Embarquez à bord du Notilus avec le Théâtre Off!

Ce 5 septembre dernier, dans le cadre de Septembre en mer*, manifestation née en 1998 à l’initiative de l’Office de la mer qui, avec sa première édition intitulée le Mondial de la Mer, souhaitait au-delà de sa renommée footballistique promouvoir la ville et la mer, le J4, côté Villa Méditerranée, accueillait un bien étrange bus : le Nautiloscope, arborant en lettres jaunes le nom de Notilus sur son flanc!

Un sous-marin terrestre au service de la pédagogie, en faveur du développement durable

Ce bus gigantesque, dont la couleur « bois » rappelle les trains d’un temps révolu, a l’allure d’un poisson géant avec sa nageoire dorsale gris-argenté. Son ventre ressemble à un intérieur de sous-marin sans âge, avec sa cabine de pilotage aux murs boisés et ses hublots d’inspiration 19^ème: ces derniers, auréolés d’une lumière bleutée, laissent apparaitre, au travers d’un ingénieux système traversé de tubes, de grosses bulles d’eau comme si nous étions réellement à plusieurs centaines de mètres sous le niveau de la mer. Créé en hommage à Jules Verne et au fameux Nautilus du capitaine Némo, héros de son roman « 20000 lieues sous les mers », le Nautiloscope a été conçu par l’association Artyka**, basée à Aix. Ce sous-marin terrestre peut accueillir une trentaine de personnes et les curieux peuvent assister à des petites formes théâtrales ou des animations en 3D autour des aventures du capitaine Némo mais aussi plonger dans l’univers sous-marin grâce à ses huit écrans tactiles installés à hauteur d’homme : les animations pédagogiques, jeux éducatifs, quizz, projections de film proposés obéissent à la volonté de sensibiliser le visiteur à l’importance de l’eau et de sa protection via l’échange, le partage et le jeu.

Une récréation théâtrale savoureuse pour petits et grands enfants

Ce jour-là, Frédéric et Anne Marie Ortiz, fondateurs du Théâtre Off, accompagné de Lionel Mazari, compagnon de travail de longue route de nos deux compères, offraient aux spectateurs une conférence loufoque d’une vingtaine de minutes autour du roman de Jules Verne. Il s’agit d’une proposition qu’ils avaient déjà présentée de nombreuses années auparavant…

Accueillis par « le bateau ivre » de Rimbaud, excellente mise en bouche dite avec grand art par Lionel Mazari, les curieux assistèrent – gratuitement – au récit de l’insolite aventure du non moins étrange Pierre Aronnax, professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris, accompagné de son invisible fidèle Conseil. Le vieux professeur, incarné avec beaucoup d’humour et grande justesse par Frédéric Ortiz, nous relate avec faconde les circonstances de sa rencontre avec le capitaine Némo -qui avait fui les hommes- et les péripéties de son voyage à bord du gigantesque Nautilus, sous-marin que tous sur terre prenaient pour une bête monstrueuse – découvrant, au creux des abysses de l’océan, l’Atlantide engloutie, berceau de l’humanité, ou au hasard d’une plongée en scaphandre des calamars géants avant de rejoindre le pacifique puis le pôle sud. L’acteur nous fait ici participer à cet incroyable tour du monde des profondeurs, nous interpellant à plusieurs reprises avec son emphatique « Mesdames et Messieurs les spectateurs, Mesdames et Messieurs les étudiants… » et sa gestuelle grandiloquente de conférencier rompu à l’exercice.

Le spectateur ainsi pris à parti devient acteur de ce récit abracadabrantesque d’un personnage drôle et volubile au regard halluciné, ahuri par la vision d’un univers qui lui était jusqu’à lors inconnu. Le jeu très physique et énergique de l’acteur, ses mimiques et sa gestualité appropriées et sa diction quasi parfaite, nous immergent avec plaisir dans cette causerie d’un personnage délicieusement comique -mais jamais vulgaire ou trivial- ; mimant sa descente en scaphandre avec une surenchère de bruitages ou courant dans tous les sens pour échapper aux remous d’un sous-marin en prise avec la banquise. Le public venu en nombre (il y avait foule à l’entrée) rit de bon cœur et applaudit avec ardeur cette belle performance théâtrale qui nous tient en haleine tout le long du récit, comme si le temps s’était arrêté.

Au sortir de cette représentation fort réussie et très agréable, une petite phrase tourne dans notre tête, celle du capitaine Némo, «La mer est le vaste réservoir de la nature. C’est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s’il ne finira pas par elle ! Là est la suprême tranquillité. La mer n’appartient pas aux despotes (…) Là, seulement, est l’indépendance. Là, je ne connais pas de maîtres ! Là je suis libre. La mer n’a ni dieu ni maître », un message simple et efficace car, en effet, la mer ne se domestique pas et ne peut être asservie par l’homme : au contraire, ce dernier se doit de la respecter, il en va de sa survie. Et c’est là toute l’œuvre et la magie de l’art théâtral qui, dans son plus simple apparat, peut encore émouvoir notre cœur, toucher notre esprit, et nous sensibiliser à de belles et grandes causes, sans se voir affublé de grands et pompeux discours comme c’est souvent encore la mode aujourd’hui.

Une jolie plongée à la redécouverte d’un grand auteur de notre enfance. Une très belle initiative à renouveler ! Diane VANDERMOLINA

*Septembre en mer se déroule du 1^er septembre au 5 octobre dans une quinzaine de ville des Bouches du Rhône dont Marseille, Cassis, la Ciotat, Carry le Rouet, Port de Bouc, Port saint Louis du Rhône, le pourtour de l’étang de Berre, Aix en Provence et ses environs, où se dévoileront plus de deux cent manifestations orientées sur la thématique maritime (spectacles, sorties en mer, balades commentées, expositions, dégustations, découverte de sports nautiques, ateliers de sensibilisation aux gestes éco-citoyens pour protéger la mer et ses richesses…) : programme complet sur http://www.septembreenmer.com/calendrier/#

**Créée en 1995, l’association culturelle ARTYKA a pour objectif de sensibiliser un large public aux enjeux du développement durable à travers des animations pédagogiques et spectacles vivants volontairement attractifs et ludiques ouverts à tous de 8 à 99 ans, dans des décors surprenants (La Loco-Voilier : une locomotive à voiles ; Le Galion : Un voilier terrestre et Le Nautiloscope : Un sous-marin terrestre), parcourant toute la France. Plus d’infos http://www.artyka.asso.fr/