Entretien avec Karim Dridi pour son film "Khamsa"Entretien avec Karim Dridi à l'avant-première de son film au cinéma Les Variétés.
« Le scénario au départ traitait des conditions de détention des mineurs déliquants en milieu carcéral. Le scénario est né de cette vision. C'est l'enfermement qui m'a donné l'idée du scénario de base. La rencontre avec le camp Mirabeau est beaucoup plus forte. Les reportages du journal télévisé montrent la condition difficile des jeunes déliquants. L'idée était de créer un pénitencier pour enfants sur l'Ile du Frioul, à Marseille. La découverte des enfants et surtout le camp Mirabeau m'a décidé à écrire l'histoire de « Khamsa ». C'est Sofiane Mammeri, Rhida dans « Bye-bye », qui m'a permis cette rencontre. Je lui ai dit : « Sofiane, je veux faire un film avec des acteurs français maghrébins. » J'ai été avec Sofiane au camp Mirabeau. Ma première réaction a été de constater qu'un tel lieu existait depuis les années 1950, à Marseille. Il est destiné aux Tziganes. Ils sont arrivés à Arras, en France, en 1419. Puis ils se sont éparpillés dans toute l'Europe. Je me suis alors demandé comment des citoyens français pouvaient vivre dans des conditions aussi déplorables. Le choc s'est produit en les rencontrant. Les personnages Coyote et Tony étaient présents. Je voulais travailler avec tous ces enfants. Toute la difficulté peut se lire sur leurs visages. Ce n'est plus une plainte mais de la lumière, de l'énergie pure. Ce serait un cliché de croire que les gitans sont solidaires entre eux. Ce serait une image d'Epinal. Il y a le camp du haut et le camp du bas. C'est différent. Ceux sont des gens du voyage. Ils veulent avoir leur caravane. Marc Cortes, le personnage de Marco, a dit lors du débat sur le film : « Moi, je vis en HLM, je n'ai pas de caravane. Il ne me faut pas de caravane pour être gitan. » Les gitans veulent abandonner les stigmates de leur condition. J'ai rencontré Marco à Port-de-Bouc. Pour moi, il a poussé comme une herbe sauvage. L'enfant qui m'a inspiré Marco a une mère droguée et un père violent. Psychologiquement, sa perspective d'avenir est difficile. Il a quitté le film car le juge pour enfant a décidé qu'il valait mieux qu'il ne participe pas à ce film. Puis nous avons fait un casting sauvage pour trouver Marco en Marc Cortes. Il dégage une telle intensité et une telle concentration qu'il a été choisi. C'est vraiment lui qui chante le Flamenco dans le film. Marc Cortès se distingue à l'école et il est dans un club de football. Les manouches du ruisseau Mirabeau ne parlent plus manouche. Ils perdent leur culture et en même temps ils n'intègrent pas la culture française. La misère est telle que tu ne peux pas venir avec une caméra dans certains camps. A l'avant-première du film, au cinéma l'Alhambra, j'ai demandé au public composé de 300 tziganes ce qu'ils ont pensé du film et la réponse a été : « C'est vrai que tu ne nous montres pas toujours sur le bon jour mais tu nous as donné l'opportunité de nous exprimer. » Ce qui m'a motivé c'est la misère noire impossible. Déjà dans mon film « Bye-bye », il ya des gens peu fréquentables comme le dealer de crack et de cocaïne dans la communauté magrhébine. Il faut occulter « Il ne faut pas donner une mauvaise image ». Sofiane Mammeri a fait l'interface entre les cultures maghrébines, juives et gitanes de Marseille. Pour la préparation, durant un an et demi, nous sommes venus tous les mois dans le camp Mirabeau. Nous avions notre caravane Sofiane et moi. »

Audrey Chiari


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