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The culture beyond borders

Une rentrée culturelle sur les chapeaux de roues !

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Cette saison 2015/2016 promet d’être encore riche en événements, festivals et spectacles en tout genre et de tout poil.

En effet, après le vernissage des cinq expositions à la Friche Belle de Mai le dernier week-end du mois d’août (à noter que l’exposition autour de Gilles Barbier est à découvrir ainsi que celle des coréens de The Future is Now), voici venu le temps des conférences de presse annonçant les saisons des lieux à taille humaine (le Massalia, le Lenche, le Divadlo), les festivals à venir (Préavis de Désordre Urbain de Red Plexus du 14 au 19 septembre, Travellings de Lieux Publics du 19 au 27 septembre, voire encore Actoral du 24 septembre au 10 octobre), les grands événements (la Foire de Marseille du 25 septembre au 5 octobre et d’ici un à deux mois la Fiesta des Suds du 14 au 18 octobre puis le Hero Festival 7 et 8 novembre ainsi qu’en Janvier 2016 un avant-goût de la Biennale du Cirque 2017 avec un temps fort autour des arts circassiens) sans oublier l’inauguration d’une nouvelle structure culturelle fraîchement sortie de terre.

Eh oui, le trois septembre dernier, était inauguré, en présence des tutelles*, devant un parterre d’acteurs de la culture venus en nombre, l’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle, ou IMMS, basé à la Friche Belle de Mai au coût de 8 millions d’Euro (dont 3 500 000 financés par la Ville de Marseille herself), construit en un temps record (un an et demi tout juste de travaux) : cette structure de taille imposante aux trois salles de répétition de 290m², auxquelles se rajoutent une scène pouvant accueillir 80 personnes et une salle de conférence de 65 places ainsi que des annexes logistiques et techniques (800 000€ investis en équipement technique), répartis sur 2500m², accueille dès cette rentrée une petite soixantaine de jeunes (55 pour être exacte), venant du CFA des métiers du Spectacle d’Avignon (40 apprentis) et de la troisième année de l’ERAC à Cannes (15 élèves)**.

La rentrée, c’est aussi le temps des ouvertures de saison en musique et spectacles avec le Théâtre Marie Jeanne le 12, la Criée le 19, le Merlan le 22 septembre pour ne citer qu’eux….En parallèle, de nombreuses manifestations gratuites et en plein air sont proposées : l’association cours julien, créatrice de feu la Fête du Plateau, lancera son premier rendez-vous du plateau les 19 et 20 toute la journée avec entre autres, une déambulation clownesque à 14h30 sur le cours Julien et un concert du Quartet de la Plaine à 19h à la Piccoline, rue des 3 frères Barthélémy le 19. Une soirée expo-vente-dédicace sera organisée par la Revue Aaarg! le 25 septembre dès 18h, à la réserve à bulles puis dans leurs locaux rafraichis, toujours dans le quartier de la Plaine! Quelques petits rendez-vous que nous vous conseillons parmi le fourmillement de propositions car aujourd’hui tout le monde s’accorde pour dire que Marseille bouillonne d’activités culturelles pour tous les âges, tous les goûts et toutes les bourses ! Mais qu’en est-il des structures culturelles qui portent ces projets pour certains audacieux ?

Et pour combien de temps encore ?

Et c’est là que le bât blesse. Je m’explique… Certes, les grosses structures souffrent de la baisse des subventions, comptabilisée à hauteur de 5% en moyenne par structure. Néanmoins, même si cela n’est une tâche ni aisée ni évidente, il leur est plus facile de faire appel à des partenaires privés pour pallier à cette perte partielle, leur crédibilité ne faisant pas de doute, en termes de retour sur investissement et de renommée pour une entreprise. Les petites structures, quant à elles, n’ont pas les moyens humains et symboliques de convaincre de gros poissons et pour certaines, leur maigrelette subvention a été divisée par deux (une compagnie théâtrale de petite taille, ayant même pignon sur rue, reconnue des tutelles et médias, a perdu 60% de subventions) : c’est dire la profonde remise en cause du travail artistique (objet de leur fragile existence) mené par ces petits acteurs de la culture, la plupart de ces structures culturelles étant d’ors et déjà sur le fil du rasoir, certaines répondant à des appels à projets orientés socio-culturels pour grappiller quelques subsides à droite à gauche…Et pourtant elles continuent contre vents et marées mais jusqu’à quand ?

Car à force de voir ses financements asséchés par la crise des subventions et la crise tout court, à force de se battre sans compter par passion pour son art, il arrivera bien un jour où ces acteurs culturels, qui sont le ciment des quartiers de notre ville avec leurs actions gratuites offertes aux habitants, leurs spectacles à tarif réduit, s’épuiseront. Nous nous retrouverons alors avec deux pôles culturo-touristiques : dans le quartier Euromed auto-proclamé nouveau centre de Marseille, le pôle J1-J4 avec ses musées, ses théâtres contemporains pour l’édile marseillaise et salles de spectacles grand public pour « pecno » en recherche d’un supplément d’art, ses centres commerciaux avec ses soirées roof-top (le nouveau truc à la mode où se bousculent les accros des tendances) et ses énormes bateaux de croisières et, à quelques encablures de Saint Charles, le pôle Friche Belle de Mai (alibi pseudo-underground de la ville qui n’a aujourd’hui de Friche que le nom) avec ses structures culturelles de taille non-humaine, les compagnies amies issues de son sérail, ses expositions, spectacles et concerts orientés d’une part, vers la population des bobo et d’autre part, vers la dite élite marseillaise, son pôle emploi ironiquement déplacé à proximité, passages obligés pour tout artiste souhaitant percer.

Les habitants et artistes de la Plaine/Cours Julien, stigmatisés par cette loi inepte interdisant la vente de boissons entre 20h et 6h du matin pour soit disant éviter les bagarres et bruits nocturnes émis par les personnes alcoolisées, n’auront plus vraiment où aller… Ce petit quartier latin***, si cher à Dominique Bluzet, directeur des Théâtres****, ne risque-t-il pas de mourir avant même d’être reconnu une bonne fois pour toute par les tutelles comme un quartier d’artistes, animé et vivant, créateur de richesses culturelles ? Sans vouloir être trop alarmiste, il est certain que la politique culturelle de la ville de Marseille voulue par son Maire n’est pas en faveur des petits acteurs culturels (et encore moins des petites gens peu fortunées, ajouterons-nous, un hôtel de luxe se construit à côté du Marché des Capucins à Noailles) mais plutôt de tout ce qui pourra attirer un plus grand nombre de touristes et croisiéristes, consommateurs de culture-loisir « prête à digérer »(sans vouloir opposer divertissement et culture, grands et petits lieux, chacun proposant des choses honorables).

Il me semble important qu’une ville de la taille de Marseille, riche de sa diversité, offre à tous les publics un large panel de cultures (qu’elles soient underground ou grand public, institutionnelle ou privée, orientée vers les grands classiques ou le tout contemporain) dans des lieux de taille différente et aux orientations diverses… C’est de la rencontre entre différents genres, styles et courants, œuvres, individualités et personnes, que naissent le partage et l’échange, que se développent la réflexion, la curiosité et l’esprit critique, que peut s’exercer la liberté artistique et le choix. Sinon, nous tombons dans la pensée unique, présentée sans nuance, comme seul pilier de notre développement humain.

C’est pourquoi nous souhaitons que petits et grands lieux (quelle que soit leur choix de programmation et les critiques que nous nous pouvons en faire), continuent à coexister au cœur de notre ville et qu’au lieu de laisser disparaitre des petits lieux dans une grande indifférence, ces petits lieux qui laissent derrière eux un vide culturel, les politiques, les artistes, les médias et les publics se mobilisent pour qu’ils perdurent encore. DVDM

*(Jean Claude Gaudin, maire de Marseille, Michel Vauzelle, président de la région PACA, Sabine Bernasconi, maire du 1/7, conseillère départementale en charge de la culture représentant Martine Vassal, présidente du Conseil Départemental, Stéphane Bouillon, préfet de la région PACA et Marc Bollet, président de la Friche Belle de Mai)

** Espérons que des passerelles avec d’autres artistes émergents ou jeunes artistes ne sortant pas de ces écoles soient élaborées à l’avenir, l’outil ici créé pouvant accueillir bien plus qu’une soixantaine de jeunes! Il serait bien dommage qu’une structure aussi couteuse (qu’il s’agisse de sa construction mais aussi dans un futur proche de son fonctionnement) ne profite qu’à un petit groupe d’élus !

***Nom donné au quartier Plaine/Cours Julien

**** Gymnase-Bernardines à Marseille, Jeu de paume –Grand Théâtre de Provence à Aix

Rmt News Int • 7 septembre 2015


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