe, peut se révéler, en amoureux transi, dans un renversement tout hégélien, doux comme un agneau (Albert ne relevant pas les railleries de la camionneuse sur sa personne ou se baladant, bras dans les bras, avec Betty à la vue de tous).

Olivier porte cette création avec conviction et offre à entendre un texte intelligemment écrit où se mêlent paroles de tous les jours et réflexions sociologiques poussées sur la question des identités et des sexualités, servi par une mise à la scène efficace et judicieuse qui épouse le texte avec finesse, sans déplacements inutiles ou gestuelle parasite.

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Albert

Vers une déconstruction des catégories

Ecrite à partir de diverses sources littéraires, d’une étude sociologique élaborée par Laurent Gaissad (socio-anthropologue) et de témoignages vécus recueillis par Jeremy Beschon avec la collaboration de Virginie Aimone et du comédien, cette création nous questionne sur nous-mêmes, notre sexualité, nos désirs et notre position par rapport à la norme hétérosexuelle établie qui contamine chacun de nous, que nous soyons homo, hétéro, trans ou autre. Comme l’écrit Kant, dans la Préface de « La Critique de la Raison Pure », « la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après ses propres plans ».  Avec ce spectacle, la compagnie démontre qu’un travail de déconstruction des catégories ancrées dans nos inconscients collectifs est nécessaire si nous souhaitons appréhender les relations humaines et sexuelles autrement que sous un angle hétéro-normé : la discussion sur le mariage homosexuel entre la colocataire afro américaine du jeune marseillais monté à Paris et sa petite amie est ici pertinent et riche en enseignements sur les luttes LGBT, leur récupération politique et la question de leur politisation (dépolitisation pour certains, re-politisation pour d’autres).

En effet, au-delà de la reconnaissance de la légitimité du couple homosexuel qu’il apporte, le mariage pour tous n’est-il pas une « hétéro-normalisation » du couple homosexuel où l’un fait la femme, le second l’homme ? Il en est de même pour les couples de lesbiennes même si concernant ces dernières les fantasmes masculins sur leur sexualité persistent. Tout l’intérêt du spectacle réside donc en ce qu’il interroge d’un point de vue politique les luttes LGBT, les racismes et les discriminations en tout genre touchant toutes les minorités, plus particulièrement au travers de la vie et du personnage de Betty (touchante quand elle raconte les abus subis par sa mère de la part de son patron, entre exploitation et viol répétés d’une immigrée argentine).

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Betty

Un grand bravo à Jeremy Beschon et toute l’équipe du collectif!  In fine, comme dirait Betty, « si on aime quelqu’un il faut l’embrasser tous les jours » et ce quel que soit le regard de l’autre sur notre couple ! Diane Vandermolina

Retrouvez notre interview réalisée à l’occasion de la création du spectacle en 2019! Jérémy Beschon à notre micro nous expliquait le travail mis en œuvre pour cette création d’une actualité troublante quand on sait la complexité du sujet (citons ici l’ambiguïté du regard de l’autre sur les femmes et hommes LGBT, entre fascination pour le freaks et le violent rejet de la différence dont, à l’instar de toutes les minorités, ils/elles sont victimes). Un sujet d’autant plus délicat que nous assistons à une augmentation de 66% des violences physiques faites aux personnes LGBT (voir le rapport SOS homophobie)

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Interview Diane Vandermolina/Vidéo Paola Lentini

Texte : Jeremy Beschon avec la collaboration de Virginie Aimone, Olivier Boudrand et Laurent Gaissad / Mise en scène : Jeremy Beschon / Avec : Olivier Boudrand / Lumières : Jean Louis Floro.

Quand la Culture conjugue Mental et Sport

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 « Mens sana in corpore sano » est une citation latine signifiant « Un esprit sain dans un corps sain ». Écrite par le célèbre poète Juvénal dans sa dixième satire entre les années 90 et 127 après Jésus-Christ, elle nous incite à nous soucier davantage de notre santé plutôt que d’implorer en vain les dieux.

Chaque fois que nous nous demandons « qu’est-ce que la culture ? », nous nous posons cette question : « voulons-nous respirer ou nous noyer ? ». Si la réponse est « respirer », nous savons ce que nous devons faire, sortir la tête de l’eau, RESPIRER !

Il existe un lien évident entre mental et culture.

Quand la culture conjugue Mental et Sport, elle a pour nom ‘OFIR’

« J’entre, avec l’artiste, en support de la technique pour qu’il puisse l’optimiser »

Formé aux sports les plus aguerris, détenteur d’un master en sciences politiques avec spécialité intelligence économique et stratégique, conseiller en stratégie d’entreprise, ambassadeur pour Adidas BDC, instructeur pour les forces spéciales, Ofir pratique le coaching mental. Très psychologue, pourvu d’une empathie communicatrice, réservé et très professionnel, Ofir dispense ses cours de diverses façons pour être au plus près des personnes concernées. Nombre de comédiens, sportifs, chefs d’entreprise, personnalités, ont recours à son aide.

Nous l’avons rencontré.

Danielle Dufour Verna – Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Ofir – Je suis coach mental depuis quinze ans pour des personnalités du spectacle, des sportifs de haut niveau ou des chefs d’entreprise pour travailler sur différentes problématiques : la confiance en soi, la gestion du stress, la gestion des situations, des problématiques où le mental est important, quasi quotidiennement. L’important est de mettre en place des discours internes, des routines revenir à une affirmation de soi avant toute chose et envisager l’application d’objectifs.

DDV – Où se passent les séances ?

Ofir – Soit les gens viennent au cabinet, soit je me déplace. On peut également y accéder par visioconférence individuelle. Cela permet de coacher des personnes un peu partout en Europe.

DDV – Quelle est votre formation ?

Ofir – J’étais policier dans un groupe d’intervention. J’ai appris la gestion du stress et à manager des personnes en situation de grand stress. Je me suis formé par la suite en qualité de sportif de haut niveau, un sport que j’enseigne depuis plus de vingt ans, le Krav Maga, pour lequel je suis ambassadeur auprès d’Adidas BDC, et j’ai fait des formations en préparation mentale.

DDV – Vous enseignez également au niveau sportif ?

Ofir – Oui, le Hagana, de l’adolescent à l’adulte, qui permet aux gens d’acquérir également de la confiance en eux.

DDV – Le sport et le coaching mental se rejoignent donc ?

Ofir –  Bien sûr, mais le coaching mental est différent. Quand il s’agit d’un comédien, il va apprendre à gérer son trac avant de monter sur scène, à mieux gérer ses problèmes de mémoire quand il a un texte à apprendre et mieux savoir occuper son espace. J’entre avec l’artiste en support de la technique pour qu’il puisse l’optimiser. Quand par exemple, un tennisman de haut niveau entre sur un match, il peut se taper sur les cuisses, faire des gestes appropriées. Tout cela est, dans sa tête, la répétition, des scénarios qu’ils ont travaillés auparavant en entraînement mental pour avoir le focus sur leur jeu malgré le stress.

DDV – La COVID a beaucoup impacté les gens mentalement …

Ofir – Oui, l’anxiété des personnes a augmenté de manière exponentielle, Quand les gens se retrouvent seuls, isolés, confinés, effectivement. Je travaille dans le registre de l’intelligence émotionnelle, sur le stress lié aux situations que les personnes peuvent rencontrer. J’ai d’ailleurs développé beaucoup de visio par webcam à ce moment-là et depuis alors que jusque-là je ne faisais que du coaching en présentiel. Je travaille dans le registre de l’intelligence émotionnelle, sur le stress lié aux situations que les personnes peuvent rencontrer.

DDV –Comment travaillez-vous avec la personne ?

Ofir – Je vise la problématique rencontrée afin de m’adapter et créer un programme d’entrainement pour répondre aux besoins de la personne, un programme personnalisé à chaque fois. C’est un travail de fond sur lequel la personne peut se reposer dans son quotidien. C’est comme un entrainement sportif, c’est un coach de vie et un mentor.

Danielle Dufour Verna

 https://kravmaga13.com/krav-maga-marseille/ofir-fondateur-du-hagana-system [31] 

Une Fresque en Partage élaborée par les élèves et habitants du 3ème arrondissement de Marseille

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« La seule façon qu’on a de se sauver tous, c’est quand-même la culture, le partage et de se sentir tous artisans de cette culture. »  (Stéphane Oualid)

En ce beau samedi d’un mois de mai brûlant, sur le mur d’un théâtre, quelque part en France, à Marseille plus précisément, un directeur d’école maternelle entouré d’officiels, de parents, d’enfants et de baladins, a inauguré une magnifique fresque en pâte de verre. Une fresque dont les élèves de l’école maternelle et les habitants du quartier sont les fiers et joyeux artisans. 

Une fresque en partage « Environnement contre Culture »

« Cette pièce de Richard Martin, dont j’ai humblement écrit les dialogues, part d’une poubelle pour aller, je le souhaite, dans la tête des gens intelligents qui n’ont pas l’outrecuidance de confondre la merde avec le cœur. » — Léo Ferré, 27 août 1983 (pour l’Opéra des Rats)

Fruit de la volonté farouche de deux hommes, Stéphane Oualid et Richard Martin, fruit d’un collectif unissant les enfants de l’école maternelle et leurs parents, habitants des 2e et 3e arrondissements de Marseille, et réalisée sous la férule de Léonard Léoni, maitre mosaïste et d’Anne-Marie Labonne, une magnifique fresque a vu le jour. Colorée, joyeuse, artistique, poétique même, cette fresque aux rouges coquelicots où se mêlent des poissons, des rats, des bouteilles, laisse éclater ses rayons au soleil de cette impasse Léo Ferré. Mêlant, dans un même regard, à quelques décennies près, la pièce de Richard Martin adoubée par Léo Ferré ‘L’Opéra des Rats’ et la situation du quartier, cette fresque a une histoire, environnement contre culture. C’est en rencontrant Stéphane Oualid que nous allons vous la raconter.

Une école, un directeur et un théâtre… à part !

Il existe à Marseille une école maternelle particulière, c’est l’école maternelle Edouard Vaillant, dans le 3e arrondissement de Marseille, située dans une impasse au nom prophétique de Léo Ferré, face au grand Théâtre International Axel Toursky. Depuis de longues années déjà, son Directeur, Stéphane Oualid, est aussi un directeur à part, comme il en existe dans les quartiers difficiles, un de ces directeurs passionnés de laïcité, de citoyenneté, un de ces directeurs qui a fait de sa charge un but de vie, celui du vivre ‘bien’ ensemble. Contrairement aux idées reçues, il faut peu de courage pour y arriver, mais beaucoup de cœur car les parents et les enfants de son école, quand on les sollicite, sont solidaires et répondent présents.

Il existe également dans ce quartier un théâtre à part, le Théâtre Toursky, un théâtre remarquable à la renommée internationale, un endroit fraternel où l’on peut lire, se détendre le temps d’un café ou d’un sourire, où existent, non seulement des spectacles remarquables, mais une ‘Faites de la Fraternité’ exceptionnelle ; un théâtre avec un directeur particulier, Richard Martin, un poète irrépressible, qui parle avec les mots de tous les jours, qui pense avec ceux de Léo Ferré, et qui laisse la porte ouverte à tous les vents, qu’ils soient mistral ou  zéphyr, ouverte à toutes les envies, ouverte à tous.

Stéphane Oualid et Richard Martin sont de la même trempe, de celle qui aime les gens, de celle qui a un besoin fou d’humanité. Tous deux, tendus dans une même volonté, celle de faire vivre la culture, remuent ciel et terre pour la partager en premier lieu avec ceux qu’ils côtoient tous les jours, les habitants de leur quartier.

INTERVIEW

« A gauche, ‘l’Opéra des rats’ et à ma gauche, dans les encombrants, l’opéra des rats »

Danielle Dufour Verna – Comment vous est venue l’idée de la fresque ?

Stéphane Oualid – En attendant qu’une benne vienne retirer toutes les ordures. J’étais en train de réfléchir, je regardais le théâtre Toursky et j’ai pensé à l’Opéra des Rats ; à droite l’Opéra des Rats et à ma gauche, dans les encombrants, l’opéra des rats ! C’était environnement contre culture et je me suis dit, il faut faire quelque chose, il faut essayer de bouger un peu dans cette impasse et essayer de faire changer le regard à la fois sur le théâtre et aussi changer le regard sur notre environnement à nous et savoir comment on pourrait essayer d’imaginer le vivre tous ensemble dans cette impasse. Ça a été le point de départ.

Carine Déambrosis, photographe, travaille à La Ruche, à Paris, dans le 15e arrondissement : elle connait très bien Léonard Léoni, un mosaïste de renom qui a près de 90 ans. C’est lui qui a fait toutes les mosaïques de la Fondation Maeght à Saint Paul de Vence et tant d’autres choses. Je suis allé le voir en 2019 et je lui ai demandé s’il serait partant pour faire une  mosaïque avec mes enfants. De fil en aiguille on a commencé à essayer d’envisager ce projet. Ça a commencé comme cela. Il est venu pendant une semaine à l’école et on a commencé à faire de petites mosaïques avec les enfants, avec des parents, etc. tout le monde travaillait la journée et petit à petit on s’est dit mais en fait, il faut aller plus loin, il faut faire une fresque, d’où cette idée de la fresque. Avec les enfants et les parents, on a rencontré Richard plein de fois.

Dans un premier temps pour qu’il nous parle de la pièce, pour qu’il nous raconte ce que c’était cette pièce car il n’y a aucune captation pour l’Opéra des rats et on a vu au fur et à mesure se dessiner des éléments, des objets de cette pièce-là avec les coquelicots, avec la décharge, avec le bateau, avec la mer, avec l’évasion… Petit à petit les enfants ont commencé à faire des croquis de coquelicots, de dessins etc. On a établi un cahier des charges avec Léonard pour qu’il nous dessine la maquette de cette fresque qui devait voir le jour. On s’est finalement arrêté sur un dessin qui est une mise en page des différents éléments que les enfants avaient croqués, dessinés. C’était intéressant car nous étions vraiment dans un travail de réflexion. On ne se posait plus la question si on était avec des petits ou des grands ou des moyens ou des artistes.

DDV –Combien de temps a-t-il fallu pour élaborer la fresque ?

Stéphane Oualid -La fresque a commencé en février 2020 pendant les vacances. Juste pour la petite histoire, c’est une fresque en pâte de verre qui coûte beaucoup d’argent. Ce n’est pas de la céramique, c’est vraiment de la pâte de verre. Il y a énormément de matière première, il fallait de l’argent. A ce moment-là, la Métropole de Marseille-Aix mettait en place dans le quartier un budget participatif pour voir se réaliser les projets que les habitants des quartiers avaient envie de créer. J’ai présenté cette réalisation de la fresque, il y a eu des élections dans les quartiers qui se sont faites devant les écoles et nous avons remporté le premier prix pour ce projet. Ce budget a permis de pouvoir monter tout le reste du projet. On a donc démarré en février 2020 et on a très vite fait la moitié de la fresque avec des parents, des habitants des quartiers, des adolescents qui sont venus toute la journée à l’école. Ensuite il y a eu la COVID, tout s’est arrêté et on a tout rangé. On a repris environ un an, un an et demi après. C’est Anne-Marie Labonne qui a pris le relais en qualité de mosaïste.

DDV –Faite par les gens du quartier pour les gens du quartier…

« Ça fait changer le statut des individus. On passe d’habitant à habité »

Stéphane Oualid – Exactement, avec cette idée de quelle trace on laisse, avec cette idée que la mosaïque est un des premiers arts populaires. On boucle la boucle. Ça fait changer le statut des individus, on passe d’habitant à habité. Cela modifie la façon d’habiter le quartier. A ce niveau-là, nous n’étions plus des habitants, nous étions des habités. On n’a plus un statut en soi mais on se donne un statut. C’est la même volonté qu’a Richard Martin.

Lors de la 2e représentation de l’Opéra des rats au Toursky, Richard a voulu qu’il y ait des acteurs amateurs habitant le quartier du 3e arrondissement. La même volonté autour de la fresque  quelques décennies plus tard, c’est encore un collectif d’habitants et de gens qui se mobilisent dans le quartier pour vivre ensemble, pour partager une expérience commune.         

La seule façon qu’on a de se sauver tous, c’est quand-même la culture, le partage et de se sentir tous artisans de cette culture. Danielle Dufour Verna

Image de une By Lotti Pix Photographe Marseille ©2022