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Fin de l’aventure du Ballet d’Europe créé par Jean Charles Gil

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C’est une bien triste nouvelle que nous apprenons ce jour : le Ballet des jeunes d’Europe, créé par Jean Charles Gil en 1999, rebaptisé Ballet d’Europe en 2003, vient de cesser toute activité. Pourtant, il présentait encore « Barouf », sa dernière création, au Toursky en décembre dernier !

Clap de fin d’une aventure de presque 18 ans !

C’est une belle aventure qui s’achève, hélas, faute de subventions suffisantes pour faire tourner l’espace du Transformateur, ce projet que Jean Charles Gil avait développé en 2013, à Allauch (où sa compagnie était installée depuis 2007) afin d’offrir des résidences à de jeunes artistes et de développer ses créations artistiques. Ce projet de recentrage de son activité était né au tournant de l’année 2013, après qu’en septembre de cette même année, l’association du Ballet d’Europe, suite à une baisse des subventions, avait été mise en liquidation et que son redressement avait abouti à la suppression des postes de la plupart des permanents.

Jean Charles Gil a fait ses classes avec Roland Petit, dansé sous la direction de Noureev ou encore de Maurice Béjart, avant de danser pour le San Francisco Ballet et les Ballets de Monte Carlo. Il avait eu l’idée de fonder le Ballet d’Europe, implanté en 2003 à l’usine Corot, afin d’offrir un tremplin à des jeunes danseurs : il proposait à une trentaine d’artistes en devenir un accompagnement professionnel afin de faciliter, avec le succès qu’il a rencontré, leur insertion professionnelle grâce aux nombreux workshops qu’ils présentaient : la plupart des jeunes danseurs ont effectivement, par la suite, intégré des ballets prestigieux. Ce travail de formation n’a pu être mené à son terme au-delà de 10 ans d’existence.

Pour de la danse « dansée »

Autre pan de son projet, c’était de faire découvrir la danse et sa douce beauté, la beauté du geste et sa grâce au plus grand nombre. Il semble important de souligner ici que ce qui intéressait le chorégraphe marseillais était de présenter des créations chorégraphiques lisibles, accessibles à tous sans pour autant rogner sur la qualité du travail mis en œuvre (c’est-à-dire un spectacle populaire dans le bon sens du terme), en  décloisonnant les lieux et les publics. Par exemple, il fut l’un des premiers à investir l’Esplanade Barjemon en y présentant ses pièces courtes : citons ici « Folavi » ou encore « Sweet Gershwin ».  Il avait également fait l’ouverture avec « H2O, mémoire de l’eau, du forum mondial » de l’eau en 2012.

Son travail de transmission et de sensibilisation revêtait plusieurs formes dont des universités d’été imaginées dans les années 2000 ou encore des actions éducatives et une pratique amateur, initiées au Transformateur en 2013. Alors que certaines de ses pièces (« Mireille », « Schubert in love » ou encore « Mozart Requiem ») ont été remarquées par le ténor Roberto Alagna pour illustrer un documentaire sur le ténor himself, son travail était perçu comme étant « trop classique, ou encore pas assez novateur ou provocateur », plutôt inclassable dirions-nous.

Un crédo à méditer

Ses chorégraphies reposent certes sur un savant mélange de danse dite classique (avec maîtrise par les danseurs et danseuses du ballet des techniques du classique : la tenue du buste, le port gracile du cou, les portées, pointes et autres pas de deux…) et de danse dite  contemporaine, voire de break dance (qu’il intègre à sa dernière création) et autres danses urbaines (notamment dans la gestique des danseurs évoluant avec une gestuelle saccadée, rapide et vive, dans les déplacements, sauts et arabesques dessinées par leurs corps).

Néanmoins, son crédo a toujours été celui de « l’actualité et l’universalité » : « Nous sommes le reflet de ce que nous vivons » expliquait-il. N’aimant pas les catégories, il a toujours revendiqué son attachement à  « la liberté et la mixité » dans son travail de chorégraphe. « Je suis un chorégraphe de mon temps et j’aime la naturalité du corps dans la danse contemporaine »*. Pour lui, la danse est l’expression d’un acte citoyen et relève d’un engagement politique profond, rajouterons-nous.

In fine

Atypiques, ses chorégraphies ont toujours rencontré un vif succès populaire mais à une époque où tout se doit de rentrer dans une catégorie bien précise, ce choix politique de la liberté a un coût. Et le Ballet d’Europe en payé le prix fort ! Hélas, trois fois, hélas ! Car nous avons toujours besoin d’artistes qui, à son image, posent un regard pertinent sur notre époque et ses problématiques, sans sombrer dans l’élitisme ni la violence. DVDM

*propos que nous avions recueillis en 2012 lors d’une rencontre autour de la venue de son Ballet à l’Opéra de Marseille/photo prise à cette occasion par DVDM

Rmt News Int • 7 mars 2017


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