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Le Prince de la forêt par la compagnie Mascarille (Marseille)

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Le Prince de la forêt par la compagnie Mascarille (Marseille)

Présenté le 7 mars aux Pennes Mirabeaux (théâtre Henry Martinet)

Spectacle tout public à partir de 6 ans/ Durée 1h

La liberté, la chose la plus précieuse au monde, n’est-ce pas mon cher Robin ?

Dans un bien joli petit théâtre de 200 places, le théâtre Henry Martinet situé aux Pennes Mirabeaux, était présentée, fourmillante d’un humour bon enfant et pourtant fidèle à l’esprit du texte, une adaptation des célèbres aventures de Robin des Bois, seigneur de Loxley, chassé du royaume par le shérif de Nottingham et le prince Jean sans Terre, frère de Richard Cœur de Lion parti en croisade. L’abominable Prince Jean, usurpateur du trône du valeureux Richard, laisse son peuple mourir de faim et de désespoir. …

Accompagné d’un chasseur de prime répondant au nom de Guy de Gisbourne, il traque Robin des Bois et ses joyeux compagnons dans la forêt de Sherwood où ils ont élu domicile. Brigand au grand cœur, défenseur des pauvres et des opprimés, insaisissable (parce que trop habile archer pour être pris par les sbires du prince Jean), Robin et sa bande, frère Tuck, Will l’Ecarlate et Petit Jean, dépouillent les riches pour redistribuer leurs richesses aux pauvres malheureux, se servant au passage en boissons, agapes et autres victuailles. Le prince Jean et son complice imaginent alors un stratagème pour le faire sortir de la Forêt : offrir en mariage la belle Marion, déjà promise à Gisbourne, au vainqueur du tournoi de tir à l’arc organisé au Château! Robin, amoureux de la belle, réussira-t-il à sortir indemne du guet-apens ainsi tendu par le prince sournois ?

Présentant sous la forme d’un récit conté la légende de Robin des Bois, cette création originale plonge le spectateur dans une mise en abîme judicieuse où sont jouées en alternance les scènes marquantes du récit : les comédiens-conteurs interprètent ainsi plusieurs personnages à la suite, dans des costumes simples mais efficaces. Nous assistons alors à la rencontre de Robin et ses compères avec le Frère Tuck, aux formes et à l’appétit rabelaisiens (judicieusement incarné par la jeune Claire Philippe), à l’attaque d’une calèche par les joyeux compères et aux retrouvailles fort cocasses, emplies de maladresses, de Marion et Robin (interprétés respectivement par Cécile Petit et Arnaud Anson), à des scènes de la vie dans le « Major Oak Tree », le chêne centenaire, repaire de nos amis brigands.

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Ici, le décor est fort bien pensé et conçu : seul ici sur la scène, un arbre géant, avec sa balancelle et ses branches énormes et allongées, sert à la fois de cuisine, salle  à manger, chambre à coucher avec son panneau Ne pas déranger, coiffeuse, ou encore de tour de guet, voire de potence. Ces moments sont l’occasion pour les artistes de jouer des petites saynètes drôlissimes : citons, la séance de coiffage de Marion par sa servante ou encore la rencontre amoureuse entre cette dernière et Will, auquel Cécile prête ses traits avec justesse et crédibilité. Sans oublier les scènes de batailles à l’archer et à l’épée, mises en scène façon ninja et comics, qui rythment le récit, ou la scène plus poignante de la pendaison du gentil Will, attrapé par les sbires du prince, sauvé in extremis par ses amis.

Les méchants de l’histoire, montrés dans leur ridicule et maladresse,  Gisbourne (Claire Philippe, très à l’aise sous son masque) et Prince Jean (Emmanuel Chambert, excellent chanteur et musicien par ailleurs) sont judicieusement représentés et incarnés à la façon de personnages de commedia dell’arte. Les masques fabriqués sur mesure par un artiste italien sont de belle facture. De tons rouges ou blanc cassé selon le rang occupé, ils couvrent tout ou partie du visage et confèrent au personnage une personnalité digne d’un pantalone, voire d’un capitano, découvrant (et renforçant) leur trait de caractère dominant (avare et égoïste, fourbe et veule…). Cet élément dissimulant le visage des membres du royaume (Marion, elle-même, navigant entre les deux mondes, porte au début un masque, mais pour ne pas être reconnue des félons) permet aux enfants d’identifier les méchants et ainsi, de ne pas se perdre dans les aventures de Robin et de ses amis.

La mise en scène intègre habillement pauses musicales et chantées, effets comiques et passages sérieux, jeu et distanciation, voire par moment non-jeu volontaire où les comédiens se jouant de leur personnage pratiquent l’autodérision (à noter les mimiques de Cécile lorsqu’elle incarne Marion, censément belle et élégante jeune femme à laquelle elle fait faire de nombreuses grimaces ou gaffes). Ces ruptures ont pour effet de déclencher fous rires et larmes de joie chez les petits, et les grands. Et l’aspect volontairement décalé, ainsi que le ton humoristique choisi avec ses anachronismes musicaux bienvenus, font partie de la marque de fabrique de la compagnie Mascarille : cette dernière, dans ses créations précédentes, en avait déjà fait usage avec intelligence.

Le public, petits et grands, ne s’ennuie pas de suivre ces aventures connues et archiconnues depuis bientôt un millier d’années, tant le rythme joyeux et la légèreté de la mise en scène nous immergent pleinement dans le monde de ce héros légendaire qui inspira Walter Scott et de nombreux films. L’aspect comique  et fantaisiste contribue, quant à lui, à renforcer les idées qui sous-tendent ce récit, à savoir les notions de partage et de solidarité, ainsi que la lutte pour une meilleure justice sociale et répartition des richesses. Car en mille ans, avons-nous beaucoup évolués? N’est-il pas fondamental de remettre ces valeurs au goût du jour à notre époque déchirée par tant de maux? DVDM

Rmt News Int • 24 avril 2016


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