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The culture beyond borders

Fin de Partie (I)

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Une page s’est tournée le 31 décembre 2015 avec la fermeture d’un lieu incontournable de tous les amoureux de la culture à Marseille : l’Espaceculture_Marseille. Une après-midi festive s’est déroulée le 22 décembre dernier : nombreux furent les journalistes, artistes et visiteurs venus rendre un dernier adieu au lieu, récupérant de-ci de-là affiches, livres ou autres cd édités pendant la longue vie de cet établissement culturel dont l’histoire a été marquée par de nombreux changements d’orientation.

Véritable institution marseillaise connue de tous les acteurs de la culture, l’Espace Culture était une association loi 1901, créé en juillet 1976 à l’initiative de la ville de Marseille du temps de Gaston Defferre. Sa dénomination et ses missions ont été requalifiées à plusieurs reprises au gré des politiques culturelles des élus successifs dont elle a été un instrument, ayant été de nombreuses années liée par une convention de délégation de service public puis par des accords triennaux avec la Mairie.

Quelle fut l’évolution sur 40 ans de cette structure culturelle ?

A ses origines, elle est désignée par l’acronyme OMCL pour Office Municipal de la Culture et des Loisirs afin d’assurer et garantir la création et le fonctionnement d’équipements culturels et socio-éducatifs avec mise en place d’un programme d’animations dans les quartiers et coordination des manifestations culturelles. En 1986, elle devient l’Office Municipal de la Culture pendant que se crée le service des Affaires Culturelles en charge des questions de politique de la ville. Son rôle se transforme : l’OMC a pour mission de développer la vie artistique en gestation (jeunes associations, nouveaux projets et évènements culturels) et les festivals. Pendant la mandature de Robert Vigouroux, en 1991, la ville de Marseille crée la direction générale des affaires culturelles (DGAC) dont le rôle est de distribuer les subventions aux associations culturelles, un secteur en plein essor. C’est ainsi qu’en 1992, l’OMC devient OCM, Office de la Culture de Marseille, mettant en place le Fonds d’Intervention Culturel, coproduisant ou coréalisant des projets dans le cadre de conventions, voire lançant des manifestations (Eté à Marseille, Festival de Marseille, Cinestival…) tout continuant de coordonner les actions culturelles de la ville.

Deux ans après l’élection de Jean Claude Gaudin à la Mairie de Marseille (soit en 1997), la structure délégataire d’une partie du service public culturel de la ville s’implante sur la Canebière, au numéro 42, dans un immeuble appartenant à la ville. Forte de ses 500m² de superficie, l’Espace Culture ambitionne alors d’être une véritable vitrine culturelle : lieu d’information et de promotion de l’actualité culturelle marseillaise au service du public et des professionnels de la culture. Entre 1996 et 2000, l’Espace Culture met en place le Bureau du Cinéma (rattaché en 2002 à la DGAC, installé en 2003 au Pôle Média Belle de Mai) et les comités d’Experts (répartis en différentes disciplines artistiques), gère les Ateliers d’Artistes du 19 bd Boisson (également rattachés depuis aux affaires culturelles de la ville). Sélectionnant les artistes pour la Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de la Méditerranée, créant un Centre de ressources pour les professionnels, journalistes, étudiants, chercheurs…, coordonnant et organisant des manifestations (Lire en Fête), en coproduisant d’autres (à l’instar de la Marscéleste en 2000), produisant les Rencontres d’Averroès, ce lieu ouvert sur la ville et les acteurs de la culture accueille également des rencontres, expositions, séances de dédicaces.

Fort de sa vitrine et de son espace, cet outil a été rebaptisé à plus juste titre en 2002, Espace Culture, s’orientant vers le conseil et la formation. Entre 2002 et 2003, sont recensés les jeunes artistes (moins de 35 ans) que l’Espace Culture accompagne dans leur formation et promotion. Le Centre de documentation & d’études de l’Espace Culture devient un observatoire de la culture à Marseille, réalisant un fonds « Marseille » et éditant de nombreuses études (fréquentation des musées, des manifestations et évolution des publics, disponibles gratuitement), tout en continuant de coordonner les manifestations proposées par l’OCM et en organisant de nouvelles, à l’image de Lever de rideau (impulsée par Jean Jacques Gilliard et Laurent Carenzo en 2002) et Jazz & Pétanque, visant au croisement des publics [théâtre et football, pétanque et musique…].

Les dernières années de L’Espace Culture

L’Espaceculture_Marseille (énième appellation du lieu entérinée en 2010), toujours dirigé par Jean Jacques Gilliard, offrait encore cette vitrine culturelle à tous les acteurs de la culture et la mission de service de ce lieu d’échange restait multiple, enrichie d’un service de billetterie (avec le fameux billet discount du dernier jour) dans ses locaux. Il déployait ses activités dans de nouveaux domaines de compétences, proposant des cycles d’information « droit et culture » afin de guider les acteurs culturels et associations dans leurs démarches [juridiques, logistiques…] auprès des institutions, apportant son aide aux professionnels (avec offre d’un soutien technique par une mise à disposition d’équipements scéniques, aide à la gestion technique d’événements culturels et travail à la dynamisation du mécénat culturel) tout en poursuivant sa mission d’information à destination du grand public (avec son feu agenda culturel In Situ, fort pratique et surtout exhaustif en ce qui était du recensement mensuel des propositions culturelles à Marseille, classées par lieu, genre et date, disparu un an à peine après l’année Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013, date qui marque un tournant dans l’histoire du lieu).

Organisant et coproduisant rencontres, conférences, expositions, lectures, l’Espace Culture multipliait ces dernières années les partenariats avec entre les deux rives de la Méditerranée et la plupart des structures culturelles de la ville (MP2013, les grands festivals dont le Marseille Jazz Festival pour ne citer que ce dernier, voire des festivals de moindre ampleur et des petites structures), proposant en ses locaux de nombreuses expositions en lien avec les manifestations de la ville (l’exposition sur Cabu, exclusivité de l’été 2015) sans oublier le prêt de ses vitrines (et mise à disposition d’espace pour les conférences de presse par exemple) pour faciliter la communication des acteurs culturels, plus particulièrement des petites structures n’ayant pas le moyen de s’offrir une communication à grande échelle via l’achat d’espaces publicitaires en ville ou sur les réseaux de transport : rappelons que la structure avait la charge jusqu’en 2010 d’une partie de l’affichage dans les rames du métro marseillais, service transféré depuis au service communication et relations publiques de la ville.

Nous remarquons au fil de l’histoire de cette structure qu’entre les années 2000 et 2010, certains services rendus par l’Espace Culture ont petit à petit été transférés à d’autres services de la ville (les ateliers d’artistes, les comités d’experts, le bureau du cinéma, l’affichage dans le métro), puis en 2014, d’autres ont disparu purement et simplement sans susciter de réelle indignation de la part de ses usagers (l’in situ par exemple). Les actions les plus emblématiques de ce lieu se résumaient pour le large public à une mission d’information (avec sa pléthore de tracts et informations sur les activités culturelles données par les salariées de l’accueil), à sa billetterie et ses tarifs avantageux (un service largement plébiscité), voire ses expositions et son site internet où se trouvaient de nombreuses informations utiles et pratiques (sur les formations, les subventions et les lieux culturels, ainsi qu’un agenda exhaustif des manifestations culturelles). Les plus avertis savaient que l’Espace Culture avait à sa charge la Biennale des jeunes créateurs et l’organisation des Rencontres d’Averroès. En ce qui était du prêt du lieu pour conférences et rencontres, en dehors des professionnels de la culture, le public n’y avait guère accès : ces dernières se réduisaient à des conférences de presse auxquelles les principaux intéressés – les journalistes- ne se rendaient plus guère ces dernières années, essentiellement depuis 2013.

Et pourtant, pour avoir eu l’occasion de travailler en partenariat avec l’Espace Culture à l’occasion de la sortie de mon Magazine la Revue Marseillaise du Théâtre en 2004 et également lors de l’organisation de mon festival Les Théâtralias de 2009 à 2012, je puis certifier que l’outil était d’une grande utilité (en dehors de la mise à disposition des vitrines : mon festival a même pu bénéficier en son temps de l’affichage dans les rames de métro), à condition bien entendu de travailler à faire venir le public concerné : à chaque conférence de presse ou rencontre théâtrale (avec extraits de spectacles…) organisée en ce lieu, j’ai réuni entre 100 et 150 personnes, à la grande surprise de certains salariés du lieu, ravis de voir venir un public nombreux et jeune à une manifestation au sein de l’espace. J’avais alors noté un dysfonctionnement des plus étonnants : l’Espace Culture communiquait mal ou peu sur le lieu en lui-même. Bien entendu, ce n’était pas le cas pour ses activités extérieures (le succès des manifestations organisées par l’Espace Culture en atteste : citons Averroès ou la Biennale).

(A suivre) DVDM.

© photo Espace_Culture

Rmt News Int • 6 février 2016


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