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Gargouille de soie – avignon off 2016

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Baudelaire dans l’antre des sorcières !

Le festival Off, supermarché géant du théâtre, avec ses spectacles débridés et ses flyers fusant de toute part, c’est aussi pour certaines compagnies, à l‘image de la compagnie Marymorgan Witch et l’ordre des corbeaux, un temps de travail. Cette dernière est une habituée du spectacle de rue, notamment les spectacles de feu, et présente cette année sa première création théâtrale Indoor. Pour elle,  le off se révèle plutôt être un lieu de résidence de création.

« Gargouille de soie », inspirée des Fleurs du Mal de Baudelaire et de poèmes écrits par la directrice de la compagnie herself, a été créée très récemment. Une première étape de travail a été montrée courant juin à la Maison Hantée de Marseille. Accueillie pendant le festival au théâtre des Barriques, à 22h25, la création présentée se divisant en 13 tableaux poétiques ne pourra que se peaufiner au fil des représentations.

Alternant musique, danse et récitation théâtralisée, la création plonge le spectateur dans les profondeurs abyssales de l’âme humaine, invoquant Satan et ses ténèbres craintes mais admirées, convoquant au fil des poèmes les compagnons étranges et diaboliques des sorcières, «  Le chat » noir, « les Loups » affamés, « le Serpent » venimeux, « le Corbeau » charognard, ces êtres honnis du commun des mortels. Entre spleen et idéal, les poèmes dissèquent les thèmes de la mort et de l’amour, Thanatos et Eros. Vous l’aurez compris, de par sa thématique, cette création ne s’adresse pas aux âmes sensibles !

De plus, elle n’est pas sans rappeler les cérémonies liturgiques, avec leur gestualité grandiloquente (par moments, un peu trop en retenue), leurs costumes (mention spéciale pour la créatrice des costumes tant ils sont magnifiques) et leurs lumières ténébreuses. Ici, les poèmes sont dits dans une pénombre qu’éclairent quelques jolies projections vidéo (quasi unique décor en dehors d’une chaise de culte).

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Ils sont accompagnés et entrecoupés, de touches de violon amplifié aux sonorités obscures et électriques, interprétées par Cair Deas (on regrette qu’il n’intervienne pas plus entre deux morceaux préenregistrés, plus orientés techno dark), et de chorégraphies improvisées, signées Seren Corbasse (bravo à la jeune femme dont les mouvements sont d’une beauté  sensuelle et d’une justesse extraordinaire, notamment la danse du corbeau et du serpent, voire celle très féline du chat), variations musicales et dansées sur le même thème.

Chi Mey, à la voix grave et à la diction claire (même si elle manque parfois de projection), a une belle présence scénique, enveloppée de ses voiles noirs : elle est la narratrice de ce voyage mystique. Marymogan, quant à elle, avec son bol de cuivre en main, tonne le tempo : prenant une voix volontairement gutturale et sourde, comme venant d’outre-tombe, elle est la maîtresse de cérémonie (également conteuse) de cette création.

Aux vues de l’étape de travail, ce spectacle présente quelques atouts non négligeables, même si comme toute création, il doit se peaufiner, notamment en ce qui est de la mise en espace où quelques longueurs s’invitent entre deux poèmes et du dire du texte, mais avoir un texte en bouche requiert de longues heures de jeu. Néanmoins, les amoureux de poésie et de Baudelaire sauront en apprécier les textes qui, eux, ne sont pas sans intérêt. DVDM

© photos Charles Santucci

Rmt News Int • 12 juillet 2016


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