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Prodigieuse Traviata à l’Opéra de Marseille

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Le splendide Opéra de Marseille propose jusqu’au 15 février La Traviata, chef d’œuvre de Giuseppe Verdi avec Clelia Cafiero à la direction musicale et Renée Auphan à la mise en scène réalisée par Yves Coudray.

Il est de mise de ne pas user d’adjectifs dithyrambiques dans la critique d’un spectacle. Que nenni avec cette Traviata ! Plus de deux heures d’un bonheur absolu… ici, tout prête à la démesure !

Clelia Cafiero, cheffe d’orchestre, tout en maitrise et passion

-Qu’il s’agisse de la direction musicale menée de main de maitre, avec un orchestre à l’écoute des chanteurs, tout en nuances et force. La Maestra cheffe d’orchestre, Clelia Cafiero, dirige avec passion et retenue. La musique envahit l’espace et les âmes, sublime les voix, anticipe le drame, jaillit, accompagne, caresse…

-Qu’il s’agisse de la mise en scène, exigeante, soignée, parfaite.

-Qu’il s’agisse des costumes, magnifiques, de Katia Duflot, illuminant les très beaux décors de Christine Marest.

– Qu’il s’agisse des chœurs de l’Opéra de Marseille dont Florent Mayet est le chef, exceptionnels comme à leur habitude.

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Traviata 2024 © Ch Dresse

Marie Duplessis, la Marguerite Gauthier de Dumas et la Violette immortelle d’un génie nommé Verdi

– Qu’il s’agisse du livret de Francesco Maria Piave et de l’histoire, une intrigue simple et efficace. Trois personnages centraux  dont une merveilleuse héroïne, une courtisane. C’est elle qui donne le titre à l’ouvrage, la Traviata signifie la dévoyée. Une courtisane qui se prend à rêver à une autre vie, à un amour véritable, mais qui est rapidement rappelée par sa condition et sa situation. Si la maladie ronge son corps, son esprit, ses espoirs, ses désirs sont depuis longtemps enterrés. Violetta meurt dans les bras des hommes qui ont contribué à son désespoir. En écrivant la Dame aux camélias, Alexandre Dumas faisait de Marguerite Gauthier –dans la vie Marie-Alphonsine Plessis appelée plus tard Marie Duplessis– la Violetta immortelle d’un génie nommé Verdi.   

-Qu’il s’agisse de Violetta.

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Ruth Iniesta et Julien Dran ©Ch Dresse

Impériale, sublime en Violetta, Ruth Iniesta au sommet de son art

Si le succès de cette Traviata ne lui est pas dû en exclusivité, la Violetta de Ruth Iniesta, le lyrisme absolu de la Diva, déchaine l’hystérie du public à la fin de la représentation dans un crépitement d’applaudissements et une immense clameur. Bouleversante de beauté, d’élégance, de grâce, de pureté, la voix ciselée de la soprano, ajouté à un jeu particulièrement expressif sans forcer le trait, est un enchantement. Dans le premier acte, Ruth Iniesta donne à entendre un soprano d’agilité, lyrique dans le deuxième, avec des inflexions tragiques et puissantes notamment dans le poignant « Amami, Alfredo » et, enfin, un soprano dramatique tout en nuances, au dernier acte. Ruth Iniesta est au sommet de son art ; elle triomphe en Violetta et le public marseillais l’a adoubée.

Si, au départ, l’Alfredo de Julien Dran est un peu en retrait, il acquiert force et conviction et monte en puissance, emportant largement l’assentiment d’un public ravi.

Jérôme Boutillier est un excellent Germont (le père). Frédéric Cornille (le marquis), Svetlana Lifar (Amina), Carl Ghazarossian (Gastone) et Jean-Marie Delpas (le baron Douphol) tiennent leurs rôles avec rigueur et adresse. Accent particulier sur Flora, Laurence Janot, dont le rôle met l’accent sur ses qualités de chanteuse mais également de danseuse, ce qu’elle exécute avec brio.

Au final, une représentation à dévoyer tout un public, dont beaucoup de jeunes, qui debout, de l’orchestre au ‘poulailler’,  après tant d’émotions retenues, a clamé, hurlé, son enthousiasme. Que vivent la musique et la culture !

Danielle Dufour-Verna

Crédit photos: Christian DRESSE

Opéra de Marseille 
2 rue Molière 13001 Marseille
 
Dimanche 11.02.2024 – 14h30
Mardi 13.02.2024 – 20h00
Jeudi 15.02.2024 – 20h00
 
Informations billetterie
billetterieopera@marseille.fr [4]
Téléphone : 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43
 
Tarifs: de 10 à 81€
 
La Traviata / Verdi

OPÉRA EN 3 ACTES

Livret de Francesco Maria PIAVE

Création à Venise, le 6 mars 1853, au Teatro La Fenice
Dernière représentation à Marseille, le 2 janvier 2019

PRODUCTION Opéra de Marseille
Direction musicale Clelia CAFIERO
Mise en scène Renée AUPHAN réalisée par Yves COUDRAY
Décors Christine MAREST
Costumes Katia DUFLOT
Lumières Roberto VENTURI

Violetta Ruth INIESTA
Flora Laurence JANOT
Annina Svletana LIFAR

Alfredo Julien DRAN
Germont Jérôme BOUTILLIER
Gastone Carl GHAZAROSSIAN
Le Marquis Frédéric CORNILLE
Le Baron Douphol Jean-Marie DELPAS
Le Docteur Yuri KISSIN

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

CONCERT HOMMAGE À BEETHOVEN

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 PAR L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE SANREMO & MICHEL BOURDONCLE (Piano)

       20 février 2024 –Théâtre de la Chaudronnerie

Le 20 février 2024, dans ce magnifique Théâtre de la Chaudronnerie à La Ciotat, un évènement admirable est programmé : le Concert Hommage à Beethoven par l’Orchestre symphonique de Sanremo avec l’immense pianiste Michel Bourdoncle au piano.

Nous avons rencontré Michel Bourdoncle

 « J’avais cinq ans quand j’ai commencé le piano. Je lisais les notes avant de savoir lire. J’ai commencé à jouer à l’âge de 18 ans. C’est dans les années 2000 que j’ai connu le paroxysme ; pendant quelques années, j’ai fait une centaine de concerts par an. Je jouais beaucoup en Asie, en Amérique latine, en Europe avec tous les grands orchestres nationaux. Depuis environ cinq ans, j’ai mis un peu la pédale douce pour m’occuper de la carrière de mes enfants, très prometteuse également. »

 « Les plus grands bonheurs sont ceux que l’on partage »

Michel Bourdoncle n’est pas seulement un pianiste d’exception, c’est aussi un homme passionné, voué à la musique et intensément respectueux des autres, à leur écoute. Jouer, seul ou au sein d’un groupe, donner la parole, soutenir la voix des instrumentistes à cordes ou à voix, aborder les concertos dans tous les répertoires, rencontrer, partager avec les musiciens lors des concertos, sont dit-il, des moments de rare intensité. Homme de communication, homme de lien, Michel Bourdoncle traverse la musique, toutes les musiques, depuis plus de quarante-cinq ans avec le même bonheur à la jouer que les spectateurs ont à l’entendre.

« J’ai un plaisir fou à jouer, à enseigner, à partager. Quand on parle plusieurs langues, c’est sensationnel. Je rencontre quelqu’un à Moscou qui me parle pendant trois heures de la chute d’Allende. En Chine, j’essaie d’apprendre le chinois… Tout me passionne ; la musique me passionne. Je fais maintenant une cinquantaine de concerts par an et cela me suffit amplement. Le Festival, Les Nuits Pianistiques,  l’Académie, me prennent du temps ; c’est une responsabilité »

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Un professeur bienveillant

Michel Bourdoncle est également un professeur attentif, exigeant mais bienveillant, qui continue à avancer en transmettant. De cours de piano au Conservatoire de musique d’Aix-en-Provence en master-classes dans de nombreux pays à travers le monde, Michel Bourdoncle donne une importance cruciale à la diffusion musicale est très importante. 

« On ne peut pas interpréter un concerto si on ne brise pas la cuirasse. »

 « Il y a des compositeurs dont je me sens proche pour l’aspect humain. Par exemple, si nous évoquons Liszt, pianiste, organiste, transcripteur, improvisateur, chef d’orchestre, organisateurs de festivals, en dehors du géant qu’il a été, et de ce qu’il représente pour la musique, il a été d’une générosité inouïe en aidant beaucoup de compositeurs. Il a soutenu et essayé de faire connaître des compositeurs qui n’étaient pas connus. C’était un professeur très apprécié. II a inventé le récital de piano. Je sens cette infinie tendresse qu’il avait et cette infinie passion qu’il avait aussi. Il disait de lui-même « Je suis à la fois Tzigane et Franciscain » ; tout ce dont un artiste doit avoir envie, c’est-à-dire une palette inouïe : la rigueur, le sérieux, l’analyse, la construction, et en même temps, la folie, l’outrance. On ne peut pas interpréter un concerto ou une sonate de Liszt ou de Brahms si on est quelqu’un tout le temps dans ses chaussures, qui ne brise pas la cuirasse. De temps en temps, c’est absolument nécessaire. C’est un exemple pour nous tous. Pour jouer avec  orchestre, c’est une dimension extrême qu’il faut avoir. »

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L’Orchestre Symphonique de Sanremo

Sous l’impulsion de Giancarlo De Lorenzo, l’Orchestre Symphonique de San Remo, qui compte une quarantaine de musiciens est un des grands orchestres nationaux italiens avec lequel Michel Bourdoncle a joué deux fois : une première fois à Monte-Carlo et une autre fois en Italie. Véritable vivier de talents émergents, le prestigieux orchestre de Sanremo a célébré son cent-vingtième anniversaire le 1er janvier 2023. Son répertoire va de Vivaldi à Penderecki, de Monteverdi à Ligeti, des grands compositeurs baroques et classiques aux artistes d’aujourd’hui. 

 Si Michel Bourdoncle n’a pas de préférence parmi les grands compositeurs –il les admire tous- cette soirée rendra hommage au grand Beethoven, un spectacle présenté par Les Nuits Pianistiques.

La Ciotat, splendide ville culturelle, le Théâtre de la Chaudronnerie, lieu emblématique de culture, le merveilleux orchestre Italien de Sanremo, le modeste et prodigieux Michel Bourdoncle au piano, tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce mardi 20 février 2024 à 20 heures un moment de bonheur intense, à partager. Il faudrait être sourd à la musique pour résister à son appel.

Danielle Dufour-Verna 

Crédit photo: DR

De L’Allemagne d’après le roman éponyme de Germaine de Staël

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S’adressant à un public peut être averti, le spectacle n’avait pas de notice fournie sur cette grande dame des Lumières. Je l’ai toujours admirée et j’en offre ces lignes, tirées d’une causerie, à l’usage des lecteurs.

 GERMAINE DE STAËL (1766-1817)

Elle naît à Paris, mais de parents suisses, protestants. Elle est la richissime, fille du ministre des Finances de Louis XVI, Jacques Necker, qui se paie le luxe de payer le budget de la France ruinée, de prêter au Royaume une somme colossale que Germaine mettra presque toute une vie à récupérer. Elle est élevée dans un milieu de gens de lettres.

En 1786, à vingt ans, elle épouse —on lui achète un mari et un titre—le baron Staël, ambassadeur du roi de Suède auprès de la cour de France. Sans enthousiaste, avec esprit mais cruellement, elle dit :

 « De tous les hommes que je n’aime pas, mon mari est celui que j’aime le mieux. »

 Mariage de raison à la mode dans leur grand monde : les époux s’aiment sans doute un peu et se trompent beaucoup. Le baron a des aventures, Germaine, des passions tapageuses, dans les dangereuses liaisons libres d’une époque risquée traversée, après la chute de l’ancien Régime, de la Révolution et sa Terreur, du Directoire et du Consulat et d’un Empire autocratique qu’elle annonce et dénonce. Sa vie sentimentale agitée, orageuse avec Benjamin Constant, de Lausanne —auquel elle inspirera le personnage suicidaire à répétition d’Ellénore du roman Adolphe— la fixe dans ce couple tourmenté de Suisses, intransigeants donneurs de leçon républicaine à la neuve République française, la rendant indésirable, plusieurs fois forcée à l’exil à travers l’Europe, suivie de Benjamin qui, plus habile, s’arrangera avec tous les régimes, arrangeur même de la Constitution napoléonienne qui la révulse.

Elle divorce en 1800, épousera un homme plus jeune.

Femme généreuse, elle se mêle de tout. Favorable à la Révolution et aux idéaux de 1789, critique dès 1791, opposante à tous les extrémistes, elle est gênante à tous, un temps protégée par le statut diplomatique de son mari, elle doit se réfugier auprès de son père en Suisse à plusieurs reprises.

Fascinée par le jeune Général Bonaparte vainqueur des Autrichiens en Italie qui rentre en restaurant les finances d’une république appauvrie, elle le harcèle de questions, rapporte Talleyrand :

« Général, quelle est pour vous la première des femmes ? », demande-t-elle se posant sans doute imprudemment en première.

— Celle qui fait le plus d’enfants, Madame », lui aurait répondu sèchement le misogyne Corse, tout dévotion pour sa Laetizia de maman.

 Peut-être début ou symptôme d’une guerre répulsion/fascination entre eux. Mais, plus politiquement, elle le voyait en libéral, mais lucide, avec le coup d’état du 18 Brumaire (9 novembre 1799), approuvé par l’opportuniste Benjamin Constant, elle voit qu’il signe la fin de la Révolution et que le Consulat, le faisant Premier Consul, en fait un dictateur à vie. La suite lui donne vite raison : le régime consulaire se transforme en empire héréditaire. Bonaparte est sacré empereur le 2 décembre 1804 et le régime se construit sur le modèle d’une monarchie que la Révolution avait abolie.

De son célèbre et bruyant salon de la rue du Bac où elle reçoit tout le gratin culturel et politique, républicains et émigrés, du haut de sa notoriété, voix hautement connue internationalement, au nom de la liberté, elle se répand contre lui. Napoléon dira avec humour mais non sans raison,

 « Mes plus grands ennemis en Europe ? L’Angleterre, la Russie et Madame de Staël. »

Revenue d’un de ses exils en mai 1795 avec Benjamin Constant, elle en est de nouveau exilée en octobre par le redoutable Comité de Salut public, au couperet toujours facile malgré la fin de la Terreur. Germaine acquise fidèlement aux idéaux de 89, sait la monarchie impossible désormais, rêve d’une république fondée « sur la justice et l’humanité » ; par sa voix, sa plume, sous son nom ou des pseudonymes transparents, elle s’élève contre tout despotisme, élevant contre elle monarchistes revanchards, révolutionnaires ultras.

Bannie de Paris (condamnée à en rester « à quarante lieues », 160 km), puis interdite de séjour sur le sol français, exilée en 1803 par Bonaparte, en résidence forcée et surveillée dans sa propriété de Coppet près de Genève ; elle y réunit toute l’Europe pensante, ce que Stendhal a appelé « les états généraux de l’opinion européenne ». Elle réussit à fuir, voulant rejoindre l’Angleterre. À cause du blocus continental qui ferme les ports, c’est une épopée terrestre.

Il y aurait de quoi sourire, si elle n’avait eu à tant endurer, à voir l’homme le plus puissant d’Europe, chasser bassement une femme et la poursuivre sur tout le continent alors qu’elle évite l’expansion de ses armées conquérantes jusqu’à la Russie juste avant l’arrivée des Français dans un Moscou en flammes, fuyant avec, sinon armes, bagages, enfants, et Benjamin Constant à ses côtés, à ses crochets (dont elle a eu une fille) pour trouver, passant par la Suède ex-matrimoniale, où va sagement régner Bernadotte, ancien Maréchal d’Empire qui se retournera contre l’Empereur, un asile en Angleterre. Elle y écrira De l’Allemagne en 1810, remettant juste un pied prudent en France pour en suivre de loin l’impression, dix-milles exemplaires, immédiatement saisis et pilonnés.

Talleyrand, « Le diable boiteux », l’Évêque d’Autun qui servira et trahira tous les régimes, qui l’a exploitée sentimentalement, financièrement et politiquement, qu’elle a sauvé peut-être de l’échafaud en le faisant rayer de la liste des émigrés à son retour en France, pour lequel elle avait arraché de vive force le ministère des affaires étrangères à Barras, alors Premier Consul, allant même lui faire l’article de ses vices utiles (« Il a tous les vices de l’Ancien Régime et ceux du nouveau : il est fait pour vous ! »), l’ingrat Talleyrand qui ne lui rendra jamais la protection qu’elle lui avait toujours prodiguée, dira d’elle avec un humour cruel :

« Cette femme avait toutes les vertus et un seul défaut : elle était insupportable. »

 Sans doute à vouloir se mêler, avec une clairvoyance et une compétence que n’avaient sûrement pas nombre d’hommes qui, en politique même révolutionnaire, avaient prudemment exclu les femmes, ne leur accordant même pas le droit de vote. Pourtant, dans ce livre où elle soulignera n’avoir rien mis de ses idées qui pourraient fâcher encore le pouvoir, elle a cette étrange affirmation qui sonne comme un aveu désabusé, comme si elle insinuait qu’elle voulait rester enfin modestement à sa place, à l’ombre, sans conflit avec les hommes :

 « On a raison d’exclure les femmes des affaires politiques et civiles ; rien n’est plus opposé à leur vocation naturelle que tout ce qui leur donnerait des rapports de rivalité avec les hommes, et la gloire elle-même ne saurait être pour une femme qu’un deuil éclatant du bonheur. »

Et discutant du mariage, elle ne discute pas la primauté biblique de l’homme sauf pour le rappeler à ses devoirs, primordiaux en conséquence :

« Dieu a créé l’homme le premier comme la plus noble des créatures, et la plus noble est celle qui a le plus de devoirs. »

FÉMINISTE ?

Recevant Lucile Pessey à la radio pour présenter ce spectacle, production de son association Intim’Opéra, qui a pour vocation de valoriser le matrimoine culturel si longtemps oublié ou négligé, je m’étonnais : pour un spectacle sur la combattive Madame de Staël, matière idéale, pionnière et aujourd’hui icône rêvée du féminisme par sa vie et son œuvre qui exalte des femmes victimes des contraintes sociales, aristocratiques chez Delphine (1802) ou maritales et artistiques dans Corinne ou l’Italie (1807 et 1808), image de la femme libre et poétesse, cette production nous la représente par le biais non de ses fictions socialement significatives sur le statut de la femme, mais de son fameux essai, De l’Allemagne (1810-1813).

 La justification est que ce spectacle est bâti sur idée de Maria Kohler, comédienne de la riche colonie allemande de Marseille, pour fêter de la sorte la Journée franco-allemande —j’imagine la non citée commémoration du Traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, signé par le Chancelier Adenauer et De Gaulle, qui scellait la réconciliation de l’Allemagne et de la France.

 De l’Allemagne

France/ Espagne

La France, ignorante de la littérature espagnole, autant que de l’allemande comme le déplorait Madame de Staël, n’a pas vu que cette approche comparatiste avait un célèbre précédent hispanique, connu de toute l’Europe depuis deux siècles, La oposición y conjunción de los dos grandes luminares de la tierra o de la antipatía natural de franceses y españoles (‘L’opposition et conjonction des deux grands luminaires de la terre ou de l’antipathie naturelle des Français et des Espagnols’), un essai du Doctor García paru à Paris en 1615 à l’occasion du double mariage d’Isabelle de Bourbon et de Philippe IV et, d’autre part, d’Anne d’Autriche et de Louis XIII, dans un esprit de concorde entre les deux nations en guerre depuis un siècle. L’édition, bilingue, connaît un succès foudroyant, plus de quarante-sept éditions au XVIIe siècle et encore au XVIIIe et des traductions dans toute l’Europe, italienne, anglaise, allemande, française en plus de la bilingue originale. García fait une étude physico-psychologique comparée des deux nations, des modes et vêtements, des habitudes, des mœurs, oppose la gravité de l’Espagnol à la légèreté et la volubilité du Français, constate le bruyant désordre des coqs gaulois dans la rue face au silence digne des Espagnols. Des clichés auxquels n’échappe pas le texte de Staël.

Naturellement, la comparaison cas par cas entraîne des paires de phrases brèves et des figures de symétries, antithétiques, enchaînant forcément stéréotypes nationaux, non sans humour, dans la simplification inévitable des poncifs. Mais le désir des deux auteurs est la concorde des deux nations par la connaissance de l’Autre et l’équivalence des qualités et défauts réciproques.

À García, il sera reproché une sympathie pour la France comme on fera, d’une sympathique germanophilie de Stahl, une antipathie française, fallacieux argument pour censurer et interdire le livre, alors que la bouillonnante, généreuse et curieuse Germaine, même si l’Allemagne n’est pas encore une entité politique, en visionnaire lucide, la perçoit dans une unité raciale et culturelle qu’elle s’emploie à faire connaître. Au sentiment de supériorité du Français, à une arrogante France impériale autocentrée, bien qu’impérieusement excentrée dans toute l’Europe, elle offrait le miroir, forcément réflexif, d’un autre pays, d’une autre culture, d’autres valeurs, qui, par la comparaison et non la confrontation, ne pouvaient que l’enrichir. Elle souligne avec finesse et humour le scientisme français, son culte des mathématiques, sa religion de la Raison, et l’oppose au goût allemand de l’Imagination, aux élans de l’enthousiasme, résumant les deux pôles opposés de l’esprit de « merveilleux » qui a le pas sur l’esprit de géométrie :

 « L’univers ressemble plus à un poème qu’à une machine », répète-t-elle.

 C’est avec justice qu’on fait de son essai une introduction, en France, du romantisme, déjà sensible chez son compatriote adoré, Jean-Jacques Rousseau, comme si la Suisse était un trait d’union avec les élans passionnels du Sturm und Drang germanique, ‘Tempête et Passion’, mouvement artistique et politique national révolté, au nom de l’intériorité, contre la superficialité abstraite des Lumières à la française : le Français parle, l’Allemand pense, résumera en quelque sorte Germaine.

« Un Français sait encore parler, lors même qu’il n’a point d’idées ; un Allemand en a toujours dans sa tête un peu plus qu’il n’en saurait exprimer. On peut s’amuser avec un Français, quand même il manque d’esprit. Il vous raconte tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a vu, le bien qu’il pense de lui, les éloges qu’il a reçus, les grands seigneurs qu’il connaît, les succès qu’il espère. Un Allemand, s’il ne pense pas, ne peut rien dire, et s’embarrasse dans des formes qu’il voudrait rendre polies, et qui mettent mal à l’aise les autres et lui. »

Évidemment, décréter l’Allemagne « la patrie de la pensée » ne pouvait être bien perçu dans une France se targuant d’être le pays de la Raison. Mais à cette raison qu’elle semble concéder à la France, trait déjà romantique, elle oppose le Sentiment.

Mais, surtout, cette farouche fille de la liberté qu’elle défend contre les oppresseurs, dénonçant inlassablement la trahison des idéaux de la Révolution par Bonaparte, à côté d’inévitables clichés, laisse percer son indépendance d’esprit et tombe juste quand, elle la retrouve et salue dans ce pays l’individualisme du jugement libéré des contraintes, si françaises des règles, c’est-à-dire des académies :

 « En Allemagne, il n’y a de goût fixe sur rien, tout est indépendant, tout est individuel. L’on juge d’un ouvrage par l’impression qu’on en reçoit, et jamais par des règles, puisqu’il n’y en a point de généralement admises. »

 Certes, l’on voit que, en dehors de quelques délicieux croquis paysagers ou urbains, quelque anecdote pittoresque sur les coutumes brassées, brossées avec la plaisante légèreté salonnarde française, l’Allemagne de la Baronne de Staël est celle de son monde, de son milieu : de son salon. Mais quel salon ! Même si elle n’a pu les connaître directement, puisqu’ils étaient morts autour de 1803/1804 elle parle du poète de la nature Klopstock, du dramaturge Lessing, du criticisme idéaliste de Kant mais aussi de Herder maître de Schiller et Goethe, qu’elle fréquente en personne dans le salon du duc de Weimar, de Schlegel. Comme dans son salon parisien, dans son château suisse de Coppet où elle réunit les beaux esprits européens, comme l’abeille va au miel, elle butine passionnément la culture, la philosophie, œuvre même pour l’abolition de l’esclavage.

Le poète Heinrich Heine (1797-1856), admirateur de Germaine, mitigera cependant son enthousiasme dans un ouvrage parallèle, De l’Allemagne (1835), axé surtout sur l’histoire de la religion et de la philosophie mais il pressent subtilement les dangers des nationalismes naissants. Les longues notes qu’il accumule pour un autre essai, De la France (1833/1857) laissent voir l’empreinte en lui de Madame de Staël.

Aujourd’hui, avec d’autres moyens, on l’aurait qualifiée d’influenceuse. Mais on portera à son crédit la noblesse des causes qu’elle défend, la liberté et l’humanisme au-dessus de tout. En 1793, elle se fend même d’un texte adressé aux femmes, prudemment anonyme, pour tenter d’arracher Marie-Antoinette à la guillotine. La caisse de résonance de son salon parisien d’opposition libérale, agacera tellement Bonaparte en marche vers le pouvoir absolu, crispera tellement Napoléon devenu empereur, qu’il cherchera le mettre sous cloche, à la bâillonner, faire taire cette intransigeante opposante. En vain. Quelqu’un dira :

 « Le salon de Madame de Staël est partout où elle se trouve. »

 Et dans ce spectacle, certes un trio de dames, mais devant une salle pleine et vibrante qui leur fera un triomphe mérité —à quelques réserves près.

LE SPECTACLE : LECTURE ET MUSIQUE

         Un piano à jardin, à cour, une table basse, un fauteuil, deux guéridons à candélabres, un canapé de style ni Empire, ni Directoire, ni Louis XVI mais aux lignes voluptueuses galbées du rococo appelant la caresse qui justifieraient le mot de Talleyrand disant que, qui n’avait connu l’Ancien Régime, n’avait pas connue ce qu’était la douceur de vivre —pour certains, c’est sûr. Robe orange pour Corinne (nom du roman), bleu sombre pour Mirza la pianiste, et légère tunique beige, vaguement à l’antique Directoire pour Ellé(o)nore (Ellénore, nom de l’héroïne névrotique de l’Adolphe de Constant), qui vient avec la lettre reçue de son amie Germaine à Londres avec un exemplaire de son livre, De l’Allemagne dont la lecture qu’elle va en faire longuement est le cœur, lourd, du spectacle, plus oral que musical.

         En effet, cette longue lecture à une voix a la limite, au sens dramatique sinon artistique, d’exclure du jeu pratiquement les deux autres partenaires, puisque Marion Liotard, virevoltante et vibrante au piano, en soliste impatiente commentant ou ponctuant avec enjouement des effets du texte, et Lucile Pessey au chant, dans le peu qui leur est imparti, emplissent et occupent généreusement l’espace laissé plutôt vide par la voix au joli timbre et doux accent mais trop faible de la lectrice Maria Kohler difficilement audible, qui me contraint de revenir au texte même pour combler les lacunes de l’audition.

Faute d’une dramatisation des personnages, d’une théâtralisation du texte et musiques, d’élargir à d’autres textes de Staël, qui eût demandé d’autres moyens, le metteur en scène Yves Coudray meuble habilement l’espace des comparses auditrices par des déplacements, un peu forcés, requis par la tasse de thé, les biscuits offerts, la consultation de la partition, du texte : malgré tout, elles sont réduites à quelques mimiques, des exclamations de surprise, d’indignation ou à des gestes féminins de joyeuse ou tendre complicité ou consolation, se tenant par les main, ou parfois se partageant une page du livre ou entonnant en trio  « l’Hymne à la joie » de Schiller, coda de la IXe Symphonie de Beethoven. Cela en fait des silhouettes mais non des personnages.

         Pourtant, l’entrée d’Ellé(o)nore, lettre et livre en main de Germaine était une vraie entrée dramatique, avec l’anecdote, terrible pour la démocrate, du décret liberticide « sur la liberté de la presse » […] « qu’aucun ouvrage ne pourrait être imprimé sans avoir été examiné par des censeurs ».

         Il y a l’aveu poignant de l’exilée se risquant malgré tout à poser un pied en France :

         « Je vins à quarante lieux de Paris pour suivre l’impression de cet ouvrage, et c’est là que pour la dernière fois j’ai respiré l’air de France. »

         Puis l’annonce de la destruction officielle des dix-milles exemplaires, un vrai autodafé contre la pensée, l’obligation policière d’en remettre le manuscrit. Enfin, sommet de cruauté, de cynisme, il y a le courrier du ministre de la Police Savary commandité par Napoléon, justifiant censure et exil au nom d’un nationalisme étriqué :

« Votre dernier ouvrage n’est point français. Il m’a paru que l’air de ce pays-ci ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez. »

 Il se paie l’hypocrite politesse de lui désigner les ports par lesquels il lui est permis de quitter la France dans les vingt-quatre heures, dont on lui laisse ironiquement le libre choix —mais, avec obligation de les signaler avant son départ, tant on la surveille de près : bref, tant on la redoute.

C’était l’entrée, à coup sûr dramatique en scène, du drame tout de même réel vécu par cette indomptable femme. Peut-être eût-il mieux convenu pour une fin, après une connaissance du livre, faisant ressortir l’injuste tyrannie qui le et la condamnait. Mais la lecture consécutive du livre, anecdotique, en neutralise, en dilue aussitôt l’impact émotionnel personnel par le propos général et il n’y aura rien de particulier par la suite de ce niveau de tension réellement théâtrale. D’autre part, cette récitation univoque, à sensation monocorde par évaporation vocale, accuse, du moins quand on arrive à capter les paroles, le didactisme, parfois moralisateur du texte, écueil qu’épargne une lecture solitaire à rythme personnel.

         Alors, on attend la musique. Aucune n’est contemporaine, même si on veut peut-être considérer le lointain Bach intégré, et Mozart encore proche, ce dernier illustrant la juste observation de Germaine de son art d’allier texte et musique, avec évocation du Don Giovanni dont Lucile Pessey, dont la belle voix fruitée a muri, s’est élargie, colorée dans le grave sans perdre de sa légèreté, se paie le luxe de parodier l’air caverneux de l’entrée du Commandeur au dernier acte. L’hommage à Haydn dont Germaine entendit la Création à Vienne méritait peut-être quelque intervention de Liotard au piano. On aurait rêvé de quelque pièce de la marquise Hélène de Montgeroult, stricte contemporaine de Germaine de Staël, ayant traversé les mêmes affres révolutionnaires. Mais comment résister à An die Musik, cet hymne délicat à la musique salvatrice de Schubert ?

Les morceaux, sauf exception, ne semblent guère illustrer strictement le texte, une situation autre qu’affective des interprètes, comme la rageuse douleur de Corinne, déchirante dans un air de Mozart exaltant la fidélité à la mention du libertin Benjamin Constant qui fut le tourment amoureux de Germain/Ellénore. Sans être contemporain, car postérieur à la mort de Madame de Staël, l’Ode, ou « l’Hymne à la joie » de Schiller, coda chorale de la IXe Symphonie de Beethoven est pleinement justifié par l’admiration que Germaine voue au poète connu. C’est devenu à juste titre notre hymne européen puisque l’on y chante les valeurs supranationales, morales, des peuples harmonieusement unis que prône effectivement et affectivement Madame de Staël : « Alle Menschen werden Brüder », ‘Toues les hommes deviennent frères’.

C’est un sommet grandiosement naïf et sentimental de l’idéologie des Lumières.

UNE CERTAINE IDÉE DE L’EUROPE

Belle idéal plutôt, que caresse le rêve de la généreuse baronne, et son credo en faveur du mélange fraternel des peuples, des savoirs, bref, contraire à l’exclusion qui menace ou agit actuellement. On pourrait opposer à certains, aujourd’hui même, rêvant de frontières mentales et culturelles, au risque de l’asphyxie du confinement intellectuel, cette superbe sentence de Madame de Staël, et ses déclinaisons qui semblent s’adresser à tels de nos contemporains qui redoutent frileusement les dangers des courants d’air extérieures, rêvant de barrières, de frontières sanitaires, raciales, intellectuelles :

« nous n’en sommes pas, j’imagine, à vouloir élever autour de la France […] la grande muraille de la Chine, pour empêcher les idées du dehors d’y pénétrer.[…]

On se trouvera donc bien en tout pays d’accueillir les pensées étrangères. […] Les nations doivent se servir de guide les unes aux autres, et toutes auraient tort de se priver des lumières qu’elles peuvent mutuellement se prêter. »

Comment ne pas partager aussi son plaidoyer pour le mélange et l’enrichissement des cultures et langues par le brassage harmonieux. Elle est Suisse de France, donc maîtrisant français, sûrement italien et l’alémanique, l’anglais étudié, polyglotte en somme. Ouverte à l’Autre. Passant par la Russie elle voulait écrire un autre essai, De la Russie.

Stendhal touche juste en voyant dans ses rencontres de Coppet « les états généraux de l’opinion européenne ». Elle l’exprime explicitement :

« Il reste encore une chose vraiment belle et morale, c’est l’association de tous les hommes qui pensent d’un bout de l’Europe à l’autre. »

Certes, issue d’un milieu favorisé, privilégié. Mais n’y a-t-il pas encore plus grand mérite de dépasser ses égoïsmes de classe pour s’ouvrir généreusement à l’Autre, du dehors, pour l’accueillir comme une richesse ? Elle a cette belle formule à son image :

« L’hospitalité fait la fortune de celui qui reçoit. »

Aux frémissements de la salle, on sent que ce message, d’une actualité politique et humaine si contemporaine, passe très bien, peut-être un peu trop surjoué par un jeu d’optimisme solidaire souriant des trois dames sollicitant notre sympathie. On regrette d’autant plus, en tant que dramaturge, que l’on n’ait pas placé en cette fin l’épisode initial de la brutale destruction de ce livre généreux par un pouvoir despotique qui menace toujours nos valeurs humanistes, nos libertés de dire, d’écrire, de penser.

FRANCE/ALLEMAGNE

À l’évidence, avec le recul du temps, on ne peut embrasser cet ouvrage, mû par un désir de rapprochement de deux nations, qu’avec le sentiment qu’elles furent toujours des ennemies traditionnelles. Il n’en était rien à l’époque de Madame de Staël : après deux siècles de rivalité avec l’Espagne, c’est la Grande-Bretagne qui était devenue l’ennemie traditionnelle de la France. Cet antagonisme ne cédera qu’en 1904 avec la signature à Londres de l’Entente cordiale avec la République Française. Après la cuisante défaite française de 1870, la proclamation à Versailles du Reich allemand, l’annexion de l’Alsace et la Lorraine, puis les deux Guerres mondiale, c’est l’Allemagne qui occupera ce rôle, et il faudra attendre l‘embrassade historique entre le Chancelier Adenauer et De Gaulle qui scelle en 1963, « l’accord durable », la réconciliation, des deux peuples ennemis depuis près de cent ans.

         Et l’on rendra encore cet hommage à Madame de Staël, Européenne visionnaire, qui autant encore que l’Italie, unifiée aussi en 1871, voit de façon globale ces deux peuples, mais comme facteurs culturels d’une même Europe. Dont elle est un juste emblème.

        Après cette réussite féministe et musicale, on espère avec impatience et sympathie un autre spectacle d’Intim’Opéra de Lucile Pessey qui a la générosité de ne pas tirer à soi la couverture artistique et amicale. Benito Pelegrín

Lucile Pessey, soprano

Marion Liotard, pianiste

Maria Kohler, comédienne

Mise en scène : Yves Coudray.

Costumes : Mireille Doering-Born

Teaser spectacle Paris (autorisation Intim’Opéra)

Présenté au  Cabaret-Théâtre L’étoile bleue, 107, bis Boulevard Jeanne d’Arc, Marseille, Samedi 20 janvier 2024

Marion Rampal de retour aux sources

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Marion Rampal posera à nouveau ses bagages à Marseille les 31 janvier et 1er février prochains. Native de la cité phocéenne, c’est dans la belle salle du Théâtre de l’Œuvre qu’elle viendra présenter son nouvel album « Oizel » au public marseillais. Pour cette avant-première très attendue, l’artiste sera accompagnée de son quartet habituel. C’est avec ces complices musiciens qu’elle avait sillonné les scènes françaises lors de la tournée du précédent opus « Tissé » qui s’achevait par un blues féministe.

Avec « Oizel », Marion Rampal poursuit son exploration introspective empreinte de délicatesse. Porté par le thème des oiseaux, symbole de liberté, cet album se pare des couleurs de la mémoire et des souvenirs d’enfance de son auteure. Les mélomanes marseillais auront la chance de découvrir en avant-première les nouvelles pépites de l’artiste dans l’intimité du Théâtre de l’Œuvre. L’occasion pour elle de retrouver le public qui l’a vue éclore, avec toute la sensibilité qui la caractérise. Deux dates sont prévues les 31 janvier et 1er février à 21h. Un retour aux sources prometteur pour célébrer la poésie vibrionnante de Marion Rampal.

 « Le Théâtre de l’Œuvre est une belle salle, très intimiste, qui correspond au style musical de l’album. Je trouvais que c’était une belle idée de faire deux soirs de suite pour commencer cette tournée, je me sens un peu comme de retour au Bercail. J’’ai hâte, en tout cas, même si c’est toujours un peu le trac de retrouver un public qu’on connaît ou qui nous connaît très bien » confie-t-elle non sans une certaine émotion dans la voix. La jeune maman d’une fillette de 8 ans, vit actuellement à Paris mais ses racines sont marseillaises : « On me voit toujours comme marseillaise. Mais c’est vrai que comme j’ai passé 30 ans à Marseille, pour l’instant, je suis plus marseillaise que parisienne » s’amuse-t-elle.

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Marion Rampal explore la langue et les horizons avec « Oizel »

Remarquée auprès d’Archie Shepp & Jason Moran, Raphaël Imbert, Anne Paceo, Sandra N’Kake & Ji Drû, ou encore le Quatuor Manfred, invitée en tant que leader au festival de Jazz des 5 continents en 2021 – on l’y retrouvera peut être cet été ?-, auréolée d’une victoire du jazz en tant qu’artiste vocale en 2022 pour son précédent album, Marion Rampal, la quarantaine épanouie et réfléchie, ne se laisse pas enivrer par le succès et se projette d’ors et déjà dans l’avenir.

Dotée d’une personnalité douce et agréable, d’un abord charmant, elle nous a accordé en toute simplicité un temps d’interview pour discuter de son nouvel album. Entre souvenirs d’enfance et innovation sur la langue, l’artiste se livre sur sa démarche créative empreinte de poésie. Elle déploie une écriture travaillant les images comme autant de tableaux. Dans un style délicat évoquant rêve de liberté et folie douce, elle explore de nouveaux horizons. « Oizel » marque une étape aboutie dans l’univers de Marion Rampal.

Interview

Diane Vandermolina : Votre dernier album s’intitule Oizel, le féminin d’oiseau- ou « oizeau » comme le titre d’un de vos morceaux. L’oiseau en est la figure centrale, le fil d’Ariane, et vous en tissez la métaphore d’un bout à l’autre de l’album.

Marion Rampal : « Oui, le thème central, c’est l’oiseau. Il y a une forte symbolique par rapport à la notion de liberté qu’on peut avoir quand on pense à l’oiseau. En fait, le dernier album finissait sur cette chanson « I’m still a bird », c’était une sorte d’annonce de la suite. Et j’avais une grande envie de liberté, de me défaire des formats, des étiquettes. Je l’ai toujours eu parce que je cherche depuis des années une musique qui soit mienne et une langue aussi qui soit mienne. Donc assez vite, je me suis dit « Tiens, la figure de l’oiseau, c’est quand même quelque chose de très intéressant ». Et je me suis rendu compte qu’elle était déjà dans plein de chansons de Tissé. Il y avait déjà des phrases qui évoquaient ça. J’avais envie d’être un petit peu dans cette posture d’une poétesse sur un banc qui observe le monde autour. Et dans le monde autour, même quand on est en ville, il y a plein d’oiseaux. Autour de chez moi, je salue toujours un couple de merles qui vit en bas de chez moi. Il y a des perruches, il y a des mouettes qui passent, il y a des corneilles, des pigeons. »

DVDM : Pourquoi, parmi la faune, avez-vous choisi les oiseaux en particulier ?

MR : « Les oiseaux sont des créatures étranges, par rapport aux petits mammifères qu’on peut croiser, parce qu’ils volent. Ils ont cette liberté incroyable. Mais au-delà de ça, il y a tout ce qu’on peut dire dans notre langue autour de l’oiseau : cette manière de dire : « tiens, lui, c’est un drôle d’oiseau ». C’est souvent une bête dont on se sert dans notre langage. Je me suis donné ce cadre là. Je travaille autour des oiseaux, aussi bien les oiseaux des forêts que les oiseaux des villes, et aussi les oiseaux marins (cf la chanson « canards ») parce que c’est un disque qui évoque très fort mon enfance – avec « Aux Fleurs » où sont évoquées les calanques, ndlr– et mon rapport avec ma grand-mère paternelle – en particulier dans « D’Où l’On Vient l’Hiver »-, une figure qui m’a initiée à beaucoup de choses dans la vie. Elle m’a appris à coudre, à cuisiner, à m’occuper d’un jardin, le nom des couleurs, le nom des animaux dans le jardin. C’est quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi. Et je suis allée chercher un peu dans la langue de ma grand-mère. Elle était du côté de Cannes, Antibes, Grasse, originaire du Piémont. Et puis, j’ai grandi à Marseille et comme elle habitait aux Caillols, je la voyais beaucoup. » 

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DVDM : Votre album revêt un caractère contemplatif mais vous évoquez également dans vos chansons la marginalité.

MR : « C’est un disque très rêveur, dans le souvenir, et très discret aussi. C’est ça que j’aimais bien et c’est dans l’idée de l’oiseau. Par exemple, des fois, on ne voit pas qu’il y a un oiseau sur la photo ou on ne voit pas qu’il y a un oiseau à côté de nous. Mais il est là. J’ai cherché aussi des figures de la vie sauvage, la vie redevenue sauvage avec « La Grande Ourse » – inspiré en partie d’un texte de Florence Aubenas ndlr – où il y a cette femme qui va vivre libre dans les bois et qu’on n’arrive pas à attraper et puis qui se met vraiment à côté de la société. Dans cet album, il y un questionnement sur les marges, la marginalisation, les personnes marginalisées aussi. J’ai été en compagnie toute ma vie de gens qui étaient un peu à la marge. Soit des très, très proches dans ma famille ou des amis qui ont vraiment quelque chose à côté de la plaque, mais quelque chose de sublime du coup. Et ça, ça m’intéresse aussi, la figure de la folie. Ou, plutôt de la folie douce, mais en tout cas de cette sorte d’endroit où on passe la limite. On ne se débrouille plus très bien avec le réel. Alors, on s’invente des chansons, on s’invente des histoires. On devient un peu fou. Ce sont des figures qui m’intéressent. Je pense que quand j’écris « Tangobor » ou « La Grande Ourse », j’essaie de m’en approcher. La marge, la folie, la liberté radicale, ça me questionne parce que ce n’est pas forcément réussi à chaque fois qu’on s’extrait de la société. Et est-ce que c’est la bonne chose à faire ? Je ne sais pas. Moi, je ne pense pas. Je suis très en lien avec les gens qui m’entourent et dans ma vie. Mais quand j’écris, je suis dans un endroit très solitaire. C’est vrai que quand j’écris, je n’écris pas avec… Alors, oui, il y a des souvenirs, il y a l’enfance, il y a des relations, etc. Mais souvent, je suis dans un autre moi. Je pense que c’est une autre personnalité qui émerge. Un autre regard. »

DVDM : Vous parlez de l’écriture et justement, vous faites un travail sur la langue. Vous mélangez des langues de différentes origines et pays, vous inventez des mots.

MR : « Ce qui m’intéresse dans les langues françaises, maintenant, je dis « les langues françaises » parce que les Français qui m’ont donné envie d’écrire et de chanter en français, ce ne sont pas les Français de France. Ce sont plutôt les Français d’Amérique du Nord, du Québec, de la Louisiane ou les langues créoles. C’est pour ça que, des fois, je parle de créolisation dans mon travail. J’aime bien quand la langue française sonne un peu autrement, qu’on arrive à la faire sonner un peu autrement. C’était mon défi pour ce disque quand je me suis dit « Allez, je ne fais pas d’aller-retour entre le français et l’anglais ». Là, je travaille vraiment sur la langue en français. Ça n’a été pas facile. Et c’est pour ça qu’il y a pas mal de mots inventés comme « Tangobor », « Gare-Où-Va », « Coulemonde » ou encore « Tampi Mon Ame ». Il y a des sortes de tournures de phrases inventées et je suis allée jusqu’à mettre un Z à « oiselle », qui est le vieux nom français pour dire « oiseau ». Je me suis permis beaucoup de liberté. J’avais besoin de recréer la langue et ça a été une vraie recherche. J’ai donc mis tous les textes dans les livrets des disques en envisageant l’album autant comme un recueil de poèmes que comme un recueil de chansons. Pour moi, toute cette langue et ces mots que je choisis font partie du son du disque. »

DVDM : Et justement, par rapport au style musical, c’est assez varié et très libre. Il y a des accents un peu New Orleans, mais aussi Bossa Nova, voire Indie avec la flûte de Naïssam Jalal.

MR : « Oui, on garde pas mal d’ancrages dans les jazz et blues du Sud des États-Unis parce que ce sont nos influences très fortes avec le réalisateur du disque, Matthis Pascaud, avec qui on coécrit certaines choses pour aboutir l’ambiance musicale, les accords, les déroulés, etc. Et avec le batteur, Raphaël Chassin. Ce sont des personnes qui travaillent avec des musiciens de blues et de jazz. Il y a aussi des choses un peu plus psychédéliques, plus rêveuses. La façon d’utiliser les claviers, par exemple, ou la clarinette avec des effets. C’est un paysage sonore que je souhaite le plus riche possible et le plus singulier. C’est-à-dire que ça ne sonne pas non plus comme de la chanson française trop formatée ou du jazz vocal trop formaté, parce que ni l’un ni l’autre ne sont des choses que j’écoute chez moi. C’est très, très beau, très bien réalisé mais ce n’est pas mon endroit. Et c’est vrai que les artistes qui m’ont influencée sont un peu à cette frontière là, on peut citer Abbey Lincoln, Rickie Lee Jones ou Joni Mitchell. En français, des gens comme Mathieu Boogaerts ou Bertrand Belin. Il y a beaucoup de musique et un rapport au son, au silence, à l’improvisation, au groove, qui vient plus du côté du jazz, en effet. »

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DVDM : Et d’ailleurs, quand on écoute l’album, on visualise les chansons un peu comme si on était face à des tableaux ou des peintures.

MR : « Ah oui, et ça me rassure un peu qu’on me dise ça. Parce que c’est aussi comme ça que je construis mes chansons. On parlait de la langue, mais on n’a pas parlé de comment je déroule le sens. Et mes chansons sont rarement très littérales. Il n’y a pas une histoire avec un début, une fin, tout ça. Je travaille avec comme des calques, ou des aquarelles, des passages de couleurs, de formes et d’images. Pour une musicienne, je suis quelqu’un de très visuel. Si on devait analyser, je crois, ma façon de fonctionner, je serais dans le clan des visuels. Je pense tout en termes d’espèces, de formes et de couleurs, de contours, de lignes. Même quand je chante ou que j’entends la musique. On appelle ça, je crois, la synesthésie, et beaucoup d’artistes l’ont. J’ai des amis peintres qui sont très sonores. J’envisage souvent les poèmes et le chant comme une transmission d’imaginaire. Donc, même ma voix, elle essaye de travailler la transmission d’images. Et, si ça marche, je suis contente. C’est important d’arriver à porter justement et à transmettre ce qu’on a envie de transmettre dans la musique, dans le chant. »

DVDM : Il y a un côté assez délicat, gracile, éthéré, dans les ballades, voire à certains moments quelque chose de l’innocence d’une berceuse.

MR : « C’est le travail sur l’oiseau et le travail vocal aussi. Depuis quelques années, j’essaie d’épurer un peu le chant. D’arriver à quelque chose d’un peu plus simple. Et il y a une sorte de personnalité vocale qui émerge, qui était déjà là, mais qui domine maintenant, peut-être plus posée, plus fantaisiste, plus libre. Et les mélodies aussi. C’est vrai que là, j’ai déroulé des mélodies qui sont plus découpées, plus délicates que tout le travail sur mes blues tissés, où j’étais encore dans l’idée du blues. Là, j’ai essayé de faire des choses qui me ressemblent plus. Après, je pense que le moment où j’ai fait mes deux précédents disques de composition, c’est ce qui me ressemblait le plus. C’est une sorte de photo. C’est une sorte d’instantané de là où on en est déjà, de ses moyens expressifs, de sa façon de s’exprimer, et aussi de sa façon de voir le monde. Il n’est pas exclu que pour le prochain, je reprenne une bonne vieille guitare électrique, je ne sais pas. Mais j’ai l’impression d’avoir abouti quelque chose là, avec Oizel, commencé sur Tissé, en tout cas. Je suis contente d’avoir fait des chansons, de m’être appliquée à produire des refrains parfois, parce que je n’avais pas forcément beaucoup de ça dans ma musique. C’est ce qui me ressemble le plus aujourd’hui. »

DVDM : Vous parliez justement de votre rapport à la voix, de l’aspect visuel. Vous développez dans votre musique une approche sensible qui part du corps plutôt que de la tête, comme dans le théâtre expressionniste où chez le comédien, la parole vient après.

MR : « Oui, en tout cas, on est beaucoup dans le sensoriel et dans l’image, et dans le corps, parce que les grooves sont très importants, les appuis rythmiques. Dans la musique qu’on essaye de produire avec Matthis quand on fait mes disques, il y a un rapport au rythme très important, ce qui fait que je pense que, les chansons s’enrichissent beaucoup, parce qu’elles sont moins plates. Et après, il y a des histoires de couleurs, parce que lui, il travaille tout ce qui est paysage sonore : il fait vraiment ça en paysagiste. Il y a des grosses lignes de force avec ce que va faire la basse, la guitare rythmique et tout. Puis après, il y a d’autres dimensions derrière qui peuvent être un élément perturbateur ou quelque chose qui nous accroche l’oreille, un petit solo à un moment ou un petit son, on ne sait pas ce que c’est. Et ça fait tout le charme à chaque fois de la chanson. C’est le travail d’orchestration qui est aussi un travail de paysage, enfin de coloriste, c’est sûr, ce qui rajoute, justement, toute cette imagerie qu’on peut avoir en écoutant l’album. Au début, je produis des formes, des chansons, il y a une sorte de base. Il y a déjà tout un monde qui est là avec le texte, la mélodie, les quelques accords. Et puis après, c’est lui qui a cette tâche d’en faire quelque chose de très ouvert à l’auditeur et c’est beau d’avoir quelqu’un d’aussi compatible avec mes envies esthétiques. C’est vrai que ça a beaucoup enrichi mon travail en deux disques. »

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DVDM : Comment travaillez vous vos chansons ?

MR : « Pour écrire de la musique, des paroles et tout, on pourrait croire que, par exemple, c’est bien de s’isoler de tout ça, d’être vraiment dans une bulle. Pourtant, pour ce disque là, j’ai plutôt l’impression d’avoir écrit au long cours, sur trois, quatre ans. Et j’ai l’impression de l’avoir fait au quotidien, ou presque. C’est-à-dire qu’en allant chercher ma fille à l’école, je peux avoir une mélodie en tête et puis vite l’enregistrer sur mon téléphone, y revenir deux semaines après. C’est un travail qui s’est inclus dans le quotidien et c’est pour ça que c’est un disque qui porte un peu la discrétion, la poésie de tous les jours aussi. C’est ça qui m’intéresse. Des choses très, très simples. Parce que sinon, il aurait fallu, en effet, oui, s’enfermer, chercher des choses un peu extrêmes, enfin, une sorte de retraite, d’épiphanie de moments créatifs très forts. J’avais un rapport comme ça à la création avant et ça m’a vraiment fatiguée. Et c’est justement le travail avec Matthis qui m’a aidée parce que lui, il est un bosseur et c’est quelqu’un qui fait au quotidien. La composition, c’est comme un muscle, il faut l’entrainer tous les jours. J’ai beaucoup gagné à installer la création dans mon quotidien sans la mettre en lutte avec la vie, ma vie de parent, ma vie d’artiste qui doit faire plein de com’, d’administration, de production, qui a une vie sociale. Je n’ai pas vécu ça en opposition avec ma vie normale et une retraite, ça peut te rendre un peu fou et te fragiliser. Alors, je ne suis pas moins fragile, ça ne m’a pas défragilisée parce que c’est toujours un stress d’enregistrer une chanson, de la chanter sur scène. Mais c’est un bon stress. »

DVDM : Vous avez déjà une belle réception de votre album, il fait partie des sélections à la Fnac et sur Fip. Comment réagissez vous à cela aujourd’hui, à l’époque des réseaux sociaux et de l’infobésité ?

MR : « Des gens le plébiscitent, c’est très agréable parce que, vu tout ce qu’il y a maintenant de disponible, c’est assez difficile de s’y retrouver, et ça me pousse à faire vraiment plus, j’essaye de faire quelque chose de plus abouti et audible possible. Je transpire en faisant ça. Mais en tout cas, au niveau du style, je me dis, « il y a tellement de choses qui ont été faites, et il y a tellement de choses qui sont faites aujourd’hui, que ce n’est plus une histoire de prouver quoi que ce soit, ou de révolutionner quoi que ce soit, mais par contre, faire vraiment son chemin avec la musique et avec le texte ». C’est un défi intéressant aujourd’hui. Justement, parce qu’on est saturé de plein de choses. C’est très speed, c’est très conditionné, les algorithmes sur les plateformes décident de ce que vous devriez écouter, alors qu’en fait, quand vous écoutiez les radios il y a 20 ans, ou vous alliez à la médiathèque, ou à la Fnac, quand vous écoutiez des disques chez des potes, il y avait encore ce côté buissonnier d’aller découvrir des musiques. C’est toujours possible avec Internet, mais on est très saturés quand même. On nous vend vite beaucoup d’un seul truc ou un même truc avec des noms différents, mais en fait, c’est un peu la même musique. Ce n’est pas en train de ne nous rendre ni plus intelligents, ni plus sensibles, ni plus malins. On passe d’un truc à un autre. On n’écoute pas vraiment … On scrolle. On a moins de temps, on a beaucoup la gueule dans nos écrans. Donc on ne prend pas le temps de se dire, tiens …. ça peut être intéressant de découvrir cet artiste, ce qui l’a fait avant, ce qu’il compte faire après. Maintenant, c’est de la consommation, ce n’est plus de l’écoute musicale. »

Autres temps, autres mœurs ! Dirons nous. Sur ces mots, laissez vous donc vous évader le temps d’un concert ou d’une écoute dans son univers aux couleurs pastel, et « soyeusement » chill. DVDM

Toutes les infos sur : https://www.theatre-oeuvre.com/evenements/marion-rampal/ [11]

Crédit photos : Alice Lemarin

OIZEL

Chant: MARION RAMPAL ; réalisation, guitares, basse, lap-steel, claviers, marimba: MATTHIS PASCAUD ; batterie ; percussions: RAPHAËL CHASSIN ; contrebasse: SIMON TAILLEU ; piano & claviers: GAËL RAKOTONDRABE ; clarinette basse: CHRISTOPHE PANZANI ; FEATURING : BERTRAND BELIN, LAURA CAHEN/ Label Les Rivières Souterraines ; Sortie Album : 2 février 2024

En tournée :

 31/01/24 : Marseille (13) Théâtre de l’Œuvre 1, rue Mission de France 13001 MARSEILLE (Quartet)

 01/02/24 : Marseille (13) Théâtre de l’Œuvre (Quartet)

 02/02/24 : Bayssan (34) Scène de Bayssan (Quartet)

 03/02/24 : Hyères (83) Théâtre Denis (Quartet)

 13/02/24 : Lyon (69) Opéra Underground (Quartet)

 15/03/24 : Montargis (45) Théâtre Rivoli (Quartet)

 21/03/24 : Nantes (44) Salle Paul Fort (Quartet)

 22/03/24 : Châteauroux (36) Equinoxe (Quartet)

 01/04/24 : Paris (75) Café de la Danse (Quartet)

 09/05/24 : Coutances (50) Répétitions (Quartet + invités)

 10/05/24 : Coutances (50) Jazz sous les Pommiers // NewGaro Marion solo

 10/05/24 : Coutances (50) Jazz sous les Pommiers (Quartet + invités)

 17/05/24 : Annemasse (74) Château Rouge (Quartet)

 18/05/24 : Portes les Valence (26) Le Train Théâtre (Quartet)

 07/07/24 : Vienne (38) Jazz à Vienne // NewGaro Marion guest

 27/07/24 : Marciac (32) Jazz in Marciac // NewGaro Marion guest

 03/10/24 : Vernier (CH) Festival JazzContreBand (Quartet)

Premier Festival LGBT à Marseille : LGBTous! s’installe au Théâtre du Têtard

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Du 1er au 29 février 2024, le Théâtre du Têtard accueillera la première édition du Festival LGBTous!, un événement inédit à Marseille célébrant la diversité et la création artistique Queer. Une première !

Une célébration de la diversité sous toutes ses formes

Le festival, qui se veut convivial et rassembleur pour tous- Et toutes rajouterons-nous !-, est « une véritable Ode à la diversité, au-delà des étiquettes », comme l’explique Thierry Wilson, l’initiateur de cet événement. Pendant un mois, le public aura l’opportunité de découvrir une programmation riche et éclectique mêlant théâtre, cabaret, chanson, stand up et conférences, mettant en avant les cultures et identités lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).

Le Festival LGBTous! se veut pluridisciplinaire en faisant coexister différentes formes d’expression artistique autour des thématiques LGBTQI+. La marraine de l’événement est l’humoriste Zize Dupanier, une figure emblématique de la scène marseillaise, qui clôturera le festival dédié à Corinne Chiche, à laquelle Thierry a rendu un vibrant hommage lors de la conférence de presse.

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Une marraine de choc : Zize

Thierry se confond en souvenirs dans l’exercice délicat auquel il s’attelait ce jour-là. Il nous racconte comment Zize a fait ses débuts au théâtre du Tétard. Zize, qui restait cachée contre le mur côté jardin de la scène, Zize qui s’invite dans son couple et dans son quotidien, Zize qui malgré des spectacles cartonnant dans les plus grands lieux parisiens dédiés à l’humour n’a jamais été invitée à un festival en dehors du Festi’femmes d’Eliane Zayan, Zize considérée comme un travesti.

« Mais n’est-ce pas le plus difficile que de jouer une femme quand on est un homme ? » Un clin d’œil à Richard Martin qui lors d’une répétition de l’Opéra des 4 sous disait cela à un de ses comédiens. Thierry avait 13 ans et se souvient encore de ces paroles. « Zize, ce n’est pas du travestisme comme on le voit dans les cabarets de chez Michou, c’est un rôle de composition », assène-t-il. Et les artistes masculins qu’il a invités sont pour la plupart des hommes jouant des personnages féminins !

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Un festival inclusif et ouvert

Au-delà des représentations, le Festival souhaite susciter le débat sur les questions LGBT, questionner l’hétéro-normativité ambiante et interroger nos certitudes lors des rencontres conviviales organisées avant et après les spectacles : espaces d’échanges, de débats et de rencontres avec des associations à l’image des Vieilles Canailles dont l’objet est de permettre, en mettant en contact les gens esseulés, « de vieillir en étant entourés et non dans la solitude comme c’est souvent le cas quand on est gay, célibataire et sans enfants » indique Thierry, à la barre du festival.

Un atelier d’écriture et une conférence sont au programme. L’atelier d’écriture sera animé le 18 février à 10h, par Lionel Parrini, auteur de la magnifique pièce de théâtre intitulée « le chien bleu », sur le thème du « coming out » et le 25 février, à 17h, la psychiatre et psychanalyste Catherina Kiss tiendra une conférence théâtralisée intitulée « Les chemins sinueux du désir », une réflexion sur les arts et la psychanalyse. Un vaste programme.

Les débats et ateliers visent à favoriser les échanges citoyens. « LGBTous! ne se veut pas communautaire mais vise à sensibiliser sur les discriminations » précise le président, Pierre Levi. « Le Festival se veut inclusif et festif » insiste Thierry qui souhaite l’ouvrir également aux artistes en situation de handicap. Un événement ambitieux qui promet de belles soirées de spectacle dans une ambiance conviviale.

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La scène queer à l’honneur !

L’objectif est de faire découvrir au plus grand nombre, quelles que soient leurs orientations ou identités, « la bonne humeur, l’autodérision, le kitsch pailleté et l’humour des cultures LGBT » selon les mots de Zize. Des artistes confirmés comme Carolina ou Yvette Leglaire viendront présenter leurs spectacles, aux côtés de jeunes talents comme Eva Jean ou Clémence de Villeneuve.

Le spectacle d’ouverture est assuré par Carolina le 1er février : dans son cabaret au carrefour du music-hall et du théâtre, la sémillante Carolina dévoilera ses secrets inavouables. La légendaire Yvette Leglaire viendra les 9 et 10 février donner de la voix avec « Place aux femmes ». Eva Jean se produira le 15 février avec « JE SUIS TON PÈRE avec le look de ta mère ». Odile Dabzol présentera son one-woman show « Docteur, j’ai peur de ne plus avoir peur ! » le 16 février. Clémence de Villeneuve, « artiste à l’humour noir qui propose une galerie de personnages déjantés » développeThierry, sera « Bienveillante » le 23 février. Jérem Rassch viendra proposer la suite de son spectacle « Pourquoi pas », le 24 février. Enfin, la soirée de clôture du 29 février sera assurée par Zize avec un Best Ouf de son cru.

Si cette première édition rencontre son public, ce dont on ne doute pas, les organisateurs espèrent pérenniser l’événement les années suivantes, faisant du Festival LGBTous! un rendez-vous incontournable de la scène culturelle phocéenne. Diane Vandermolina

Infos pratiques :

Tarif : 15€ sur Billetreduc.com – 18€ sur place sauf pour Zize, tarif unique : 25€ / Formule Dîner-Spectacle : 33€. Horaire : 20h. Renseignements : Théâtre du Têtard 33 rue Ferrari – 13005 Marseille/04 91 47 39 93.

Crédit photo : Fox’Eye Brigitte Arakel

‘Mémoires Olympiques’ de Nelson Monfort

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Un livre admirable par un commentateur exceptionnel

On reconnaît Nelson Monfort à son élégance, son fairplay, sa justesse et son professionnalisme dans le métier qu’il exerce, commentateur sportif. Lors des compétitions, énoncer ce nom est déjà une promesse en soi. Faute avouée étant à demi pardonnée, je dois dire pour ma part que, téléspectatrice pas toujours très assidue de certaines émissions sportives ou de certaines compétitions, ce sont les commentaires de Nelson Monfort, son humour léger, ses interviews, qui m’ont amenée avec plaisir jusqu’au bout de la transmission. J’ai rencontré cet homme, modeste, souriant, cultivé. Son empathie et sa générosité ne sont pas qu’un veston-cravate qu’il endosse à l’antenne ; Nelson Montfort est vrai et c’est rare.

Je savais Nelson Monfort féru de sport, je ne le savais pas écrivain. Publié en novembre 2021, Mémoires Olympiques n’est pas une suite de dates et de faits. Nelson Montfort a une plume, et quelle plume ! Exigeante, harmonieuse, choisie ! Nelson Montfort réussit le tour de passe-passe d’aller à l’essentiel, de manière poétique. Dans son récit, on découvre, plus encore, l’homme bienveillant, humaniste. Nelson Monfort détaille avec tendresse, décrit avec délicatesse, raconte avec franchise. Ce qui caractérise l’homme et l’écrivain, c’est la loyauté. Quel bonheur de découvrir ces athlètes et ces grands moments sous le regard de Nelson Monfort ! Revivre des instants de grâce tels qu’il les a vécus ; partager la souffrance du sportif, ses espoirs, ses rêves achevés, inachevés… On est intéressé, ému, enthousiasmé ! Ce livre tient en haleine de bout en bout.

Avec ‘Mémoires Olympiques’, Nelson Montfort rejoint les plus grands.

Barcelone 1992, Nelson Monfort vit ses premiers jeux olympiques et accueille à son micro Carl Lewis, la légende vivante de l’athlétisme. Que d’émotions pour ce commentateur qui ne pouvait rêver plus beau début de carrière ! Nelson revient sur tous ses JO : records, rencontres, anecdotes, bons et mauvais souvenirs partagés avec ces champions que nous connaissons tous –Teddy Riner, Usain Bolt et tant d’autres… tous champions d’exception.

Il nous rappelle aussi ces grands moments du sport olympique qui ont fait –parfois endeuillé- l’Histoire : la tragédie de Munich en 1972, les larmes de joie de Colette Besson en Or à Mexico, les poings levés de Tommie Smith et John Carlos en soutien aux Black Panthers lors de ces mêmes jeux…

Autant de records et de destins extraordinaires à (re)découvrir, grâce à la verve inimitable de Nelson Monfort.

Des courts de Roland-Garros au bord des bassins, des pistes d’athlétisme aux patinoires, Nelson Monfort a révolutionné l’image de l’interviewer sportif. Il revisite aujourd’hui les jeux, avec ses coups de cœur et un style parfait.

Seule ombre au tableau. Les JO de Paris 2024 sont tout proches. Qu’en est-il de notre commentateur et interviewer préféré ? Sans porter l’opprobre sur d’autres journalistes sans doute très talentueux, aurait-on oublié Nelson Montfort ?

Danielle Dufour-Verna

Frantisek Tuma, Motets, par Andreas Scholl contreténor, Czech ensemble baroque, direction Roman Válek

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Voici le type de disque que nous aimons : un grand artiste très connu mettant sa notoriété à défendre un compositeur inconnu ou méconnu, en l’occurrence le contre-ténor Andreas Scholl mettant la lumière de sa célébrité pour tirer de l’ombre František Tuma (1704-1774), compositeur baroque de Bohème enseveli dans les oubliettes du temps. Du moins dans nos contrées culturelles souvent enclose dans nos frontières culturelles nationalistes, en fait étroitement régionalistes au niveau de notre Europe.

Aujourd’hui âgé de cinquante-six ans, le chanteur allemand Andreas Scholl, né dans une famille de chanteurs, formé par les meilleurs maîtres de la tessiture et technique de contre-ténor, tels Richard Levitt et René Jacobs à la Schola Cantorum Basiliensis, haut lieu de l’enseignement de la musique baroque, Scholl, succédant à ses maîtres, enseigne le chant au Mozarteum de Salzbourg depuis 2019. Couvert de prix, invité dans les plus grandes scènes et festivals lyriques du monde, après avoir enregistré un nombre impressionnant de disques, il met sa gloire et son talent à nous faire découvrir ce musicien qu’il sert de toute sa science musicale, vocale et expressive.

František Ignác Antonín Tůma (1704-1774) naquit à dans un petit village tchèque dans une famille de musiciens : son père était kantor-organiste, comme Bach à Leipzig, seul moyen de survie d’un musicien et de sa famille, avoir un poste fixe de directeur musical et de professeur, salarié dans une église en y tenant l’orgue des offices et assumant aussi le rôle de maître de chœur. Après avoir étudié le chant à Prague, y tenant des parties de ténor pour gagner sa vie, de viole de gambe et de théorbe, František part pour Vienne, capitale musicale et culturelle de l’empire austro-hongrois y cherchant emploi et carrière, un mécène, un patron qui assurerait son présent sinon avenir.

Il les trouvera dans le comte Franz Ferdinand Kinsky, de la chancellerie de la cour de Bohème, qui en fait son chef d’orchestre et compositeur de 1731 à 1741. Il en profite pour approfondir ses études avec le directeur musical de la cour impériale Johann Joseph Fux, grand musicien, maître de la tradition contrapuntique  ancienne de la musique allemande, dans une Vienne qui est aussi réceptacle et creuset de la musique italienne, y accueillant nombre de musiciens célèbres comme Caldara, dont l’empreinte sur la technique vocale est sensible.

Intercalé dans la musique essentiellement vocale du CD, pour nous donner une idée de la production instrumentale de Tuma, écoutons le troisième et dernier mouvement, allegro, de sa Sinfonia a quattro en sol majeur pour deux violons, alto et basse, qui situe bien le compositeur dans le courant galant à la mode du dernier baroque de la musique de cette seconde moitié du XVIIIe siècle avant l’avènement du classicisme. À la tête de son ensemble Czech, Roman Válek donne fougue et brillant à cette page allègre :

1) PLAGE 10

Après la mort du comte Kinsky en 1741, Tůma, par concours, devint directeur musical de la cour d’Élisabeth Christine de Braunschweig-Wolfenbüttel, veuve de l’empereur Charles VI. Dans la branche espagnole des Habsbourg, éteinte en 1700, les reines veuves, entraient pratiquement en religion dans quelque couvent, dont elles revêtaient l’habit jusqu’à leur mort. La branche autrichienne de la famille, moins sévère, leur réservait un sort plus doux. L’impératrice douairière et reine de Bohême se retire dans son palais d’Hetzendorf mais garde sa chapelle musicale privée et des moyens financiers assez confortables, avec l’unique restriction de ne plus engager de castrats italiens, comme à la cour de Vienne qui y avait aussi renoncé, pour des raisons économiques, car ces vedettes étaient bien trop chères sur le marché musical.

Même avec un orchestre plus réduit mais des musiciens instrumentistes virtuoses, Frantisek Tuma, forme des chanteurs, de jeunes garçons souvent, et des falsettistes, hommes chantant en fausset les voix aiguës des sopranos ou graves des altos, ce qui légitime ce disque du répertoire sacré, des motets en latin des offices liturgiques, parfaitement adéquats à la voix de contre-ténor, d’Andreas Scholl, alto solide, dont la male couleur sombre échappe au timbre parfois trop enfantin de ses congénères altistes, tout en restant vélocement virtuose. On peut en juger avec ce motet de tempore, comme une aria da capo à l’italienne :

2) PLAGE 7

Ou encore ici avec l’aria du motet Per ogni tempo dans lequel Scholl tire une ligne legato qui semble infinie qu’il brode d’ornements d’une légèreté de dentelle :

3) PLAGE 12

À la mort de d’Élisabeth Christine en 1750, la chapelle est fatalement dissoute et les musiciens naturellement forcés à se chercher emploi et nouveau maître. Cependant, l’impératrice douairière devait être assez satisfaite de son maître de chapelle, puisqu’elle lui laisse une pension à vie, suffisante pour nourrir sa nombreuse famille et la nouvelle impératrice, la fameuse Marie-Thérèse, augmentant sa rente, lui octroie même un appartement à la cour où, sans être un musicien officiel astreint à un service, il vit en musicien indépendant, théorbiste, gambiste et professeur, un luxe rare à l’époque.

Cependant, fait étrange mais qui témoigne sans doute de sa foi, bien que père de famille nombreuse, Tůma prononce ses vœux religieux au monastère des Prémontrés de Geras en 1768, où il se retire, y retrouvant nombre de ses anciens élèves.

Nous rendons grâce à ce disque qui rend hommage à ce musicien dont la musique vocale d’église, même dans la tradition italienne, dans les feux crépusculaires du baroque, ne manquera pas d’influer sur les proches Haydn et Mozart. Nous le quittons avec ce vertigineux et extatique Amen du même motet Per ogni tempo :

4) PLAGE 14 

ÉMISSION N°717 DE BENITO PELEGRÍN

Frantisek Tuma, Motets, par Andreas Scholl contreténor, Czech ensemble baroque, direction Roman Válek, Un CD Aparté

Nos disparitions de et par Anne-Marie Bougault à l’Atelier de Mars

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Bonheurs de Jimmy Jackson

En plein cœur du Panier, à l’Atelier de Mars, ce petit théâtre où nous avions présenté notre «Je vous salue mamelles », dirigé avec quelle belle énergie par Florence Morana, nous avons assisté à une représentation d’un solo bouleversant : « Nos disparitions », une pièce de théâtre de et par Anne-Marie Bougault.

Extrait

« Parfois, on voudrait disparaître. Se dérober, s’enfuir, se réinventer. Disparaître et re-être.

Parfois une rencontre advient qui vous éblouit à jamais.

Parfois on sent qu’avec soi-même, avec la possibilité d’un amour, c’est aussi le monde, la totalité du Monde connu, du monde vivant, espéré, attendu, qui est en train de disparaître.

Année 2035, dehors, tout vacille. Dedans seule depuis trop longtemps, une femme parle. Elle n’a rien oublié. Cette nuit elle raconte toutes ses histoires. » Anne-Marie Bougault

Notre avis

Un spectacle fascinant, en clair-obscur, qui donne la parole à cette femme mystérieuse, dénuée d’artifices, et pourtant nous entraîne dans les méandres de sa quête et de ses contradictions, où se construit tout de même une colonne vertébrale, celle d’un amour…. Il y a cette voix magnifique d’Anne-Marie Bougault, qu’elle donne à son propre texte, la lente chorégraphie de ce corps las (subtile et belle mise en scène de Florence Morana, et une bande son aussi énigmatique que fascinante…. Un grand moment de théâtre, sans affèterie, qui, peu à peu, prend la place d’un miroir…. JM

Bon à savoir

Atelier de Mars – 44 rue du refuge 13002 Marseille 04 9191 2600 / atelierdemars@free.fr [15]

Dernière représentation le 13 janvier à 20h

 LA VEUVE JOYEUSE Die lustige Witwe Opérette en trois actes de FRANZ LEHÁR

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Livret de Victor LÉON et Léo STEIN, d’après L’Attaché d’ambassade (1861) d’Henri Meilhac.

Pour les fêtes fleurissent les veuves joyeuses, soyeuses, tant cette opérette festive centenaire n’a pas pris une ride mais nous déride par sa joie de vivre d’une époque qui ne fut la Belle époque, comme toute époque, que de certains, qui n’imaginaient pas, à l’orée d’un siècle nouveau, qu’il risquait d’être le dernier à cause de la catastrophe proche d’une guerre qui faillit tout balayer.

Elle fut créée à Vienne en 1905 et nul n’imaginait non plus, alors, que cette Europe de l’est exploserait en Première Guerre Mondiale à peine une décennie après, emportant à jamais dans son vent la dite Belle époque de l’Art Nouveau d’un siècle qui se lançait avec enthousiasme dans la modernité. Guerre qui fit le plus grand nombre de veuves que le monde ait connu et qu’on n’imagine pas forcément toutes très joyeuses.

Et encore moins dans cette principauté d’opérette par définition, imaginaire, d’Europe centrale (ou des Balkans), la Marsovie, dont l’ambassadeur en France s’appelle Popoff et qui ressemble, mais en version comique, à ces pays tragiques aujourd’hui, dont on pouvait encore rire innocemment alors, comme des clichés tranquillement misogynes qui nourrissent l’œuvre.

 MISOGYNIE JOYEUSE DU VIEUX PATRIARCAT

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          Même sous les joyeux apprêts du comique du genre, cette célébrissime opérette du début du XXe siècle, contemporaine des premières grandes manifestations à Vienne revendiquant le suffrage universel —dont le droit de vote des femmes— donne, en toute bonne conscience, avec sa traditionnelle et tranquille misogynie institutionnelle, la mesure de la distance qui nous en sépare avec notre brûlante actualité d’un féminisme revendicatif qui donne aujourd’hui  mauvaise conscience au patriarcat, à l’éternel pouvoir masculin au détriment de la femme.

Vision des femmes

Grisettes en goguette

Or, en l’absence d’un féminisme alors balbutiant, cette œuvre m’apparaît comme une innocente représentation de l’apogée du machisme d’une époque, belle pour certains, les hommes, bourse(s) bien pleine(s), les femmes n’étant là que pour leur service —et de services à sévices, il n’est que d’une lettre— la fastueuse galerie d’hommes fêtards fardant mal la galère des femmes.

Dès le premier air, d’entrée l’Attaché d’ambassade, le Prince Danilo Danilovitc, héros en état d’ébriété, gourmet peu gourmé, gourmand d’affriolantes gourgandines parisiennes, donne le ton et la place des femmes, chantant la philosophie du noceur, du viveur, son credo libertin, « voltigeant à la ronde, /De la brune à la blonde », distillant sa donjuanesque liste, roucoulant avec délice les noms des filles faciles interchangeables :

« Manon, Lison, Ninon, Suzon, Fanchon, Toinon,

 C’est tout un demi-monde où jamais on n’dit non. »

Si la belle Veuve ne sera même pas coquette (sa fortune tient lieu d’appas), c’est plutôt lui le coquet caquetant comme un coq dans le poulailler de ces dames vénales qu’il n’a même pas à séduire, à conquérir ni simplement à prendre, mais juste à ramasser.

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C‘est l’univers de ce Gai Paris si joyeux pour les gens fortunés comme le disait déjà le Brésilien de La Vie parisienne d’Offenbach.

Les « p’tites femmes » à la fête du mâle louées, allouées, filles du petit ou demi-monde qui ont intégré en conscience et consentement toute l’idéologie machiste du monde, de leur monde, dont elles vivent, entrent consciemment dans le stéréotype, le cliché masculin, se définissant allègrement en levant la jambe et la voix :

 « Nous sommes les p’tites femmes frivoles ! »

Les épouses

Certes, c’est la troupe des danseuses mais le troupeau des autres, dames du monde, épouses de diplomates et d’aristocrates, ne présente guère un tableau flatteur : toutes prêtes ou déjà faites à cocufier leur digne et grotesque mari comme le prouve l’épreuve de l’éventail compromettant perdu, même si la femme de l’ambassadeur n’a pas encore franchi le pas, sauvée in extremis par la généreuse Veuve qui prendra sa place dans le proche pavillon bien près pour l’adultère. Le couple de jeunes premiers, pris dans leur double jeu de dépit sans répit amoureux, d’amour et désamour, avoué, démenti, est décliné, décalqué comiquement dans deux autres couples, celui de l’ambassadeur Popoff, croyant aveuglement en l’amour de sa femme Nadia qui, cela crève les yeux, ne rêve que d’adultère avec le fringant et pressant Camille de Coutançon, et celui du jaloux Kromski se jurant de trucider son infidèle de femme Olga qui n’en a cure, une sorte de mise en abyme, j’ose dire en précipice, des mariages convenus, convenant mal aux désirs des femmes, comme l’irrésistible érotomane Sylviane Bogdanovitch, nobles dames s’estimant trop haut pour s’abaisser à la vulgarité bourgeoise de la fidélité.

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 L’éternel féminin ?

 L’acte III et son dynamique septuor masculin satirique et condescendant, « Ah, les femmes, femmes, femmes ! », délivre clairement la vision de la misogynie du temps —pas si lointain— où l’on aimait la facile gaudriole et tous les clichés misogynes d’un supposé « éternel féminin », de diabolique origine chez les filles d’Ève, impossible tirade contre laquelle on tirerait à boulets rouges aujourd’hui : 

« Le jour qu’elle écouta le Malin,

Commença l’éternel féminin… »

           Mais c’est irrésistible de gaîté et, quel que soit le glacial puritanisme qui s’abattrait aujourd’hui sur de tels propos, ce galop digne d’Offenbach est si diablement entraînant, que toute la salle, hommes et femmes confondus (on respire !) en accompagne le rythme en le scandant des mains.

 La Veuve

          Ni rieuse ni joyeuse, la Veuve, Missia, seul personnage échappant à la caricature, héritière de son banquier de mari, est la preuve flagrante de la misogynie du temps : courtisée tous azimuts pour ses millions actuels, elle fut jadis rebutée, orpheline et pauvre, par la noble famille de Danilo refusant la mésalliance, un prince pouvant violer mais non épouser une bergère. Sa fortune l’ayant anoblie, changé la donne, elle pardonne et revient, midinette au cœur fléché par cet ancien amour, espérant réparation matrimoniale, mais affrontée à l’affront d’un amoureux réticent et jouisseur, dont la devise est : « fiancé, toujours, marié, jamais », même s’il drape son refus dans la dignité de ne pas vouloir la main, désormais prodigue en richesse, de celle que, pauvre, il refusa.

Et même lorsqu’enfin convaincu, ils convolent, les millions s’envolent : par testament, le banquier Palmieri, sans doute jaloux de sa jeune et jolie femme au-delà de la mort, sans doute pour s’en conserver la fidélité, avait disposé qu’en cas de remariage, la fortune de la Veuve irait au mari. En somme, belle somme : sans l’autorité d’un père, la femme, toujours mineure, est passée du mari au mari. Et les millions aussi.

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INTRIGUE POLITICO-FINANCIÈRE

Je m’étais écrié, à une belle version à l’Odéon,« Vive la Veuve ! », tout en conseillant de ne pas crier pour autant « Mort aux maris ! » par prudence, puisque presque chacun l’étant, l’ayant été ou le sera. Mais ce vieil époux en question, le banquier Palmieri de Marsovie, qui a l’élégance de mourir très vite, laisse à sa jeune épouse Missia un héritage fabuleux, bref, qu’on dirait en termes bourgeois une belle Pension de réversion : cinquante millions de dollars et autant de raisons à la Veuve de n’être, sinon joyeuse, pas trop marrie de la perte du mari. Le montant suffirait à restaurer le budget de la petite principauté de Marsovie ruinée, mais assiégée par une myriade internationale de prétendants, des soupirants intéressés aspirant à la main de la Veuve pour établir ou rétablir hors frontière leur fortune, pour la dilapider en restaurants chics parisiens avec champagne à gogo et gogo girls en goguette et campagne, dans cette capitale du monde et de la fête qu’est ce Paris de la fin du XIXe siècle où tout le monde se retrouve, mondains comme fripouilles, entre le Maxim’s cher déjà à tel Président d’hier, cher à faire rire jaune même un gilet d’aujourd’hui, et autres lieux de plaisirs racaille et canaille des hauteurs de la Butte à putes de Pigalle et Montmartre.

Mais, pour éviter l’évasion fiscale de la Veuve, fatale aux finances de la Marsovie, l’Ambassadeur à Paris, Popoff, complote pour lui donner pour époux un Marsovien non venu de Mars, le Prince Danilo Danilovitch attaché d’Ambassade, très attaché, on l’a vu, aux dessous, très féminins, de ce Paris, apparemment bien remis de la lointaine blessure amoureuse qu’il infligea à la récente Veuve, apparemment peu tenté par la tentante Missia pour laquelle son cœur battit autrefois avant que celui du mari n’en claquât.

La jeune femme, entourée, sollicitée, assiégée, garde le sourire et la tête froide au milieu des assauts galants de galants en frac par l’odeur de son fric attirés. Ils ont beaux jouer les boys empressés de comédie américaine lui promettant —espérant plus— des trésors d’amour, celui de jeunesse pour le joyeux et facile Danilo, reste pour elle un joyau d’une autre trempe, même perdu.

RÉALISATION ET INTERPRÉTATION

Beauté d’épure d’un fond bleu nuit d’où se détachent des dignitaires en habit, le torse ceint d’une écharpe rose jouant avec l’uniforme d’une nuée de serviteurs, de grooms en uniformes du même rose, couleurs et teintes élégamment déclinées dans tous les costumes et tableaux. D’une scène centrale à degrés, comme un temple, sous un immense cœur fléché par un prodigue archer Cupidon, surgira au sommet, comme un rêve, arborant un long fume-cigarette, telle une future Marlène Ange bleu, en smoking masculin et haut de forme, Missia, la Veuve, impériale en sa descente théâtrale, très café-concert du temps, des escaliers. Des basques de sa veste, coulent les vastes pans d’une volante jupe de ce même bleu fondamental, semé de floconneuses fleurs, roses, rouges, bleues, qui envahiront au dernier acte l’espace, les murs, les portants, la volière du pavillon d’amour, et cet onirique manteau sur robe à volants roses, comme le rêve prolifique expansif d’un Mucha semant au vent les cadres de ses filles-fleurs ou les ornements floraux de ses affiches pour Sarah Bernhardt. Sans débauche d’amas de signes Art Nouveau, Liberty ou Tiffany, c’est esthétiquement très beau, comme les plastiques groupes sculpturaux détachés sobrement sur cet immuable bleu sombre contrastant.

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Déroute des couples

Imposant comme une évidence théâtrale, voix puissante, sans un air à chanter, Marc Barrard a bel air, des airs et une grande gueule pour courte vue face aux velléités adultères de sa femme Nadia, la belle Perrine Madœuf qui, telle Zerline, veut et ne veut pas céder même si elle cèderait volontiers son potentiel et séduisant amant, le Français Camille de Coutençon, dans le lit nuptial de Missia pour s’en protéger, ou protéger son mariage, ou plutôt sa position sociale, quitte à faire capoter les plans capitaux de son diplomate d’époux qui cherche à conserver le capital de la Veuve dans la nécessiteuse Marsovie. Le couple d’amants ratés est gratifiés d’airs enjôleurs où la voix ronde et tendre de Madœuf se marie, sublimant l’adultère, avec la fièvre débordante en aigus puissants de l’amant frustré, le ténor Léo Vermot-Desroches.

À Figg, autre personnage sans air, Jean-Claude Calon sait donner de l’éloquence comique, même dans son silence. Quant à Simone Burles, comme une prédestination, elle donne un burlesque coquin à Sylviane par d’ardeur érotique saisie, et non par son mari, Jean-Luc Épitalon. Rivaux dans leur prétention à conquérir la riche main de la Veuve, l’avantageux D’Estillac de Matthieu Lécroart et l’exotique Lérida d’Alfred Bironien forment un couple hilarant de parfaits prétentieux prétendants ratés. Autre couple en partance et souffrance sous l’humour, et non l’amour, de la couverture vaudevillesque, finalement amère, celui de Kromski, Jean-Michel Muscat et de sa femme, incarnée par Perrine Cabassud,  dont un seul geste expressif traduit l’agacement ou la haine de l’époux sûrement imposé et non choisi.

Le couple central est campé par le baryton Régis Mengus, plein d’allure, voix sûre et pleine, sans peine un séduisant Danilo au timbre viril, rien de vil dans ce débauché dont les nobles scrupules financiers rachètent finalement la crapule finance d’autrefois sous prétexte de noblesse opposée au mariage avec la roturière pauvre. Missia, c’est Anne-Catherine Gillet, voix pure et limpide comme ce personnage blessé mais n’en gardant pas rancune, au contraire obstinée à faire du passé table rase. Au milieu du chœur follement féminin du bon plaisir des hommes, elle a même sagement convoqué les « P’tites femmes » de Maxim’s pour complaire au client Danilo et lui faire fête. La Veuve dite faussement joyeuse chante une nostalgique ballade, la légende de Vilya, « la dryade aux yeux mystérieux », la nymphe des bois, dont un jeune chasseur tombe amoureux, amour impossible qu’il ne cessera de chercher, de chanter comme elle espère sans doute chez l’homme aimé. C’est un moment de poésie, un appel, un rappel au passé d’un amour vivant adressé à Danilo. Tout en se gardant des pianissimi dangereux, Gilet exprime cet air avec une infinie douceur, pleine de mélancolie.

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Et l’on peut rester sceptique sur le happy end. Dans cette œuvre où je vois, sous le comique, la faillite du couple, celui si joliment formé par les héros, est-il finalement mieux loti que les autres ? On peut se demander si Missia, jeune fille autrefois blessée dans son amour, pourra jamais, même en récupérant Danilo, cicatriser sa blessure de jeune femme rejetée. Même sous couvert d’ironie, elle rejoint l’opinion de Danilo pour qui le mariage est « un point de vue très dépassé ». En effet, quand elle feint d’épouser le Français Coutençon, tout en affectant d’embrasser les mœurs conjugales de son nouveau pays et mari, c’est une règle générale qu’elle détaille. Sommet cynique et satirique de l’œuvre sur, ce fond d’adultère généralisé, elle donne ainsi une amère définition du mariage à la mode de Paris (où Danilo est finalement chez lui) : « un ménage sans contrainte » où chacun vit sa vie :

 « On s’aimera un peu, on se trompera beaucoup », comme on fait à Paris ! 

 Bref un mariage « avec aller-retour », en rien figé dans une prétention de durée. Et n’est-ce pas ce que chante la mélancolie de la valse finale de l’accord qui dit l’« Heure exquise… », « la promesse du moment » mais ne semble pas viser à l’éternité.

 Éternité de l’œuvre

Ce qui est indiscutable, si le sujet a vieilli, c’est que la musique reste toujours jeune. On goûte la beauté concise mais prenante, entêtante, des airs, l’entraînante gaîté des différentes danses traditionnelles d’époque valse, polka, mazurka, galop, et ces pas de kolo (danse folklorique des Balkans), on s’agite  et claque des mains à  l’irrésistible fougue du cancan servi par une merveilleuse troupe de danseurs acrobates.

À la direction musicale, Didier Benetti mène l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille tambour battant mais tout en respectant la finesse de cette musique à l’habile harmonie : les plages musicales reprenant les thèmes des airs jamais alourdis de glose, cela fait un délicat tapis roulé et déroulé avec verve et douceur et l’oreille ne perd jamais la référence, d’un air à l’autre, même à distance comme l’amorce  mystérieuse du refrain de la chanson de Vilja est déjà celle de « Heure exquise. » Benito Pelegrín

 Die lustige Witwe, opérette en trois actes de Franz Lehàr

Opéra de Marseille

Vendredi 29 déc | 20h
Dimanche 31 déc | 20h
Mardi 2 janv | 20h
Jeudi 4 janv | 20h
Dimanche 7 janv | 14h30

PRODUCTION Opéra de Saint-Etienne
Création le 29 décembre 2022 à l’Opéra de Saint-Etienne
Décors, costumes et accessoires réalisés dans les ateliers de l’Opéra de Saint-Etienne

Direction musicale Didier BENETTI
Mise en scène Jean-Louis PICHON
Réalisée par Jean-Christophe MAST
Décors et costumes Jérôme BOURDIN
Lumières Michel THEUIL
Chorégraphie Laurence FANON

Missia Anne-Catherine GILLET
Nadia Perrine MADOEUF
Olga Perrine CABASSUD
Sylviane Simone BURLES

Danilo Régis MENGUS
Le Baron Popoff Marc BARRARD
Camille de Coutançon Léo VERMOT-DESROCHES
Figg Jean-Claude CALON
D’Estillac Matthieu LÉCROART
Lérida Alfred BIRONIEN
Kromski Jean-Michel MUSCAT
Bogdanovitch Jean-Luc ÉPITALON
Pritschitch Cédric BRIGNONE

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

 Photos Christian Dresse 

  1. Apparition de Missia ;
  2. Le cœur et les flèches;
  3. Danilo et Missia ;
  4. Nadia et Coutençon,
  5. Popoff et Missia;
  6. Le pavillon;
  7. Cancan.