Un Drôle de Jésus de Marseille« Jésus de Marseille », conception et interprétation, Christian Mazzuchini. Auteur, Serge Valletti. Avec la participation de hallebardiers (Haïm Menahem et Philippe Séjourné). Collaboration artistique et scénographique, Maryline Le Minoux.


C’est l’histoire d’un mec, un certain Jésus. Celui-ci est particulier, forcément il est de Marseille. Une nouvelle légende est née sous la plume de Serge Valletti. Drôle à souhait. Et par miracle, Christian Mazzuchini, à la fois metteur en scène et comédien, est en verve.


De vétustes colonnes éparpillées sur le sol nous évoquent le jardin des vestiges. Un fonds sonore musical intense vient atténuer le ressac de la mer. Deux silhouettes se détachent sur le fond de la scène. Silence. L’un d’eux est pris d’un fou rire. Il se ressaisit, «t’as vu la grosse moche au premier rang (dans la salle) », l’autre, «c’est ma sœur ». Tout au long de la pièce, nos hallebardiers distilleront quelques truculentes petites phrases. Les deux hommes sont des figurants de notre époque, le langage est décalé, leurs courtes incursions sont hors sujet, «je travaille à mon CV, il faut que je trouve un imprésario ».

Surgit le héros planétaire… et sa chienne Pile Poil –qui fera la sieste bien tranquillement toute la durée du spectacle. «En premier, il y a le début. Sinon, on n’aurait pas su où le mettre. Et la fin, on l’a mise à la fin. Comme ça il y a moins d’histoires. Car Jésus va mourir. Crucifié avec son maillot de corps ». On apprend que son père était menuisier, rue Dragon. Sa mère vivait rue de la Bibliothèque, et Jésus est né rue des Trois Mages. Prolixe, Jésus nous fait découvrir Marseille et sa géographie. «Là-haut, sur le socle (de Notre-Dame de la Garde), tu mets la mère et le petitou. Dans ses bras, c’est moi ». Alors Jésus de Marseille est né dans la paille, dans une station-service. Il a vécu 33 ans, «l’insurrection, la résurrection » et depuis son passage, on fait les 13 desserts.

A l’adolescence, Jésus vit sa période hippie. Son père découvre une annonce sur les sacrements sur Le Provençal, Jésus décide de se faire baptiser, il s’en va voir Baptiste au Parc Chanot. En blouson de cuir et lunettes noires, Jésus nous livre une nouvelle tranche de vie. Il a monté une affaire, il sillonne Marseille avec son camion à pizza. Sa réussite fait des jaloux, ses pizzas sont dites miraculeuses. Sa réputation a commencé à grandir et les ennemis sont devenus légion lorsque… « je ne sais pas ce qui m’a pris. Au lieu de nager, je me suis mis à marcher sur l’eau ». Il devient alors l’homme à abattre.

La scène s’obscurcit, un feu d’artifice est tiré pour célébrer la venue du nouveau messie à Marseille. Soudain, coup de projecteur sur la scène : Jésus est à genoux, en caleçon de l’OM, menotté et encadré par les deux hallebardiers.

Une création originale selon l’évangile de Serge Valletti. Christian Mazzuchini est épatant, hilarant. Il réussit une mise en scène farfelue mais très réussie du texte de Valletti. Il incarne avec humour, tendresse, extravagance ce Jésus de Marseille. Dans les tout derniers instants, il devient pathétique, touchant dans ce Jésus, prêt à affronter sa crucifixion. Le comédien occupe la scène sans complexe, il sait tourner avec une totale dérision la vie de Jésus. Sacrée bonne idée aussi de faire intervenir ces deux hallebardiers, interprétés par Philippe Séjourné et Haïm Menahem. Des personnages qui n’ont aucun lien avec la pièce –hormis la dernière scène- mais, qui en quelques mots, savent déclencher les rires. Pendant que Jésus nous raconte ses péripéties, l’un dit «on me propose de jouer Hamlet », «ah bon, dans quelle pièce ? » ou encore «c’est l’histoire de deux hallebardiers », l’autre réplique «arrêtes, tu te fais du mal ».

Jésus de Marseille révèle aussi l’étonnante complicité entre un auteur et un comédien. Valletti et Mazzuchini se connaissent depuis plus d’une décennie. «Aujourd’hui, plus personne ne peut savoir si c’est moi qui écris pour lui ou bien si c’est lui qui joue pour moi » confie Valletti. L’alchimie fait des miracles avec ce Jésus de Marseille.

Myriam Mounier




Représentations jusqu’au samedi 20 décembre, à 20h, au théâtre de la Minoterie, 9-11 rue d’Hozier, 13002 Marseille. Réservations : tél 04 91 90 07 94, courriel info@minoterie.org

photos de M. Guillerot et JP Estournet







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