RMTnews International

The culture beyond borders

« Le Petit Prince » : une adaptation poétique et doucement candide

image_pdfimage_print
Share Button

Porter à l’écran le chef d’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry, « Le Petit Prince », sans dénaturer l’œuvre originale, était un défi sur lesquels plusieurs réalisateurs reconnus s’étaient déjà cassé les dents (Orson Welles pour ne citer que lui)… Mark Osborne a su relever le pari et rester fidèle à ce conte philosophique publié en 1943, qui est aujourd’hui le livre français le plus vendu dans le monde.

Plus qu’une adaptation, le réalisateur propose à travers l’utilisation de différentes techniques, une réécriture de cette histoire mythique tout en conservant son essence même, entre candeur et poésie. A mi-chemin entre le film d’animation et le dessin animé, le projet a mis 9 ans à voir le jour tant l’adaptation à l’écran s’est révélée complexe et ce, malgré un budget conséquent de 60millions d’euros. André Dussollier, Florence Foresti, Marion Cotillard, Vincent Cassel… font partie du casting de choix pour les voix françaises. Le film était au départ une initiative hexagonale, portée par la société de production On Entertainement, mais en raison du rayonnement international du livre, il s’agissait de réaliser une production à dimension universelle aussi bien du point de vue générationnel que culturel. Le résultat donne un film magique, touchant, plein de poésie, de douceur et d’enseignements, qui s’adresse à tous, à l’image du roman de St-Exupéry. Un joli succès!

Un récit revisité avec fidélité

C’est d’abord l’histoire d’une rencontre : entre une petite fille, conditionnée par sa mère pour réussir, qui a oublié ce qu’était l’enfance et l’insouciance, coincée dans un monde d’adultes où tout est aseptisé ; et un vieil aviateur farfelu, rejeté par la société des adultes qui renie toute différence, resté nostalgique d’une amitié ancienne et précieuse, enfermé dans sa tristesse. Cette rencontre et cet échange entre deux mondes qui apparaissent au départ comme étant éloignés, voire opposés, va pouvoir opérer grâce à la magie d’une personne clé : le Petit Prince. A la fois très présent (par la narration continue de son histoire) et absent (car attendu et regretté par l’aviateur), il va permettre de créer un lien fort, une amitié solide entre ces deux personnages si seuls. En racontant sa rencontre avec le Petit Prince, l’aviateur va réussir à réveiller l’enfant enfoui et la curiosité chez la petite fille, mais aussi la joie dans sa vie. Peu à peu le changement opère…

C’est véritablement dans la 3ème partie du film que le réalisateur prend des libertés avec l’histoire puisqu’il la réinterprète en la transposant dans le futur. Dans cet avenir, le Petit Prince aurait renié son enfance et sa candeur pour devenir un adulte comme les autres, se conformant à une société à la recherche du profit dans laquelle le quotidien broie les enfants et leurs rêveries. « Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. Mais peu s’en souviennent » devient un peu plus réel sur cette planète grise, où tout se doit d’être ESSENTIEL. Il n’y a plus de place pour le superflu ou la fantaisie… La fillette va alors entreprendre de se battre par amitié et fidélité pour son ami l’aviateur contre cette transformation radicale et impensable.

A travers l’histoire initiale du conte de St-Exupéry, distillée tout au long du film grâce aux notes rédigées par l’aviateur et données ensuite à la fillette, le réalisateur reste fidèle à cet univers de rêverie et de douceur, qui aborde avec justesse et poésie des vérités parfois tristes et mélancoliques, mais toujours justes. Les scènes phares du livre telles que la rencontre avec la Rose, l’apprivoisement du renard, la découverte des autres planètes, le Serpent…sont présentes dans le film et rappellent la philosophie de l’écrivain. On ressent l’essence du livre.

Le film développe les thèmes déjà traités dans ce chef d’œuvre de la littérature française : enfance perdue, devoir, tristesse, mélancolie, amour, amitié, vieillesse, mort, vanité, oubli, valeurs morales, poésie, rêve, curiosité, beauté des choses simples, innocence…. On retrouve la maxime du Petit Prince, véritable mantra : « L’essentiel est invisible. On ne voit bien qu’avec le cœur. » L’idée principale de ce merveilleux conte, à savoir conserver son âme d’enfant même en grandissant et ne pas l’oublier une fois devenu adulte, imprègne totalement la réalisation. Le film aborde ainsi des thèmes universels et intemporels. Tout comme le livre, il s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes, l’auteur faisant de nombreuses métaphores et allégories. Nul besoin d’avoir lu, auparavant, le livre ; ce qui est certain à l’inverse, c’est que le film vous donnera des envies de lecture !

Une réalisation réussie

Le « Petit Prince » entremêle deux histoires avec habileté. Comme pour mieux séparer ces deux mondes différents, ces deux histoires sont montées chacune avec une technique propre. L’histoire de la fillette et de l’aviateur, la majeure partie du film, est réalisée à partir d’images de synthèse, à la manière d’un film d’animation. Ce qui colle parfaitement à l’idée de modernité, et offre plus de relief et de précision dans l’expression des personnages. Face à cette technique, les passages faisant référence au livre sont réalisés en stop-motion, avec une impression de papier mâché, de papier jauni par le temps pour relater une histoire ancienne, passée mais toujours présente. Malgré ce marquage net, ce parti pris fonctionne totalement, bien qu’il soit déroutant pendant les quelques premières minutes.

Les images en stop-motion rendent hommage aux très beaux dessins originaux de l’écrivain et le trait de crayon est fidèle aux aquarelles originelles. Ce côté « dessiné » permet de recréer cet univers magique et féérique, qui aurait été gommé par les techniques modernes d’animation. Les couleurs utilisées en stop-motion sont très douces, presque pastelles, ce qui accentue encore un peu plus ce côté féérie et magie du film. La lumière est aussi très présente : les teintes de dorées accrochent le regard : les cheveux du Petit Prince et son écharpe mythique notamment. Les points de lumière subliment les dessins et leurs confèrent une note poétique supplémentaire, renforcée par la simplicité et la pureté du trait de crayon.

La bande-son du film participe à la création de cette atmosphère. C’est le célèbre compositeur de musiques de films Hans Zimmer qui s’est chargé de poser les morceaux mélodieux sur les scènes. La chanteuse Camille a écrit et interprété 4 chansons pour « Le Petit Prince » : les mélodies et les textes s’accordent magnifiquement bien. On reconnait également des vieilles chansons, à l’instar de celles de Charles Trenet, dans la bande-son. La voix du Petit Prince est aussi formidable : enfantine mais pleine de bon sens, douce mais délivrant des vérités, attendrissante et touchante.

In fine

Le réalisateur a ainsi su conserver l’empreinte initiale du livre de Saint-Exupéry et insuffler en même temps une touche de modernité en réadaptant l’histoire. Les dialogues ciselés sont fidèles au livre et l’on retrouve les vérités et maximes de l’auteur qui nous poussent à la réflexion et à la remise en question avec douceur mais lucidité. La poésie et la féerie de l’univers du « Petit Prince » sont bien présentes dans ce film qui est aussi un périple initiatique et formateur pour la fillette et le spectateur. La troisième phase du film peut dérouter car elle nous présente un Petit Prince adulte, aux antipodes de l’original, décevant car un tantinet nigaud, ayant cédé à la pression du monde des adultes et niant son essence même en balayant ses idéaux. Il déçoit car il brise notre image d’Epinal et laisse un sentiment d’échec… Mais ce troisième monde permet aussi la rencontre entre ce Petit Prince adulte et la fillette, qui le sauvera en lui ouvrant les yeux… Le film se termine donc sur une jolie note, pleine d’optimisme.

C’est un film qui fait du bien et même s’il n’égale pas le livre, il réussit néanmoins le pari de ne pas le trahir et de conserver son empreinte. De plus, c’est un film pour toutes les générations qui parle à tous de par ses différents niveaux de lecture et d’interprétation, à l’image du livre.  L’adaptation cinématographique du « Petit Prince » est un joli résultat !Clémence Cluzel

En salle à partir du 29 juillet

Le Petit Prince (2015)

Le Petit Prince est un film français d’animation réalisé par Mark Osborne d’après le livre d’Antoine de Saint-Exupéry, sorti en France le 29 juillet 2015.

Durée : 1h 50m

Bande originale : Hans Zimmer, Richard Harvey

Plus d’infos http://www.lepetitprince-lefilm.com/

Rmt News Int • 30 juillet 2015


Previous Post

Next Post