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In fine, ce fut un bel Avignon, bref mais intense ! (6)

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Après un petit moment passé à parler du bon vieux temps avec Patrick, il était déjà l’heure de partir. Le train n’allait pas nous attendre et nous devions être à Marseille en soirée. Mais avant, il nous fallait récupérer nos affaires, là où nous logions en cette fin de week-end ! Ce fut un retour anticipé à la maison avant un autre voyage, plus lointain celui-ci… Avant un prochain Avignon également.

Sans amertume ni regret mais toujours avec plaisir et ravissement

Un prochain Avignon sur le mode de la promenade théâtrale [2], bien probablement… Loin de ce noble engagement que nous pourrions faire, à l’avance et par amitié, à certains artistes régionaux dont certes nous apprécions le travail mais dont nous souhaitons un temps nous éloigner pour mieux les retrouver. Mais aussi, et surtout, loin de toute contrainte arbitraire, (entièrement) relative aux obligations théâtrales dictées par le travail (ou une rédaction soumise à des impératifs financiers) et cette nécessité de suivre -afin, bien entendu, de pouvoir mieux les critiquer en toute connaissance de cause- les recommandations des tutelles ou d’une presse élitiste, toutes deux aveuglées par une mode théâtrale –dont l’obsolescence est par avance programmée, inscrite dans sa définition même. Ils sont légion ces spectacles auxquels nous nous devons de répondre présents, et qui, trop souvent hélas, se révèlent si décevants qu’ils nous font perdre au final le goût pour et de cet art qui nous passionne et anime notre cœur. Et puis, il est bien agréable de découvrir des nouveautés car, qu’est-ce qu’être journaliste si la curiosité laisse place à la facilité et à l’habitude ?

Alors certes, ne rester que vingt-quatre heures à Avignon, cela peut paraître frustrant, mais que nenni, si la chance vous permet de croiser de belles personnes, au hasard des rues, en les mettant sur votre chemin. Et si votre curiosité une fois titillée, vous n’hésitez pas à oublier vos choix opérés en amont (il est vrai que nous souhaitions voir nos amis taïwanais dont nous suivons le travail depuis plus de sept ans et n’avons prévu d’aller voir Nez à nue que deux heures avant le spectacle), prédéfinis par vos a priori et habitudes en matière de théâtre -pour être honnête, nous avions quelques idées préconçues sur certains genres théâtraux qui auraient orienté nos pas vers un ailleurs (nous n’aurions pas forcément été voir Tout sur les femmes) ou certains horaires qui nous auraient découragés (nous n’aurions pas imaginé assister à une représentation du Médecin)– et que vous vous laissez aller le temps d’une journée à la flânerie théâtrale (sans impératif autre que celui de se faire plaisir et savourer l’instant présent), qui sait si le destin ne mettra pas sur votre route des artistes que vous auriez regretté de ne pas avoir connus ou alors de vieilles connaissances (avec Queneau Que si...) qui arrivent encore à vous surprendre agréablement après tant d’années passées à voir des créations et spectacles de tout poil!

Avignon est terminé, les organisateurs se gargarisent de chiffres records en termes de fréquentation et de spectacles présentés, criant au succès manifeste, mais ils oublient que ce même théâtre (qu’ils disent défendre) ne peut se réduire à des chiffres ! Comme pour toute chose qui contient en son sein son lot d’incertitudes et d’inconnues, nous exprimons cet espoir que l’aventure théâtrale de ces compagnies n’en soit qu’à ses prémisses. Souhaitons leur bonne chance dans leur éventuelle future tournée, en espérant qu’ils aient trouvé des programmateurs et des salles à hauteur de la qualité de leur proposition artistique (raison de leur venue à leurs risques et périls en ce temple mercantile du théâtre) pour continuer à émerveiller leur public et en séduire de nouveaux.

Sur ces belles paroles et sincères souhaits, s’achève ainsi le récit de notre périple avignonnais. DVDM

Spectacles vus au cours de cette journée :

« Nez à nue » [3] par la compagnie Terre Sauvage, interprété par Sabrina Maillé

« Tout sur les femmes » [4] d’après le texte du croate Miro Gavran par la Compagnie du Soir

« Le Médecin malgré lui » [5] de Molière par la Compagnie les Têtes de bois

« Queneau, Que si… » [6]par le théâtre Ephéméride

Chaque spectacle dure entre 50 minutes et 1h15.

Après MP2013, les petits lieux se meurent dans l’indifférence des tutelles

Publié Par Rmt News Int Sur Dans Article/Critique,Billet d'humeur,Marseille,MP2013,News,Politique culturelle,Région PACA,Reportage/Enquête,Théâtre/Opéra | Commentaires désactivés
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Depuis 2013, plusieurs structures ont dû cesser leurs activités culturelles et nombreuses sont celles qui ont du mal à joindre les deux bouts, voire sont en graves difficultés à Marseille. Les lieux culturels de petite taille et de moindre renommée que leurs grands frères formaient encore en 2004 le gros des théâtres marseillais. Rappelez-vous que Marseille comptaient en cette année près de 50 lieux de théâtre, dont les 2/3 étaient- ce que nous appellerons- des petits lieux*. Petits par leur taille, petits par leur financement, petits par la reconnaissance médiatique et politique dont ils font peu l’objet, mais grands par leur ambition, leur courage et leur volonté d’ouverture se battant pour une Culture pour Tous. Parlons donc un peu de cet après-2013 au cours duquel le malaise financier des petites salles s’est accru.

Voilà bientôt un an que l’année capitale s’est achevée : qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

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La désignation de Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture en 2013 a permis de voir l’aboutissement d’un projet pharaonique que nous attendions depuis une dizaine d’années, à savoir le MUCEM. Et pour dire vrai, il est architecturalement parlant bien beau, recouvert de sa résille finement ciselée, faisant fièrement front face aux caprices du vent et à l’écume de notre mer. De plus, sa programmation artistique tient toutes ses promesses : après les superbes expositions autour du Carnaval intitulée « le Monde à l’envers » et celle de « Splendeur de Volubilis », voici aujourd’hui, qu’est présentée, en écho, une double exposition : l’une autour de l’œuvre photographique de Raymond Depardon (à découvrir ses photos prises à Beyrouth ou celles, plus récentes, prises en notre ville où le visiteur peut admirer une petite fille mangeant une glace, la préférée de M. Depardon) et « Food »(une exposition explorant les questionnements de divers artistes sur ce thème de la nourriture, élément vital à notre (sur)vie faisant l’objet de marchandising, de convoitise, de division, de gourmandise, de gaspillage…). Ces deux expositions (voir notre reportage en images dans nos pages, ndlr) qui se répondent et nous interpellent décryptent la complexité de notre société prise entre les feux de la guerre et de la paix, de la division et du partage!

Autre point positif de cette année Capitale, la création d’une Biennale Internationale du Cirque en Région pour les mois de janvier à février 2015, suite logique de l’événement Cirque en Capitale amorcé début 2013 ! Cette biennale propose une programmation d’artistes locaux, nationaux et internationaux avec 300 artistes, 260 représentations et 60 spectacles répartis sur un mois et dans une vingtaine de communes : cet événement international porté par le Pôle National du Cirque basé à Marseille propose une offre pléthorique et il sera bien difficile à tout un chacun d’assister à toutes les propositions aussi alléchantes qu’elles puissent être. Question de budget… De temps aussi, mais cela avait été le cas lors de Cirque en Capitale… Alors, oui ! Il est possible de dire que MP2013 a permis « une transformation positive de l’image de la ville aux yeux du monde mais aussi des marseillais eux-mêmes » : Marseille est devenue une destination touristique internationale, très appréciée et convoitée, qu’il s’agisse des croisières avec le cap du million de croisiéristes franchi en 2013 (l’amarrage récent à Marseille -d’où partiront toutes ses croisières- du Costa Diadema, le plus grand navire de croisière en Méditerranée, venu de Gênes, le prouve) ou du tourisme culturel (la proportion de touristes étrangers a dépassé celle des français, avec 54,2% de touristes étrangers renseignés par l’office du tourisme de Marseille en 2013**). La restauration, les services et l’hébergement ont ainsi bénéficié de l’effet 2013.

Qu’en est-il des lieux culturels et des artistes locaux implantés en région?

Alice par le nouveau cirque de pekin © Francette LEVIEUX et MICHEL LIDVAC [8]

Alice par le nouveau cirque de pekin © Francette LEVIEUX et MICHEL LIDVAC

Hélas, c’est bien là que le bât blesse : pendant l’année capitale, de nombreux lieux ont disparu corps et âmes. Citons le Gyptis, dirigé par Andonis Vouyoucas et feu Françoise Chatôt : ce dernier est devenu un cinéma (certes avec une programmation riche et ouverte) et a été rattaché au Système Friche Théâtre, situé à la Belle de Mai. Or, en 2013, alors que le Gyptis fermait ses portes, au printemps, fut inauguré en grandes pompes à la Friche même deux nouvelles salles ! Autre hasard ( ?) de calendrier, après plus de 15 ans d’existence, le Bureau des compétences et des désirs et l’Atelier De Visu ont dû mettre la clé sous la porte (respectivement au printemps et à l’automne), suivis par plusieurs lieux de proximité, galeries et salles de concerts ! Ces fermetures ne sont que le reflet des nombreuses difficultés économiques que rencontrent les lieux et structures culturelles en notre ville de Marseille : Karwan fut un des acteurs culturels de 2013 avec « Flammes et Flots » (dont le succès a été applaudi par la critique et le public à juste titre) et connait aujourd’hui de grandes difficultés menaçant son existence même. Pourtant, elle fut une des premières structures à proposer des rendez-vous circassiens au J4 (rappelez-vous « les Escales du Cirque » où le public pouvait découvrir des artistes émergents et des créations de cirque contemporain). Le Ballet d’Europe de Jean Charles Gil auquel fut demandé de participer à Danse en Août en 2013 connaît aussi de graves difficultés financières et a dû réorienter son projet qui avait permis l’éclosion de nombreux talents dans le domaine de la Danse.

Ce bien triste bilan ne cesse de s’alourdir depuis le début 2014 : dans ce même quartier de la Belle de Mai, à trois encablures de la Friche, le Théâtre Toursky peine à ouvrir son espace Léo Ferré, récemment aménagé, dédié aux artistes émergents, faute de subventions de fonctionnement accordées à son directeur, Richard Martin : pourtant, cet espace est nécessaire à la vitalité du quartier et à notre ville ! Il permettrait au théâtre de proposer des spectacles plus intimistes et confidentiels que ceux présentés dans la grande salle, notamment avec des propositions d’artistes ne rentrant pas dans le cadre de la programmation des autres salles marseillaises. Pire, aujourd’hui, voici la fermeture annoncée pour la fin de l’année 2014 du Théâtre Carpe Diem ! Ouvert depuis 18 ans, ce petit théâtre, situé à la Belle de Mai (toujours !), lâché par certaines tutelles dont la Région PACA depuis la saison 2012/2013, a pourtant permis à de nombreuses jeunes compagnies de créer leurs spectacles et de se professionnaliser, présentant à un public de proximité des créations originales autour de textes d’auteurs classiques et contemporains. Il fut un des rares théâtres -avec le Toursky- à accueillir une création basée sur un texte d’Henri Frédéric Blanc et depuis son ouverture, œuvrait en faveur des publics du quartier (actions socio-culturelles au profit de ces publics empêchés, politique tarifaire volontairement basse….) afin de ne pas les exclure de la culture. Nicole Chazel, sa directrice, organise à cette occasion le samedi 29 novembre de 10 H à 19 H un vide –théâtre (costumes, rideaux, chaises, projos etc…) au théâtre sis 8, Impasse Delpech 13003 MARSEILLE (pour tous renseignements, contactez-la à ce numéro 04 91 08 57 71).

Des lieux culturels plongés dans des situations ubuesques

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Certains théâtres ne sont pas encore véritablement fermés mais plutôt mis en stand-by ou menacés de fermeture. C’est le cas du Théâtre Marie Jeanne situé à la rue Berlioz (6ème arrondissement) dont l’activité de programmation et d’accueil de spectacles a dû être arrêtée, faute de moyens financiers pour effectuer les travaux de mise aux normes de plus en plus drastiques demandés par les services de sécurité, le propriétaire – un bailleur privé- refusant de mettre la main au portefeuille. Cette fermeture -temporaire espérons-le- est un coup dur pour les amateurs de théâtre de marionnettes et de masques grotesques mais aussi pour les artistes qui peinent à trouver des lieux dédiés à ces formes particulières de spectacle vivant. Une autre menace de fermeture vient ternir ce bref état des lieux culturels marseillais : le risque d’expulsion du directeur d’un nouveau théâtre, ouvert le 28 mai 2013 contre vents et marées, le Théâtre de la Comédie, un théâtre de 250 places, situé au 107 bis boulevard Jeanne d’Arc, dirigé par Jean Pascal Mouthier, comédien et metteur en scène depuis 25 ans. Ce dernier a travaillé plus de dix ans sans relâche, sur ses fonds propres, à la transformation d’une salle paroissiale amiantée tombant en décrépitude en un lieu dédié au théâtre populaire afin de lutter contre l’exclusion culturelle (il pratiquait par ailleurs des tarifs très bas pour les bénéficiaires des minima sociaux). Locataire d’un bailleur privé, le Syndicat ecclésiastique des prêtres représenté par l’agence Radisson qui lui réclame 48 000€ d’impayés, il se voit le 31 octobre menacé d’expulsion (avec une audience en référé au tribunal prévue le 24 novembre) alors que de bonne foi, son théâtre n’étant pas rentable, il demandait un délai de paiement car il veut « payer ses dettes » écrit-il dans un texte relatant son aventure théâtrale! Une pétition a été mise en ligne (elle a recueillie plus de 16 000 signatures en 48 heures entre le 12 et le 14 novembre) et un comité de défense créé, avec Gilles Ascaride pour président. Ce comité est soutenu par diverses personnalités : Jean-Pierre Belmont et Liza (FR3-Vaqui), Henri-Frédéric Blanc (écrivain), Jean Contrucci (écrivain), Médéric Gasquet-Cyrus (linguiste et éditeur), Xavier-Adrien Laurent (comédien et auteur dramatique), Richard Martin et Bernard Urbain (Théâtre Toursky), Jacques Menichetti (musicien et compositeur), Gérard Meylan (comédien), Serge Scotto (écrivain) auxquels se sont rajoutés des acteurs du milieu théâtral marseillais telles que Pierre Ascaride, Dominique Bluzet, Philippe Caubère, Jacques Hansen, Cyril Lecomte, Frédéric Muhl Valentin, Serge Valletti pour ne citer qu’eux.

Gilles Ascaride précise, dans un courrier adressé à la presse en date du 12 novembre, que « Nous avons besoin à Marseille de salles de théâtre qui assument leur originalité (c’est le cas ici), qui prennent des risques (c’est le cas ici), qui ouvrent leurs portes à tous ceux à qui elles sont régulièrement fermées (c’est le cas ici)…  Ce qui se passe est d’abord une injustice inacceptable et en suite une bêtise manifeste. […] En 2013 on était capitale européenne de la culture et en 2014 on aurait tout oublié ? » Ce constat, Gilles Ascaride n’est pas le seul à le faire : de nombreux petits lieux -qui toutefois emploient des artistes- disparaissent au fur et à mesure et ne bénéficient d’aucun réel soutien des tutelles. Ces dernières se sont pourtant mobilisées lors de la menace de fermeture de la Minoterie (leur bail venant à échéance) et fortement engagées dans le financement de la création du Théâtre de la Joliette (l’affaire a fait grand bruit dans la presse); le Théâtre de Lenche a lui aussi vécu une période trouble (entre la fin des années 90 et le début du nouveau millénaire) et menaçait de fermer pour des raisons de mauvaise gestion de ses fonds mais il a été repêché par les pouvoirs publics et depuis, il a ouvert une troisième petite salle (le mini-théâtre)… Ceci dit, il s’agit de structures ayant pignon sur rue (même si leur jauge oscille entre 50 et 100 places par salle) : elles bénéficient d’un large soutien politico-médiatique au contraire de ces petits lieux dont les subventions, si elles n’ont pas été coupées, sont déjà réduites à peau de chagrin (5000€ par an de fonctionnement, à peine de quoi couvrir un loyer sur quelques mois). Ce qui oblige ces lieux pour (sur)vivre à travailler sans relâche, à donner des cours de théâtre et à adapter leur programmation à leur public au détriment de leur travail de création: c’est le cas du Divadlo qui propose plusieurs dizaines d’ateliers, du Petit Merlan qui a ouvert sa programmation aux comédies et autres one men show au détriment de la création d’œuvres plus difficiles, du Têtard devenu café-théâtre….

Qu’en est-il de la volonté culturelle des tutelles ?

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Il est évident que l’après 2013 est financièrement douloureux pour les tutelles que sont la Région PACA, le Conseil Général 13 et la Ville de Marseille : le succès n’a pas été pleinement au rendez-vous. D’après les chiffres publiés dans le bilan de l’année culturelle réalisé par l’association MP2013, la barre des 10 millions de visiteurs n’a hélas pas été franchie : 9 962 000 visites ont été dénombrées, sachant qu’un visiteur pouvait avoir effectué plusieurs visites. De même, elles subissent de plein fouet la crise économique et la baisse des crédits gouvernementaux dédiés à la culture. De plus, il fallait pallier à la dette de plus de 3 millions d’euro (un peu moins de 3% du budget global de MP2013), liée au surcout de certaines opérations (le week-end d’ouverture, Transhumance, l’exposition Méditerranée, et une perte d’un demi-million en mécénat), laissée par l’association MP2013 à l’issue de l’année capitale. Alors, les tutelles ont fait le choix de baisser le montant des subventions allouées (ce qui concerne peu ou prou toutes les structures culturelles) pour assumer une grande partie de cet effort financier supplémentaire et financer les nouvelles structures inaugurées pendant l’année capitale. Cet exercice comptable qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul a des répercussions plus fortes sur des structures déjà fragiles comme les petits lieux. Mais peut-être ne sont-ils pas la priorité des tutelles ? Car au fond, ces petits lieux en faisant preuve de débrouillardise et d’esprit d’entreprise ne prouvent-ils pas aux tutelles qu’ils peuvent faire sans elles ?

Il semblerait cependant que ces tutelles n’ont pas véritablement fait le choix de développer une politique culturelle basée sur un principe d’équité dans ce domaine particulier de la culture. Leur politique culturelle et les subventions qu’elles attribuent visent à aider des structures contribuant au rayonnement international de la ville (voire de la région) en suivant une courant artistique privilégiant le dit « contemporain » ***: citons, par exemple, le Pôle Théâtre du Système Friche, le Pôle Théâtral Aix-Marseille dirigé par Dominique Bluzet qui s’est vu confié la direction des Bernardines – ce qui lui fait 4 théâtres à son actif- ou les grandes manifestations internationales contemporaines telles que la Biennale du Cirque ou les grandes expositions du MUCEM. Cette politique conduit à créer des situations de monopoles culturels, une concentration des pouvoirs décisionnaires et une standardisation d’un modèle culturel prédominant, fort dommageable à la diversité culturelle (où se côtoient classique, humour, contemporain, théâtre amateur et professionnel, personnes et personnalités composites…) qui a toujours fait la spécificité de Marseille : elle oublie en partie de s’ancrer sur le territoire et de s’appuyer sur les ressources, artistes et acteurs impliqués localement et depuis longtemps dans ce territoire (à l’exception des lieux de taille moyenne dont la programmation est en parfait accord avec la politique culturelle générale et par là, objet de leur attention). Or, ces acteurs et artistes locaux oubliés, qui ne sont pas forcément internationalement reconnus, qui ne présentent pas des créations rentrant dans les clous du modèle dominant (leurs créations sont certes de facture plus classique que contemporaine), œuvrent à leur niveau, avec humilité, dans un territoire de proximité et sont nécessaires à la promotion de la richesse et diversité culturelle de notre pays.

Rappelons que ce sont ces mêmes forcenés d’un théâtre qualifié d’« amateur » (par ce que non officiel à l’époque) qui, au XIXème siècle, ont permis l’éclosion de nombreuses salles et la découverte de bien des talents à Marseille ! Nous avons ainsi besoin de ces petits lieux (autant que des grands, tant ils sont complémentaires) car ils sont nombreux à avoir un public fidèle (qui n’aurait jamais poussé la porte d’un grand théâtre par crainte de ne pas se sentir à sa place), à l’ouvrir à la culture par la petite porte. Le fameux « le théâtre, ce n’est pas pour moi » a encore la vie dure, le sentiment populaire étant que le théâtre subventionné (les scènes nationales, centres dramatiques nationaux, et autres théâtres privés adoubés par les tutelles) est destiné à une élite (et souvent trop cher), ce que d’ailleurs confirment les études sur les publics fréquentant les salles : tous spectacles vivants confondus, ce sont les cadres et professions intellectuelles supérieures de plus de 45 ans qui s’y rendent avec un écart moyen allant 1 à 6, pour le théâtre dit « professionnel », par rapport aux ouvriers, inactifs et retraités**** ! Nous sommes encore loin d’une véritable démocratisation des pratiques culturelles même si de nombreux efforts sont faits par les structures subventionnées envers les publics empêchés.

Finalement, sans le relais et le travail acharné des petits lieux ouvrant leurs portes aux publics de catégories socio-professionnelles souvent éloignées de la culture, le théâtre resterait un domaine strictement réservé à une certaine élite au grand damne de Jean Vilar. Rappelons que ce dernier a toujours milité pour un théâtre populaire au sens noble du terme (présentant des textes d’auteurs contemporains sans oublier les classiques), avec un constant souci du public.

DVDM

* Ici nous ne préjugeons de la qualité artistique des spectacles présentés par les théâtres cités qu’il s’agisse de grands ou petits lieux, chacun défendant une ligne artistique propre, faisant des choix artistiques (qui pour la plupart satisfont leur public) en essayant de présenter des spectacles de qualité honorable. Par petits lieux, nous entendons des lieux (nés d’initiatives privées) de 49 places à 80 places (certains en comptent 250 mais ils sont rares), bénéficiant de très peu ou pas de subventions (souvent – de 5000€ annuels), qui peuvent être amateurs (au sens noble du terme) ou professionnels (ces petits lieux proposant des spectacles professionnels où les artistes sont rémunérés) mais dont la programmation ne rentre pas dans le cadre de la politique culturelle définie par les DRAC et autres tutelles. Par théâtres dit professionnels ou subventionnés, nous entendons les théâtres (qu’ils soient publics ou privés) largement subventionnés par les tutelles et dont la programmation est en accord avec leur politique culturelle (les scènes nationales, centres dramatiques nationaux, et autres théâtres privés adoubés par les tutelles). Cette appellation ne vise pas à opposer professionnel et amateur (les grands théâtres proposent aussi des spectacles amateurs) mais reprend une terminologie utilisée dans les études du ministère de la culture.

**chiffres de l’observatoire local du tourisme à Marseille sur l’année 2013

*** Ici, nous ne critiquons pas la qualité des œuvres contemporaines soutenues par la politique culturelle mais le choix d’un soutien quasi-exclusif à tout ce qui touche au « contemporain » (qu’il s’agisse d’œuvre classique revisitée à la sauce « contemporaine », d’écriture contemporaine, du nouveau cabaret burlesque au cirque contemporain en passant par toutes les formes de théâtre contemporain) au détriment de la diversité artistique.

**** Etude de la direction de la culture et de la communication sur les publics du spectacle vivant (Repères 4 de la DMDTS en date de 2006)

Informations complémentaires sur le TCM  et son comité de défense :

Comité de soutien https://docs.google.com/forms/d/1BeRYPyu0cYTFPnMQ4ufWKbtJkKvM-gp8QtKBb11uZbw/viewform [11]

 Pétition :https://www.change.org/p/alain-de-bovis-%C3%A9conome-du-dioc%C3%A8se-de-marseille-non-%C3%A0-l-expulsion-de-jean-pascal-mouthier-entrainant-la-mort-du-tcm-th%C3%A9atre-de-la-com%C3%A9die-%C3%A0-marseille?recruiter=179403564&utm_campaign=mailto_link&utm_medium=email&utm_source=share_petition [12]

Facebook :https://www.facebook.com/pages/Non-%C3%A0-lexpulsion-de-Jean-Pascal-Mouthier-et-%C3%A0-la-mort-du-TCM/1510163152576238 [13]

Site du Théâtre : http://www.theatremarseille.fr/ [14]

crédits photos des vues de Marseille : port maritime, résille du Mucem, esplanade J4 avec vue sur la Major: DVDM

Intermittents du spectacle

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Intermittents : toujours en colère et pour cause !

Les intermittents ne décolèrent pas et ce, malgré l’annonce de Manuel Valls ce jeudi 19 juin : le premier ministre s’est engagé à ne pas baisser les crédits alloués au spectacle vivant jusqu’en 2017 et de réunir une équipe d’experts pour travailler sur une remise à plat du statut de l’intermittence.

Remise à plat, ce terme peut faire frémir à juste titre de nombreux intermittents : il est impossible de savoir dans l’avenir à quelle sauce seront mangés les intermittents à l’heure actuelle, à savoir si les réflexions menées par les syndicats des intermittents seront prises en compte et leurs pistes retenues par les chargés de mission nommés par le gouvernement pour cette affaire. Et pourtant, il apparaît nécessaire de revoir la copie de ce statut, notamment aux vues des abus pratiqués par certains médias télévisuels et radiophoniques. Ces derniers sont encore trop nombreux à profiter du système, par exemple en embauchant des journalistes en intermittence au lieu de leur proposer des contrats de droit commun ou à défaut, des piges (ce qui leur permettrait de bénéficier du statut propre à leur fonction de journaliste); voire en embauchant des maquilleurs professionnels n’ayant aucune partie liée avec le monde de la culture et du spectacle vivant sous ce statut. Il faut pouvoir limiter ces pratiques abusives induites par un statut pourtant si utile et nécessaire pour les artistes/techniciens (et la création) mais aussi fort avantageux pour certaines entreprises. Et c’est là que le bât blesse ! Alors comment faire en sorte qu’une exception française puisse perdurer pour le bien général de tous en cette période de crise sans pénaliser les plus fragiles (structures culturelles et artistes/techniciens) tout en limitant les abus précités ?

Comment faire en sorte que tous puissent se mettre d’accord sur un sujet aussi épineux et complexe, qui menace l’économie d’un secteur et par ricochets, celle d’un pays entier : il ne faut pas oublier que si les festivals sont annulés, à court terme, ce sont les restaurants, magasins et hôtels qui se vident, faute de touristes ; à moyen, voire long terme, ces entreprises n’embauchent pas, voire licencient etc…  ! Aussi, afin de limiter la casse et de rassurer les intermittents, Manuel Valls a annoncé que l’Etat prendrait en charge le différé d’indemnisation des intermittents dans le cas où l’agrément de l’accord Unédic négocié par les partenaires sociaux et signé le 22 mars dernier serait signé par le ministre du travail, François Rebsamen la semaine prochaine. Pour mémoire, cet accord concerne tous les salariés relavant du régime de l’Assurance Chômage (et non exclusivement les annexes 8 et 10 qui définissent les règles du régime d’indemnisation chômage des intermittents du spectacle) : ainsi, dépassant le cadre d’un régime spécifique, il semble impossible que cet accord ratifié par une majorité de syndicats ne soit pas signé et ce, en dépit des manifestations et menaces de grève qui pèsent sur l’ensemble des grands festivals de notre région. Pourtant, c’est bien ce que demandent les intermittents du spectacle !

Pour rappel, l’accord prévoit « avant la fin de l’année 2014 une concertation sur les moyens de lutter contre la précarité dans les secteurs visés par les annexes 8 et 10, notamment en favorisant le recours au CDI » (source http://www.mescachets.com/intermittent-spectacle/statut-intermittent-du-spectacle) [15]! Ainsi au-delà des revendications liées à une éventuelle baisse de leurs indemnisations, ce qui semble le plus inquiéter les intermittents serait cette idée de favoriser le recours au CDI : le sens de cette proposition a pour effet d’alimenter le spectre de la suppression pure et simple du statut d’intermittents qu’elle aille ou non réellement dans cette voie même si le gouvernement se veut rassurant sur ce point, et ce ; dans un domaine où le travail ne peut en aucune mesure se compter en heures sur une base de 35heures de travail par semaine ! Il est impossible d’assimiler le travail d’un artiste* -avec tout ce que le processus de création comporte de réflexion, recherche, tentatives … avant d’aboutir au travail à proprement parler de répétition et à la présentation finale de la création- à un travail salarié classique. Et c’est là qu’apparaît le fond du problème et la raison même de la grogne des intermittents ! Revendiquer le maintien de la spécificité de leurs droits n’est pas un acte gratuit visant à la conservation de « privilèges » (largement entamés depuis 2003) mais plutôt, et surtout, il s’agit d’un acte militant visant au maintien d’une catégorie d’être(s) nécessaire au rayonnement de notre pays, au fonctionnement de notre démocratie et à l’épanouissement de tout un chacun.

Imaginons un monde sans art ni artistes…. Est-il possible (voire imaginable) de vivre dans une société de laquelle les Arts seraient absents? Que serions-nous si l’Art n’existait pas ? Telle peut être une des questions que pose ce conflit en son cœur et à laquelle nul ne peut être insensible. Diane Vandermolina

 

*sous le vocable artiste, nous intégrons les techniciens (créateurs lumière, son….) et autres métiers du spectacle (metteurs en scène, costumiers, décorateurs, scénographes….)

 

MP13: LA MUSIQUE EN SOURDINE

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MARSEILLE CAPITALE DE LA CULTURE 2013

LA MUSIQUE EN SOURDINE

      À l’orée de l’été, l’hiver s’attarde, le printemps tarde et Marseille Provence Capitale culturelle 20213 piétine, surtout la musique, la grande absente des manifestations.

      À chaque jour suffit son lot frondeur de vernissages d’expositions, installations et autres manifestations d’arts plastiques aux quatre coins de la ville, loin du label MP13 chichement accordé aux obscurs et sans grade mais non sans mérite et richement concédé aux riches aux somptueuses niches financières, avec pour centres de gravité officiels le nouveau FRAC admirable bâtiment pour peu de choses à admirer, la réouverture réussie du MAC (Musée d’Art Contemporain,) l’ouverture de la Villa Méditerranée, édifice un pied dans l’eau et un pied de nez à la beauté architecturale du MUCEM qu’il occulte et offusque. Ce dernier, inauguré en grande pompe le 4 juin en présence du Président de la République et de la Ministre de la Culture est, au moins une réussite architecturale, n’était-ce, côté esplanade Saint-Laurent, une passerelle fort utile mais qui barre l’horizon et les îles et, en sens inverse, du Pharo, barre la cathédrale de la Major.

      Face à ces édifices nouveaux qui resteront, mais pour contenir quoi, on ne sait pas encore très bien, sur les quais bien dégagés du Vieux-Port rénové, grande débauche de statues d’animaux multicolores qui ravissent les enfants, mais constamment changées de place à grand renfort de grues et pour un coût d’opération qui sera aussi lourd qu’eux, trois statues immenses imités de Dalí, quelques spectacles de rue labellisés comme si les Marseillais ne méritaient guère mieux que ces parades, mais qui prêtent, il est vrai, un air joyeux de fête permanente à Marseille, telle cette grande Transhumance certes fort sympathique cavalcade de chevaux et poulains affolés, piétinement d’un troupeau bêlant d’ovins tels des ovnis dans une grande ville, mais qui confond culture et agriculture, et fumure sans doute avec les balayeurs fermant le cortège pour ramasser le crottin.

      La littérature, c’est lettre morte : exit officiel Camus à part un colloque de dix-sept participants à l’initiative d’admirateurs, un conteneur funèbre aux noms de grands ports qui annonce pompeusement une exposition René Char et, en fait de poète, ne contient qu’un livre fort cher de photographies de Serge Dassier qui signa pendant quinze jours assidûment et, pour alibi littéraire deux textes photocopiés de Michel Butor et d’Arrabal …

      Le grand acteur marseillais Philippe Caubère s’est vu refuser un spectacle sur Marsiho (Marseille) d’André Suarès (1868-1948), une occasion perdue de redécouvrir cet écrivain et poète génial marseillais, auteur de quatre-vingts livres parus de son vivant et d’une trentaine d’œuvres posthumes, célébré par tous les grands écrivains et artistes de son temps comme Bergson, Unamuno, Malraux, Montherlant, Blanchot, Bonnefoy, etc, Fauré, Dukas, Satie, Bourdelle, Rouault, Matisse, Picasso, etc. Caubère a dénoncé haut et fort sur les ondes la « branchitude » qui exclut les artistes locaux, et le collectif « Le Printemps marseillais » et le MP13 Off s’est constitué pour stigmatiser le parisianisme et l’opacité du comité de sélection.

      Par ailleurs, un grand théâtre comme le Gyptis, après un quart de siècle de rayonnement indiscutable dans un quartier déshérité, la seule scène offrant emploi à plus de  deux-cents intermittents par an, ferme ; le Concours International d’Opéra est torpillé pour toujours alors que la ville avait voté une scandaleuse subvention de 400 000 € au DJ David Guetta, plus l’octroi gratuit d’un emplacement exceptionnel pour un concert à 50 € la place, qui a soulevé une telle indignation sur les réseaux sociaux (près de 75 000 signatures en peu de jours) que l’intéressé, sinon la municipalité assiégée par la fureur citoyenne, a renoncé de lui-même à cette manne, sinon à son concert. Pour comparaison, le remarquable ensemble Baroque graffiti, attendait toujours 3000 € de subvention pour survivre. Quant à l’Opéra de Marseille, de rang international, malgré une saison toute dévouée au thème méditerranéen imposé à MP13, la somme allouée pour l’intégrale des Troyens de Berlioz avec Roberto Alagna et Béatrice Uria-Monzon ne permet qu’une version… de concert. Le CNIPAL (Centre National d’Insertion d’Artistes Lyriques), structure unique en France, est non assuré de sa survie alors que Ludovic Tézier, Béatrice Uria-Monzon et d’autres chanteurs lyriques venus d’ailleurs s’y perfectionner en font le rayonnement sur les scènes internationales.

      Les labels décernés parcimonieusement ne sont pas forcément suivis d’aide financière : Marseille-Concerts a un seul concert labellisé mais pas financé ; le magnifique ensemble Les Festes d’Orphée, attaché à la résurrection, à l’édition et à l’enregistrement du patrimoine baroque provençal d’Aix, devait recréer les 9 et 10 juillet Les Muses rassemblées par l’Amour du célèbre compositeur aixois André Campra présentées le 6 juillet par une conférence. L’œuvre  de 1723 (commande  de la ville d’Aix, sur le texte d’un autre aixois académicien), réputée perdue, récemment retrouvée, et jamais rejouée depuis l’époque, est dédiée à sa ville natale Aix-en-Provence et la glorifie comme capitale des arts et de l’amour. Faute d’argent, cela n’aura pas lieu. Concerto soave reçoit un label, mais une aide bien insuffisante pour son projet. Le GMEM est bien mieux doté et, espérons-le, Musicatreize. Il semble en fait que MP13, volant au secours de la victoire des grandes structures, qui tirent leur épingle du jeu, pour les autres, c’est l’épingle dans la botte de foin pour la clarté et le financement.

Marseille, ville musicale

      Pourtant, Marseille est une grande ville musicale même si les responsables de MP13 se bouchent les oreilles. La belle revue municipale Marseille a pu naguère consacrer un volume de près de cent-trente pages à la musique dans la ville. Avec pour lieu emblématique l’Opéra, plus ses concerts symphoniques et de musique de chambre, ses récitals au foyer, on compte plus d’une trentaine de lieux, dont le récent et immense Silo, où se pratique la musique, sans oublier trois théâtres qui en programment (le Gyptis, le Toursky, le Festival de piano de la Roque d’Anthéron se décentralise à la Criée), dont l’active Cité de la Musique, la bibliothèque de l’Alcazar, les Archives départementales, etc, les églises. Sans oublier les associations et clubs (Lyric Opéra, Club lyrique, Club Wagner, le Club Opéra Lions), parmi d’autres structures qui programment de la musique, on dénombre dix ensembles baroques de qualité, la Société de Musique de chambre, Marseille-concerts, Musique & Co, six festivals (Mars en Baroque et Automne baroque, Festival des Musiques sacrées, Festival des Musiques interdites, Festival de Saint-Victor… ).

      Pour la création musicale, Marseille est riche du Festival des Musiques contemporaines du GMEM (Groupe de Musique Expérimentale de Marseille), issu en 1969 du Conservatoire National de Région où fut créée la première classe de musique électroacoustique en France. Depuis 1987, il organise le festival Les Musiques, devenu en 1993 un festival international consacré aux Musiques d’Aujourd’hui. L’on n’oubliera pas le GRIM, Groupe de Recherche en Improvisation Musicale, qui donne des concerts de musique expérimentale, où se produit l’excellent ensemble Télémaque, dont le directeur, Raoul Lay, est par ailleurs compositeur tandis que Musicatreize fait rayonne partout la musique contemporaine…

      Quant aux lieux, parfois microscopiques, où d’excellents amateurs se produisent en classique ou variété, ils fourmillent dans la ville (cinquante théâtres), le Med’s, le Rouge Belle-de-Mai, le Latté. Marseille, qui défraye et défraie la chronique par ses faits divers, est un lieu étonnant et détonant de créativité en cette époque de crise.

      Concert à l’Alcazar, 28 mai

      Au passé prestigieux pour l’opérette marseillaise et les variétés, devenu Bibliothèque de Marseille à vocation régionale, riche en musique, l’Alcazar organise, au long de l’année, des rencontres avec débats autour d’événements musicaux comme les présentations, par les artistes eux-mêmes, des productions de l’Opéra de Marseille et des concerts originaux, toujours gratuits.

      De la sorte, on a pu goûter le concert-conférence du groupe Polyphonies croisées formé d’Agnès Condamin, concertiste, professeur de guitare  au Conservatoire  à Vocation régionale de Marseille et de Frédéric Isoletta, pianiste, organiste, agrégé de musicologie, également professeur, qui, sur  fond de projections de toiles de Klee, Rothko, jouant avec les lignes et les notes, s’étaient adjoint le concours de  Sonia Garcia Parrilla, récitante, pour offrir le contrepoint de poèmes andalous du Romancero gitano de Federico de García Lorca pour faire correspondre de simple mais baudelérienne façon les sons, les couleurs sinon les parfums de cette poésie saturée de senteurs andalouses. Plaisir de l’œil, de l’oreille de l’intelligence et du cœur.       Et quelle virtuosité et vélocité pour ce programme où la guitariste s’empare de morceaux pour le piano diabolique d’Albéniz auxquels le pianiste donne l’écho improvisé et transposé à vue du clavier, sans fausse note, dans un équilibre miraculeux des deux instruments apparemment si inégaux ! Tour à tour Asturias, Granada d’Albéniz, la Danse du feu pour orchestre, extraite de L’Amour sorcier de Manuel de Falla passent à la guitare/piano sans aucun hiatus et, enfin, plus paisible instrumentalement, la Fantaisie pour un gentilhomme de Rodrigo, pièce expressément composée pour la guitare, composent la part hispanique du concert . Concertants aussi dans le commentaire, les deux instrumentistes éclairent leur concert de propos simples et précis, avec des exemples éloquents au clavier par Frédéric Isoletta. Il montre la cohérence de leur programme par l’affinité, l’harmonie étrange entre les gammes hispaniques et celles d’Europe Centrale. Cela introduit tout naturellement, les Danses roumaines de Bartók, d’une inspiration tout aussi populaire et savante que celle des Espagnols. Pour finir, c’est le feu d’artifice détonant, dissonant, brisant rythmes et tonalités, sur le poème Canto negro du p Nicolás Guillén (déjà mis en musique de plus classique façon par Xavier Montsalvatge dans ses fameuses Canciones negras) par le compositeur contemporain cubain Leo Brouwer (né en 1939).

      Un public ravi fit une ovation méritée à ces jeunes talents d’ici sans ce label venu d’ailleurs.

Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille, 28 mai

Polyphonies croisées : Agnès Condamin, guitare ; Frédéric Isoletta, piano ; Sonia Garcia Parrilla, récitante.

Isaac Albéniz, Manuel de Falla, Joaquín Rodrigo, Bela Bartók, Leo Brouwer.

      Temple (de la musique) Grignan

            C’est un autre lieu non négligeable qui accueille et promeut la musique. Issue des anciens Amis du CNIPAL qui accueillaient, encadraient les jeunes stagiaires étrangers au maigres bourses venus du monde entier s’y perfectionner, les aidant dans leurs démarches administratives, à trouver un logement, etc, sans nulle subvention, l’Association Lyric Opéra s’est constituée pour leur offrir également la possibilité de se produire en solistes ailleurs que dans le Foyer de l’Opéra qui, dans les deux rituelles Heures du thé mensuelles les produit depuis des années. Mais l’association programme également d’anciens stagiaires déjà frottés largement aux scènes nationales et même internationales, qui manifestent de la sorte leur fidélité amicale à ces anciens Amis du CNIPAL

      C’est ainsi que le 2 juin, accompagnés par la ductile pianiste Valérie Florac, étaient à l’affiche deux chanteurs, la mezzo Emmanuelle Zoldan et le ténor Marc Larcher, voix de velours et voix de lumière, ombre et soleil, ambre et or. Tous deux ont diversement incarné des héros lyriques correspondant à leur tessiture sur de nombreuses scènes nationales, la mezzo étant une notable Carmen et Maddalena de Rigoletto, le ténor se taillant par ailleurs de beaux succès dans de belles productions tournantes des grandes opérettes du répertoire classique, sa verve et sa culture franco-espagnole le faisant jubiler dans Andalousie et La Belle de Cadix de Francis Lopez.

      Ils proposaient ici Une décennie de musique française, un intéressant état de l’opéra français au XIX e siècle, opéra comique et bouffe compris, de 1865 à 1877, époque où se créée ou recrée un style lyrique français posé par Gounod, imposé par Bizet, proposé même par l’ironie parodique d’un Offenbach, qui ébranle l’empire étouffant de l’opéra italien.

      Ils sont beaux, des jeunes premiers, il chantent bien et, par ailleurs, s’avèrent de remarquables interprètes comédiens, donnant vie aux personnages qu’ils incarnent en concert, en dehors de la dramaturgie d’une scène, d’un spectacle. Alternant solos et duos, ils enchantent le public. De la sérénade de Smith (La Jolie fille de Perth de Bizet) à l’aubade de Roméo (Roméo et Juliette de Gounod), Larcher déploie un timbre solaire qui éclairerait vraiment la nuit, ferait vraiment se lever le soleil, projection lumineuse et généreuse, élégance du phrasé, tenue scénique exemplaire : nombre de chanteurs sont déformés par l’émission vocale, lui, il en est embelli, souriant. Nous faisant le cadeau, pour illustrer la thématique du concert, du grand air de Dalila (Samson et Dalila, Saint-Saëns) même s’il est trop grave pour elle et contrarie le souffle, Emmanuelle Zoldan, regard intense, toute en velours vocal, est une sensible Charlotte (Werther de Massenet) à la couleur et au volume homogènes, sans les lourdeurs vocale qui empêtrent parfois le rôle, une Carmen infiniment convaincante, très séduisante. Ces deux jeunes chanteurs réussissent la gageure, tout en chantant face à la partition, de nous donner l’illusion qu’ils sont dans le drame de la scène pour le poignant duo final de Carmen. Enfin, passant à  Offenbach, duos et solos, ils se montrent tout aussi crédibles, risibles dans le jeu, en passant avec une aisance joyeuse de drame  de l’opéra à jubilante dérision de l’opérette. Deux grands artistes secondés par une belle pianiste. Benito Pelegrín

Temple Grignan, 2 juin

Emmanuelle Zoldan, Marc Larcher, Valérie Florac, piano

Airs et duos : Bizet, Gounod, Massenet, Offenbach, Saint-Saëns.

Le coup de gueule d’un Grand Fou….

Publié Par Rmt News Int Sur Dans Billet d'humeur,Marseille,News,Théâtre/Opéra | Pas de commentaire
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Richard Martin

Le 25 novembre, au Toursky, fief de Richard Martin, s’est tenue une conférence de presse dont nous nous serions bien passés si les journaux avaient d’eux-mêmes pris soin de vérifier les chiffres que le Préfet leur avait donné à se mettre sous la dent (voir communiqué ci-contre)…

Hélas, et cela ne date pas d’hier, le journalisme n’est plus ce qu’il était et devant la masse de communiqués à traiter – voir à copier coller- rares sont les journalistes disposant du temps nécessaire au recoupage des informations et à la vérification de l’exactitude des chiffres. Pression des directions, des publicitaires, des institutions… et dans certains cas, laissez aller de la profession… Nous n’épiloguerons pas sur cette situation dramatique que vit depuis plusieurs dizaines d’années la presse française (nous avions fait un reportage sur ce sujet dans un des numéros de la saison 2008/2009 de la RMT) même si cela nous navre profondément… Mais où sont donc les journalistes pointilleux et soucieux de leur lectorat, aujourd’hui ? A cette question, je ne saurais quoi répondre…. Fort heureusement, il y a des journalistes qui restent fidèles aux principes de base du journalisme et se battent pour une presse libre et de qualité…

Ceci étant dit, entrons dans le vif du sujet qui occupe Richard Martin. Ce dernier est à ce jour excédé par le manque de parole d’un ministre (« il a grillé son allumette » dirait Jean Poncet) : ce dernier avait juré sur son honneur qu’il donnerait un calendrier précis des aides qu’il lui était possible de débloquer pour le Toursky auquel rappelons-le a été supprimé la subvention de la DRAC au motif officiel fallacieux. En effet, selon le préfet de Région, le Toursky ne ferait pas de création. Or, même si il est à regretter que les créations ne soient présentées que deux à trois jours dans le théâtre (et pour une raison simple, c’est qu’il faut remplir les 750 fauteuils du Toursky situé dans un quartier difficile), le Toursky propose plusieurs créations par an son fidèle public. Qu’il s’agisse de créations « maison » ou de créations portées par des compagnies régionales ou marseillaises (citons par exemple Quartiers Nord). Certes, ces créations ne sont peut être pas au gout de la DRAC, elles sont peut être trop populaires, pas assez élitistes aux yeux et des dirigeants de la DRAC et des autres théâtres marseillais qui ont vilipendé avec bassesse le directeur du Toursky, invoquant le motif qu’il percevrait trop de subventions alors que tel n’est pas le cas en comparaison d’autres lieux (voir tableau ci-contre).

Nous ne rentrerons pas dans la polémique concernant la qualité des spectacles que le Toursky présente : dans ce lieu comme dans les autres par ailleurs, des spectacles de belle facture et de grande qualité côtoient des spectacles de moindre envergure et d’une qualité artistique douteuse. Mais tel n’est pas le risque de toute création artistique ? Et n’existe-t-il pas comme partout ailleurs des imposteurs ? Ceci étant noté, on peut reconnaître une chose, c’est que Richard Martin permet aux personnes à faibles revenus de venir découvrir des spectacles en son lieu pour le prix de 3€… Et cela sans contrepartie financière du gouvernement et en dépit du cout exorbitant de certains spectacles accueillis ! Une chose est sûre, c’est que Richard est resté fidèle à son désir d’ouvrir la culture à tous en présentant des spectacles de tous genres et à tous les prix… Au contraire d’autres structures culturelles !

Il est tout de même bien dommage de se rendre à l’évidence que chaque structure se bat pour son petit pécule de subsides selon le principe « à chacun sa chapelle et ses privilèges » et ne fasse pas réellement l’effort de jeter ne serait ce qu’un regard bienveillant sur le travail mené par ses voisins. Beaucoup de mesquinerie ridicule, de jugements à l‘emporte pièce, d’égocentrisme et de méfiance dans un milieu où les valeurs de solidarité, de partage et de fraternité devraient être moteurs de l’action des théâtreux (directeurs de lieu et artistes). Leur étendard ! Hélas, trois fois hélas, chacun se bat de son côté pour conserver sa part du gâteau, voire l’augmenter au détriment de ses voisins… C’est dans la nature humaine me direz vous mais, cela n’est-il pas aggravé par l’opacité de l’attribution des subventions ?

N’est ce pas la politique globale du gouvernement que de diviser pour mieux régner en distribuant de façon floue et parfois arbitraire les subventions aux différents lieux ? Car honnêtement, les modalités d’attribution des subsides de l’Etat sont-elles si transparentes que cela ? Ne relèvent-elles pas du fait du prince dans certains cas, voire d’affinités entre les acteurs culturels et les politiques ? N’est ce pas comme cela que fonctionnent les sociétés dans le monde quelque soient leurs régimes politiques ? Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir cela que les plus malins sont ceux qui réussissent le mieux à tirer partie des failles du système, même si cela est éthiquement parlant intolérable et artistiquement néfaste pour la création. A force de rédiger des projets répondant aux critères des demandes de subvention, les artistes ne se prostituent-ils pas ? A force de surfer sur la vague de la mode, ne vendent-ils pas leur âme au diable ? A force de hanter les couloirs des hommes politiques, ne perdent-ils pas la flamme rebelle et créative qui les animait pour ne devenir que des pantins au service d’un gouvernement qui plébiscite une culture populiste aseptisée ?

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Jean Poncet

Telles sont les questions que je me pose aujourd’hui quant au devenir de l’art et plus particulièrement du théâtre en France et dans le monde, le théâtre n’est-il pas plus que tout autre art, un art engagé par essence, un art rebelle au diktat du pouvoir, un art libre où le public est amené à réfléchir sur lui-même et la société dans laquelle il vit? Alors, faut-il soutenir Richard Martin et son comparse, Jean Poncet, dans cette lutte ? En quoi cette lutte doit-elle être suivie par tous les acteurs culturels de France et de Navarre ?

Oui, je soutiendrais cette action car au-delà de la question des subventions retirées à son théâtre –une somme modique en comparaison avec les dépenses colossales et justifiées du lieu-, la révolte de Richard Martin soulève une question cruciale concernant le système même des critères d’attribution des subventions et remet en cause une pratique fallacieuse. Sans remettre en cause le bien fondé de l’attribution d’aides aux structures culturelles qui sans ces aides ne sauraient survivre au système capitaliste mondial, il serait peut être bon de refondre le système et le rénover en profondeur afin d’éviter les dérives et autres abus de pouvoir auxquels nous assistons depuis de bien longues années. Un nouveau système plus équitable est à penser et à développer afin que les structures culturelles puissent perdurer et offrir une diversité artistique sans laquelle un pays se meurt. Pour ce combat humaniste, fraternel et solidaire, je ne puis que soutenir l’action de Richard et appeler les acteurs culturels à enterrer leur hache de guerre pour monter au front avec Richard. Et ce, dans l’intérêt de tous à long terme et au-delà des querelles de chapelles et d’égos.

A l’occasion de la conférence de presse, Richard a clairement et honnêtement, sans langue de bois et pour une fois, sans citation à la Ferré, exprimé sa détermination : « Je ne lâcherais pas quitte à en crever…Le théâtre est un problème de droit de l’homme, c’est une question de dignité humaine…. si les gens allaient plus au théâtre, ils ne se suicideraient pas… cette société part en couille et il faut que tous les saltimbanques aient une autre façon de penser et travailler ensemble ». Ah bon entendeur, salut ! Votre dévouée, DVDM.

ANNEXES

Tableau sub-3 [18]

communique de presse présentant un état des lieux de la situation du Toursky [19]