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The culture beyond borders

Le coup de gueule d’un Grand Fou….

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Richard Martin

Le 25 novembre, au Toursky, fief de Richard Martin, s’est tenue une conférence de presse dont nous nous serions bien passés si les journaux avaient d’eux-mêmes pris soin de vérifier les chiffres que le Préfet leur avait donné à se mettre sous la dent (voir communiqué ci-contre)…

Hélas, et cela ne date pas d’hier, le journalisme n’est plus ce qu’il était et devant la masse de communiqués à traiter – voir à copier coller- rares sont les journalistes disposant du temps nécessaire au recoupage des informations et à la vérification de l’exactitude des chiffres. Pression des directions, des publicitaires, des institutions… et dans certains cas, laissez aller de la profession… Nous n’épiloguerons pas sur cette situation dramatique que vit depuis plusieurs dizaines d’années la presse française (nous avions fait un reportage sur ce sujet dans un des numéros de la saison 2008/2009 de la RMT) même si cela nous navre profondément… Mais où sont donc les journalistes pointilleux et soucieux de leur lectorat, aujourd’hui ? A cette question, je ne saurais quoi répondre…. Fort heureusement, il y a des journalistes qui restent fidèles aux principes de base du journalisme et se battent pour une presse libre et de qualité…

Ceci étant dit, entrons dans le vif du sujet qui occupe Richard Martin. Ce dernier est à ce jour excédé par le manque de parole d’un ministre (« il a grillé son allumette » dirait Jean Poncet) : ce dernier avait juré sur son honneur qu’il donnerait un calendrier précis des aides qu’il lui était possible de débloquer pour le Toursky auquel rappelons-le a été supprimé la subvention de la DRAC au motif officiel fallacieux. En effet, selon le préfet de Région, le Toursky ne ferait pas de création. Or, même si il est à regretter que les créations ne soient présentées que deux à trois jours dans le théâtre (et pour une raison simple, c’est qu’il faut remplir les 750 fauteuils du Toursky situé dans un quartier difficile), le Toursky propose plusieurs créations par an son fidèle public. Qu’il s’agisse de créations « maison » ou de créations portées par des compagnies régionales ou marseillaises (citons par exemple Quartiers Nord). Certes, ces créations ne sont peut être pas au gout de la DRAC, elles sont peut être trop populaires, pas assez élitistes aux yeux et des dirigeants de la DRAC et des autres théâtres marseillais qui ont vilipendé avec bassesse le directeur du Toursky, invoquant le motif qu’il percevrait trop de subventions alors que tel n’est pas le cas en comparaison d’autres lieux (voir tableau ci-contre).

Nous ne rentrerons pas dans la polémique concernant la qualité des spectacles que le Toursky présente : dans ce lieu comme dans les autres par ailleurs, des spectacles de belle facture et de grande qualité côtoient des spectacles de moindre envergure et d’une qualité artistique douteuse. Mais tel n’est pas le risque de toute création artistique ? Et n’existe-t-il pas comme partout ailleurs des imposteurs ? Ceci étant noté, on peut reconnaître une chose, c’est que Richard Martin permet aux personnes à faibles revenus de venir découvrir des spectacles en son lieu pour le prix de 3€… Et cela sans contrepartie financière du gouvernement et en dépit du cout exorbitant de certains spectacles accueillis ! Une chose est sûre, c’est que Richard est resté fidèle à son désir d’ouvrir la culture à tous en présentant des spectacles de tous genres et à tous les prix… Au contraire d’autres structures culturelles !

Il est tout de même bien dommage de se rendre à l’évidence que chaque structure se bat pour son petit pécule de subsides selon le principe « à chacun sa chapelle et ses privilèges » et ne fasse pas réellement l’effort de jeter ne serait ce qu’un regard bienveillant sur le travail mené par ses voisins. Beaucoup de mesquinerie ridicule, de jugements à l‘emporte pièce, d’égocentrisme et de méfiance dans un milieu où les valeurs de solidarité, de partage et de fraternité devraient être moteurs de l’action des théâtreux (directeurs de lieu et artistes). Leur étendard ! Hélas, trois fois hélas, chacun se bat de son côté pour conserver sa part du gâteau, voire l’augmenter au détriment de ses voisins… C’est dans la nature humaine me direz vous mais, cela n’est-il pas aggravé par l’opacité de l’attribution des subventions ?

N’est ce pas la politique globale du gouvernement que de diviser pour mieux régner en distribuant de façon floue et parfois arbitraire les subventions aux différents lieux ? Car honnêtement, les modalités d’attribution des subsides de l’Etat sont-elles si transparentes que cela ? Ne relèvent-elles pas du fait du prince dans certains cas, voire d’affinités entre les acteurs culturels et les politiques ? N’est ce pas comme cela que fonctionnent les sociétés dans le monde quelque soient leurs régimes politiques ? Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir cela que les plus malins sont ceux qui réussissent le mieux à tirer partie des failles du système, même si cela est éthiquement parlant intolérable et artistiquement néfaste pour la création. A force de rédiger des projets répondant aux critères des demandes de subvention, les artistes ne se prostituent-ils pas ? A force de surfer sur la vague de la mode, ne vendent-ils pas leur âme au diable ? A force de hanter les couloirs des hommes politiques, ne perdent-ils pas la flamme rebelle et créative qui les animait pour ne devenir que des pantins au service d’un gouvernement qui plébiscite une culture populiste aseptisée ?

Jean Poncet

Telles sont les questions que je me pose aujourd’hui quant au devenir de l’art et plus particulièrement du théâtre en France et dans le monde, le théâtre n’est-il pas plus que tout autre art, un art engagé par essence, un art rebelle au diktat du pouvoir, un art libre où le public est amené à réfléchir sur lui-même et la société dans laquelle il vit? Alors, faut-il soutenir Richard Martin et son comparse, Jean Poncet, dans cette lutte ? En quoi cette lutte doit-elle être suivie par tous les acteurs culturels de France et de Navarre ?

Oui, je soutiendrais cette action car au-delà de la question des subventions retirées à son théâtre –une somme modique en comparaison avec les dépenses colossales et justifiées du lieu-, la révolte de Richard Martin soulève une question cruciale concernant le système même des critères d’attribution des subventions et remet en cause une pratique fallacieuse. Sans remettre en cause le bien fondé de l’attribution d’aides aux structures culturelles qui sans ces aides ne sauraient survivre au système capitaliste mondial, il serait peut être bon de refondre le système et le rénover en profondeur afin d’éviter les dérives et autres abus de pouvoir auxquels nous assistons depuis de bien longues années. Un nouveau système plus équitable est à penser et à développer afin que les structures culturelles puissent perdurer et offrir une diversité artistique sans laquelle un pays se meurt. Pour ce combat humaniste, fraternel et solidaire, je ne puis que soutenir l’action de Richard et appeler les acteurs culturels à enterrer leur hache de guerre pour monter au front avec Richard. Et ce, dans l’intérêt de tous à long terme et au-delà des querelles de chapelles et d’égos.

A l’occasion de la conférence de presse, Richard a clairement et honnêtement, sans langue de bois et pour une fois, sans citation à la Ferré, exprimé sa détermination : « Je ne lâcherais pas quitte à en crever…Le théâtre est un problème de droit de l’homme, c’est une question de dignité humaine…. si les gens allaient plus au théâtre, ils ne se suicideraient pas… cette société part en couille et il faut que tous les saltimbanques aient une autre façon de penser et travailler ensemble ». Ah bon entendeur, salut ! Votre dévouée, DVDM.

ANNEXES

Tableau sub-3

communique de presse présentant un état des lieux de la situation du Toursky

artsculturemartinrévolterichardsubventionstheatre

Rmt News Int • 26 novembre 2009


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