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The culture beyond borders

MARSEILLE ET LA CULTURE

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Marseille, ville culturelle…

Pour ceux qui sont restés sur l’image d’une Marseille portuaire, où la culture serait un désert –ce qui ne fut jamais le cas quoiqu’en pensent certains, notamment après la fermeture de l’Alcazar, après la guerre… – détrompez vous : Marseille est une ville culturellement riche et diversifiée… Alors que certains pans de ce que l’on nomme si pompeusement Culture ou Art ne soient pas du gout de tous, soit ! A chacun sa vérité, dirais-je en parodiant ce cher Pirandello… Une pièce de théâtre qui par ailleurs fut jouée à Marseille en 2005/2006 au Toursky avec Niels Arestrup et Gisèle Casadesus, la maman de Jean Claude (célèbre compositeur et chef d’orchestre, récemment venu à l’Opéra de Marseille) et grand maman de Caroline (ben oui, la comparse de Didier Lockwood dans le Jazz et la Diva, qui présentait le second opus le 4 décembre au Toursky)…La création avait par ailleurs reçu un accueil triomphal mérité, rappelez-vous…

Ce petit aparté n’est pas fortuit : depuis que Marseille a posé sa candidature au titre de Capitale Européenne de la Culture 2013 – pour être plus précise, c’est le territoire Marseille Provence qui a remporté grâce au talent de Monsieur Latarget, soutenu dans ses efforts par les hommes politiques, les acteurs économiques et culturels du territoire, le titre tant convoité. Je disais donc que depuis la candidature, tout le monde découvre la vie culturelle à Marseille, comme si à Marseille, il n’y avait jamais eu de culture auparavant… C’est juste que la culture fût très peu médiatisée et que la politique culturelle ne fût de longues années durant que si peu mise en avant par les élus, notamment l’ancien adjoint à la culture… Car tout de même, Marseille a toujours eu une vie culturelle et ce n’est pas feu Edmée Santy qui m’aurait contredite…Elle qui a connu et aidé tous les directeurs de théâtre à leurs débuts… Elle qui a connu Béjart et les autres… Tous ces artistes originaires de Marseille et dont le talent était internationalement reconnu, ces artistes adoubés de tous… Citons, pour remonter plus loin dans le temps, Edmond Rostand (ben oui, l’auteur de Cyrano de Bergerac) sur lequel Pierre Roumel a écrit un magnifique livre. Sans oublier Pierre Barbizet auquel sa femme Caline et notre confrère, Jacques Bonnadier, rendent hommage dans un ouvrage récemment publié…

Penser que Marseille, ville culturelle, c’est récent : c’est oublier la longue et persistante tradition des opérettes marseillaises, de l’Opéra et de tous ces théâtres et autres salles vieilles de quelques centaines d’années… Le Gymnase a récemment fêté ses deux siècles d’existence… Bref, pour ceux qui considèrent Marseille comme une ville dont la culture se résume aux boules, au pastis et à Fanny, revoyez votre copie ! Alors certes, depuis la candidature, les choses se sont accélérées et certains projets vont enfin voir le jour… Ben oui, au lieu de 10 à 15 ans, les constructions et autres aménagements (Le Mucem, le silo, la Buzine…) seront prêts d’ici 3 ans… Le titre ainsi remporté est un coup d’accélérateur pour la politique culturelle de la ville, mais ce n’est en rien ce qui construit une politique culturelle.

Je m’explique : culture, il y avait avant la candidature ; culture, il y aura toujours, quoi qu’il arrive. La candidature oblige la ville à débloquer des fonds pour réaliser concrètement des projets en latence dans les bureaux, projets qui n’auraient peut être pas vu le jour si il n’y avait eu ce titre. Car quoi que dise notre maire, la culture n’a jamais et ne sera jamais la priorité d’un gouvernement et même si en temps de crise, à Marseille, on refuse aujourd’hui de réduire le budget culture –Monsieur Hermann a été formel : rassurez vous donc amis artistes, vos subventions ne vont pas se réduire comme des peaux de chagrin et pour certains projets, vous pourrez même cumuler les aides –. Et pour cause, il y a l’enjeu du titre ! Mais, il n’en va pas de même pour le gouvernement (voir notre article sur le Toursky)!

Soyons réalistes et arrêtons d’être hypocrites ou naïfs ! Pourquoi la ville investit-elle autant dans la culture en dehors du titre ? La raison est toute simple : elle résulte d’un calcul mathématique. Les villes les plus riches aujourd’hui sont essentiellement des villes culturelles. Et pourquoi ? Parce que dans notre monde consumériste, les besoins primaires étant largement satisfaits, les besoins secondaires et tertiaires s’accroissent et la culture devient un pur objet de consommation. Qui plus est, consommer du culturel (et du culturel intello même si on n’y comprend rien), cela fait bien. Il y a des modes dans tous les domaines et la culture n’y échappe pas, l’art non plus par ailleurs quand on remarque le nombre de créations qui se ressemblent tant dans les idées que dans le processus. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’Art ni de Culture… Mais comme à toutes les époques, il y a à boire et à manger, et seul le temps nous dira ce qui était de l’art en ce début de 21ème siècle. Ceci dit, la mode a des effets positifs en ce qu’elle porte avec elle son lot d’artistes talentueux qui survivront aux siècles à venir… C’est comme cela que le monde évolue…

Donc je ne cracherais pas – cela serait idiot et gratuit – sur les investissements de la ville de Marseille dans les infrastructures, la politique muséale de Monsieur Hermann (un des rares adjoints à la culture à fréquenter aussi assidument toutes les salles marseillaises –et pas que les grandes, ben oui, il faut le souligner, il aime son travail, le prend au sérieux, s’y investit concrètement) et tous les grands projets des autres conseillers municipaux que sont Eliane Zayan, Anne Marie D’Estienne d’Orves, Jeannine Imbert… et nous en oublions. Aujourd’hui, Marseille compte une quinzaine de grands festivals (nous vous conseillons d’aller sur www.marseille.fr pour en savoir un peu plus sur les festivals répertoriés), de belles salles (l’opéra, le gymnase, le toursky, la criée) un grand nombre de théâtres (une bonne cinquantaine), de beaux musées (la vieille charité, le musée grobet laladié, le musée d’histoire de marseille, longchamps…)…. Bref, dans cet écrin magnifique qu’est notre ville, entre ses calanques et ses montagnes, nous pouvons nous vanter d’avoir de bien grands et beaux théâtres même si certains tombent en ruine (l’Odéon en travaux, la Criée en plein désamiantage, l’Opéra fissuré de toute part, un cinéma comme les Variétés soumis aux aléas des inondations, le Toursky à l’avenir incertain…) !

Et c’est bien là que le bas blesse à Marseille : la politique culturelle a certes investi dans de beaux et grands projets (le ballet national de marseille, le centre national des arts de la rue…) mais elle a omis de penser à l’entretien des bâtiments et structures existantes depuis des dizaines et des dizaines d’années, hélas, trois fois hélas… Car avant de bâtir de nouvelles choses, consolidons l’existant… Cette logique de base échappe à Marseille et à de nombreux marseillais… Marseille, comme on le dit souvent en s’amusant, est une planète à part entière : Planète Mars… Oui, et même si c’est une plaisanterie, elle a son fond de vérité. A Marseille, les choses se font rarement dans un ordre très logique, c’est la logique marseillaise… Une logique que j’ai quelque peu retrouvée à Taipei, étrangement… Une ville du sud aussi… Enfin, je ne suis pas ici pour taper sur le doigt des maires successifs mais présenter un fait : la logique marchande sous-tend la logique culturelle. Vu que de nombreuses études ont souligné que le tourisme et la culture – via le tourisme culturel de plus en plus en vogue – étaient un beau moteur de croissance, tout le monde s’engouffre dans la brèche… Bien entendu, c’était tout d’abord un tourisme culturel orienté vers la découverte des traditions et du patrimoine historique puis le tourisme culturel s’est ouvert au divertissement et à la culture artistique à proprement parler. Alors pourquoi ne pas profiter de ce regain d’intérêt pour l’art pour offrir aux artistes les moyens de créer ?

Il serait idiot de repousser une telle manne potentielle qui permettrait à la ville d’avoir un rayonnement international… Ce n’est cependant pas une raison pour proposer n’importe quoi et à n’importe quel prix et c’est à cela que doit veiller l’association Marseille Provence 2013 : ne pas tomber dans la prostitution ou le consensus mou qui ferait que les artistes devraient adapter leur offre culturelle à la demande du plus grand nombre, notamment à celle des portefeuilles des mécènes, politiques ou sponsors. Il est nécessaire que les artistes puissent rester libres et indépendants dans leur création et offrir au public un art qui le fasse réfléchir, et non pas seulement un art qui le divertisse béatement ou l’anesthésie sous des concepts fumeux. Ce sont ces deux dérives qu’il faut à tout prix éviter sans tomber non plus dans l’excès d’un art révolutionnaire de propagande à la chinoise (je parle du continent chinois) où la liberté de l’artiste est un prétexte pour cacher une idéologie aux tendances totalitaires (on peut aussi parler de récupération politique d’une mode artistique érigée en art d’état). Il en va de l’avenir de la culture que d’essayer d’atteindre un savant équilibre entre liberté, qualité et popularité artistique. Tout un programme qui je l’espère sera à la hauteur de nos attentes et ambitions.

En attendant leur réalisation, voici quelques grandes expositions concoctées par Marie Paule Vial pour les années à venir: le grand atelier de la Méditerranée, de Van Gogh à Bonnard ; l’Orientalisme en Europe : de Delacroix à Kandinsky ; La Peste…Pour finir, nous citerons Dominique Vlasto qui conclut ainsi la conférence de presse*: « 2013 n’est pas une fin en soi mais une étape dans l’avenir de la ville » et il ne faut pas l’oublier, même si 2013 sera un feu d’artifice culturel… En ce qui est des projets, nous vous laissons lire le communiqué de la ville qui, d’ici 2013, devra débourser près de 118 millions d’euros, soit un budget bien plus élevé que le budget présenté par l’association pour la réalisation de 2013.

Diane Vandermolina

*Cette conférence de presse a lieu suite à la visite de Frédéric Mittérand à Marseille et à la pose de la première pierre du MUCEM…

** Communiqué de la ville de Marseille sur Marseille, ville culturelle

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Rmt News Int • 8 décembre 2009


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