FESTIVAL DES NUITS DE LA SAINTE VICTOIRE

« Elixir d’amour » enchanteur des spectateurs

L’opéra belcantiste Elixir d’amour de Gaetanno Donizetti s’invite aux Nuits Musicales Sainte Victoire, accompagné de l’Orchestre national de l’opéra d’Ukraine sous la direction de l’excellent Grigori Penteleïtchouk. Samedi 25 juin, au théâtre de verdure de Peynier, les sopranos Sonya Yoncheva (Adina), Yuree Jang (Giannetta), le ténor Domenico Menini (Nemorino) et les barytons Alexandre Duhamel (Belcore) et Jean-François Vinciguerra (Dulcamara) ont magistralement interprétés l’œuvre fraiche et truculente de Donizetti devant un public plus que jamais réceptif et enthousiaste. Eve Ruggieri, toujours aussi passionnante, nous a dévoilé l’histoire de cet opéra savoureux qui, pendant près de deux heures, a enchanté les curieux qui se sont donnés rendez-vous dans ce lieu magique et secret caché derrière les pins.

Au début du 19ème siècle, dans un village italien, la belle Adina, riche et instruite, est courtisée par un jeune homme timide et discret, Nemorino, dont elle repousse les avances. Pendant que les paysans se reposent, Adina leur conte l’histoire de Tristan et Iseut et du philtre d’amour. Arrive alors Belcore, un fringuant militaire qui ne tarde pas à la demander en mariage. Nemorino, jaloux et désespéré, se tourne alors vers Dulcamara, un charlatan, et lui demande le philtre d’ Iseut. Ce dernier lui vend du Bordeaux qu’il prétend être un élixir aux vertus magiques. Pendant ce temps Adina accepte la demande en mariage de Belcore et Nemorino, s’engage auprès des troupes de Belcore. Au même moment, le riche oncle de Nemorino meurt, lui léguant ainsi toute sa fortune. Nouvel objet de convoitise auprès des femmes et de la belle Gianetta, Nemorino croit au pouvoir du philtre d’amour. Jalouse, Adina voulant reconquérir le cœur du jeune homme décide de racheter son engagement militaire.

 

C’est en 1832 que Gaetanno Donizetti crée cet opéra-bouffe à Milan à partir des livrets de Felice Romani. Donizetti s’inscrit dans le mouvement du belcanto, et compose de nombreux opéras qui ne rencontrent jamais un succès fulgurant auprès des spectateurs. C’est seulement en composant l’exquis Elisir d’Amore  que Donizetti gagnera sa place parmi les plus grands. Et on comprend pourquoi !

 

Pour les Nuits Musicales Sainte Victoire, la mise en scène dirigée par Jean-François Vinciguerra, propose un décor simple mais efficace. Sur scène, une immense bouteille de Bordeaux rebaptisée « collection amore »,  une maisonnette en paille, des cagettes  peintes de lettres rouges forment « elisir d’amore »,  pas de doute, nous revoilà en fin du 18ème siècle dans un village italien. Clin d’œil du metteur en scène, Adina lit aux villageois le journal italien « la reppublica » remplaçant ce qui devrait être la célèbre histoire de Tristan et Iseut.  Quant aux costumes, les hommes sont en noir et blanc, tandis que les femmes portent des robes aux couleurs vives ce qui laisse imaginer un spectacle relevé et joyeux comme le veut la tradition de l’opéra-bouffe. Sonya Yoncheva (qui changera trois fois de tenue), Jean-François Vinciguerra (vêtu d’une cape noir qui lui donne des allures de magicien) et Alexandre Duhamel (dans son costume de militaire vert), sont les seuls à revêtir un costume particulier tout au long du spectacle. Les éclairages, quant à eux, sont plus tamisés (comme pendant les solos ou les duos d’amour) ce qui permet une approche plus intimiste avec les spectateurs. Tantôt plus vif (lors des scènes de village), l’éclairage met en lumière la bonne humeur et  l’entrain des scènes toujours drôles et cocasses.

Les chanteurs, tous énergiques, jouent en interaction avec le public à qui ils font partager leurs mésaventures ou sentiments. C’est souvent le cas de Nemorino qui prend à partie le public et semble lui parler tout en chanson. Domenico Menini n’est pas juste tordant quand son personnage s’enivre du bordeaux ou se moque de Belcore, il est aussi excellent et émouvant comme dans son interprétation du célèbre « Ultima Lagrima ». Le rôle de Nemorino semblerait presque avoir été écrit pour lui, tant son physique, de jeune homme timide et têtu, et sa voix, grave et touchante, interprète un Némorino à la perfection. Sonya Yoncheva, magnifique beauté à l’italienne, incarne Adina à merveille. Les autres chanteurs, tout aussi excellents, font rire du début à la fin. Et pas seulement rire, ils nous touchent, nous font applaudir, nous font rire, évidemment, et nous font sourire. Et c’est ce que l’on retient aussi : un spectacle tellement drôle et pétillant qu’il nous colle un sourire jusqu’aux oreilles des premières notes aux dernières. Et n’est ce pas le but ? De disparaître pendant quelques heures dans une toute autre réalité, en plein village italien, où l’on s’évade dans l’écoute de chanson superbement interprétées, avec, pour compagnons de route,  des personnages haut en couleur, comiques et entrainants ?

 

Rythmé, pétillant, enivrant, tel est l’Elixir d’amour. Formidable.

 

Clémence Borodine

 

 




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